CA PARIS (15e ch. sect. A), 3 septembre 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 903
CA PARIS (15e ch. sect. A), 3 septembre 2002 : RG n° 2000/08216
Publication : Juris-Data n° 188807
Extrait : « Considérant que par acte sous seing privé du 2 juin 1992, le CRÉDIT LYONNAIS a consenti à Madame X., sa salariée, et à Monsieur X., un prêt de 190.000 Francs remboursable en 20 ans, au taux de 4,44 %, pour financer l'acquisition d'un pavillon ; que le contrat contenait une clause spéciale stipulant que toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires deviendraient exigibles, si bon semble au prêteur, en cas de résiliation pour quelque cause que ce soit du contrat de travail de Madame X. au CREDIT LYONNAIS ; […] ; mais que conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ; que le prêt du 2 juin 1992 a été accordé en raison de la qualité de salariée de Madame X. au sein du CRÉDIT LYONNAIS ; que la clause spéciale trouvait sa contrepartie dans l'octroi aux deux emprunteurs d'un taux d'intérêt très favorable ; qu'en conséquence la clause ne peut être déclarée abusive et réputée non écrite ».
COUR D’APPEL DE PARIS
QUINZIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 3 SEPTEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/08216. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 11 février 2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 9ème Ch. RG n° : 1999/15914.
Date ordonnance de clôture : 28 mai 2002. Nature de la décision : Contradictoire. Décision : Confirmation.
APPELANT :
Monsieur X.
Demeurant [adresse], représenté par Maître BLIN, avoué, assisté de Maître LUDOT EMMANUEL, Avocat au Barreau de REIMS,
APPELANTE :
Madame Y. épouse X.
Demeurant [adresse], représentée par Maître BLIN, avoué, assistée de Maître LUDOT EMMANUEL, Avocat au Barreau de REIMS,
[minute page 2]
INTIMÉ :
LE CREDIT LYONNAIS SA
pris en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par la SCP HARDOUIN, avoué, assisté de Maître BRUN PHILIPPE, Toque C449, Avocat au Barreau de PARIS, pl. p. le Cabinet COURNOT
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats : Madame GIROUD, conseillère chargée du rapport, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, puis elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
Lors du délibéré : Madame CHAGNY, Présidente Monsieur LE FEVRE, Conseiller Madame GIROUD, Conseillère
DÉBATS : A l'audience publique du 12 juin 2002
GREFFIÈRE : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Mademoiselle HOUDIN
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par Madame GIROUD, Conseillère, Signé par Madame CHAGNY, Présidente, et par Mademoiselle HOUDIN, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 11 février 2000, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur X. et Madame X. de leurs demandes contre le CREDIT LYONNAIS.
[minute page 3] Monsieur X. et Madame X., appelants, demandent à la cour d'annuler les contrats de prêt des 2 juin 1992 et 17 janvier 1995 qu'ils prétendent indivisibles, et de condamner le CREDIT LYONNAIS à leur payer la somme de 200.000 Francs à titre de dommages-intérêts ; subsidiairement, ils invoquent le caractère abusif de la clause spéciale contenue dans le contrat de prêt du 2 juin 1992, et demandent son annulation ainsi que la somme de 200.000 Francs à titre de dommages-intérêts ; à titre encore plus subsidiaire, ils soutiennent que le CREDIT LYONNAIS a engagé sa responsabilité et lui réclament la somme de 200.000 Francs à titre de dommages-intérêts ; en dernier lieu, ils concluent au sursis à statuer dans l'attente de l'issue du litige prud'homal pendant devant la cour d'appel d'Amiens ; ils demandent l'indemnité de 30.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le CRÉDIT LYONNAIS soulève l'irrecevabilité de la demande en nullité du prêt du 2 juin 1992 ; il fait valoir que la clause spéciale de ce contrat n'est pas potestative, ni abusive, et que les deux contrats sont valables ; il conteste avoir commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ; il ajoute que la demande de sursis à statuer est sans objet, la cour d'appel d'Amiens ayant rendu son arrêt ; l'intimé demande la confirmation du jugement, le rejet de toutes les prétentions des appelants, et l'indemnité de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Considérant que par acte sous seing privé du 2 juin 1992, le CRÉDIT LYONNAIS a consenti à Madame X., sa salariée, et à Monsieur X., un prêt de 190.000 Francs remboursable en 20 ans, au taux de 4,44 %, pour financer l'acquisition d'un pavillon ; que le contrat contenait une clause spéciale stipulant que toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires deviendraient exigibles, si bon semble au prêteur, en cas de résiliation pour quelque cause que ce soit du contrat de travail de Madame X. au CREDIT LYONNAIS ; que dans le cadre d'un accord social pour l'emploi du 4 juillet 1994, Madame X. a quitté son emploi au sein de la banque pour créer un fonds de commerce ; que le 9 janvier 1995, le CREDIT LYONNAIS, se prévalant de la clause spéciale d'exigibilité, a réclamé paiement de la somme de 171.115,85 Francs ; que par acte du 17 janvier 1995, il a consenti aux époux X. un prêt de 179.776, au taux de 6,56 pour leur permettre de rembourser le premier crédit ;
Considérant que sa reconversion ayant échoué, Madame X. a saisi le conseil de Prud'hommes de Soissons pour voir annuler sa convention de départ signée avec le CREDIT LYONNAIS ; que la cour d'appel d'Amiens, par arrêt infirmatif du 20 septembre 2000, a débouté Madame X. de toutes ses prétentions ; que la demande de sursis à [minute page 4] statuer n'a donc plus d'objet ;
Considérant que les appelants prétendent que le caractère potestatif de la clause spéciale contenue dans l'acte du 2 juin 1992, ainsi que l'absence de cause réelle et sérieuse au départ de Madame X., entraînent la nullité du premier contrat de prêt et, par voie de conséquence la nullité du second prêt ; mais que les époux X. n'ont assigné le CRÉDIT LYONNAIS que le 9 septembre 1999 ; que par application de l'article 1304 du code civil, leur action en nullité du contrat de prêt du 2 juin 1992 est éteinte, faute d'avoir été exercée dans le délai de 5 ans à compter de sa signature ; que les appelants ne démontrent aucune cause de nullité affectant le contrat de prêt du 17 janvier 1995 ;
Considérant que les époux X. soutiennent par ailleurs que la liberté conférée au CRÉDIT LYONNAIS par la clause spéciale constitue un avantage ne profitant qu'à celui-ci, et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, notamment pour Monsieur X. ; mais que conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ; que le prêt du 2 juin 1992 a été accordé en raison de la qualité de salariée de Madame X. au sein du CRÉDIT LYONNAIS ; que la clause spéciale trouvait sa contrepartie dans l'octroi aux deux emprunteurs d'un taux d'intérêt très favorable ; qu'en conséquence la clause ne peut être déclarée abusive et réputée non écrite ;
Considérant que les époux X. font grief au CREDIT LYONNAIS d'avoir fait preuve de légèreté dans la préparation et l'exécution du contrat de prêt ; que plus précisément, ils lui reprochent d'avoir mis en œuvre la clause spéciale dans toute sa rigueur, alors que rien ne l'y contraignait, si ce n'est la volonté de leur faire souscrire un nouveau prêt à un taux d'intérêts supérieur, doublant le gain financier qu'il pouvait obtenir de l'opération ; mais que la banque n'a commis aucune faute en faisant jouer la clause spéciale ; que les époux X. restaient libres de s'adresser à un autre établissement bancaire pour obtenir des conditions plus avantageuses afin de rembourser le prêt du 2 juin 1992 ; qu'aucune faute n'étant montrée à l'encontre du CREDIT LYONNAIS, la demande en dommages-intérêts des appelants doit être rejetée ; qu'en équité, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimé en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Déclare Monsieur X. et Madame X. irrecevables en leur demande en nullité du contrat de prêt du 2 juin 1992,
Les déboute de toutes leurs autres demandes,
Rejette la demande du CREDIT LYONNAIS au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne Monsieur et Madame X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
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