CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 6 mai 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2483
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 6 mai 2010 : RG n° 07/09945
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant, sur le fond, que l'article 1135 du Code civil ne permet pas d'annuler un contrat parce qu'il contiendrait une clause abusive, ainsi que le tribunal a cru pouvoir le faire, et que l'article 1134 du même Code, également visé, dispose au contraire que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que c'est à juste titre également que Indépendante de Distribution objecte que Mademoiselle X. ne peut bénéficier des dispositions protectrices du Code de la consommation, incompatibles avec son statut de commerçante, donc de professionnelle, lors de la souscription du contrat litigieux ; que c'est donc à tort que le jugement, devant lequel Mademoiselle X. n'invoquait pas de vice du consentement, a prononcé l'annulation du contrat d'achat exclusif de boissons ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 6 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/09945. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 avril 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006/006464.
APPELANTE :
SAS INDÉPENDANTE DE DISTRIBUTION
ayant son siège [adresse], représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour ayant pour avocat Maître Serge LEQUILLERIER, avocat au barreau de SENLIS, qui a fait déposer son dossier,
INTIMÉE :
Mademoiselle X.
demeurant [adresse], représentée par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été évoquée le 1er avril 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte de l'affaire dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, président, Madame Agnès MOUILLARD, conseiller, Madame Hélène JOURDIER, conseiller
GREFFIER : Lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRÊT : [minute Jurica page 2] Contradictoire, rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame Colette PERRIN, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Pour financer l'acquisition d'un fonds de commerce de débit de boissons, petite brasserie, loto, tabac, ayant pour enseigne « Au C. », [adresse], Mademoiselle X. a contracté un emprunt de 110.244 € envers la Brasserie Duyck, que la SAS Indépendante de Distribution a cautionné à hauteur de la moitié.
En contrepartie, Mademoiselle X. a souscrit, le 16 septembre 2004, une convention d'achat exclusif de bières et de café par laquelle elle s'engageait à se fournir en produits nommément désignés, pendant une durée de 7 ans, auprès de Indépendante de Distribution.
Exposant que Mademoiselle X. a cessé de s'approvisionner à compter du 10 octobre 2005, Indépendante de Distribution l'a assignée, le 22 décembre 2006, en paiement des indemnités prévues au contrat dans cette hypothèse.
Par jugement du 24 avril 2007, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution de plein droit, pour défaut d'information, de la convention d'achat exclusif du 16 septembre 2004, a débouté Indépendante de Distribution de ses demandes et l'a condamnée à payer Mlle X. la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR :
Vu l'appel de ce jugement interjeté par Indépendante de Distribution le 7 juin 2007 ;
Vu les conclusions signifiées le 8 octobre 2007 par lesquelles l'appelante poursuit l'infirmation du jugement, et faisant valoir l'absence de clause abusive, réclame à Mademoiselle X. :
- 61.193 € HT au titre de l'indemnité forfaitaire sur les ventes de bières,
- 37.674 € HT au titre de l'indemnité forfaitaire sur les ventes des cafés,
- 83.801,48 € HT au titre de la pénalité pour les autres produits,
outre 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu la constitution d'avoué, en date du 18 juillet 2007, au nom de Mlle X., qui a fait sommation à Indépendante de Distribution, le 2 janvier 2008, de lui communiquer ses pièces, mais qui n'a pas conclu ;
SUR CE :
Considérant qu'il y a lieu d'écarter les conclusions d'interruption de péremption signifiées par Indépendante de Distribution le 26 mars 2010, bien après l'ordonnance de clôture du 14 janvier 2010 ;
Considérant, sur le fond, que l'article 1135 du Code civil ne permet pas d'annuler un contrat parce [minute Jurica page 3] qu'il contiendrait une clause abusive, ainsi que le tribunal a cru pouvoir le faire, et que l'article 1134 du même Code, également visé, dispose au contraire que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que c'est à juste titre également que Indépendante de Distribution objecte que Mademoiselle X. ne peut bénéficier des dispositions protectrices du Code de la consommation, incompatibles avec son statut de commerçante, donc de professionnelle, lors de la souscription du contrat litigieux ; que c'est donc à tort que le jugement, devant lequel Mademoiselle X. n'invoquait pas de vice du consentement, a prononcé l'annulation du contrat d'achat exclusif de boissons ;
Que toutefois, et de plus fort dès lors que l'intimée ne se défend pas, il appartient à Indépendante de Distribution de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'à cet égard, la cour observe que l'appelante ne verse aux débats aucun document établissant les manquements de Mademoiselle X. qui justifieraient la condamnations de celle-ci aux pénalités contractuelles, tant dans leur principe que dans leur montant, hormis la mise en demeure qu'elle lui a adressée le 27 octobre 2005, dans laquelle elle faisait état de commandes limitées à cette date à 35,90 hectolitres de bière en fûts Brasserie Duyck, 0,24 hectolitres de bières en fûts Heineken, 78 kg de café, et 661,75 € de chiffre d'affaires sur les autres produits, certes très éloignées des engagements contractuels de Mademoiselle X., mais qu'aucun autre élément ne corrobore ; que Indépendante de Distribution ne pouvant se faire de preuve à elle-même, force est de constater qu'elle ne démontre pas devant la cour la réalité des faits qu'elle invoque ; que sa demande ne peut dès lors qu'être rejetée, de même que celle présentée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société Indépendante de Distribution le 26 mars 2010,
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il prononce la résolution de la convention d'achat exclusif du 16 septembre 2004,
Et, statuant à nouveau de ce chef,
Dit n'y avoir lieu à résolution de cette convention,
CONFIRME le jugement, par substitution de motifs, en ce qu'il rejette les demandes en paiement de la société Indépendante de Distribution,
Rejette la demande présentée par la société Indépendante de Distribution au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Indépendante de Distribution aux dépens de l'appel.
Le Greffier Le Président
A. BOISNARD C. PERRIN
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