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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 3 septembre 2009

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 3 septembre 2009
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 06/17063
Date : 3/09/2009
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2471

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 3 septembre 2009 : RG n° 06/17063

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que le premier contrat liant les parties, en date du 27 septembre 2002, est rédigé de la manière suivante : le prêteur « vous autorise à tirer sur ce compte dans la limite d'un montant maximum de découvert autorisé pouvant aller jusqu'à 9.000 € » puis «d'un commun accord le montant du découvert utilisable est limité, à la date de l'offre, à 1.000 €. Ce montant pourra être augmenté soit votre demande, soit sur proposition du prêteur dans les conditions prévues au verso article huit. » Et, au verso article huit : « le montant de votre réserve pourra être augmenté, à votre demande ou sur proposition du prêteur, par fractions successives ou en seule fois, dans la limite du découvert maximum autorisé ... » ; Qu'à l'évidence, le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est de 1.000 € ;

Considérant que, lorsqu'une clause est abusive, elle n'entraîne pas l'irrégularité du contrat de crédit mais est simplement réputée non écrite ; que, contrairement à ce que prétend l'organisme de crédit, il s'agit bien une clause contractuelle prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable de crédit ;

Considérant qu'une telle clause laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du crédit initial, délivrer à l'emprunteur d'une nouvelle offre que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose donc pas à cette occasion de la faculté, d'ordre public, de rétracter son acceptation, observation étant faite que son attention n'a été attirée lors de la signature du contrat que sur le montant initialement limité du crédit et les indications corrélatives s'agissant du taux applicable et du montant des mensualités de remboursement ; Qu'elle contrevient manifestement à l'objectif du législateur d'information de l'emprunteur sur l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment la charge des remboursements, et du délai de réflexion ;

Que, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ce au détriment du consommateur, elle s'analyse en une clause abusive, réputée non écrite conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qu'il en résulte que l'augmentation de l'ouverture de crédit en vertu de ladite clause est sans incidence sur la détermination du point de départ du délai de forclusion ;

Considérant que dès lors que la clause de variabilité du montant maximum emprunté est considérée comme réputée non écrite, et non comme entraînant des irrégularités du contrat de crédit au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du Code de la consommation, la sanction ne peut être la déchéance du droit aux intérêts édictée par l'article L. 311-33 ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 3 SEPTEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/17063. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 août 2006 -Tribunal d'Instance de PARIS 05 - RG n° 06.9390.

 

APPELANTE :

Madame Y. épouse X.

[adresse], représentée par Maître Pascale BETTINGER, avoué à la Cour, assistée de Maître Paul BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS Toque : B 290 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

 

INTIMÉS :

Société GE MONEY BANK

[adresse], représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour assistée de Maître Bertrand LAMPIDES, avocat au barreau de PARIS Toque J 131

Monsieur X.

[adresse], [minute Jurica page 2] à l'encontre duquel a été rendue une ordonnance de désistement le 2 septembre 2008

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire, instruite par Catherine BONNAN-GARÇON, a été débattue le 27 mai 2009, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-José PERCHERON, Présidente, Madame Catherine BONNAN-GARÇON, Conseillère, Madame Catherine BOUSCANT, Conseillère, qui en ont délibéré.

GREFFIER : Lors des débats : Monsieur Daniel COULON

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame Marie-José PERCHERON, présidente et par Madame Hélène BODY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seing privé du 27 septembre 2002, la société GE Money Bank, en partenariat avec la société France Loisirs, a consenti à Madame Y. épouse X. et à M. X., ci-après désignés les époux X. une ouverture de compte disponible N° XX d'un montant de 1.000 €.

Par acte sous seing privé du 28 août 2003, elle a consenti une seconde offre de compte disponible N° YY d'un montant de 800 €.

La société GE Money Bank a fait assigner les époux X. devant le tribunal d'instance du 5e arrondissement de Paris, qui, par jugement du 24 août 2006, a débouté la société GE Money Bank de l'ensemble de ses demandes contre M.X., l'a condamnée à lui verser une somme de 600 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et a condamné Madame X. à payer à la société GE Money Bank :

- la somme de 7.350,40 € avec intérêts au taux de 13,92 % à compter du 15 septembre 2004 outre 1 € au titre du compte N°XX04,

- la somme de 3.579,68 € avec intérêts au taux de 15,92 % à compter du 15 septembre 2004 outre 1€ au titre du compte N°YY.

Madame X. a relevé appel de cette décision le 2 octobre 2006.

Cette procédure a été enregistrée sous le N° 06/17063.

[minute Jurica page 3] Le 5 octobre 2006, Madame X. a formé un autre appel contre la même décision, qui a été enregistré sous le N° 06/17307.

Par ordonnance du 4 septembre 2007, Madame la conseillère chargée de la mise en état de la 8e chambre A de la cour de céans a ordonné la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 06/17307 et 06/17063 et dit qu'elles se poursuivraient sous le N°06/17063.

Par ordonnance du 2 septembre 2008, Madame la conseillère chargée de la mise en état a constaté le désistement de Mme X. de son appel dirigé contre M. X.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions de l'appelante en date du 17 mars 2009 tendant à l'infirmation du jugement, à la forclusion de l'action de la société GE Money Bank, à sa déchéance du droit aux intérêts, à la restitution des intérêts indûment perçus après production d'un décompte détaillé, à la compensation entre les intérêts perçus indûment et le solde du capital restant éventuellement dû, à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société GE Money Bank de ses demandes au titre de l'indemnité contractuelle, à la condamnation de la société GE Money Bank à lui payer 7.350,40 € et 3.579,68 € en réparation de son préjudice matériel et moral, à la compensation entre les sommes restant éventuellement dues par Mme X. et les sommes dues par la société GE Money Bank au titre de la réparation de son préjudice, à la condamnation de la société GE Money Bank à lui payer 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société GE Money Bank en date du 24 avril 2009 tendant à la confirmation du jugement, à la capitalisation des intérêts et à la condamnation de Mme X. à lui payer 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour condamner au paiement Madame X., le premier juge a retenu que l'augmentation de la réserve de crédit et la reconduction des contrats ont été accordées conformément aux conditions générales, à l'initiative de l'emprunteuse et que le taux d'intérêt appliqué figurant sur les relevés mensuels ne pouvait être contesté ; que le premier juge a en outre retenu que Madame X. ne pouvait se prévaloir d'une faute de l'établissement bancaire eu égard à sa profession d'hôtesse au Crédit Lyonnais connaissant le fonctionnement habituel des banques et des opérations de crédit ;

Considérant que le premier contrat liant les parties, en date du 27 septembre 2002, est rédigé de la manière suivante : le prêteur « vous autorise à tirer sur ce compte dans la limite d'un montant maximum de découvert autorisé pouvant aller jusqu'à 9.000 € » puis «d'un commun accord le montant du découvert utilisable est limité, à la date de l'offre, à 1.000 €. Ce montant pourra être augmenté soit votre demande, soit sur proposition du prêteur dans les conditions prévues au verso article huit. » Et, au verso article huit : « le montant de votre réserve pourra être augmenté, à votre demande ou sur proposition du prêteur, par fractions successives ou en seule fois, dans la limite du découvert maximum autorisé ... » ; Qu'à l'évidence, le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est de 1.000 € ;

Considérant que, lorsqu'une clause est abusive, elle n'entraîne pas l'irrégularité du contrat de crédit mais est simplement réputée non écrite ; que, contrairement à ce que prétend l'organisme de crédit, il s'agit bien une clause contractuelle prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable de crédit ;

Considérant qu'une telle clause laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du crédit initial, délivrer à l'emprunteur d'une nouvelle offre que ce [minute Jurica page 4] dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose donc pas à cette occasion de la faculté, d'ordre public, de rétracter son acceptation, observation étant faite que son attention n'a été attirée lors de la signature du contrat que sur le montant initialement limité du crédit et les indications corrélatives s'agissant du taux applicable et du montant des mensualités de remboursement ;

Qu'elle contrevient manifestement à l'objectif du législateur d'information de l'emprunteur sur l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment la charge des remboursements, et du délai de réflexion ;

Que, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ce au détriment du consommateur, elle s'analyse en une clause abusive, réputée non écrite conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qu'il en résulte que l'augmentation de l'ouverture de crédit en vertu de ladite clause est sans incidence sur la détermination du point de départ du délai de forclusion ;

Considérant que dès lors que la clause de variabilité du montant maximum emprunté est considérée comme réputée non écrite, et non comme entraînant des irrégularités du contrat de crédit au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du Code de la consommation, la sanction ne peut être la déchéance du droit aux intérêts édictée par l'article L. 311-33 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, l'action en paiement né d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans de l'événement qui lui a donné naissance ;

Que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévue par ces textes court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable et assorti d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant maximum du découvert autorisé est dépassé sans être régularisé, ce qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ;

Qu'en l'espèce, il est constant, comme l'invoque Madame X. et comme l'établit l'historique du compte produit aux débats, que le montant maximum de 1.000 € autorisé à l'ouverture a été constamment dépassé, sans jamais être restauré, à compter de décembre 2002, et ce sans nouvelle offre ;

Que l'assignation n'ayant été délivrée que le 1er février 2005, l'action en paiement de la société de crédit est atteinte par la forclusion biennale ; que le jugement doit en conséquence être infirmé de ce chef ;

Considérant qu'en ce qui concerne le contrat du 28 août 2003, il est ainsi rédigé : « la présente offre préalable d'ouverture de crédit est faite par le prêteur... qui vous autorise à tirer sur ce compte dans la limite du montant maximum du découvert autorisé pouvant aller jusqu'à 21.300 €. Toutefois, d'un commun accord, le montant du découvert utilisable est limité à la date de l'offre à 800 €. Ce montant pourra être augmenté soit à votre demande, soit sur proposition du prêteur dans les conditions prévues au verso article huit » et, au verso article huit : « le montant de votre réserve pourra être augmenté, à votre demande ou sur proposition du prêteur, par fractions successives vendues seule fois, dans la limite du découvert maximum autorisé ... » ;

Considérant qu'à l'évidence, la mention de la somme de 21.300 € n'a pour objet que de rappeler le plafond réglementaire de ce type de crédit et seul le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte constitue le montant maximum du découvert autorisé en matière de crédit permanent, l'emprunteur pouvant l'utiliser par fractions, dans cette limite ;

[minute Jurica page 5] Considérant que le montant du découvert maximum autorisé en l'espèce était de 800 € ;

Considérant que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévue par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ; que le montant du crédit autorisé a été dépassé dès le 19 septembre 2003 sans être régularisé ; que ce dépassement constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur ; que l'assignation ayant été délivrée le 1er février 2005, la société GE MONEY BANK est forclose en son action en paiement contre Madame X. ;

Considérant que les demandes en dommages intérêts formées par Madame X. ne sauraient prospérer dès lors qu'elle ne subit aucun préjudice du fait de la forclusion intervenue alors que les sommes ont été perçues ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris

Dit la société GE MONEY BANK forclose en son action en paiement au titre des ouvertures de crédit des 27 septembre 2002 et 28 août 2003,

Déboute les parties de leurs autres demandes

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société GE MONEY BANK aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE       LA PRÉSIDENTE,