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TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 11 février 2000

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 11 février 2000
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 9e ch. sect. 2
Demande : 99/15914
Date : 11/02/2000
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 9/09/1999
Décision antérieure : CA PARIS (15e ch. sect. A), 3 septembre 2002
Numéro de la décision : 2
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2608

TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 11 février 2000 : RG n° 99/15914 ; jugement n° 2

(sur appel CA Paris (15e ch. A), 3 septembre 2002 : RG n° 2000/08216)

 

Extrait : « Également critiquée comme constituant au profit du CRÉDIT LYONNAIS un avantage créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et notamment pour Monsieur Y. qui n'était pas son salarié, cette possibilité pour le prêteur de se prévaloir de l'exigibilité du prêt en cas de cessation d'activité de Madame Y. qui apparaît comme la contrepartie du taux d'intérêt particulièrement favorable assortissant le prêt dont bénéficiaient les deux emprunteurs ne présente pas le caractère abusif définit par l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 11 FÉVRIER 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/15914. Jugement n° 2. Assignation : 9 septembre 1999. AJ : n° 99/XX du [date] pour Madame Y.

 

DEMANDEURS :

Madame X. épouse Y. et Monsieur Y.

demeurant : [adresse], représentés par Maître Hervé CASSEL, E 1294, avocat postulant et par Maître Emmanuel LUDOT, avocat plaidant au Barreau de REIMS ;

 

DÉFENDEUR :

CRÉDIT LYONNAIS

siège : [adresse], non représenté ;

[minute page 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Madame BÉZIO, Vice-Président, Madame BOBIN, Juge, Monsieur BECKTUS, Juge

GREFFIER : Mademoiselle BONCHRÉTIEN

DÉBATS : À l'audience du 10 décembre 1999 tenue publiquement devant Madame BOBIN, Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile.

JUGEMENT : Prononcé en audience publique Réputé contradictoire Susceptible d'appel

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 2 juin 1992, Madame X. épouse Y. salariée du CRÉDIT LYONNAIS de février 1971 à décembre 1994 et son époux ont souscrit auprès de cette banque, un prêt immobilier d'un montant de 190.000 francs aux fins d'acquisition d'un pavillon.

Ce prêt d'une durée de 20 ans, au taux effectif global de 4,44 % était assorti de clauses spéciales stipulant que toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires en vertu du présent contrat, deviendront exigibles si bon semble au CRÉDIT LYONNAIS en cas de résiliation pour quelque cause que ce soit du contrat de travail liant Madame Y. au CRÉDIT LYONNAIS avant parfaite libération et que dans cette hypothèse, la liquidation des fonds communs de placement interviendra obligatoirement et le produit sera affecté à due concurrence au remboursement du prêt.

[minute page 3] La rupture du contrat de travail de Madame Y. étant intervenue dans le cadre de mesures de départ volontaire la banque lui notifiait par lettre du 9 janvier 1995, qu'après affectation de la liquidation de ses parts d'intéressement au remboursement partiel du prêt susvisé, elle restait devoir une somme de 171.115,85 francs.

Monsieur et Madame Y. rachetaient alors leur créance en souscrivant auprès du CRÉDIT LYONNAIS un nouvel emprunt d'un montant de 179.776,00 francs au taux effectif global de 6,56 %.

C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 9 septembre 1999, Monsieur et Madame Y., invoquant les dispositions des articles L. 144-1 du code du Travail, 1174 et 1382 du code civil, L. 132-1 du code de la consommation et 378 du nouveau code de procédure civile, faisaient assigner le CRÉDIT LYONNAIS devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS aux fins de :

À titre principal,

Constater le caractère potestatif de la clause spéciale contenue au contrat de prêt signé le 2 juin 1992 ainsi que l'indivisibilité liant les deux contrats de prêts souscrits auprès du CRÉDIT LYONNAIS et en conséquence, annuler l'ensemble des contrats de prêts et condamner la banque à leur verser la somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts.

À titre subsidiaire,

Constater le caractère abusif de la clause spéciale contenue dans le contrat de prêt signé le 2 juin 1992 ainsi que le caractère indivisible de ce contrat et de celui de 1995 tendant au remboursement du précédent contrat de prêt et en conséquence, annuler la clause spéciale contenue dans le contrat de prêt en date du 2 juin 1992 et condamner la banque à leur verser une somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts,

À titre infiniment subsidiaire,

Constater que le CRÉDIT LYONNAIS a commis une faute dans sa façon de concevoir et d'appliquer le contrat de prêt du 2 juin 1992, qu'il a réalisé une opération pécuniaire au mépris de son ex-salariée et du Co-emprunteur et que les deux contrats de prêts sont indivisibles et en conséquence condamner la banque à leur verser la somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts,

[minute page 4] À titre encore plus subsidiaire,

Constater qu'une action est pendante devant le Conseil de Prud'hommes de SOISSONS tendant à l'annulation de la convention de départ de Madame Y., que dans l'hypothèse d'une annulation, il n'y avait pas lieu à application de la clause spéciale contenue au contrat de prêt du 2 juin 1992 et en conséquence, ordonner le sursis à statuer jusqu'à la décision du Conseil de Prud'hommes de SOISSONS et condamner le CRÉDIT LYONNAIS au paiement d'une somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Régulièrement assigné, le CRÉDIT LYONNAIS n'a pas constitué avocat. La présente décision, susceptible d'appel, sera réputée contradictoire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Même assortie de la faculté pour le prêteur de l'exercer ou non, la clause de déchéance du terme contenue dans le contrat de prêt en cas de rupture du contrat de travail de Madame Y. pour quelque cause que ce soit, dont la validité n'est pas contestable au regard des dispositions de l'article L. 144-1 du code du travail, ne constitue pas une condition potestative soumise aux prescriptions de l'article 1174 du code civil qui dispose que « Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige » dès lors que l'exercice de cette faculté par le prêteur suppose au préalable la réalisation d'un événement ne dépendant pas exclusivement de son bon vouloir.

Également critiquée comme constituant au profit du CRÉDIT LYONNAIS un avantage créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et notamment pour Monsieur Y. qui n'était pas son salarié, cette possibilité pour le prêteur de se prévaloir de l'exigibilité du prêt en cas de cessation d'activité de Madame Y. qui apparaît comme la contrepartie du taux d'intérêt particulièrement favorable assortissant le prêt dont bénéficiaient les deux emprunteurs ne présente pas le caractère abusif définit par l'article L. 132-1 du code de la consommation.

S'agissant d'autre part de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail que les demandeurs invoquent encore au soutien de leur action en nullité du contrat de prêt, il convient de relever qu'elle ne peut être examinée dans le cadre du présent litige alors que la nullité de la convention de départ de [minute page 5] Madame Y. a déjà été prononcée par le Conseil des Prud'hommes de SOISSONS selon décision du 9 novembre 1999 dont appel a été interjeté, et que l'action introduite sur ce fondement tendant à la réparation du préjudice subi par l'octroi de dommages et intérêts, n'a pas pour objet de faire revivre le contrat initial.

Pour les mêmes raisons ci dessus évoquées, le sursis à statuer réclamé à titre infiniment subsidiaire, n'apparaît pas justifié.

Par ailleurs, la responsabilité de la banque ne saurait être engagée au seul motif de l'octroi aux époux Y. d'un nouveau prêt à un taux plus élevé aux fins de rembourser le premier prêt devenu exigible par application des stipulations contractuelles, puisque les demandeurs ne justifient ni même n'allèguent le caractère usuraire ou même simplement excessif du taux d'intérêt fixé à 6,56 % et qu'ils n'établissent pas davantage qu'un autre établissement de crédit ait été en mesure de leur proposer un taux plus intéressant.

Plus particulièrement, s'il est exact qu'en raison du délai écoulé entre la demande de prêt et le déblocage des fonds, pendant lequel la banque a continué à prélever les échéances de la créance rachetée, elle a prêté un capital de 179.776 francs au lieu de la somme de 171.115,85 francs nécessaire, le remboursement de la différence par elle effectué le 1er juin 1995, ne caractérise pas la légèreté qui lui est reprochée dans la préparation et la mise en œuvre du contrat de prêt et le paiement des intérêts au taux de 6,56 % sur cette somme pour un montant en toute hypothèse minime ne constitue pas le préjudice allégué par les demandeurs alors qu'il ressort de l'ensemble du dossier que leurs difficultés financières et leur situation de chômage sont à mettre en lien avec l'échec de l'opération de création d'entreprise mise en place dans le cadre de la convention de départ, ne relevant pas de la compétence de ce Tribunal.

Monsieur et Madame Y. sont déboutés de l'intégralité de leurs demandes.

L'exécution provisoire est sans objet.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort ;

- [minute page 6] Déboute Monsieur et Madame Y. de l'intégralité de leurs demandes.

- Constate que l'exécution provisoire est sans objet.

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- Condamne les demandeurs aux dépens.

Fait et jugé, à PARIS, le 11 FÉVRIER 2000

LE GREFFIER                                 P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ

Odile BONCHRÉTIEN                   Catherine BOBIN