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CA ANGERS (ch. com.), 25 janvier 2011

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. com.), 25 janvier 2011
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. com.
Demande : 10/02577
Décision : 11/35
Date : 25/01/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI LE MANS (9e ch. civ. réf.), 29 septembre 2010
Numéro de la décision : 35
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2580

CA ANGERS (ch. com.), 25 janvier 2011 : RG n° 10/02577

Publication : Jurica

 

Extrait : « Or, les contestations émises par les appelants tant en ce qui concerne la conformité de la clause aux dispositions de l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 qui imposent le caractère très apparent aux clauses pénales dans le cadre des mandats que son caractère abusif au regard des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses créant un déséquilibre significatif au détriment du non professionnel ne sont pas de celles qui relèvent de la compétence du juge des référés. Il n'appartient pas davantage au juge des référés, juge de l'évidence, de se prononcer sur la qualification de la clause litigieuse. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 JANVIER 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/02577. Ordonnance du 29 septembre 2010 Tribunal de Grande Instance du MANS R.G. n° 10/00375.

 

APPELANTES :

- LA SCI [...]

- LA S.C.P. [...]

- LA SCI [...] [outre 28 autres SCI]

- Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

- LA SCI GABRIEL PERI

- Madame Z. épouse Y.

née le [date] à [ville]

représentées par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE - N° du dossier 33530, assistées de Maître Dominique BOUCHERON, avocat au barreau du MANS.

 

INTIMÉE :

LA SARL LAURENT L. IMMOBILIER

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour - N° du dossier 47660, assistée de Maître RICHARD, avocat au barreau de PARIS.

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 novembre 2010 à 13 H 45 en audience publique, Monsieur VALLEE, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de : Monsieur VALLÉE, Président de Chambre, Madame RAULINE, Conseiller, Madame SCHUTZ, Conseiller, qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

ARRÊT : contradictoire, Prononcé publiquement le 25 janvier 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ; Signé par Monsieur VALLEE, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame Y. épouse X. et sa mère Madame Y. sont propriétaires soit personnellement soit par le biais de SCI dont elles sont associées ou gérantes d'un important patrimoine immobilier d'une centaine de lots composés d'immeubles situés principalement à Paris, La Baule, Nantes, Tours et Le Mans.

Celles-ci ont confié à la SARL Laurent L. Immobilier, dite LLI, créée à cette fin par Monsieur A. en octobre 2007 abandonnant son activité antérieure d'huissier, des mandats consentis pour une durée de dix années les 10 décembre 2007, 20 juin 2008 et 16 février 2009 renouvelables d'année en année sans pouvoir excéder la date du 9 décembre 2022.

Estimant que la gestion par la SARL L. n'était pas satisfaisante notamment en ce qui concerne le suivi des travaux et chantiers en cours, l'administration et la gestion locative des immeubles et la mise en œuvre de la TVA, les consorts Y. ont procédé à la résiliation de l'ensemble des mandats par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juin 2010.

À la réception de ces résiliations jugées de convenance, la SARL a entendu voir appliquer la clause « durée » des contrats prévoyant, en cas de rupture anticipée à l'initiative du mandant, le versement par celui-ci au mandataire d'une indemnité égale aux honoraires calculés sur les loyers exigibles à la date de la signature du présent contrat et ce pour la durée restant à courir du mandat sans que cela ne puisse excéder 4 années d'honoraires.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 14 juin 2010, la SARL LLI a mis en demeure le mandant d'avoir à lui régler ces indemnités à hauteur d'une somme totale de 1.208.250,70 euros TTC.

Après avoir délivré sommation interpellative, les consorts Y. et leurs SCI ont assigné la SARL LLI devant le président du tribunal de grande instance du Mans statuant en référé en vue d'obtenir la condamnation de la SARL à lui remettre les baux des immeubles en cause, les comptes fournisseurs, les comptes locataires et l'ensemble des dossiers relatifs aux travaux effectués pour le compte de la SCI du [...].

Parallèlement, la société LLI a assigné les consorts Y. et leurs SCI devant le juge des référés aux fins de voir condamner chacun d'entre eux à payer, à titre de provisions, diverses sommes au titre de la clause pénale stipulée dans chaque mandat, le tout représentant un montant total de 1.208.301,60 euros.

Les deux ordonnances ont été rendues le même jour. La première décision a constaté que les documents avaient été remis.

Par une seconde ordonnance du 29 septembre 2010, le juge des référés a condamné les « SCI défenderesses » à payer à la société Laurent L. Immobilier à titre provisionnel la somme de 1.208.250,72 euros et une indemnité de procédure de 1.200,00 euros.

Le président de la chambre commerciale de la cour d'appel d'Angers, désigné par ordonnance du premier président de ladite cour pour le suppléer dans certaines fonctions qui lui sont spécialement attribuées, a autorisé les consorts Y. et leurs SCI à procéder par voie d'appel à jour fixe à la date du 29 novembre 2010.

 

LA COUR

Vu l'appel régulièrement formé par les consorts Y. et leurs SCI ;

Vu l'assignation délivrée à la SARL Laurent L. Immobilier le 8 novembre 2008 et déposée au greffe de la cour le 15 novembre 2010 avant la date de l'audience ;

Vu les dernières conclusions du 29 novembre 2010 aux termes desquelles les consorts Y. et leurs SCI demandent à la cour, avec une indemnité de procédure, de :

- annuler l'ordonnance entreprise pour violation des exigences des articles 4, 5, 15, 16 et 455 code de procédure civile ;

- subsidiairement, infirmer l'ordonnance entreprise ;

Constatant que la stipulation vantée par la société LLI ne saurait être tenue pour valide comme ne satisfaisant aux exigences ni de forme ni de fond en la matière, et présentant en outre un caractère léonin,

Constatant l'inexécution par la société LLI de ses obligations de nature à justifier la résiliation anticipée des mandats, à tout le moins permettant de lui opposer l'exception non adimpleti contractus ;

Constatant n'être point justifié du quantum des demandes formées ;

Constatant en tout cas y avoir, de chacun des chefs ci-dessus énoncés, une contestation sérieuse ne pouvant être tranchée sans que le juge des référés n'excède ses pouvoirs ;

- déclarer la société LLI irrecevable, subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter.

Vu les dernières conclusions du 29 novembre 2010 aux termes desquelles la SARL Laurent L. Immobilier demande à la cour, avec une indemnité de procédure de :

- au visa des dispositions des articles 4-5 du code de procédure civile et les dispositions de l’article 1184 du code civil de :

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- allouer à la SARL LL1 la somme de 1.208.250,72 euros à titre provisionnel ;

- dire et juger que cette provision sera supportée solidairement par les SCI du [...], SCI […], SCI du [...], et du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...] ; SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], Madame X., Madame Y. ;

- débouter les SCI du [...], SCI […], SCI du [...], et du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], Madame X., Madame Y. de leurs demandes,

- condamner solidairement les SCI du [...], SCI […], SCI du [...], et du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], [...], SCI du [...], SCI du [...] ; SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], SCI du [...], Madame X., Madame Y. au paiement de la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la demande d'annulation de l'ordonnance :

Les appelants soulèvent en premier lieu la nullité de l'ordonnance déférée motif pris que la société LLI avait sollicité du premier juge le condamnation de chacune de ses mandantes au paiement de la seule réclamée au titre de la clause pénale figurant aux mandats litigieux et le juge des référés n'a pas statué sur ces demandes mais a prononcé une unique condamnation au paiement d'une somme globale de 1.208.250,72 euros. Les appelants estiment que le premier juge a ainsi méconnu les articles 4, 5, 15 et 16 du code de procédure civile en modifiant les limites du litige et en méconnaissant le principe du contradictoire ; qu'en outre le quantum de la peine prononcée n'est motivé que par le seul visa de l’article 1134 du code civil en violation des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'intimée rétorque que les articles susvisés ont bien été respectés, la demande formée par celle-ci étant bien de 1.208.250,70 euros qu'elle n'a détaillée pour chacune des SCI concernées que dans « un souci de compréhension » ; que cette demande globale a été plusieurs fois expliquée dans l'acte introductif d'instance ; que dans leurs écritures de première instance, les défendeurs l'ont bien compris de cette façon ;

 

L’article 4 du code de procédure civile dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que les prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par des conclusions en défense, l'article 5 ajoutant que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé.

Il résulte de l'assignation délivrée par ma SARL Laurent L. Immobilier qu'était sollicitée la condamnation de chaque SCI à une somme déterminée, même s'il est exact que le montant global de ces condamnations était précisé comme étant 1.208.250,70 euros.

En condamnant globalement toutes les défenderesses à payer à la société LLI la somme de 1.208.250,72 euros, le premier juge a certes rendu une décision inexécutable à l'encontre des parties condamnées, alors qu'il n'est pas précisé s'il s'agit d'une condamnation solidaire ou in solidum, répartie par parts viriles ou au prorata de leurs obligations. Le premier juge a également omis de répondre aux termes de la demande qui était exprimée distinctement pour chaque défenderesse.

Cependant, la sanction des dispositions de l’article 5 du code de procédure civile n'est pas la nullité, mais relève des règles des articles 463 et 464 du code de procédure civile relatives à l'infra ou l'ultra petita.

Il ne peut être soutenu que le principe du contradictoire aurait été méconnu en infraction à l'article 16 du même code, n'étant pas démontré que le juge des référés a retenu, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties sans que celles-ci aient été à même d'en débattre contradictoirement ou qu'il a fondé sa décision sur les moyens de droit qu'il aurait relevés d'office sans que celles-ci aient été invitées au préalable à présenter leurs observations. En effet, l'examen des écritures des parties en première instance permet d'écarter ce moyen de nullité, les consorts Y. et leurs SCI ayant répondu aux moyens soulevés par leur adversaire sur lesquels le juge s'est fondé.

Enfin, même si la motivation au regard de l'article 1134 est succincte, elle est suffisante au regard de l’article 455 du code de procédure civile pour expliquer la condamnation prononcée.

En conséquence de ce qui précède, il n'y a pas lieu à annulation de l'ordonnance entreprise.

 

- Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance :

Les appelants soutiennent que la provision se heurte à des contestations sérieuses. En premier lieu, ils estiment que la clause pénale ne peut s'appliquer car elle n'a pas été mentionnée en caractères très apparents en application de l’article 78 du décret du 20 juillet 1972. En deuxième lieu, la clause présente, selon les appelants, un caractère léonin comme interdisant de fait toute résiliation anticipée du contrat en méconnaissance aux dispositions de l’article 7 de la loi du 2 janvier 1970. En troisième lieu, les consorts Y. et leurs SCI soutiennent que même à considérer qu'il ne s'agirait pas d'une clause pénale, elle doit être considérée comme abusive en regard des dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation et des recommandations de la commission des clauses abusives n° 81-01 du 25 novembre 1880 et 2001-02 du 22 février 2001.

Les appelants soutiennent enfin que, contrairement à ce qui a été jugé, ils sont admissibles à prouver l'inexécution des mandats par des documents postérieurs à la résiliation du mandat.

L'intimée rétorque que l'obligation est non sérieusement contestable la clause dont la teneur a été ci-dessus rapportée et qui ne peut recevoir selon celle-ci la qualification de clause pénale n'ayant jamais été contestée au cours des trois années au cours desquelles des mandats identiques ont été signés ; que les appelants ne parviennent pas à caractériser un grief contre la SARL LLI, les griefs articulés dans le courrier du 7 juin 2010 étant inopérants.

 

L’article 809 du code de procédure civile autorise le juge des référés, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, à accorder une provision au créancier.

Or, les contestations émises par les appelants tant en ce qui concerne la conformité de la clause aux dispositions de l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 qui imposent le caractère très apparent aux clauses pénales dans le cadre des mandats que son caractère abusif au regard des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses créant un déséquilibre significatif au détriment du non professionnel ne sont pas de celles qui relèvent de la compétence du juge des référés. Il n'appartient pas davantage au juge des référés, juge de l'évidence, de se prononcer sur la qualification de la clause litigieuse.

En outre, il convient de relever que les griefs soulevés par les appelantes, relatifs à l'inexécution des mandats par la SARL LLI, qui sont étayés par des pièces produites telles que des relevés de gérance de la société, un rapport d'expertise, des photographies de certains immeubles ne peuvent être appréciées que par le juge du fond et échappent à la compétence du juge des référés.

En conséquence de ce qui précède, l'infirmation de l'ordonnance entreprise s'impose.

 

- Sur la demande de dommages intérêts présentée par la SARL Laurent L. Immobilier :

Il n'entre pas dans la compétence du juge des référés d'accorder des dommages- intérêts. La demande de la SARL LLI fondée l'attitude des consorts Y. qui auraient de manière délibérée cherché à priver l'intimée de toute ressource et d'exercer des moyens de contestation doit être rejetée.

 

-Sur les frais :

L'équité impose de faire supporter par la SARL Laurent L. Immobilier les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel par les appelants.

La partie qui succombe doit les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé et renvoie les parties à se pourvoir au fond,

Rejette toutes les demandes de la SARL Laurent L. Immobilier,

Condamne la SARL Laurent L. Immobilier à payer aux consorts Y. et aux SCI appelantes la somme globale de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme globale de 2.000 euros au titre des frais irréptibles d'appel par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Laurent L. Immobilier aux dépens de première instance et aux dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

D. BOIVINEAU        P. VALLÉE