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TJ TOURS (1re ch.), 6 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TJ TOURS (1re ch.), 6 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Tours (T. jud.)
Demande : 23/04811
Date : 6/05/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/10/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24437

TJ TOURS (1re ch.), 6 mai 2025 : RG n° 23/04811 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Le respect du délai contractuel de livraison constitue une obligation essentielle du vendeur.

L'article 1170 du code civil prévoit que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. elon l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

En l’espèce, l’acte de vente en l’état futur d’achèvement du 28 mai 2020 stipule les causes de suspension suivantes : « Pour l'application de cette disposition, sont notamment considérés comme causes légitimes de report de délai de livraison, les événements suivants : […] »

Madame X. estime que cette clause est illicite dans un contrat d'adhésion comme le vente en l'état futur d'achèvement car elle crée un déséquilibre significatif entre les droits des parties et revient à priver l'acheteur de la substance même de l'obligation de délivrance dans le délai convenu.

Il est certain que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement est un contrat d'adhésion dont l'acquéreur n'a pas la possibilité de négocier les clauses qui sont imposées à l'acheteur et ce, même s'il a eu connaissance des pièces avant la signature de l'acte, qu'il bénéficie d'un droit de rétractation auquel il peut renoncer et enfin que l'acte est signé devant un notaire tenu d'un devoir d'information et de mise en garde. Les contrats de VEFA sont d'ailleurs soumis à des dispositions spécifiques relatives notamment à la protection des acquéreurs et qui ont pour effet de tenter de rééquilibrer la relation contractuelle et de garantir les droits des acquéreurs.

Toutefois, aucune disposition spécifique à la vente d'immeuble à construire ne prohibe l'élargissement conventionnel de la notion de force majeure. Il convient cependant de vérifier que la rédaction de la clause limitative de responsabilité ne vide pas de sa substance l'obligation de délivrance à délai convenu.

La clause litigieuse qui prévoit que la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du Maître d'œuvre n'est pas illicite en ce qu'elle ne fait pas dépendre du bon vouloir du vendeur les causes de retard puisque la SCCV Maréchal Juin a confié à un tiers, le maître d'œuvre la responsabilité d'établir les causes de report du délai de livraison et de calculer les délais de prolongation.

Il n’y a pas de déséquilibre entre les obligations des parties puisque le retard des travaux, apprécié par le maître d’œuvre entraîne un report de paiement des échéances de l’acheteur dont les pourcentages des paiements est lié à l’état d’avancement du chantier.

Il a été jugé qu’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement peut prévoir une suspension ou une prolongation du délai contractuel d’achèvement dans différentes hypothèses (jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail, faillite d'entrepreneurs, etc.) qui viendront s'ajouter aux cas de force majeure. (voir notamment en ce sens Cass. 3e civ. 24-10-2012 n° 11-17.800 : Bull. civ. III n° 152,)

De telles clauses dites de retard légitime n'ont pas été jugées abusives au regard du droit de la consommation.

En conclusion, la clause conventionnelle relative aux causes légitimes de report de délai de livraison est valable et doit donc s'appliquer. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 6 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/04811 - N° Portalis DBYF-W-B7H-I7CM.

 

DEMANDERESSE :

Madame X.

née le [date] à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Marc ALEXANDRE de la SELARL STRATEM AVOCATS, avocats au barreau de TOURS,

 

DÉFENDERESSE :

Société SCCV MARECHAL JUIN

RCS [Localité 6] n°D XXX, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Maître Jean-Baptiste CHICHERY de la SELARL SELARL AACG, avocats au barreau de TOURS, avocats postulant, Me Naïm DRIBEK, avocat au barreau d’ANGERS, avocat plaidant

 

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : F. MARTY-THIBAULT, Vice-Présidente, chargée du rapport, tenant seule l’audience en application de l’article 805 du Code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, laquelle en a rendu compte à la collégialité.

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame F. MARTY-THIBAULT, Vice-Présidente

Assesseur : Madame V. GUEDJ, Vice-Présidente

Assesseur : Madame B. CHEVALIER, Vice-Présidente

assistées de Madame C. FLAMAND, Greffier, lors des débats et de V. AUGIS, Greffier lors du prononcé du jugement.

DÉBATS : A l’audience publique du 4 mars 2025 avec indication que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Un contrat de réservation a été conclu le 8 juin 2019 entre Madame X. et la SCCV MARECHAL JUIN concernant le lot n°708 comprenant un appartement et le lot n°577 un parking de stationnement pour un montant de 182.400 € aux fins d’établissement de sa résidence principale.

La vente en l’état de futur achèvement a été conclue selon acte notarié du 28 mai 2020 qui prévoyait une livraison en principe au plus tard le 30 juin 2021.

Par courrier recommandé du 8 août 2022, Madame X. a mis en demeure la SCCV Maréchal Juin de lui expliquer le retard de livraison et de lui proposer une indemnisation.

Par acte en date du 17 octobre 2022, Madame X. a fait assigner en référé devant le Président du Tribunal judiciaire de Tours la SCCV Maréchal Juin aux fins de voir ordonner sous astreinte, la livraison de l’appartement acquis suivant acte notarié du 28 mai 2020.

Par ordonnance en date du 5 mai 2023, le juge des référés a enjoint à la SCCV Maréchal Juin de procéder à la livraison au profit de Madame X. des lots n°577 et 708 décrits à l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement du 28 mai 2020 entre les parties, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, et ce sous astreinte de 100€ par jour passé ce délai, et pour une durée de trois mois à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué, a rejeté la demande reconventionnelle tendant à voir ordonner sous astreinte la livraison de l’appartement litigieux sous réserve du paiement des travaux supplémentaires et du prix de vente et a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de provision de la SCCV Maréchal Juin au titre des travaux supplémentaires allégués.

La livraison a finalement eu lieu le 19 juin 2023 soit 1an 11 mois et 19 jours après la date contractuellement prévue.

En l’absence d’indemnisation du retard, par acte en date du 7 novembre 2023, Madame X. a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de Tours la SCCV Maréchal Juin aux fins d’être indemnisée du retard de livraison.

[*]

Au terme de ses dernières écritures signifiées par RPVA le 12 février 2025, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé en application de l’article 455 du code de procédure civile, Madame X. demande au tribunal de :

Vu les articles 1601-1, 1170 et suivants, et 1231-1 du Code civil,

Vu l’article L.212-1 du Code de la consommation,

RECEVOIR Madame X. en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

DEBOUTER la SCCV MARECHAL JUIN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

EN CONSEQUENCE,

JUGER que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l’acte de vente du 28 mai 2020 prive de sa substance l’obligation essentielle pour le vendeur d’exécuter ses obligations dans les délais prévus,

JUGER que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l’acte de vente du 28 mai 2020 crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des acquéreurs,

JUGER que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l’acte de vente du 28mai 2020 est réputée non écrite,

CONDAMNER la SCCV MARECHAL JUIN à payer à Madame X. les sommes suivantes en réparation des préjudices subis du fait du manquement à ses obligations contractuelles :

• 16.362,20 euros au titre du préjudice financier

• 229,35 euros au titre des frais intercalaires et frais d’assurance

• 373,52 euros au titre des frais d’assurance habitation

• 1.000 euros au titre du préjudice moral

• 5.000 euros au titre de la résistance abusive

CONDAMNER la SCCV MARECHAL JUIN à payer à Madame X. la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la SCCV MARECHAL JUIN aux dépens.

****

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 1er novembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SCCV Maréchal Juin demande au tribunal de :

Vu les dispositions de l’article 1103 du Code Civil,

Vu les dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile,

Dire et juger la SCCV MARECHAL JUIN recevable en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Rejeter toutes les demandes et prétentions de Madame X. et les déclarer comme non-fondées.

Constater que la procédure engagée par Madame X. est abusive.

Condamner Madame X. au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêt pour procédure abusive.

Condamner Madame X. au paiement de la somme de 10.000 euros à titre d’amende civile en application de l’article 32-1 du Code de procédure civile.

Dire et juge que l’acte de vente du 28 mai 2020 n’est pas un contrat d’adhésion.

Dire et juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison stipulé à l'acte de vente du 28 mai 2020 est licite, n’est pas abusive et opposable à Madame X..

Dire et juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 28 mai 2020 ne prive pas de sa substance l'obligation essentielle pour le vendeur d'exécuter ses obligations dans les délais prévus.

Dire et juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 28 mai 2020 ne créait pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des acquéreurs.

Condamner Madame X. à verser à la SCCV MARECHAL JUIN la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la demanderesse aux entiers dépens.

[*]

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 février 2025. L’affaire a été plaidée à l’audience rapporteur du 4 mars 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Suivant acte notarié en date du 28 mai 2020, portant vente en l'état futur d'achèvement d'un immeuble sis [Adresse 4] et [Adresse 5] à [Localité 6], Madame X. a acquis auprès de la SCCV Maréchal Juin les lots 708 comprenant un appartement et 577 relatif à une place de parking moyennant le prix de 182.400 €, l'acte mentionnant une ouverture de chantier le 17 janvier 2020 et un délai de livraison prévu au plus tard le 30 juin 2021.

Après ordonnance de référé du 5 mai 2023, Madame X. a signé le 19 juin 2023 un procès verbal de livraison.

Madame X. rappelle les dispositions de l'article 1603 al. 1er du code civil qui dispose que « la vente d'immeubles àconstruire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. »

Le respect du délai contractuel de livraison constitue une obligation essentielle du vendeur.

L'article 1170 du code civil prévoit que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

Selon l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

En l’espèce, l’acte de vente en l’état futur d’achèvement du 28 mai 2020 stipule les causes de suspension suivantes :

« Pour l'application de cette disposition, sont notamment considérés comme causes légitimes de report de délai de livraison, les événements suivants :

- Intempéries au sens de la réglementation des travaux sur les chantiers de bâtiment.

- Grève générale ou partielle affectant le chantier ou les fournisseurs.

- Retard résultant de la liquidation des BIENS, l'admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises (si la faillite ou l'admission au régime du règlement judiciaire survient dans le délai de réalisation du chantier et postérieurement à la constatation du retard, la présente clause produira quand même tous ses effets).

- Retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le VENDEUR à l’ACQUEREUR, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le Maître d'OEuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant).

- Retards entraînés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci.

- Retards provenant d'anomalies du sous-sol (telle que présence de source ou résurgence d'eau, nature du terrain hétérogène aboutissant à des remblais spéciaux ou des fondations particulières, découverte de site archéologique, de poche d'eau ou de tassement différentiel, tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales ou des reprises ou sous-œuvre d'immeubles avoisinants) et, plus généralement, tous éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires ou nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation.

- Injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au VENDEUR.

- Troubles résultant d'hostilités, cataclysmes, accidents de chantier.

- Retards imputables aux compagnies cessionnaires de fournitures d’énergie et de ressources.

- Retards de paiement de l'acquéreur tant en ce qui concerne la partie principale, que les intérêts de retard et les éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs que le VENDEUR aurait accepté de réaliser.

-Tous cas de force majeure présentant un caractère imprévisible, irrésistible et extérieur, comme les pandémies et/ou de manière générale, toute crise sanitaire majeure ne pouvant raisonnablement être prévue lors de la conclusion du présent acte.

Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du BIEN d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier.

Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le VENDEUR à l'acquéreur par une lettre du Maître d'Œuvre.»

Madame X. estime que cette clause est illicite dans un contrat d'adhésion comme la vente en l'état futur d'achèvement car elle crée un déséquilibre significatif entre les droits des parties et revient à priver l'acheteur de la substance même de l'obligation de délivrance dans le délai convenu.

Il est certain que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement est un contrat d'adhésion dont l'acquéreur n'a pas la possibilité de négocier les clauses qui sont imposées à l'acheteur et ce, même s'il a eu connaissance des pièces avant la signature de l'acte, qu'il bénéficie d'un droit de rétractation auquel il peut renoncer et enfin que l'acte est signé devant un notaire tenu d'un devoir d'information et de mise en garde.

Les contrats de VEFA sont d'ailleurs soumis à des dispositions spécifiques relatives notamment à la protection des acquéreurs et qui ont pour effet de tenter de rééquilibrer la relation contractuelle et de garantir les droits des acquéreurs.

Toutefois, aucune disposition spécifique à la vente d'immeuble à construire ne prohibe l'élargissement conventionnel de la notion de force majeure.

Il convient cependant de vérifier que la rédaction de la clause limitative de responsabilité ne vide pas de sa substance l'obligation de délivrance à délai convenu.

La clause litigieuse qui prévoit que la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du Maître d'œuvre n'est pas illicite en ce qu'elle ne fait pas dépendre du bon vouloir du vendeur les causes de retard puisque la SCCV Maréchal Juin a confié à un tiers, le maître d'œuvre la responsabilité d'établir les causes de report du délai de livraison et de calculer les délais de prolongation.

Il n’y a pas de déséquilibre entre les obligations des parties puisque le retard des travaux, apprécié par le maître d’œuvre entraîne un report de paiement des échéances de l’acheteur dont les pourcentages des paiements est lié à l’état d’avancement du chantier.

Il a été jugé qu’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement peut prévoir une suspension ou une prolongation du délai contractuel d’achèvement dans différentes hypothèses (jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail, faillite d'entrepreneurs, etc.) qui viendront s'ajouter aux cas de force majeure. (voir notamment en ce sens Cass. 3e civ. 24-10-2012 n° 11-17.800 : Bull. civ. III n° 152)

De telles clauses dites de retard légitime n'ont pas été jugées abusives au regard du droit de la consommation.

En conclusion, la clause conventionnelle relative aux causes légitimes de report de délai de livraison est valable et doit donc s'appliquer.

L'attestation détaillée du maître d'œuvre datée du 18 octobre 2022, fait état des circonstances suivantes :

Pandémie Covid 19

- arrêt du chantier en 2020 3 mois et demi

- arrêt des salariés, encadrement etc.. 2 mois

(cas contact, isolement cas positif)

Intempéries (pluie, vent, froid) 75 jours ouvré soit 3 mois et demi

Retard sur approvisionnement et matériel 4 mois

Retard occasionné par la pénurie de carburant ½ mois

total 14 mois

En page 7 de l'acte de vente, il est inséré un paragraphe sur « les conditions spécifiques Covid 19 » qui prévoit qu'il ne pourra pas être opposé au vendeur « son incapacité à respecter les délais contractuels en raison des impacts de l'évolution de la propagation du virus Covid19 et des mesures à mettre en place pour lutter contre ce dernier. »

Compte tenu de la contestation élevée par Madame X., le maître d'œuvre a détaillé son attestation et a fourni des pièces justificatives.

Il est notamment fait état que l'intervention de l'entreprise Mangeant, lot plomberie-sanitaire prévue suivant ordre de service du 18 mai (semaine 21) a été repoussée au 9 novembre 2020 soit semaine 46 soit un retard de 5 mois.

La pandémie qui a commencé au printemps 2020 a affecté durablement l'activité des entreprises intervenantes, ce qui a nécessairement nuit à la coordination des chantiers puisque les bouleversements sur la planification des tâches ont entraîné des retards dans l'exécution de certaines d'entre elles, ce qui a manifestement empêché le maître d'œuvre de susciter des interventions lorsqu'elles étaient attendues, entraînant de nouveaux retards nécessairement répercuté sur l'activité des intervenants suivants.

Par ailleurs un deuxième confinement a été ordonné du 30 octobre au 15 décembre 2020 (soit pendant un mois et 15 jours) puis un troisième confinement est intervenu le 3 avril 2021 pour une duré de 4 semaines.

Malgré le manque de précision de l'attestation du maître d'œuvre, les durées indiquées sont en rapport avec les périodes de confinement et les mesures sanitaires de distanciation qui ont indéniablement retardé l'avancement du chantier concernant de la copropriété de la Résidence O2 [Localité 3] qui a été perturbé de façon majeure pendant une longue période qui peut effectivement être fixé à une durée de six mois.

En ce qui concerne les intempéries, il est produit un certificat de situation météorologique établi par la société UBYRISK CONSULTANT qui fait état sur la période courant du 14 mai 2020 au 21 mai 2021 de 147 jours d’intempéries (hors WE et jours férié), ce qui corrobore l’attestation du maître d’œuvre.

La SCCV a fait établir un autre certificat météorologique pour la période courant du 29 mai 2020 au 21 mai 2021. Le retard lié aux intempéries est également corroboré par les comptes rendus de chantier. Le compte rendu d’août 2021 fait état d’un retard lié aux intempéries de 75 jours. Entre mai 2020, mois de signature de l’acte authentique et le 30 juin 2021, l’entreprise MARCHAND CONSTRUCTION a comptabilisé 64 jours d’intempéries.

En conséquence, le retard pour intempéries pendant 75 jours ouvrés soit 3 mois et demi est parfaitement justifié.

Le maître d'œuvre évoque également le retard pour la recherche d'une nouvelle entreprise suite à la défaillance de la société Groupe Vinet. Il précise que cela a entraîné un retard de planning général de 4,8 mois pour la substitution d'une nouvelle entreprise Perfect Sols qui a commencé le chantier le 16/08/2021 et un problème d'approvisionnement du chantier.

Le retard entraîné par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise est un cas de suspension du délai de livraison spécifiquement prévu dans l'acte authentique.

L' entreprise Vinet devait commencer à intervenir le 22 mars 2021, elle n'a participé qu'à deux rénions de chantier et n'est finalement jamais intervenue, ce qui a entraîné une résiliation du marché d'un commun accord le 29 juin 2021 et la nécessité de rechercher une nouvelle entreprise.

Le retard ressort à 4,8 mois soit un report de livraison de 8 mois puisque conformément aux dispositions contractuelles les circonstances retardant la livraison du bien ont un effet d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier.

Les difficultés d’approvisionnement de AMCC ne sont pas évoquées par le maître d’œuvre mais le mail du 4 février 2021 fait apparaître un retard de livraison de deux semaines.

Compte tenu du délai de retard de 5 mois dû au Covid 19, d’un report de livraison de 6 mois pour les intempéries (3moisX2), d’un retard de livraison de 8 mois en raison du changement de l’entreprise Vinet défaillante et du retard en approvisionnement de 2 semaines pour les menuiseries, il est justifié d’un report de livraison d’une durée de 19 mois soit jusqu’au 30 décembre 2022.

Il résulte des déclarations concordantes des deux parties que l’appartement de Madame X. devait être livré le 30 juillet 2022 mais que cette dernière a refusé de signer le procès-verbal de livraison en raison d’un désaccord sur le paiement de travaux supplémentaires.

Par acte en date du 17 octobre 2022, Madame X. a saisi le juge des référés afin de voir ordonner sous astreinte, la livraison de l’appartement acquis par acte du 28 mai 2020.

Par ordonnance en date du 5 mai 2023, le Président du Tribunal judiciaire de Tours a enjoint à la SCCV Maréchal Juin d’avoir à procéder à la livraison au profit de Madame X. des lots n° 577 et 708 décrit dans l’acte de vente du 28 mai 2020, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, et ce, sous astreinte de 100€ par jour passé ce délai, et pour une durée de trois mois à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué et a rejeté la demande reconventionnelle de la SCCV Maréchal Juin tendant à ordonner sous astreinte la livraison de l’appartement sous réserve du paiement des travaux supplémentaires et du solde du prix de vente.

Au regard de ces éléments, il convient de déterminer si le retard de livraison postérieur au 30 juillet 2022 est imputable à la SCCV Maréchal Juin.

Cette dernière prétend que Madame X. a commandé des travaux supplémentaires consistant en la pose de volets roulants électriques sur toutes les ouvertures, la pose de 2 prises électriques, la pose d’un meuble vasque dans la salle de bain et une paroi de douche.

La SCCV Maréchal Juin soutient que Madame X. a accepté ces travaux en signant le 16 mars 2000, un plan de Travaux Modificatifs Acquéreur (TMA).

Cependant ce document ne fait mention que des volets roulants et il comporte un point d’interrogation concernant la paroi de douche.

Par ailleurs, le coût des travaux supplémentaires n’est pas chiffré et ce n’est que par devis du 13 septembre 2022 que la SCCV Maréchal Juin a fait connaître le prix des travaux supplémentaires.

Dans ces conditions, le litige relatif au coût des travaux supplémentaires incombe à la SCCV Maréchal Juin, qui, en cas qualité de professionnel de l’immobilier, ne pouvait exiger que Madame X. règle le 30 juillet 2022, le coût de prestations dont le contenu et le coût n’étaient pas alors clairement identifiés.

Le retard de livraison étant justifié jusqu’au 30 décembre 2022, la SCCV Maréchal Juin est donc responsable du retard de livraison entre cette date et le 19 juin 2023 date du procès verbal de constat établissant la remise des clés à Madame X. soit une période de 4 mois et 19 jours.

Au titre du préjudice financier, Madame X. réclame le coût de son loyer outre les frais d’assurance habitation et le coût de l’assurance emprunteur.

Le coût de cette assurance est inhérent à l’emprunt contracté pour l’acquisition de l’immeuble, il ne s’agit pas d’un préjudice.

Par contre, Madame X. a été contrainte, pendant la période de 4 mois et 19 jours de régler le montant de son loyer de 634,40€ soit la somme de 2939,39€ outre l’assurance habitation de 16,24€ soit la somme de 75,25€ soit un préjudice financier total de 3014,64€.

La SCCV Maréchal Juin sera donc condamnée à payer à Madame X. la somme de 3014,64€ au titre du retard lié au litige sur les travaux supplémentaires dont la responsabilité incombe au constructeur.

La demande formée au titre du préjudice moral n’est justifiée par aucun document, elle sera donc rejetée.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Dans la mesure où le tribunal n’a fait droit que partiellement à la demande de Madame X., sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l’encontre de la SCCV Maréchal Juin n’est pas fondée, elle sera en conséquence rejetée.

De même, la SCCV Maréchal Juin sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile dès lors que la demande de Madame X. a été déclarée partiellement bien fondée.

 

Sur les demandes annexes :

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Madame X. les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, la SCCV Maréchal Juin sera condamnée à lui payer une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

le tribunal statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire en premier ressort,

Déclare Madame X. partiellement fondée en sa demande,

Condamne la SCCV Maréchal Juin à lui verser au titre du retard de livraison de 4 mois et 19 jours la somme de 3014,64€,

Déboute Madame X. du surplus de ses demandes,

Rejette les demandes formées au titre de la résistance abusive,

Condamne la SCCV Maréchal Juin à verser à Madame X. une indemnité de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ainsi fait, jugé et rendu par mise à disposition au Greffe les jour, mois et an que dessus.

LE GREFFIER,                               LA PRÉSIDENTE,

V. AUGIS                                          F. MARTY-THIBAULT