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TGI COLMAR (1re ch. civ.), 16 janvier 2001

Nature : Décision
Titre : TGI COLMAR (1re ch. civ.), 16 janvier 2001
Pays : France
Juridiction : Colmar (TGI)
Demande : 99/01290
Décision : 2001/0074
Date : 16/01/2001
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 12/08/1997
Décision antérieure : CA COLMAR (1re ch. civ. B), 9 octobre 2008
Numéro de la décision : 74
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2750

TGI COLMAR (1re ch. civ.), 16 janvier 2001 : RG n° 99/01290 ; jugement n° 2001/0074

(sur appel CA Colmar (1re ch. civ. B), 9 octobre 2008 : RG n° 06/05647)

 

Extrait : « En conséquence, les parties ont expressément choisi de soumettre leurs relations contractuelles à la loi allemande, les époux X. ayant eu connaissance des conditions générales applicables à la convention.

Toutefois, si l'article 5 de la Convention de Rome énonce que nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable aux contrats conclus par les consommateurs ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle, encore faut-il la réunion de trois conditions.

Or, en l'espèce, il n'est nullement démontré, ni même allégué que la BAYERISCHE VEREINSBANK ait effectué des démarches ou fait de la publicité en France pour vendre ses services. Aussi, Monsieur et Madame X. n'ont nullement été sollicités par la demanderesse pour conclure le contrat litigieux. La seconde situation prévue par l'article 5 précité n'est pas plus remplie car la demanderesse ne s'était aucunement déplacée sur le territoire français pour y contracter. En effet, la convention a été signée par les défendeurs en Allemagne, au sein de l'Établissement bancaire. Enfin, en l'espèce, les parties ne se trouvent aucunement dans la situation de ventes effectuées dans le cadre d'excursions transfrontalières. Il s'ensuit que les conditions très strictes posées par l'article 5 ne sont pas réunies.

Par ailleurs, l'article 7 de la Convention dispose que le juge peut ne pas tenir compte de la loi du contrat pour appliquer une loi de police. Il est constant que la loi française relative aux opérations de crédit à la consommation dite loi Scrivener est une loi d'ordre public qui s'applique quelle que soit la loi applicable. Néanmoins, l'article 20 de la Convention de Rome rappelle la primauté du droit communautaire, et ainsi, la loi française désignée selon l'article 7 précité ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à la libre circulation des services bancaires. L'article 59 du Traité de Rome pose le principe de libre circulation des services bancaires.

Aussi, il convient d'examiner si la loi française désignée selon la règle de la Convention de Rome ne fait pas échec à ce principe, une restriction à la libre circulation des services n'étant admise qu'au regard de l'intérêt général communautaire. Force est de constater que le formalisme des dispositions françaises protectrices du consommateur peut constituer un obstacle à la libre circulation des services bancaires. Toutefois, si la protection des consommateurs est un intérêt général au sens communautaire, l'atteinte à la libre circulation des services exige la réunion de deux conditions, d'une part que la loi allemande que l'on veut évincer ne vise ni n'atteint le même objectif, d'autre part que la législation française qui revendique sa compétence ne contient pas de mesures disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi. En l'espèce, il n'est pas contesté que la législation allemande vise également l'information et la protection du consommateur dans des conditions satisfaisantes, même si les modalités et le formalisme régissant cette protection sont différents de ceux de la loi française. En tout état de cause, les conditions de la convention litigieuse ne sont nullement abusives, et sont fort semblables à celles pratiquées par les établissements bancaires français. Il s'ensuit que la loi du contrat demeure seule applicable. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 JANVIER 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/01290. Jugement n° 2001/0074. Jugement prononcé en audience publique le 16 JANVIER 2001.

 

DEMANDEUR :

Société de droit Allemand BAYERISCHE VEREINSBANK AG

[adresse], représentée par Maître LOCHERT-MAILLARD, Avocat à COLMAR, postulant, et Maître OSTER, Avocat à STRASBOURG, plaidant

 

DÉFENDEURS :

Monsieur X.

[adresse], représenté par Maître BRESCH, Avocat à COLMAR

Madame Y. épouse X.

 [adresse] représentée par Maître BRUGGER, Avocat à COLMAR

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame KRUMMENACKER P., statuant en Juge Unique, en présence de Madame LEROY Marcelle, Greffier,

DÉBATS : Après avoir à l'audience publique du 19 décembre 2000 entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries et après en avoir délibéré, a statué comme suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte introductif d'instance du 12 août 1997, la Société de droit allemand BAYERISCHE VEREINBANK AG a cité Monsieur X. et Madame X. née Y. pour les voir condamnés solidairement à payer avec exécution provisoire la somme de 152.520,16 DM avec les intérêts au taux variable de 10 % l'an à compter du 3 juin 1997, représentant le solde débiteur de leur compte courant, outre les frais et dépens et la somme de 5.000 F en application de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X. conclut au débouté de la demande et sollicite la production de la convention de compte courant conclue entre les parties. Il soutient qu'en application de la législation française, la demanderesse est forclose à agir.

Par décision du 4 janvier 1999, l'affaire a été radiée suite à des pourparlers en cours entre les parties.

La BAYERISCHE VEREINBANK AG a repris l'instance par acte déposé le 16 juin 1999.

Elle soutient que la convention de compte courant est soumise au droit allemand conformément aux conditions générales ; que c'est avec l'Allemagne que le contrat présente le lien le plus étroit ; qu'il y a lieu d'appliquer l'article 4-1° de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; qu'à titre subsidiaire, à l'automne 1995, un nouvel accord relatif aux modalités de remboursement du compte est intervenu, valant rééchelonnement au sens de l'article 311-37 du Code de la Consommation ; qu'enfin le délai biennal de forclusion court à partir de la date à laquelle le solde débiteur du compte courant devient exigible, soit le 11 juin 1997.

Aussi, elle maintient ses conclusions antérieures et augmente sa demande au titre de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile à 10.000 Francs.

Monsieur X. réplique que le contrat souscrit par lui ne précise pas la loi applicable ; que s'agissant de consommateur, il doit être fait application de l'article 5 de la Convention de Rome ; que de plus, l'article 16 de ladite Convention permet d'écarter la loi applicable si elle est incompatible avec l'ordre public du juge saisi ; [minute page 3] que le premier incident de paiement étant intervenu le 2 avril 1995, la demanderesse ne peut plus agir, son action étant forclose ; qu'en outre, le contrat de prêt est irrégulier au regard de la loi Scrivener ; qu'ainsi Monsieur X. n'a à rembourser que le seul capital de 970.000 DM ; qu'à ce jour, il a déjà réglé 1.949.188 Francs, outre le montant de la transaction en cours de 320.000 Francs et le refinancement d'une partie de son immeuble pour 900.000 Francs.

Aussi, il sollicite le rejet des prétentions de la demanderesse, la condamnation de la demanderesse à 50.000 Francs de dommages et intérêts pour procédure abusive et 30.000 Francs en application de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile, outre les frais et dépens.

La BAYERISCHE VEREINSBANK réplique que l'article 6 des conditions générales portées à la connaissance des défendeurs stipule que seul le droit allemand est applicable ; que si les articles 16 et 7 de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles permettent au juge de faire prévaloir les lois d'ordre public de son pays sur la loi choisie par les parties, encore faut-il que les conditions édictées par l'article 5 de la même convention soient remplies, qu'en l'espèce, le contrat a été conclu en Allemagne, suite aux démarches des époux X. auprès de la Banque, et le compte géré par l'Établissement bancaire ;

qu'en outre, en application de l'article 20 de ladite Convention, l'article 15 du Traité d'Amsterdam prévoyant la libre circulation des services prévaut, les dispositions allemandes en matière de crédit permettant la protection des consommateurs ; qu'en conséquence, la loi française n'a pas à s'appliquer.

Elle indique également que les chiffres mentionnés par Monsieur X. ne concernent pas le débit en compte courant ; que le prêt fait l'objet d'un autre litige pendant devant le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg ;

L'instruction a été close le 9 octobre 2000 et l'affaire a été renvoyée pour plaidoirie en formation à juge unique.

Par jugement du 5 décembre 2000, le Tribunal de céans a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par Monsieur X. et a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 19 décembre 2000.

[minute page 4] Bien qu'ayant régulièrement constitué avocat, Madame X. n'a jamais conclu au fond.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1) Sur la loi applicable

Aux termes de l'article 3 de la Convention de Rome, applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi choisie par les parties.

Il résulte des conditions générales d'ouverture de compte et des relations d'affaire entre la BAYERISCHE VEREINSBANK et son client que le droit applicable est le droit allemand (article 6 §1).

Or, les époux X. ont signé la convention d'ouverture de compte courant, sous la mention « je peux, nous pouvons prendre connaissance des conditions générales et spéciales (....) et demander qu'elles me / nous soient remises (....) ».

De même, les époux X. avaient déjà souscrit un contrat de prêt auprès dudit établissement bancaire le 13 décembre 1991, stipulant également que le contrat était soumis à la loi allemande.

En conséquence, les parties ont expressément choisi de soumettre leurs relations contractuelles à la loi allemande, les époux X. ayant eu connaissance des conditions générales applicables à la convention.

Toutefois, si l'article 5 de la Convention de Rome énonce que nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable aux contrats conclus par les consommateurs ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle, encore faut-il la réunion de trois conditions.

Or, en l'espèce, il n'est nullement démontré, ni même allégué que la BAYERISCHE VEREINSBANK ait effectué des démarches ou fait de la publicité en France pour [minute page 5] vendre ses services.

Aussi, Monsieur et Madame X. n'ont nullement été sollicités par la demanderesse pour conclure le contrat litigieux.

La seconde situation prévue par l'article 5 précité n'est pas plus remplie car la demanderesse ne s'était aucunement déplacée sur le territoire français pour y contracter. En effet, la convention a été signée par les défendeurs en Allemagne, au sein de l'Établissement bancaire.

Enfin, en l'espèce, les parties ne se trouvent aucunement dans la situation de ventes effectuées dans le cadre d'excursions transfrontalières.

Il s'ensuit que les conditions très strictes posées par l'article 5 ne sont pas réunies.

Par ailleurs, l'article 7 de la Convention dispose que le juge peut ne pas tenir compte de la loi du contrat pour appliquer une loi de police.

Il est constant que la loi française relative aux opérations de crédit à la consommation dite loi Scrivener est une loi d'ordre public qui s'applique quelle que soit la loi applicable.

Néanmoins, l'article 20 de la Convention de Rome rappelle la primauté du droit communautaire, et ainsi, la loi française désignée selon l'article 7 précité ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à la libre circulation des services bancaires.

L'article 59 du Traité de Rome pose le principe de libre circulation des services bancaires.

Aussi, il convient d'examiner si la loi française désignée selon la règle de la Convention de Rome ne fait pas échec à ce principe, une restriction à la libre circulation des services n'étant admise qu'au regard de l'intérêt général communautaire.

[minute page 6] Force est de constater que le formalisme des dispositions françaises protectrices du consommateur peut constituer un obstacle à la libre circulation des services bancaires.

Toutefois, si la protection des consommateurs est un intérêt général au sens communautaire, l'atteinte à la libre circulation des services exige la réunion de deux conditions, d'une part que la loi allemande que l'on veut évincer ne vise ni n'atteint le même objectif, d'autre part que la législation française qui revendique sa compétence ne contient pas de mesures disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la législation allemande vise également l'information et la protection du consommateur dans des conditions satisfaisantes, même si les modalités et le formalisme régissant cette protection sont différents de ceux de la loi française.

En tout état de cause, les conditions de la convention litigieuse ne sont nullement abusives, et sont fort semblables à celles pratiquées par les établissements bancaires français.

Il s'ensuit que la loi du contrat demeure seule applicable.

 

2) Sur le montant réclamé

A l'appui du bien fondé de la demande, la BAYERISCHE VEREINSBANK verse la convention de compte courant conclue entre les parties le 9 décembre I992, les conditions générales applicables ainsi que le relevé de compte de janvier 1993 au 2I mars I997 présentant à cette date un solde débiteur de 156.174,22 DM.

Elle justifie également de la résiliation de la convention par lettre recommandée avec accusé réception du 12 mars I997, et de l'envoi d'une mise en demeure le 3 juin I997.

Enfin, elle verse un extrait de compte daté du 13 août 1997 mentionnant un solde débiteur de 152.520,16 après déduction d'un montant en crédit de 3.654,06 DM.

Monsieur X. ne conteste pas sérieusement le montant à lui réclamé à ce titre.

[minute page 7] Certes, il indique avoir acquitté divers montants à la demanderesse, mais ces sommes concernent un autre contrat, le prêt n° 82 097 XXX non concerné par cette procédure, et faisant l'objet d'une instance devant le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg.

L'absence de conclusions au fond par Madame X. laisse présumer qu'elle n'a pas d'objection sérieuse à faire valoir.

En conséquence, il échet de condamner solidairement les époux X. à payer à la demanderesse la somme de 152.520,16 DM, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 juin I997, date de la mise en demeure.

En effet, la demanderesse met en compte des intérêts variables au taux de 10 % sans justifier de ce taux, non mentionnés expressément dans la convention initiale, ni sur l'extrait de compte produit.

L'ancienneté de la créance commande le prononcé de l'exécution provisoire.

Monsieur et Madame X. qui succombent à l'instance sont condamnés aux frais et dépens.

En application de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 4000 Francs est allouée à la demanderesse.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

- Déclare applicable la loi allemande contractuellement prévue entre les parties ;

- Condamne solidairement Monsieur X. et Madame X. née Y. à payer à la demanderesse la contre valeur en francs français au jour du paiement de la somme de 152.520,16 DM (soit 77.982,32 euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1997 ;

- [minute page 8] Ordonne l'exécution provisoire ;

- Condamne les défendeurs aux frais et dépens ;

- Condamne les défendeurs à payer à la demanderesse la somme de 4.000 Francs soit 609,80 euros au titre de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent jugement, prononcé en audience publique le 16 janvier 2001, a été signé par Madame KRUMMENACKER, Juge et Madame LEROY, Greffier.