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CA ROUEN (ch. prox.), 12 juin 2008

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. prox.), 12 juin 2008
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA)
Demande : 07/02069
Date : 12/06/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/05/2007
Numéro de la décision : 245
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2715

CA ROUEN (ch. prox.), 12 juin 2008 : RG n° 07/02069 ; arrêt n° 245

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 370830

 

Extraits : 1/ « Il est constant que selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes le juge a le pouvoir de relever d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle ; en revanche, si la clause est considérée seulement comme entraînant l'irrégularité du contrat de crédit au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du code de la consommation, seule la déchéance du droit aux intérêts est encourue et l'irrégularité de l'offre de crédit ne peut être relevée d'office par le juge ; L'article L. 132-1 du code de la consommation transposant la directive 93/13 du 5 avril 1993 dispose que dans les contrats conclu entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; Il résulte des motifs de l'arrêt COFIDIS/FREDOUX de la CJCE en date du 21 novembre 2002 qu'une protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause ; Il convient par conséquent de vérifier la qualification de clause abusive visée par le premier juge ; Par ailleurs, le nouvel article L. 141-4 du code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008 applicable aux contrat en cours prévoit que « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application »

2/ « Le tribunal a estimé que la clause suivante : « SOGEFINANCEMENT pourra en outre prononcer la résiliation anticipée du contrat et exiger le remboursement immédiat du capital restant, majoré des sommes ci-dessus dans l'un des cas suivants… et d'une manière générale, inobservation de l'une des conditions du présent contrat » est abusive en raison de l'imprécision de l'expression « d'une manière générale » et de l'impossibilité de déterminer quel acte ou omission particulière de l'emprunteur constitue une inobservation, et en a déduit qu'il s'agissait d'une condition potestative de la part du prêteur ; Il convient de retenir cette analyse comme pertinente, cependant cette clause abusive n'entraîne pas la déchéance du droit aux intérêts mais sa nullité, étant réputée non écrite (Cass 1ère 23 novembre 2004) ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 12 JUIN 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/02069. Arrêt n° 245. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE LOUVIERS du 3 mai 2007.

 

APPELANTE :

SOCIÉTÉ SOGEFINANCEMENT

[adresse] représentée par Maître COUPPEY, avoué à la Cour, assistée de Maître Nadia BALI, avocat au barreau D'ÉVREUX

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour, assisté de Maître Delphine ABRY-LEMAITRE, avocat au barreau d'ÉVREUX, substituant Maître HUBERT, avocat au barreau d'ÉVREUX,

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 5 mai 2008 sans opposition des avocats devant Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, rapporteur, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de Madame PLANCHON, Président, Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, Madame PRUDHOMME, Conseiller           [minute page 2]

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme LOUE-NAZE, Greffier

DÉBATS : À l'audience publique du 5 mai 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2008

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 12 juin 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant offre préalable en date du 22 février 2002 la société SOGEFINANCEMENT a consenti à M. X. un prêt personnel de 21.300 euros remboursable en 60 mensualités de 435,11 € au taux effectif global de 7,16 %.

Par suite de la défaillance de l'emprunteur, la société de crédit a prononcé la déchéance du terme le 13 novembre 2006.

Par acte d'huissier du 14 mars 2007 elle a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Louviers en paiement avec exécution provisoire de la somme principale de 14.955,43 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 14 novembre 2006, et d'une indemnité de 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 3 mai 2007 cette juridiction a

- déchu la SNC SOGEFINANCEMENT de son droit aux intérêts

- condamné M. X. à payer à la SNC SOGEFINANCEMENT la somme de 6.418,69 euros avec intérêts au taux de 6,95 % à compter du 13 novembre 2006

- accordé à M. X. un échelonnement du paiement de sa dette

- autorisé M. X. à payer sa créance le 5 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du présent jugement en 23 mensualités de 150 euros outre une dernière mensualité destinée à solder la dette

- rappelé que dès la première échéance impayée le 15 du mois et après mise en demeure par LRAR la totalité du solde redevient immédiatement exigible dans son intégralité

- débouté la SNC SOGEFINANCEMENT de sa demande de capitalisation des intérêts

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement

- condamné M. X. à payer à la SNC SOGEFINANCEMENT la somme de 40 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.

La société SOGEFINANCEMENT a interjeté appel de cette décision le 23 mai 2007.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2007 elle demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris

- condamner M. X. à lui payer la somme de 14.955,43 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 14 novembre 2006

- [minute page 4] dire que l'indemnité de 8 % sur le capital restant dû portera intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2006 date de la sommation de payer

- dire que les intérêts échus des capitaux porteront intérêts à compter de la date du 14 novembre 2006

- condamner l'intimé au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit des avoués de la cause.

Au soutien de son appel elle expose que :

C'est à tort que le premier juge a relevé d'office des moyens de droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, sur le fondement de la directive communautaire du 22 décembre 1986 alors qu'elle ne le lui permettait pas ; Que la jurisprudence de la Cour de Cassation rappelle que la violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation ne peut être invoquée que par l'emprunteur ;

Par ailleurs elle conteste l'analyse du tribunal selon laquelle la clause C des conditions générales du contrat aggraverait prétendument la situation de l'emprunteur par rapport au modèle type de contrat de crédit, alors qu'elle se borne à sanctionner le manquement aux engagements pris par l'emprunteur, par l'exigibilité des sommes dues ;

À supposer en tout cas qu'une telle clause ait aggravé le sort de l'emprunteur, la seule sanction applicable serait celle relative aux clauses abusives qui doivent simplement être déclarées non écrites sans entraîner la déchéance du droit aux intérêts ;

Sa créance est enfin indiscutable et doit porter intérêts au taux contractuel à compter du 14 novembre 2006, la capitalisation des intérêts devant être ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, nonobstant celles de l'article L. 311-32 du code de la consommation ;

Dans ses écritures en date du 31 mars 2008, M. X. poursuit la confirmation du jugement entrepris et demande à la Cour de :

- condamner la société SOGEFINANCEMENT à faire procéder à son défichage FICP dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et ensuite sous astreinte de 150 euros par jour de retard

- condamner l'appelante au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit des avoués de la cause [minute page 5] en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Il fait valoir que :

La Cour de Cassation a jugé qu'en application de l'article L. 311-13 du code de la consommation, l'offre préalable qui ne satisfait pas à ces dispositions lorsqu'elle contient des clauses qui, ajoutées aux mentions imposées par le modèle type, aggravent la situation de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci, entraîne la déchéance du droit aux intérêts du créancier ;

En l'espèce, la clause C des conditions générales du contrat stipule que SOGEFINANCEMENT pourra prononcer la résiliation anticipée d'une manière générale dans le cas d'inobservation de l'une des conditions du contrat, ce qui manque singulièrement de précision ; Eu égard au nombre de clauses stipulées dans le contrat litigieux, il est impossible de déterminer quel acte ou omission particulière de l'emprunteur constitue une inobservation ce qui équivaut donc à une véritable condition potestative de la part du prêteur qui s'arroge ainsi le droit de provoquer, quand il le souhaite, la défaillance de l'emprunteur ;

En outre, les incidents de paiement ont eu lieu en 2006 à la suite de l'accident de moto dont il a été victime entraînant son licenciement en octobre 2005 ; or, les prélèvements n'ont pas été opérés aux dates contractuellement prévues mais de manière désordonnée, ce qui lui a valu des frais supplémentaires qui ne sauraient être mis à sa charge ;

Par ailleurs, alors même qu'il a réglé les causes du jugement de première instance, le créancier a refusé de lever son inscription au fichier FICP, l'empêchant ainsi de mettre en place un refinancement de tous ses crédits afin d'améliorer sa situation financière ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2008.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur l'office du juge :

Il est constant que selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes le juge a le pouvoir de relever d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle ; en revanche, si la clause est considérée seulement comme entraînant l'irrégularité du contrat de crédit au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du code de la consommation, seule la déchéance du droit aux intérêts est encourue et l'irrégularité de l'offre de crédit ne peut être relevée d'office par le juge ;

[minute page 6] L'article L. 132-1 du code de la consommation transposant la directive 93/13 du 5 avril 1993 dispose que dans les contrats conclu entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Il résulte des motifs de l'arrêt COFIDIS / FREDOUX de la CJCE en date du 21 novembre 2002 qu'une protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause ;

Il convient par conséquent de vérifier la qualification de clause abusive visée par le premier juge ;

Par ailleurs, le nouvel article L. 141-4 du code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008 applicable aux contrat en cours prévoit que « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ; »

 

Sur la clause abusive :

Le tribunal a estimé que la clause suivante : « SOGEFINANCEMENT pourra en outre prononcer la résiliation anticipée du contrat et exiger le remboursement immédiat du capital restant, majoré des sommes ci-dessus dans l'un des cas suivants… et d'une manière générale, inobservation de l'une des conditions du présent contrat » est abusive en raison de l'imprécision de l'expression « d'une manière générale » et de l'impossibilité de déterminer quel acte ou omission particulière de l'emprunteur constitue une inobservation, et en a déduit qu'il s'agissait d'une condition potestative de la part du prêteur ;

Il convient de retenir cette analyse comme pertinente, cependant cette clause abusive n'entraîne pas la déchéance du droit aux intérêts mais sa nullité, étant réputée non écrite (Cass 1ère 23 novembre 2004) ;

Le jugement sera donc infirmé de ce chef ;

 

Sur le montant de la créance :

Le créancier peut prétendre au paiement de la somme réclamée conformément aux dispositions des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation, ainsi qu'a la capitalisation des intérêts échus par année entière en application de l'article 1154 du code civil ;

Il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point ;

[minute page 7]

Sur la demande de défichage du FICP :

Il résulte de l'article 9 du règlement du 15 janvier 2004 sur le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers que les informations visées à l'article 5 sont radiées dès la date d'enregistrement dans le fichier de la déclaration du paiement intégral des sommes dues effectuées en application de l'article 7 ;

En l'espèce et pour démontrer le remboursement de la somme au paiement de laquelle il a été condamné par le premier juge, M. X. verse aux débats la copie du talon de chèque de 6.918,69 € en date du 5 octobre 2007 ainsi qu'une attestation de M. Y. qui lui a prêté la somme due ;

Ces pièces ne suffisent pas à prouver la libération des fonds au profit de la société SOGEFINANCEMENT, laquelle est aujourd'hui créancière de la somme de 14.955,43 € en principal ;

C'est pourquoi il convient de rejeter la demande ;

 

Sur la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens ;

 

Sur les dépens :

L'intimé qui succombe dans la présente procédure sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris du chef du montant de la condamnation.

Et statuant à nouveau,

Dit que la clause abusive ne peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts mais seulement être réputée non écrite.

En conséquence condamne M. X. à payer à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 14.955,43 € avec intérêts au taux contractuel à compter du 14 novembre 2006 sur la somme de 13.881,34 € et au taux légal sur celle de 1.074,09 €.

[minute page 8] Autorise la capitalisation des intérêts échus par année entière.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier        Le Président