CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 24 février 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2583
CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 24 février 2011 : RG n° 09/02990
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En l'espèce, le contrat de licence d'exploitation signé par Mme M. a pour objet la création d'un site internet destiné à promouvoir et à développer son activité professionnelle. Ce contrat destiné à développer son activité, ayant un rapport direct avec celle-ci, Mme M. ne peut se prévaloir des dispositions protectrices relatives au démarchage à domicile, qui ont été à juste titre écartées par premier juge.
2/ « Mme M. soutient également que le contrat contient des clauses abusives de nature à créer un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. Les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation sur les clauses abusives ne peuvent cependant être invoquées lorsque le contrat litigieux a un rapport direct avec l'activité professionnelle du demandeur. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/02990. DÉCISION en date du 15 octobre 2009 du Tribunal d'Instance de CAEN R.G. n° 11-08/0928.
APPELANTE :
Madame X.
représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assistée de la SCP DOREL LECOMTE MASURE MARGUERIE, substituée par Maître L. DOREL, avocats au barreau de CAEN, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
INTIMÉS :
- LA SA CORTIX,
prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués, assistée de Maître Olivier ROQUAIN, avocat au barreau de BORDEAUX
- LA SAS PARFIP France,
prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués, assistée de Maître SAGNES-JIMENEZ, avocat au barreau de BOURG EN BRESSE
- Maître S. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CORTIX
représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués, assisté de Maître Olivier ROQUAIN, avocat au barreau de BORDEAUX
- LA SELARL M. P. ès qualités de mandataire judiciaire de la société CORTIX,
prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués, assistée de Maître Olivier ROQUAIN, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CALLE, Président de chambre, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, rédacteur, Madame VALLANSAN, Conseiller,
DÉBATS : À l'audience publique du 11 janvier 2011
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 février 2011 et signé par Monsieur CALLE, Président, et Mme LE GALL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme X. est appelante du jugement rendu le 15 octobre 2009 par le Tribunal d'instance de Caen qui a prononcé la mise hors de cause de la Société Cortix, a constaté la résiliation du contrat liant Mme M. à la Société Parfip France, a condamné Mme M. à payer à la Société Parfip France la somme de 5.801,80 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 15 mars 2008 et celle de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 500 euros au profit de la société Cortix sur le même fondement.
Par conclusions du 8 juillet 2010, Mme X. demande à la Cour de réformer la décision entreprise,
À titre principal, de dire que le contrat de licence d'exploitation de site internet est nul.
À tout le moins prononcer sa résiliation.
En conséquence débouter la société Parfip de l'intégralité de ses prétentions.
À titre subsidiaire, de lui accorder les plus larges délais de paiement.
En tout état de cause de condamner la société Parfip à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 14 juin 2010, la SAS Parfip France demande à la Cour de confirmer le jugement déféré; de débouter Mme M. de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme supplémentaire de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 28 juillet 2010, la SA Cortix, Maître S. ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Cortix et la SELARL M. P. ès qualité de mandataire judiciaire de la dite société demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme M. de l'ensemble de ses demandes, de dire que la preuve de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par la société Cortix de ses obligations n'est pas établie, de rejeter tout moyen de demande en ce sens, et de la mettre hors de cause.
En toute hypothèse, de rejeter toutes demandes de Mme M. autres que la constatation et la fixation de sa créance éventuelle au passif de la procédure de sauvegarde, de la condamner au paiement d'une somme supplémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 euros au profit de la SAS Cortix ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros chacun au profit de M. S. ès qualité et de la SELARL M. P.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Aux termes d'un acte sous seing privé du 27 juillet 2007, Mme X., exerçant sous l'enseigne P. C. une activité de toilettage canin, a conclu avec la Société Cortix un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée de 48 mois, moyennant le règlement de mensualités de 125,58 euros TTC.
Le même jour Mme M. a signé un procès verbal de réception de la création, du référencement et de l'hébergement du site internet.
Le contrat prévoyait la possibilité pour le fournisseur de céder les droits du contrat à un cessionnaire, et le client acceptait ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire.
Le 29 août 2007, la Société Parfip France cessionnaire du contrat a transmis à Mme M. une facture échéancier prévoyant le règlement à son profit des 48 mensualités entre le 1er août 2007 et le 1er juillet 2011.
Par courrier du 1er septembre 2007, Mme M. a adressé un courrier à la Société Cortix lui indiquant son intention d'annuler le contrat au motif qu'il ne lui avait pas été précisé que le contrat était d'une durée irrévocable de 48 mois.
La Société Cortix lui a répondu le 6 septembre 2007 qu'elle considérait que le contrat était irrévocablement conclu pour une durée de 48 mois.
Mme M. a réglé les mensualités jusqu'en janvier 2008.
Mme M. ayant cessé son activité en février 2008, et ayant cessé le règlement des mensualités à compter de cette date, la Société Parfip l'a mise en demeure, par courrier du 14 mars 2008, de régler la somme de 276,28 euros correspondant aux échéances des mois de février et mars 2008 et l'a informée qu'à défaut de paiement sous huit jours, elle résilierait le contrat, et que cette résiliation anticipée entraînerait le règlement intégral des loyers impayés ainsi que le paiement d'une indemnité de résiliation majorée d'une clause pénale.
En l'absence de règlement, la Société Parfip a obtenu du juge d'instance de Caen une ordonnance en date du 27 mai 2008 enjoignant à Mme M. de lui régler la somme de 5.801,80 euros en principal.
Mme M. a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance.
Elle a appelé en cause la Société Cortix.
Mme M. a sollicité la nullité de contrat de licence d'exploitation du site internet sur le fondement de l’article L. 121-23 du code de la consommation et de l’article 1116 du code civil.
En toute hypothèse, elle a conclu à la résiliation de ce contrat au motif que la Société Gortix n'aurait pas respecté ses engagements contractuels, et elle a en conséquence soutenu qu'il appartenait à la Société Parfip de se retourner contre la Société Cortix pour le paiement de sa créance.
La Société Cortix et la Société Parfip se sont opposées aux demandes.
C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.
Mme M. conclut en premier lieu à la nullité du contrat sur le fondement de l’article L. 121-23 du code de la Consommation au motif que le contrat de licence d'exploitation du 27 juillet 2007 ne porte pas le nom du démarcheur, ni les mentions exigées par ce texte quant à ses conditions d'exécution, aux conditions du crédit et à la faculté de rétractation.
La Société Parfip France lui oppose que ces dispositions ne peuvent être invoquées du fait que Mme M. a contracté pour les besoins de son activité professionnelle.
Aux termes de l’article L. 121-22 du code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 121-23, les ventes locations ou locations vente de biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
En l'espèce, le contrat de licence d'exploitation signé par Mme M. a pour objet la création d'un site internet destiné à promouvoir et à développer son activité professionnelle. Ce contrat destiné à développer son activité, ayant un rapport direct avec celle-ci, Mme M. ne peut se prévaloir des dispositions protectrices relatives au démarchage à domicile, qui ont été à juste titre écartées par premier juge.
Mme M. conclut également à la nullité du contrat sur le fondement du dol au motif que le démarcheur lui aurait affirmé qu'elle pouvait faire cesser le contrat à tout moment et qu'il l'a ainsi trompée sur la nature du contrat, alors qu'elle l'avait informé de ce que son état de santé ne lui permettait pas de s'engager sur une durée importante.
Aux termes de l’article 1116 du code civil, si le dol est une cause de nullité d'une convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ses manœuvres l'autre partie n'aurait pas contracté, il demeure que le dol ne se présume pas et qu'il doit être prouvé.
En l'espèce, le contrat porte sur sa première page, au paragraphe dispositions financières, qu'il est conclu pour une durée ferme et irrévocable de 48 mois, et Mme M. ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à établir que le démarcheur de la Société Cortix l'aurait sciemment trompé sur la nature du contrat.
Dans ces conditions, en l'absence de preuve de l'existence de manœuvres dolosives, c'est également à juste titre que le premier juge a écarté ce moyen.
Mme M. soutient également que le contrat contient des clauses abusives de nature à créer un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.
Les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation sur les clauses abusives ne peuvent cependant être invoquées lorsque le contrat litigieux a un rapport direct avec l'activité professionnelle du demandeur.
Mme M. ne peut donc se prévaloir de ces dispositions.
Mme M. invoque également l'exception d'inexécution au motif que le site créé par la Société Cortix n'aurait pas été mis en ligne, qu'il ne correspondait pas à ce qui avait été prévu, et que le référencement du site n'aurait pas été effectué.
La Société Cortix produit aux débats un courrier du 1er août 2007 avisant Mme M. de l'ouverture de l'espace d'hébergement et de la page d'information de son site dont l'adresse est précisée.
Ce même courrier lui annonce la création et le référencement de son site.
Elle produit également le certificat d'enregistrement du nom de domaine, et l'édition de la page d'accueil du site « PAT C'OUAF comportementaliste ».
Par courrier du 23 août 2007, la société Cortix a confirmé à Mme M. la mise en ligne de son site et l'a avisée de la procédure à suivre pour le modifier dans un délai de 15 jours.
Un identifiant et un mot de passe lui ont été transmis.
La Société Cortix produit également aux débats un état des référencements du site sur différents moteurs de recherche.
Ces éléments démontrent que la société Cortix a rempli ses obligations.
Mme M., qui n'a sollicité aucune modification du site créé, ne peut en outre utilement se prévaloir de ce qu'il ne correspondait pas à ses attentes.
La résiliation du contrat aux torts de la société Cortix n'est donc pas encourue.
Mme M. ayant cessé de régler les échéances du contrat à compter du mois de février 2008, la société Parfip cessionnaire du contrat l'a mise en demeure de régler les sommes lui restant dues en exécution de l'article 16-3 des conditions générales, après résiliation du contrat pour non paiement.
Ces dispositions contractuelles doivent recevoir application.
Le jugement mérite donc d'être confirmé en ce qu'il a condamné Mme M. à payer à la Société Parfip France la somme de 5.801,80 euros aux intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2008.
En revanche, il n'apparaît pas inéquitable que la société Cortix et les organes de la procédure de sauvegarde la concernant, ainsi que la Société Parfip France supportent les frais non compris dans les dépens engagés sur la procédure tant en première instance qu'en cause d'appel, les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
S'agissant de la demande de délais de paiement présentée par Mme M., il sera relevé que la modicité de ses revenus ne permet pas d'envisager de mettre en place un échéancier dans le délai légal fixé par l’article 1244-1 du code civil. Il ne peut dans ces conditions être fait droit à sa demande, sa situation paraissant relever d'une procédure de traitement du surendettement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné Mme M. à verser à la Société Parfip France et à la Société Cortix une somme de 500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau de ces chefs.
Déboute la Société Cortix, Maître S. ès qualités d'administrateur de la Société Cortix et Maître M. P. ès qualités de mandataire judiciaire de la Société Cortix de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société Parfip France de sa demande d'indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute Mme M. de sa demande de délai de paiement.
Condamne Mme M. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL B. CALLE
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