TI CAEN, 15 octobre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3281
TI CAEN, 15 octobre 2009 : RG n° 11-08-000928 ; jugement n° 2009/895
(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 24 février 2011 : RG n° 09/02990)
Extrait : « Il en résulte que le contractant ne peut se prévaloir des dispositions du Code de la consommation lorsque le contrat conclu a un rapport direct avec son activité.
En l'espèce, Madame X. a commandé à la société CORTIX la réalisation d'un site internet destiné à assurer la promotion de son activité artisanale de toilettage canin. En ce que Madame X. a conclu le contrat litigieux directement pour les besoins et dans l'exercice de son activité professionnelle d'exploitation d'un commerce, elle ne peut être considérée comme un consommateur ayant contracté avec un professionnel. Les dispositions du Code de la consommation relatives au délai de rétractation et aux clauses abusives ne sont conséquences pas applicables et la nullité du contrat n'est pas encourue à ce titre. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE CAEN
JUGEMENT DU 15 OCTOBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-08-000928. Jugement n° 2009/895.
DEMANDEUR :
- SAS PARFIP FRANCE
dont le siège social est situé [adresse], représentée par Maître SAGNES-JIMENEZ Nathalie, avocat au barreau de Bourg-en-Bresse, d'une part,
ET :
DÉFENDEURS :
- Mademoiselle X.
demeurant [adresse], représentée par Maître LECOMTE Dominique, avocat au barreau de CAEN
- Société CORTIX
dont le siège social est situé [adresse], représentée par la SCP RMC ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, d'autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : GOUARIN Elvire, Vice-Présidente
Greffier présent lors de la mise à disposition : BACONNET Pierre
PROCÉDURE :
Date de la première évocation : 26 août 2008
Date des débats : 10 septembre 2009
Date de la mise à disposition : 15 octobre 2009
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé établi le 27 juillet 2007, la société P., représentée par Madame X., a signé avec la société CORTIX un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée de 48 mois, moyennant le versement de mensualités de 125,58 euros.
Le 27 juillet 2007, Madame X. a signé le procès-verbal de réception de la création, du référencement et de l'hébergement du site internet.
Par courrier recommandé présenté le 15 mars 2008, la société PARFIP FRANCE a mis en demeure Madame X. de lui régler la somme de 5.801,80 euros.
Par ordonnance rendue le 27 mai 2008 par le tribunal d'instance de Caen, Madame X. a été condamnée à verser à la société PARFIP FRANCE la somme en principal de 5.801,80 euros.
L'ordonnance a été signifiée à son destinataire le 27 juin 2008.
Par déclaration reçue le 3 juillet 2008, Madame X. a formé opposition à l'ordonnance portant injonction de payer.
Par assignation délivrée le 8 octobre 2008, Madame X. a appelé dans la cause la société CORTIX.
A l'audience du 6 janvier 2009, la jonction des deux instances a été ordonnée par mention au dossier.
A l'audience du 14 septembre 2009, la société PARFIP conclut au débouté des demandes de Madame X., au prononcé de la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers et à la condamnation de Madame X. au paiement de la somme de 5.801,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2008.
A titre subsidiaire, elle conclut au prononcé de la nullité de la vente intervenue entre les sociétés PARFIP FRANCE et CORTIX et à la condamnation de la société CORTIX à lui rembourser la somme en principal de 3.417,14 euros, outre intérêts à compter du 23 août 2007.
En tout état de cause, la demanderesse sollicite le prononcé de l'exécution provisoire de la décision et la condamnation de la partie qui succombe au paiement de la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
[minute page 3] Madame X. demande au tribunal de dire que le contrat d'exploitation est nul, de le résilier, de dire que la nullité du contrat de prestation avec la société CORTIX entraîne la nullité du contrat de financement avec la société PARFIP et de débouter la société PARFIP de ses prétentions.
A titre subsidiaire, Madame X. demande au tribunal de condamner la société CORTIX à la garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite les plus larges délais de paiement, le débouté de la société PARFIP du surplus de ses prétentions et la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens.
La société CORTIX demande au tribunal de débouter Madame X. de ses demandes, de la mettre hors de cause et de condamner Madame X. au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Au soutien de ses demandes, la société PARFIP fait principalement valoir que :
- Madame X. ayant contracté pour les besoins de son activité professionnelle, elle ne peut bénéficier des dispositions protectrices des consommateurs en matière de démarchage à domicile ni des dispositions relatives aux clauses abusives,
- le dol invoqué ne résulte d'aucune pièce probante,
- le prononcé de la nullité du contrat priverait la vente de sa cause.
A l'appui de ses prétentions, Madame X. fait essentiellement plaider que :
- le contrat ne respecte pas les exigences du Code de la consommation en matière de démarchage prévues à l'article L. 121-23,
- le contrat est entaché d'un vice du consentement, le dol, le commercial lui ayant affirmé que le contrat permettait une résiliation anticipée en cas de cessation d'activité liée à son état de santé, condition essentielle au vu de laquelle elle a contracté,
- la société CORTIX n'a pas respecté ses obligations contractuelles,
- elle n'a plus d'activité professionnelle, se trouve en invalidité et ne touche qu'une somme mensuelle de 450 euros.
La société CORTIX soutient notamment que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables, que le dol n'est pas démontré et que Madame X. n'établit l'inexécution par la société CORTIX de ses obligations.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] MOTIFS :
Sur la nullité du contrat :
Aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
Sur l'application des dispositions du Code de la consommation :
L'article L. 121-22 du Code de la consommation prévoit que ne sont pas soumises à ces dispositions les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de services, lorsqu'elles ont un rapport direct avec des activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, ou de toute autre profession.
Il en résulte que le contractant ne peut se prévaloir des dispositions du Code de la consommation lorsque le contrat conclu a un rapport direct avec son activité.
En l'espèce, Madame X. a commandé à la société CORTIX la réalisation d'un site internet destiné à assurer la promotion de son activité artisanale de toilettage canin.
En ce que Madame X. a conclu le contrat litigieux directement pour les besoins et dans l'exercice de son activité professionnelle d'exploitation d'un commerce, elle ne peut être considérée comme un consommateur ayant contracté avec un professionnel.
Les dispositions du Code de la consommation relatives au délai de rétractation et aux clauses abusives ne sont conséquences pas applicables et la nullité du contrat n'est pas encourue à ce titre.
Sur le dol :
Aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol ne se présume pas et il appartient en conséquence à Madame X. de rapporter la preuve des manœuvres dolosives de son contractant, la société CORTIX.
Or Madame X. se contente d'allégations qu'aucune pièce probante ne vient étayer.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de nullité du contrat sur le fondement des vices du consentement.
[minute page 5]
Sur l'existence d'une cause :
L'article 1131 du Code civil prévoit que l'obligation sans cause ou sur fausse cause ou cause illicite ne peut avoir aucun effet.
En l'espèce, il résulte du contrat versé aux débats que la contrepartie de l'obligation au paiement de Madame X. était la création d'un espace d'hébergement du site, prestation de service qui a été exécutée ainsi que le démontre le procès-verbal de réception régulièrement signée par la défenderesse.
La demande de nullité du contrat pour absence de cause doit en conséquence être rejetée.
Sur le paiement des sommes dues :
Il convient de constater que les parties sont d'accord pour considérer que le contrat les liant se trouve résilié.
Le contrat établi le 27 juillet 2007 prévoit dans son article 2.2 que la signature par le client du procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement est le fait déclencheur de l'exigibilité des échéances.
Il n'est pas contesté que Madame X. a cessé de régler les mensualités prévues alors que l'engagement portait sur une période de 48 mois.
Dès lors et en application des dispositions de l'article 16.3 du contrat, Madame X. est redevable d'une indemnité de résiliation pour rupture anticipée dont elle ne conteste pas le quantum et qui doit être fixée à la somme de 5.801,80 euros, somme au paiement de laquelle il convient de la condamner.
Cette somme sera augmentée de la mise en demeure présentée le 15 mars 2008, en application des dispositions de l'article 1153 du Code civil.
La contestation de Madame X. étant rejetée, l'appel dans la cause de la société CORTIX est sans objet et sa mise hors de cause doit être prononcée.
Sur la demande de délais de paiement :
Madame X. ne verse aux débats aucune pièce justificative des difficultés financières qu'elle allègue. Elle a en outre bénéficié d'amples délais de paiement depuis l'ordonnance d'injonction de payer, compte tenu de la durée de la procédure.
[minute page 6] Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de délais de paiement.
Sur les frais et dépens :
Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés CORTIX et PARFIP les frais irrépétibles exposés par suite de l'opposition injustifiée de Madame X.
Aussi cette dernière sera-telle condamnée à verser à chacune des sociétés la somme de cinq cents euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant dans ses prétentions, Madame X. supportera la charge des dépens de la présente instance en application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire :
Nécessaire et compatible avec la présente décision, il convient d'ordonner l'exécution provisoire, en application des dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal,
Statuant publiquement, par mise à disposition, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer ;
DIT que le présent jugement se substitue à l'ordonnance rendue le 27 mai 2008 ;
PRONONCE la mise hors de cause de la société CORTIX ;
CONSTATE la résiliation du contrat liant Madame X. à la société PARFIP FRANCE ;
CONDAMNE Madame X. à payer à la société PARFIP FRANCE la somme de CINQ MILLE HUIT CENT UN EUROS ET QUATRE VINGT CENTIMES (5.801,80 euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2008 ;
[minute page 7] CONDAMNE Madame X. à verser à la société PARFIP FRANCE la somme de CINQ CENTS EUROS (500 euros) au titre des frais irrépétibles
CONDAMNE Madame X. à verser à la société CORTIX la somme de CINQ CENTS EUROS (500 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNE Madame X. aux dépens ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
Ainsi jugé et prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de ce tribunal et après lecture, la minute a été signée par le Juge et le Greffier présent lors de la mise à disposition.
LE GREFFIER LE JUGE
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet