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CA METZ (1re ch.), 30 septembre 2009

Nature : Décision
Titre : CA METZ (1re ch.), 30 septembre 2009
Pays : France
Juridiction : Metz (CA)
Demande : 07/03583
Décision : 09/00651
Date : 30/09/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/11/2007
Décision antérieure : TGI METZ (1e ch. civ.), 11 octobre 2007
Numéro de la décision : 651
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2667

CA METZ (1re ch.), 30 septembre 2009 : RG n° 07/03583 ; arrêt n° 09/00651 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que pour restrictive qu'elle soit, la définition de l'invalidité permanente absolue correspond à un risque réel et ne vide pas de toute substance la garantie ainsi énoncée, alors que dans l'économie générale du contrat le taux de la prime a été calculé en fonction du risque garanti avec les limitations qu'il comporte ; que dès lors, la clause en question n'a pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de l'assurée et de l'assureur, et ne saurait donc être qualifiée d'abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; Attendu qu'il en est de même s'agissant de la clause définissant l'Incapacité Temporaire Totale ; Attendu que ces deux clauses sont parfaitement claires ».

2/ « Attendu que, compte-tenu de la définition stricte donnée des différentes garanties proposées au terme de cette assurance de groupe qu'il lui soumettait, le Crédit Agricole était tenu d'éclairer Mme Y., dont était connue la profession exigeant des efforts physiques certains ne serait-ce que par la manipulation de personnes, sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle et ce d'autant plus qu'un choix devait s'exercer parmi les diverses garanties proposées, et la banque se devait donc de particulièrement attirer l'attention de Mme Y. sur les conditions de la mise en œuvre des garanties étroitement définies et spécialement sur le fait que n'entrait pas en ligne de compte l'impossibilité d'exercice de la profession précisément exercée par l'intéressée ; que cette obligation d'information et de conseil pesant sur le Crédit Agricole, souscripteur d'une assurance de groupe, ne s'achève pas avec la remise de la notice prévue à l'article L. 140-4 du code des assurances, devenu article L. 141-4 ;

que certes le Crédit Agricole justifie avoir remis la notice imposée par le code des assurances, par la mention prévue à cet effet sur le formulaire d'adhésion à l'assurance de groupe qu'a approuvé Mme Y. le 23 août 1994 ; qu'il convient d'observer que le Crédit Agricole intimé ne produit aux débats aucun autre élément que cette demande d'adhésion de Mme Y. et un exemplaire des conditions générales ; que certes il n'est pas exigé que l'emprunteur signe ou paraphe les conditions générales dont il lui est remis un exemplaire ; que cependant la seule information dont il est ainsi justifié est conçue en des termes extrêmement généraux, qui ne répond pas à une information adaptée à la situation personnelle et n'est pas de nature à éclairer pleinement Mme Y. sur l'adéquation à sa situation personnelle des risques couverts ;

Attendu qu'il s'ensuit que le Crédit Agricole a commis une faute en manquant à son obligation de conseil et de mise en garde envers l'emprunteur à qui il propose l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe négocié par lui ; Attendu que cette faute a causé un préjudice à Mme Y. qui, pleinement informée et mise en garde, aurait pu souscrire des garanties complémentaires auprès du CNP dans le cadre toujours de l'assurance de groupe proposée par le Crédit Agricole, ou s'adresser à un organisme autre qui lui aurait garanti, moyennant une prime fixée en conséquence, l'impossibilité d'exercer sa profession d'aide-soignante ; que ce préjudice correspond aux échéances du prêt immobilier payées depuis la cessation de prise en charge par le CNP, soit depuis le 1er septembre 2004, jusqu'au jour du présent arrêt ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/03583. Arrêt n° 09/00651.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

représentée par Maître Stéphane FARAVARI, avocat à la Cour

 

INTIMÉES :

SA CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE ASSURANCES

prise en la personne de son Représentant Légal, représentée par Maître Véronique HEINRICH, avocat à la Cour

CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE

prise en la personne de son Représentant Légal, représentée par la SCP ROZENEK ET MONCHAMPS, avocats à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame STAECHELE, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame DUROCHE, Conseiller, Mademoiselle OTT, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame DESCHAMPS-SAR

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 10 juin 2009. L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 30 septembre 2009.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Lors de la conclusion auprès du Crédit Agricole d'un prêt immobilier pour un montant de 360.000 francs sur une durée de 180 mois venant à terme au 5 octobre 2009, Mme X. épouse Y. a adhéré le 23 août 1994 au contrat d'assurance groupe de la CNP.

Mme Y., aide-soignante en maison de retraite, a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 29 novembre 2003, puis placée en affection longue durée à compter de juin 2004. Selon son médecin traitant, elle souffrait d'un syndrome du canal carpien bilatéral, d'une hernie discale C4-C5, et d'une tendinopathie de l'épaule gauche.

Les échéances de remboursement du prêt ont été prises en charge par la CNP au titre de l'incapacité temporaire totale, après délai de carence, du 27 février 2004 au 30 août 2004, date à laquelle la CNP a considéré que l'état de santé de l'assurée ne correspondait plus à la définition du risque et ce suite à l'examen de l'assurée par le médecin contrôleur, le Dr B. qui l'a reconnue apte à exercer une activité professionnelle.

Mme Y. n'a pas donné suite à la procédure de conciliation proposée par la CNP suite à sa contestation du refus de prise en charge.

Par acte en date du 2 mai 2005, Mme X. épouse Y. a assigné la Caisse Nationale de Prévoyance Assurances en se prévalant de la garantie Invalidité Permanente Absolue IPA mais également de l'Invalidité Totale et Définitive de travail ITD aux fins de dire que la CNP est tenue de payer au Crédit Agricole le solde restant dû sur le prêt immobilier, de la condamner à rembourser à Mme Y. les échéances du prêt à compter de septembre 2004, et avant dire-droit d'ordonner une expertise médicale.

Se fondant sur les dispositions « des articles L-140-1 et L-140-4 du Code des assurances et L-132-1 du Code de la consommation », Mme Y. faisait valoir que :

- les clauses relatives à l'IPA et à l'ITD sont manifestement abusives, car vidant de toute substance le contenu de la garantie invalidité : elles sont en conséquence réputées non-écrites ;

- elle se trouve selon les pièces médicales versées dans un état d'incapacité permanente, puisqu'elle est dans l'impossibilité d'exercer sa profession et sa capacité professionnelle résiduelle est quasiment inexistante ;

- en tout état de cause, elle n'a pas repris le travail, et se trouve toujours en ITT.

Par assignation du 31 mars 2006, Mme X. épouse Y. a attrait à la procédure la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Lorraine aux fins de dire que le prêteur a manqué à son obligation de conseil et d'information à son égard, pour ne pas lui avoir expliqué les clauses litigieuses et attirer son attention sur l'importance de celles-ci, de dire en conséquence que la Caisse est réputée être son propre assureur et qu'elle doit supporter seule le solde restant dû du prêt immobilier, subsidiairement que la Caisse doit lui rembourser la somme de 8.082,51 euros à titre de provision au titre de la répétition de l'indu.

La CNP assurances a conclu au débouté et au paiement d'un montant de 1.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; subsidiairement elle ne s'opposait pas à une expertise, mission étant alors donnée à l'expert en fonction des définitions contractuelles des risques garantis.

L'assureur a répliqué que :

- Mme Y. n'a pas souscrit la garantie Invalidité Totale et Définitive, à laquelle elle ne peut donc prétendre, alors qu'en outre sa situation ne correspond pas à la définition de ce risque ;

- la clause relative à la garantie Invalidité Permanente et Absolue n'est pas abusive, même si les conditions d'application en sont très restrictives, puisqu'elle ne confère aucun avantage excessif (la prime étant fixée en fonction du risque tel que défini) ni ne procède d'aucun abus de position dominante (la clause étant acceptée en toute connaissance de cause lors des formalités d'adhésion à l'assurance) ;

- le médecin contrôleur a noté que Mme Y. est autonome dans les actes de la vie courante, et conclut qu'elle est capable d'exercer une activité professionnelle ; le certificat médical produit par la demanderesse, établi non contradictoirement par son médecin traitant, ne permet pas de contredire les conclusions du Dr B. : elle n'est pas en état d'IPA, sauf à dénaturer la clause ;

- elle ne peut davantage prétendre à la garantie Incapacité Temporaire Totale, puisque n'étant pas dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle.

Le Crédit Agricole a conclu également au débouté, et au paiement d'un montant de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Le prêteur oppose qu'il a satisfait à son obligation d'information et de conseil, que la notice d'information remise en application de l'article L. 311-2 du Code de la consommation, annexée au contrat, rappelle les conditions générales et énonce très clairement et précisément les risques garantis, dans une présentation typographique facilement lisible et compréhensible, ainsi que les modalités de mise en jeu de l'assurance. Si les clauses relatives à l'Invalidité Totale et Définitive figurent sur des feuillets séparés du bulletin d'adhésion, c'est bien pour attirer l'attention du cocontractant sur leur importance.

Le prêteur ajoute qu'il ne s'agit pas de clauses exclusives de garantie comme prétendu par l'assurée, mais de la définition des risques garantis, et qu'aucun texte n'exige la signature par l'adhérent des conditions générales, la seule obligation portant sur l'annexion au contrat de prêt de la notice d'information.

 

Par jugement en date du 11 octobre 2007, la 1ère Chambre civile du Tribunal de Grande Instance de METZ a débouté Mme X. épouse Y. de toutes ses demandes, fins et prétentions, et l'a condamnée à payer à la société CNP Assurances et au Crédit Agricole la somme de 500 euros chacun en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a, analysant les garanties souscrites par Mme Y., retenu que :

- la garantie pour Invalidité Totale et Définitive ITD, prévue par l'article 23 des conditions générales, ne figure pas sur la liste, nécessairement limitative, des garanties souscrites par elle figurant dans les conditions particulières et la demande d'adhésion ;

- il existe une gradation dans la définition des risques garantis, et dans la détermination des conditions d'obtention de garantie ; pour autant que ces conditions puissent être restrictives, elles correspondent néanmoins à des situations d'invalidité susceptibles de varier dans le temps ou encore dans leur étendue, susceptibles de se réaliser même si c'est selon une fréquence limitée ; or le montant des primes à la charge de l'assurée est bien déterminé en fonction de ce risque ; il n'est pas démontré que la clause procède d'un abus de position dominante :

le tribunal a en conséquence écarté la qualification de clause abusive invoquée par Mme Y. ;

- la notice prévue par l'article L-312-9 du code de la consommation a bien été annexée au contrat et remise à l'assurée, qui a signé les conditions particulières et la demande d'adhésion dont les mentions sont parfaitement claires :

le tribunal a écarté en conséquence tout manquement du prêteur à son obligation de conseil et d'information.

 

Par déclaration enregistrée au greffe le 23 novembre 2007, Mme X. épouse Y. a régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par ses dernières écritures notifiées le 20 mars 2008, Mme X. épouse Y. demande à la Cour en infirmant le jugement entrepris de :

- condamner la société CNP Assurances à garantir Mme Y. pour le contrat de prêt immobilier et à régler le solde restant dû à compter du 30 août 2004 en principal, intérêts et frais, auprès du Crédit Agricole de Lorraine ;

- subsidiairement, condamner la société CNP au titre de l'I.T.T à rembourser à Mme Y. les échéances payées après le 30 août 2004 en principal, intérêts et frais, jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

- subsidiairement et avant dire-droit, commettre tel médecin expert qu'il plaira à la Cour avec mission la plus large notamment :

Décrire les affections dont Mme Y. est atteinte,

Evaluer ces affections et dire ses incidences sur le plan professionnel,

Déterminer les périodes d'incapacité temporaire totale,

Se faire délivrer par les parties tous les documents nécessaires à ces opérations, et se faire assister au besoin par un ou plusieurs médecins spécialistes.

- dire et juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard de Mme Y. ;

- dire et juger que la CRCAML est son propre assureur ;

- dire et juger que la CRCAML doit supporter seule le solde restant dû du prêt immobilier en principal, intérêts et frais à compter du 30 août 2004 ;

- condamner la CRCAML à rembourser à Mme Y. les échéances payées postérieurement au 30 août 2004 et jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

- condamner solidairement la SA CNP et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine aux entiers frais et dépens d'instance et d’appel ainsi qu'à payer à Mme Y. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Par ses dernières écritures notifiées le 13 octobre 2008, la SA CNP Assurances conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame le paiement d'une somme de 800 euro en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ses dernières écritures du 10 février 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et réclame le paiement d'un montant de 1.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2009.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère expressément ; vu les pièces ;

 

À l'égard de l'assureur :

Attendu qu'il ressort des conditions particulières précisées à la demande d'adhésion souscrite le 23 août 1994 par Mme Y. que les risques assurables qui y sont prévus et énumérés sont le décès (article 21), l'Invalidité Permanente Absolue IPA (article 22) et l'Incapacité Temporaire Totale (article 24) ;

qu'effectivement, ainsi que fort justement relevé par les premiers juges, la garantie au titre de l'Invalidité Totale et Définitive ITD prévue par l'article 23 des conditions générales n'a pas été souscrite par Mme Y., laquelle n'est donc pas fondée à se prévaloir du bénéfice d'une telle garantie non souscrite ;

Attendu que les premiers juges ont rappelé dans leur décision la définition donnée respectivement par les articles 22 et 24 des conditions générales des garanties IPA et ITT ;

Attendu que pour restrictive qu'elle soit, la définition de l'invalidité permanente absolue correspond à un risque réel et ne vide pas de toute substance la garantie ainsi énoncée, alors que dans l'économie générale du contrat le taux de la prime a été calculé en fonction du risque garanti avec les limitations qu'il comporte ;

que dès lors, la clause en question n'a pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de l'assurée et de l'assureur, et ne saurait donc être qualifiée d'abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu qu'il en est de même s'agissant de la clause définissant l'Incapacité Temporaire Totale ;

Attendu que ces deux clauses sont parfaitement claires ;

Attendu que Mme Y., en arrêt de travail depuis le 29 novembre 2003, a complété le 29 mars 2004 avec son médecin traitant le Dr L., l'attestation médicale d'incapacité-invalidité (pièce 7 du CNP) suite à sa demande de prise en charge par l'assureur ;

que le Dr B., qui l'a examinée à la demande de l'assureur, dans son rapport du 31 août 2004 , après avoir rappelé que la demande de prestations est motivée par une tendinopathie de l'épaule gauche, a conclu qu'au jour de l'examen l'assurée n'est pas capable d'exercer la profession exercée à l'époque du sinistre, mais est capable d'exercer intégralement une autre activité professionnelle comme des activités non rémunérées, en précisant qu'il convient de ne pas solliciter l'épaule gauche, et a indiqué que Mme Y., capable d'accomplir par elle-même tous les actes ordinaires de la vie courante, ne nécessite pas le recours à l'aide d'une tierce personne ;

qu'ainsi au vu de ces conclusions médicales, l'état de santé présenté par Mme Y. ne répond pas à la définition du risque I.P.A, laquelle exige cumulativement que l'invalidité affectant l'assuré le mette « dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit » et le mette « définitivement dans l'obligation de recourir de façon constante à l'assistante totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer) », ni ne répond davantage à la définition du risque ITT, laquelle exige que l'assuré « se trouve dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle ou dans l'impossibilité médicalement reconnue d'exercer une activité quelconque, même à temps partiel, à la suite d'un accident ou d'une maladie » ;

Attendu que les premiers juges, analysant les documents produits par Mme Y. pour combattre ces conclusions du médecin contrôleur, étant observé que ce sont exactement les mêmes pièces qui sont produites à hauteur d'appel, ont à juste titre relevé qu'il ressort de ces documents que l'état de Mme Y. ne répond pas aux conditions cumulatives énoncées par l'article 22 s'agissant de la garantie IPA ;

que ces mêmes documents ne démontrent pas un état relevant la garantie ITT prévue à l'article 24 ;

qu'il convient d'ailleurs de souligner que selon l'avis produit par Mme Y. elle-même, lors de la 2ème visite médicale du 17 août 2005, soit à une époque postérieure à l'exploration par arthorscopie de l'épaule gauche mentionnée pour le printemps 2005 dans le certificat médical du Dr L., le médecin du travail a déclaré Mme Y. inapte à un emploi d'aide-soignante, nécessitant manutentions de charges, manipulation de malades et gestes répétés avec les membres supérieurs, mais apte à un emploi de type administratif ;

que cette appréciation, résultant d'une pièce médicale produite par l'appelante, rend inutile toute mesure d'expertise sollicitée par elle, et démontre que les conditions de la garantie Invalidité Permanente Absolue ne sont pas remplies, et que celles de la garantie Incapacité Temporaire Totale désormais invoquée à hauteur de Cour, ne sont pas davantage remplies ;

Attendu qu'il s'ensuit que le jugement entrepris, qui a débouté Mme Y. de l'ensemble de ses demandes à l'égard de l'assureur CNP, mérite confirmation ;

Attendu que l'équité n'exige pas la mise en œuvre à l'égard de la société CNP assurances des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

 

À l'égard du prêteur :

Attendu que le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ;

Attendu qu'en l'espèce, la profession d'aide soignante exercée par Mme Y. était connue par le Crédit Agricole qui lui proposait lors de la conclusion d'un prêt immobilier l'adhésion à l'assurance de groupe auprès du CNP, puisque cette profession est mentionnée en toutes lettres sur le formulaire d'adhésion présenté par la banque et complété par l'emprunteur ;

qu'en outre le Crédit Agricole, qui a consenti aux époux Y. sur une durée de 180 mois expirant le 5 octobre 2009 un prêt immobilier de 360 .000 francs supposant des remboursements mensuels de 3.534,52 francs selon le tableau d'amortissement versé aux débats par l'appelante, avait connaissance des revenus du couple pris en compte précisément pour l'octroi de ce crédit ;

Attendu que, compte-tenu de la définition stricte donnée des différentes garanties proposées au terme de cette assurance de groupe qu'il lui soumettait, le Crédit Agricole était tenu d'éclairer Mme Y., dont était connue la profession exigeant des efforts physiques certains ne serait-ce que par la manipulation de personnes, sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle et ce d'autant plus qu'un choix devait s'exercer parmi les diverses garanties proposées, et la banque se devait donc de particulièrement attirer l'attention de Mme Y. sur les conditions de la mise en œuvre des garanties étroitement définies et spécialement sur le fait que n'entrait pas en ligne de compte l'impossibilité d'exercice de la profession précisément exercée par l'intéressée ;

que cette obligation d'information et de conseil pesant sur le Crédit Agricole, souscripteur d'une assurance de groupe, ne s'achève pas avec la remise de la notice prévue à l'article L. 140-4 du code des assurances, devenu article L. 141-4 ;

que certes le Crédit Agricole justifie avoir remis la notice imposée par le code des assurances, par la mention prévue à cet effet sur le formulaire d'adhésion à l'assurance de groupe qu'a approuvé Mme Y. le 23 août 1994 ;

qu'il convient d'observer que le Crédit Agricole intimé ne produit aux débats aucun autre élément que cette demande d'adhésion de Mme Y. et un exemplaire des conditions générales ; que certes il n'est pas exigé que l'emprunteur signe ou paraphe les conditions générales dont il lui est remis un exemplaire ;

que cependant la seule information dont il est ainsi justifié est conçue en des termes extrêmement généraux, qui ne répond pas à une information adaptée à la situation personnelle et n'est pas de nature à éclairer pleinement Mme Y. sur l'adéquation à sa situation personnelle des risques couverts ;

Attendu qu'il s'ensuit que le Crédit Agricole a commis une faute en manquant à son obligation de conseil et de mise en garde envers l'emprunteur à qui il propose l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe négocié par lui ;

Attendu que cette faute a causé un préjudice à Mme Y. qui, pleinement informée et mise en garde, aurait pu souscrire des garanties complémentaires auprès du CNP dans le cadre toujours de l'assurance de groupe proposée par le Crédit Agricole, ou s'adresser à un organisme autre qui lui aurait garanti, moyennant une prime fixée en conséquence, l'impossibilité d'exercer sa profession d'aide-soignante ;

que ce préjudice correspond aux échéances du prêt immobilier payées depuis la cessation de prise en charge par le CNP, soit depuis le 1er septembre 2004, jusqu'au jour du présent arrêt ;

Attendu que c'est donc à titre de dommages-et-intérêts, en réparation de ce préjudice, que le Crédit Agricole doit être condamné à rembourser à Mme Y. les échéances mensuelles du prêt immobilier n° 3102635XX payées depuis le 1er septembre 2004 jusqu'au jour du présent arrêt ;

qu'il convient en conséquence de réformer en ce sens le jugement entrepris ;

Attendu que le Crédit Agricole intimé qui succombe sur l'appel doit être condamné aux entiers frais et dépens ;

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge de Mme Y. les frais exposés et non compris dans les dépens ; que le Crédit Agricole devra lui verser la somme de 1000 euro en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire :

Déclare l'appel recevable, et partiellement bien fondé ;

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de METZ en date du 11 octobre 2007, en ce qu'il a débouté Mme Y. de sa demande à l'égard de la société CNP assurances, et a condamné Mme Y. à payer à la société CNP assurances la somme de 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile;

Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile à l'égard de la société CNP assurances ;

Réforme pour le surplus le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde, et qu'elle doit réparer le préjudice causé par sa faute à Mme Y. ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, à titre de dommages-et-intérêts, à rembourser à Mme X. épouse Y. les échéances mensuelles du prêt immobilier n° 3102635XX payées depuis le 1er septembre 2004 jusqu'au jour du présent arrêt ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Mme X. épouse Y. la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé le 30 septembre 2009 par mise à disposition publique au greffe par Mme STAECHELE, Président de Chambre, assistée de Mme DESCHAMPS-SAR, Greffier, et signé par elles.