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CA DOUAI (1re ch. 1re sect.), 15 décembre 2008

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. 1re sect.), 15 décembre 2008
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 08/02472
Date : 15/12/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/03/2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2659

CA DOUAI (1re ch. 1re sect.), 15 décembre 2008 : RG n° 08/02472 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article 17 du règlement 44/2001 qui permet de déroger aux dispositions du règlement par des dispositions permettant au consommateur de saisir d'autres « Tribunaux que ceux indiqués dans la présente section » ne peut recevoir application en l'espèce dès lors que le Tribunal désigné par le contrat est un Tribunal arbitral et que la clause obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage constitue une clause abusive au sens de l'article 3 de la directive CEE n° 93/13 du conseil du 5 avril 1993 et de son annexe, qui concernent les clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs, et des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation et son annexe.

Au vu de ces considérations, il convient de considérer comme non écrite la clause du contrat de vente attribuant compétence, exclusive, à la Commission des Litiges, instance arbitrale, et de constater que le Tribunal d'Instance de Douai était compétent pour connaître du litige. »

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 08/02472. CONTREDIT. Jugement (N° 07-000530) rendu le 14 mars 2008 par le Tribunal d'Instance de DOUAI.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

demeurant [adresse] et actuellement [adresse] - Régulièrement convoqués - Assistés de Maître Jean-Robert DUHAMEL, avocat au barreau de DOUAI

 

DÉFENDERESSE :

SA MEUBELFABRIEK CRACK

ayant son siège social [adresse Belgique] [minute Jurica page 2] - Régulièrement convoquée - Assistée de Maître CHAPON, avocat, substituant Maître Marc DECRAMER, avocat au barreau d'IEPER (BELGIQUE)

 

DÉBATS à l'audience publique du 3 novembre 2008, tenue par Madame ROUSSEL magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame ROUSSEL, Président de chambre, Madame METTEAU, Conseiller, Madame MARCHAND, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame ROUSSEL, Président et Madame HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par jugement rendu le 14 mars 2008, le Tribunal d'Instance de Douai s'est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant Monsieur et Madame X. à la société MEUBELFABRIEK CRACK, relatif à l'achat d'un salon, et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Monsieur et Madame X. ont formé un contredit de compétence, déposé au Tribunal d'Instance le 31 mars 2008 et transmis à la Cour.

La société MEUBELFABRIEK CRACK a déposé ses conclusions le 18 juin 2008.

 

RAPPEL DES DONNÉES DU LITIGE :

Monsieur et Madame X. ont acheté en Belgique, auprès de la société MEUBELFABRIEK CRACK, le 2 novembre 2001, un salon de cuir qui leur a été livré en France le 21 janvier 2002.

Le contrat de vente du 2 novembre 2001 prévoit que les litiges relatifs à cette convention doivent être soumis à la Commission des Litiges et que les décisions de cette commission lient définitivement les parties, cette procédure étant « conforme au règlement des conflits et aux dispositions du code judiciaire en matière d'arbitrage (article 1676 à 1723) ».

Les acquéreurs ayant constaté des défauts sur les meubles livrés, le salon a été remplacé par le vendeur le 9 avril 2002.

Un nouveau remplacement sollicité en juin 2002 par les acquéreurs a été refusé par la société MEUBELFABRIEK CRACK qui a estimé que le délai contractuel de garantie était expiré et qu'il n'existait, de plus, aucun défaut.

[minute Jurica page 3] Les époux X. ont fait procéder, courant mars 2003, à une expertise amiable par l'intermédiaire de leur assureur et il a été relevé que le cuir était distendu au niveau des accoudoirs de l'un des canapés.

Par acte d'huissier du 11 janvier 2005, les époux X. ont fait assigner la société MEUBELFABRIEK CRACK devant le Tribunal d'Instance de Douai afin d'obtenir le remplacement du salon ou la résiliation du contrat, outre des dommages-intérêts.

La société MEUBELFABRIEK CRACK a conclu à l'incompétence du Tribunal et à l'application du droit belge, en vertu du contrat de vente prévoyant la saisine de la Commission des Litiges.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions relevant que le droit belge était applicable en vertu de l'article 19 des conditions de vente qui renvoient à l'application de la loi belge et que la saisine de la Commission des Litiges s'imposait conformément à l'article 1676-1 du code judiciaire belge.

A l'appui de leur contredit, les époux X. font essentiellement valoir que :

- ils contestent l'application du droit belge aux motifs que la convention, rédigée en langue française, ne prévoit pas l'application du droit belge, qu'ils n'ont pas renoncé à se prévaloir du droit français et que l'article 5 de la Convention de Rome exclut de les priver de la protection des dispositions impératives de la loi française,

- ils contestent la compétence de la commission d'arbitrage en se fondant sur l'article L. 132-1-9 du code de la consommation,

- ils estiment que le vendeur bénéficie d'une situation privilégiée en imposant la désignation d'un arbitre, la nationalité de celui-ci et l'application du droit belge,

- ils n'ont pas valablement consenti à la compétence de la commission,

- le Tribunal d'Instance de Douai est compétent pour statuer sur leurs demandes.

La société MEUBELFABRIEK CRACK conclut à la confirmation du jugement déféré en relevant que :

- les conditions d'application de l'article 5 de la convention de Rome ne sont pas réunies en l'espèce,

- l'article 19 des conditions de vente prévoit expressément l'application du droit belge,

- les demandeurs ne démontrent pas que l'application du droit belge entraînerait la violation de l'ordre public international français,

- le droit belge assure également la protection du consommateur et le contrat en cause a été rédigé par l'association des consommateurs, l'association professionnelle nationale des négociants en meubles, la ligue flamande des familles nombreuses et l' « Arcopar »,

- même si la juridiction française est compétente en application du règlement CEE 2001 - article 44, le Tribunal français doit appliquer les termes du contrat de vente qui est régi par le droit belge,

- le droit belge reconnaît la validité des clauses d'arbitrage et l'article 1679 du code judiciaire belge impose en l'espèce la saisine de la Commission des Litiges,

- l'article 1678 du code judiciaire belge dispose que la convention d'arbitrage n'est pas valable si elle [minute Jurica page 4] confère à une partie une situation privilégiée en ce qui concerne la désignation de l'arbitre et tel n'est pas le cas en l'espèce.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

En application des articles 15 et 16 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, l'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée devant le Tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.

L'article 17 de ce règlement dispose qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions que par des conventions :

- postérieures à la naissance du différend ou

- qui permettent au consommateur de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section ou

- lorsque les parties ont leur résidence habituelle dans le même état.

Le contrat conclu le 2 novembre 2001 entre les parties comporte en son verso les conditions de la vente qui prévoient en leur article 19 la compétence de la « Commission des Litiges » pour régler les conflits relatifs à la convention, en précisant que « la procédure et la décision sont conformes au règlement des conflits et aux dispositions du code judiciaire en matière d'arbitrage (article 1676 à 1723) ».

Ces stipulations du contrat impliquent que les parties ont entendu soumettre le contrat à la loi de procédure belge permettant, dans certains cas, la saisine d'un arbitre.

Il s'agit donc d'une clause concernant la procédure et la compétence et non l'application de la loi régissant le fond du contrat de vente.

Ces stipulations ne relèvent donc ni de la Convention de Rome ni de la Convention de la Haye qui concernent la loi applicable aux obligations elles-mêmes et non à la compétence.

Ainsi, l'article 19 du contrat qui renvoie à la Commission des Litiges doit-il être apprécié au regard des règles européennes de compétence et non au regard des règles relatives à la loi applicable au fond.

L'article 17 du règlement 44/2001 qui permet de déroger aux dispositions du règlement par des dispositions permettant au consommateur de saisir d'autres « Tribunaux que ceux indiqués dans la présente section » ne peut recevoir application en l'espèce dès lors que le Tribunal désigné par le contrat est un Tribunal arbitral et que la clause obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage constitue une clause abusive au sens de l'article 3 de la directive CEE n° 93/13 du conseil du 5 avril 1993 et de son annexe, qui concernent les clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs, et des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation et son annexe.

Au vu de ces considérations, il convient de considérer comme non écrite la clause du contrat de vente attribuant compétence, exclusive, à la Commission des Litiges, instance arbitrale, et de constater que le Tribunal d'Instance de Douai était compétent pour connaître du litige.

Le dossier doit donc être renvoyé à cette juridiction.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

[minute Jurica page 5] Les dépens du contredit doivent être laissés à la charge de la société MEUBELFABRIEK CRACK.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré,

Déclare Monsieur et Madame X. recevables et bien fondés en leur contredit de compétence,

Renvoie le dossier devant le Tribunal d'Instance de Douai,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens du contredit à la charge de la société MEUBELFABRIEK CRACK.

Le Greffier, Le Président,

N. HERMANT.         B. ROUSSEL.