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CA RENNES (1re ch. B), 4 juin 2009

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 4 juin 2009
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 08/01606
Date : 4/06/2009
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI QUIMPER, 5 février 2008
Numéro de la décision : 406
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2710

CA RENNES (1re ch. B), 4 juin 2009 : RG n° 08/01606 ; arrêt n° 406

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2009-008052

 

Extrait : « Que les époux X. ne contestent pas la régularité de la déchéance du terme concernant le prêt de 9.000 € qui était immédiatement remboursable et dont une échéance n'avait pas été remboursée ;

Que les trois prêts en cause comportaient une clause prévoyant que le prêt serait résilié de plein droit sans aucune formalité préalable en cas notamment de non-paiement d'échéances, de sommes exigibles tant au titre du prêt en cause qu'au titre de tout autre prêt consenti à l'un des emprunteurs ;

Que ces clauses prévoyant la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure au contrat sont abusives comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; qu'elles doivent donc être réputées non écrites par application de l'article L 132-1 du code de la consommation ;

Que, toutefois en payant sans réserves le 17 mai 2007 une somme de 82.049 €, supérieure au montant des sommes dues au titre du prêt de 9.000 € qui était exigible, les époux X. ont nécessairement acquiescé à la déchéance du terme de deux autres contrats ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 4 JUIN 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/01606. Arrêt n° 406.

COMPOSITION DE LA COUR : Madame Françoise SIMONNOT, Président, Mme Elisabeth SERRIN, Vice-Président placé auprès du Premier Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 30 avril 2009 devant Madame Françoise SIMONNOT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, entendue en son rapport et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 4 juin 2009 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

 

APPELANTE :

CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTÉ, Caisse de crédit agricole mutuel

[adresse], représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués, assistée de Maître FARDET, avocat

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués, assisté de Maître LE GUILLOU, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

Madame X. née Y.

[adresse], représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués, assistée de Maître LE GUILLOU, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Les époux X. étaient titulaires dans les livres du Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté (le Crédit Agricole), agence de [ville S.], d'un compte de chèques ouvert le 7 avril 2006 sous le numéro 550XX.

Suivant deux offres acceptées le 9 mai 2006, le Crédit Agricole leur a consenti un prêt de 9.000 € et un prêt de 14.500 €.

Par acte authentique du 24 mai 2006, il leur a accordé un prêt relais de 135.000 €.

Par lettre du 24 août 2006, le Crédit Agricole a mis en demeure les époux X. de régler le solde débiteur de leur compte de chèques qui se montait alors à 3.008,46 €.

Sa réclamation étant demeurée vaine, le Crédit Agricole, par lettre recommandée avec avis de réception du 6 septembre 2006, a réitéré sa mise en demeure, tout en informant les époux X. qu'un défaut de paiement avant le 14 septembre 2006 entraînera déchéance du terme et rendra exigible l'ensemble de ses créances.

Il les a ensuite fait assigner en paiement, par acte du 18 octobre 2006, devant le tribunal de gaude instance de Quimper.

Par jugement contradictoire du 5 février 2008, le tribunal a :

- constaté que le Crédit Agricole ne réclamait aucune somme au titre du solde du compte courant,

- débouté le Crédit Agricole de toutes ses demandes,

- rappelé qu'en application des dispositions contractuelles, les époux X. paieront l'unique échéance du prêt n° 550XX85 le 30 juin 2008 et commenceront à payer les échéances du prêt n° 550XX87 à compter du 16 juin 2008,

- débouté les époux X. de leur demande de dommages-intérêts,

- condamné le Crédit Agricole aux dépens.

[minute page 3]

Appelant de ce jugement, le Crédit Agricole, aux termes de ses dernières écritures en date du 10 février 2009, conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de débouter les époux X. de leurs demandes et de les condamner à lui payer :

- au titre du prêt n°550XX85 la somme de 94.336,41 €, avec intérêts sur le principal de 94.178,76 € au taux de 4,70 % à compter du 1er juin 2007,

- au titre du prêt n° 550XX71 la somme de 644,41 €, avec intérêts au taux de 7,60 % l'an à compter du 1er juin 2007,

- au titre du prêt n° 550XX88 la somme de 1.057,73 €, avec intérêts au taux de 7,60 % l'an à compter du 1er juin 2007.

Il sollicite 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il estime que c'est à tort que le premier juge a considéré que les clauses d'exigibilité anticipée du prêt relais et de l'un des deux crédits à la consommation étaient nulles, comme abusives.

Il reproche encore au premier juge d'avoir réduit à néant la clause pénale insérée au contrat de prêt n° 550XX71.

Il expose que les époux X. ont vendu une maison sise à [ville C.] le 17 mai 2007 et lui ont fait parvenir spontanément une somme de 82.049 €, admettant ainsi que ses créances étaient exigibles et acquiesçant à la dette.

Il conteste avoir commis une faute en ayant octroyé les prêts en cause.

Il déclare que le prêt relais est maintenant exigible et qu'il est fondé à en poursuivre le remboursement.

Il s'oppose à l'octroi de délais de paiement.

 

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 12 janvier 2009, les époux X. concluent au mal fondé de l'appel. Au cas où des condamnations à paiement seraient prononcées contre eux, ils sollicitent des dommages-intérêts d'un montant équivalent à la créance du Crédit Agricole et la compensation entre les deux créances. En tout état de [minute page 4] cause, ils sollicitent les plus larges délais de paiement, les sommes reportées produisant intérêts au taux légal et les paiements s'imputant d'abord sur le principal. Ils demandent 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils contestent que le paiement de la somme de 82.049 € pendant le cours de la procédure de première instance vaille acquiescement à la demande.

Ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré comme nulles les clauses du prêt relais et du prêt de 14.500 € autorisant la déchéance du terme en cas de non paiement d'une dette extérieure à ces contrats.

En ce qui concerne le prêt de 9.000 €, ils font valoir que la somme due au titre de ce prêt a été réglée du fait du versement par eux de la somme de 82.049 € ; ils approuvent le premier juge d'avoir mis à néant l'indemnité de 8 %.

Ils reprochent au Crédit Agricole de ne pas avoir satisfait à son obligation de mise en garde ; subsidiairement, ils estiment que sa responsabilité est engagée pour avoir dénoncé les prêts pour un découvert infime.

En tout état de cause, ils font valoir que les indemnités de résiliation sont excessives et doivent être mises à néant ou réduites à 1 €.

Ils considèrent que la modicité de leurs ressources justifie l'octroi de délais.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 5 mars 2009.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION :

Que, lorsque le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme, le prêt de 135.000 € accordé le 24 mai 2006 n'était pas encore remboursable, s'agissant d'un prêt relais d'une durée de 24 mois, avec un différé d'amortissement de 23 mois ;

Qu'en ce qui concerne le prêt de 14.500 € accepté le 9 mai 2006, il bénéficiait d'un différé d'amortissement de six mois et n'était pas davantage exigible ;

[minute page 5] Que les époux X. ne contestent pas la régularité de la déchéance du terme concernant le prêt de 9.000 € qui était immédiatement remboursable et dont une échéance n'avait pas été remboursée ;

Que les trois prêts en cause comportaient une clause prévoyant que le prêt serait résilié de plein droit sans aucune formalité préalable en cas notamment de non-paiement d'échéances, de sommes exigibles tant au titre du prêt en cause qu'au titre de tout autre prêt consenti à l'un des emprunteurs ;

Que ces clauses prévoyant la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure au contrat sont abusives comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; qu'elles doivent donc être réputées non écrites par application de l'article L 132-1 du code de la consommation ;

Que, toutefois en payant sans réserves le 17 mai 2007 une somme de 82.049 €, supérieure au montant des sommes dues au titre du prêt de 9.000 € qui était exigible, les époux X. ont nécessairement acquiescé à la déchéance du terme de deux autres contrats ;

Qu'ils ne contestent pas le montant des sommes qui leur sont réclamées, à l'exception des indemnités de résiliation ;

Que les indemnités de résiliation ne sont dues qu'en cas de défaillance dans les remboursements ; que dès lors que la déchéance du terme était prématurée pour le prêt relais et le prêt de 14 500 €, le Crédit Agricole est mal fondé à demander paiement des indemnités de résiliation concernant ces deux prêts ;

Qu'à juste titre, le premier juge a considéré que l'indemnité de résiliation assortissant le prêt de 9.000 € était excessive et devait être réduite à néant, étant rappelé que seule une échéance était impayée lorsque la résiliation a été prononcée ;

Qu'il est donc dû par les époux X. :

* au titre du prêt de 135.000 € :

- capital et intérêts sur le capital :                                             135.493,50 €

- [minute page 6] intérêts au taux contractuel de 4,70 %

depuis le 28 septembre 2006 jusqu'au 17 mai 2007 :   4.047,73 €

139.541,23 €

A déduire : acompte payé le 17 mai 2007 :                              54 812.47 €

84.728,76 €

outre les intérêts au taux contractuel depuis le 18 mai 2007 ;

* au titre du prêt de 14.500 € :

- capital et intérêts sur capital :                                     14.910,19 €

- intérêts au taux de 7,60 %

du 28 septembre 2006 au 17 mai 2007 :                                 720.26 €

15.630,45 €

A déduire : acompte payé le 17 mai 2007 :                              15.735,58 €

Qu'aucune somme n'est due au titre de ce prêt ;

* au titre du prêt de 9.000 € :

- mensualité impayée, intérêts et capital :                                  8.827,72 €

- intérêts du 28 septembre 2006 au 17 mai 2007 :                   428,28 €

9.256,00 €

A déduire : versement de :                                                       9.322,88 €

Qu'il ne reste donc dû aucune somme au titre de ce prêt ;

Que l'établissement financier qui consent un prêt à des emprunteurs non avertis doit s'enquérir de leur situation financière et les mettre en garde contre les risques nés de l'endettement ;

Que le Crédit Agricole qui ne conteste pas que les époux X. étaient des emprunteurs non avertis, devait s'enquérir de leur situation financière et les mettre en garde contre les risques nés de l'endettement ;

[minute page 7] Qu'il n'établit nullement s'être renseigné sur leur situation financière ; qu'il ne fournit aucune pièce telle qu'une fiche de renseignement justifiant qu'il a sollicité des informations sur leurs ressources et sur leurs charges ; qu'il ne justifie pas avoir recherché si le prix de vente qu'ils devaient retirer de la vente de leur maison jurassienne était compatible avec le remboursement du prêt relais ;

Que le manquement à ses obligations est patent ;

Que sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde sera en conséquence retenue ;

Qu'a titre de dommages-intérêts, il convient de le condamner à payer aux époux X. une somme de 15.000 € ;

Que les époux X. ont vendu leur maison de [ville C. S.] et qu'une somme de 110.000 € est actuellement séquestrée chez le notaire à la demande du Crédit Agricole ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à leur demande de délais ;

Qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

Condamne les époux X. à payer au Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté 84.728,76 €, avec intérêts au taux contractuel de 4,70 % depuis le 18 mai 2007, au titre des sommes restant dues au titre du prêt de 135.000 €,

Condamne le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer aux époux X. 15.000 € à titre de dommages-intérêts,

Ordonne la compensation entre les créances des parties à concurrence de leur quotité respective,

[minute page 8] Rejette toutes autres demandes,

Condamne les époux X. aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP Bazille, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,