CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 26 novembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2992
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 26 novembre 2010 : RG n° 08/05218
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que le consommateur est défini, selon les termes de la directive 93/12/CEE du Conseil du 5 avril 1993, transposée en droit interne, comme la « personne physique qui [...] agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle » ;
Considérant que le fait que Madame X. ait contracté pour louer dans le cadre d'un contrat de crédit-bail un équipement destiné à diffuser des messages publicitaires ou d'information de santé publique sur des écrans ou autres supports installés dans son officine ne lui confère pas la qualité de professionnel dans ses relations avec la société Barclays Bail, puisqu'elle n'était pas un professionnel du crédit et n'avait aucune connaissance des opérations de crédit complexes ; qu'à ce propos, il y a lieu de relever que l'opération de crédit, énoncée au contrat de crédit-bail en très petits caractères alors que les prétendus avantages pour le client du « Publi-Codex » étaient annoncés en très grosses lettres d'imprimerie dans le prospectus de présentation, comportait à la fois un contrat de vente de matériel et de prestations de services avec le fournisseur et un contrat de crédit-bail avec l'organisme de financement, ce second contrat incluant des clauses très difficilement compréhensibles pour un profane, comme un mandat conféré par le crédit-bailleur au preneur pour agir contre le fournisseur au titre des garanties légales et contractuelles dues par celui-ci, une clause exonératoire de responsabilité au profit du crédit-bailleur et une clause de non-recours du preneur au bénéfice du crédit-bailleur ;
Considérant que la clause de garantie stipulée à l'article 8.3 des conditions générales du contrat de crédit-bail, si l'on admet qu'elle a le sens que lui prête la société Barclays Bail, à savoir qu'elle oblige le preneur à régler les loyers pendant tout le cours de l'action en justice, quand bien même l'équipement serait non-conforme ou ne fonctionnerait pas correctement, constitue le modèle même d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 alors applicable, puisqu'elle n'a d'autre finalité, alors que les contrats sont indivisibles, que faire échapper le professionnel de la finance aux conséquences de l'indivisibilité, sans aucune contrepartie effective pour le non-professionnel, dès lors qu'en pratique, le mandat conféré ne trouve à s'appliquer que lorsque le fournisseur est en déconfiture ‘de sorte qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non-professionnel de la finance et doit être écartée ;
Considérant, de toute manière, que les termes clairs et précis de l'article 8.3, « Non-recours », des conditions générales du contrat de crédit-bail n'obligent le preneur à poursuivre le règlement des loyers au crédit-bailleur que dans les hypothèses où l'équipement est « non conforme à la commande » ou « ne fonctionne pas correctement » ;
Or considérant qu'en l'espèce, ne sont discutés ni la conformité de l'équipement électronique (l'écran et ses accessoires), ni un dysfonctionnement de celui-ci, mais, tout différemment, une carence totale du prestataire dans la fourniture de disquettes indispensables à l'utilisation du système conformément à sa destination normale et contractuellement prévue, savoir la diffusion de messages publicitaires, ainsi qu'il résulte de l'aveu extra-judiciaire formulé par la société Barclays Bail dans son courrier du 3 avril 2001 ; que cette situation n'entre pas dans les prévisions de l'article 8.3 ;
Considérant de plus que la seconde phrase de l'article 8.3 stipule que le preneur est tenu envers le crédit-bailleur de le garantir de « toutes sommes mises à la charge du fournisseur par le jugement » ;
Mais considérant qu'aucune somme n'ayant été demandée en justice par la société Barclays Bail à la société CEC, l'établissement financier n'invoquant pas même avoir produit à son passif, le crédit-bailleur n'est pas fondé à demander, au titre de cette stipulation, quelque somme que ce soit à Madame X. ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter la société Barclays Bail de sa demande en paiement des loyers et/ou indemnités d'utilisation pour la période postérieure au 8 février 2001 ; »
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/05218. Renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 24 février 2006 par la Cour d'Appel de Paris (15e Chambre B) - RG : 03/16189 sur appel d’un jugement prononcé le 23 juin 2003 par le tribunal de commerce de Paris (1re Chambre) – R.G. n° 01/022193.
DEMANDEUR :
Madame X.,
demeurant [adresse], représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoué à la Cour, assistée de Maître Valérie PLOUTON, avocat au barreau de LYON
DÉFENDEUR :
SA BARCLAYS BAIL,
prise en la personne de ses représentants légaux y domiciliés ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoué à la Cour, assistée de Maître Jean-Emmanuel TOURREIL, avocat au barreau de PARIS, toque R 34
INTERVENANT FORCÉ :
SCP TADDEI FUNEL, ès qualité de mandataire liquidateur de la société CONCEPT ELECTRONIC CANADIEN (CEC)
prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse], assignée et n'ayant pas constitué avoué
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Claude APELLE, Président, Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller, Madame Caroline FEVRE, Conseiller, qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile comme elles ont été avisées des dates de prorogation du délibéré, signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Monsieur Sébastien PARESY, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
Par arrêt du 15 janvier 2008, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 24 février 2006, dans les seules limites où il a rejeté l'action de Madame X. en résiliation des contrats de vente de matériel et de fourniture de disquettes passés avec la société Concept Electronic Canadien et en résiliation par voie de conséquence du contrat de crédit-bail conclu avec la société Barclays Bail.
C'est dans ces conditions que l'affaire revient devant la cour autrement composée.
I. - Rappel des faits, des relations contractuelles et de la procédure antérieure :
A. - Faits - Rapports contractuels :
En octobre 1998, Mme X., pharmacienne, a été démarchée par un représentant de la société Concept Electronic Canadien-CEC ci-après, « CEC », qui lui a proposé la fourniture d'un matériel électronique programmable, comportant notamment des écrans ou des colonnes électroniques, destiné à diffuser des messages publicitaires.
C'est dans ces conditions que Madame X. a passé les deux conventions suivantes, la première avec la société CEC, la deuxième avec la société Barclays Bail.
1.- Le bon de commande du 13 octobre 1998 constitue un contrat de vente. Madame X. a commandé à la société CEC un système d'affichage électronique programmable « Publi Codex » comportant un panneau d'affichage, un lecteur de disquettes, un logiciel d'application, le câblage. Dans les conditions générales, CEC s'est engagé à fournir un service gratuit de programmation de disquettes nécessaire à l'utilisation de l'équipement pour une durée de quatre ans à compter de la réception de l'équipement, moyennant le versement mensuel de la somme de mille sept cent soixante cinq francs (1.765) HT, soit deux cent soixante neuf euros sept centimes(269,07 euros), sur une durée de quarante-huit (48) mois.
Le bon de commande comporte une «'condition spéciale'», à savoir que CEC s'engage à reprendre l'équipement et à dégager le client de tout lien avec la société de crédit si, après 12 mois d'utilisation, il était établi que CEC n'a pas rempli ses obligations de visite régulière par un de ses représentants, d'envoi de disquettes chaque mois et de respect des clauses de garantie et d'entretien ou si, d'une manière plus générale, le pharmacien n'était pas satisfait des services rendus par CEC et que cette insatisfaction soit motivée.
2.- En date du 16 octobre 1998, la société Barclays Bail et Madame X. ont convenu d'un contrat de crédit-bail n° 4048177B001, aux termes duquel la première a donné à bail à la seconde le système d'affichage électronique programmable « Média 2010 » moyennant un loyer mensuel de mille sept cent soixante quatre francs soixante dix centimes (1.764,70 Francs), soit deux cent soixante neuf euros et trois centimes (269,03 euros) pendant une durée de quarante-huit mois.
Madame X., qui affirme n'avoir reçu que très partiellement le règlement des sommes contractuellement prévues, et ajoute que la société CEC n'a pas assuré les prestations de service dont elle avait la charge, en envoyant tardivement le listing mensuel des publicités proposées et en adressant en retour la disquette à son client avec un retard tel qu'il la rendait souvent inexploitable, pour ne plus rien adresser en décembre 2000, précise avoir reçu pour toute une lettre de CEC, rédigée ainsi : « des raisons externes nous ont empêché de respecter les dates des premiers règlements dans le cadre du contrat d'achat publicitaire... Dès réception, nous vous adresserons par chèque l'intégralité des sommes dues ».
Par jugement du 8 février 2001, le Tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société Concept Electronic Canadien,
Maître Taddei étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
B.- Procédure - Décisions de justice intervenues :
Suivant actes d'huissiers de justice du 16 mars 2001, Madame X., arguant de l'inexécution par la société CEC de ses obligations contractuelles et de l'indivisibilité des conventions, a assigné Maître Taddéi, en qualité de mandataire de la liquidation judiciaire de la société CEC, et la société Barclays Bail devant le tribunal de commerce de Paris en résolution du contrat de prestation de services, et, par voie de conséquence, du contrat de crédit-bail conclu avec la société Barclays Bail.
Par jugement en date du 23 juin 2003, le Tribunal de commerce de Paris a : dit que la demande de résolution contractuelle de Madame X. à l'encontre de la Sarl CEC est irrecevable, le juge commissaire ayant compétence exclusive, dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation du contrat de crédit bail aux torts de la société Barclays Bail et débouté Madame X. de sa demande, condamné Madame X. à payer à la SA Barclays Bail la somme de cinq mille quatre cent quarante deux euros et cinq centimes- 5.442,05 euros - avec intérêts de retard au taux contractuel de 10 % l'an à compter du 5 septembre 2002 au titre des loyers échus impayés et la somme de trois cents euros - 300 euros - au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Tribunal a également condamné Madame X. à restituer le matériel dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 13 du contrat de crédit bail.
Madame X. a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 24 février 2006, la cour d'appel de Paris a : infirmé le jugement entrepris ce qu'il a déclaré Madame X. irrecevable en ses demandes dirigées contre le mandataire de la liquidation judiciaire de la société CEC ; déclaré Madame X. recevable en ses demandes dirigées contre la S.C.P. Taddéi - Funel en qualité de mandataire de la liquidation judiciaire de la société CEC ; débouté Madame X. de ses demandes, confirmé le jugement déféré en ses autres dispositions, y ajoutant, dit que, faute par Madame X. de restituer le matériel objet du contrat de crédit bail dans le mois de la signification de l'arrêt, elle y sera contrainte sous astreinte de cent euros - 100 euros - par jour de retard., condamné Madame X. à payer à la SA Barclays Bail la somme de trois cents euros – 300 euros - sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Madame X. a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt en date du 15 janvier 2008, la Cour de cassation a cassé l'arrêt attaqué, en ses seules dispositions déboutant Madame X. de son action en résiliation du contrat de vente de matériel et de fourniture de disquettes ainsi que de sa demande en résiliation du contrat de crédit-bail .
C'est dans ces limites que l'affaire revient devant la cour.
Le magistrat de la mise en état a demandé à Madame X. de faire désigner un mandataire ad hoc de la société CEC et de le faire assigner. Madame X. a déféré à ces demandes. Le mandataire ad hoc, Maître Taddéi, n'a pas constitué avoué.
II. - Prétentions et moyens des parties :
A. - Prétentions et moyens de Madame X. :
Aux termes de ses écritures signifiées le 16 octobre 2009, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l’article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, Madame X. demande à la Cour de : la dire recevable et bien fondée à solliciter la réformation totale du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris ;
- s'agissant de la résolution du contrat de vente de matériel et de prestation de services souscrit avec la société CEC : juger que la société CEC, dès le départ du contrat, n'a expédié les disquettes, dont les livraisons étaient prévues mensuellement, qu'avec des retards extrêmement importants et que ces disquettes comportaient des erreurs très graves, de sorte que ces supports étaient, au jour de leur réception, obsolètes et/ou inutilisables ;constaté que, depuis l'automne 2000, aucune disquette n'a été envoyée à Madame X. et de manière certaine depuis janvier 2001 ; constater que la société CEC ne lui a jamais rétrocédé la somme annuelle de mille cinq cent vingt quatre euros quarante neuf centimes - 1.524,49 euros - par versements successifs tels que prévus au contrat, en conséquence, juger que la société CEC a été totalement défaillante au regard de ses obligations contractuelles dès cette période, de sorte que la résolution du contrat de vente et de prestations de service était acquise dès ce moment,
- s'agissant de l'absence d'incidence de la proposition de substitution de prestataire de service émise par la société Barclays Bail en avril 2001 : juger qu'elle n'a jamais consenti, que ce soit au moment de la passation du contrat ou postérieurement, à une faculté pour la société CEC de se substituer une autre personne, morale ou physique ; juger au surplus que cette faculté de substitution n'aurait pu être émise que par son seul cocontractant dans le cadre de cette convention, savoir la société CEC ; en conséquence, dire qu'elle pouvait légitimement s'opposer à la proposition de substitution formulée par la société Barclays Bail sans que cela constitue une faute de sa part ;
- s'agissant de la résolution des contrats passés avec la société CEC et la résolution par voie de conséquence du contrat de crédit-bail passé avec la société Barclays Bail : prononcer la résolution pure et simple des contrats de vente et de prestations de service souscrits avec la société CEC ; ordonner, si cela n'a pas été fait entre temps, l'enlèvement du matériel aux frais de la société Barclays Bail et sous l'entière responsabilité de celle-ci ; en conséquence de l'indivisibilité des contrats, constatée de manière définitive par l’arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 février 2006, prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail souscrit avec la société Barclays Bail, à la date de la liquidation judiciaire de la société CEC soit le 8 février 2001, et, subsidiairement, au plus tard au jour de l'acte introductif d'instance ; dire qu'elle ne peut être tenue que des seuls loyers échus jusqu'au jour de la date de la liquidation judiciaire de la société CEC, soit le 8 février 2001, et, subsidiairement, au plus tard au jour de l'acte introductif d'instance, de sorte que la société Barclays Bail devra procéder à la restitution des loyers indûment perçus à compter de ladite date ; condamner en tant que besoin la société Barclays Bail à restituer les loyers perçus depuis le 8 février 2001, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;
- s'agissant de la clause de garantie prévue à l'article 8-3 du contrat de crédit bail : juger que cette clause constitue une clause abusive, dès lors que son application aurait pour effet de faire échapper le contrat de crédit-bail aux conséquences de l'interdépendance des contrats, laquelle indivisibilité est revêtue à ce jour de l'autorité de chose jugée ; en conséquence, débouter la société Barclays Bail de sa demande en paiement fondée sur la clause de garantie prévue à l'article 8-3 susvisé ;
- s'agissant de la restitution du matériel : lui donner acte de ce qu'elle a restitué le matériel le 30 mars 2006 ;
- s'agissant des sommes réglées à la société Barclays Bail : lui donner acte de ce qu'elle a réglé à la société Barclays Bail l'intégralité des sommes qui lui étaient dues en exécution de la condamnation prononcée par le Tribunal de commerce de Paris en date du 23 juin 2003 pour un montant total de huit mille quatre vingt dix sept euros et cinquante huit centimes (8.097,58 euros) ; par conséquent et en tant que de besoin, débouter la société Barclays Bail de l'intégralité de ses demandes en condamnations pécuniaires complémentaires ; sur les frais irrépétibles : condamner la société Barclays Bail à lui payer la somme de quatre mille euros (4.000 euros) par application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Madame X. fait valoir, à titre principal, qu'il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de vente et de prestation de services qu'elle a passé avec la société CEC, et par voie de conséquence, du contrat de crédit-bail passé avec la société Barclays Bail et, à titre subsidiaire, que les demandes reconventionnelles de la société Baclays Bail doivent être en tout état rejetées.
À l'appui, elle développe les arguments qui seront résumés ainsi qu'il suit :
1.- Sur les manquements de la société CEC :
Dès le départ, la société CEC a totalement manqué à ses obligations, qu'il s'agisse de celles relatives aux prestations de services convenues ou de celles de nature financière.
S'agissant des prestations de services, la société CEC lui a toujours adressé avec retard les listings qu'elle devait faire parvenir mensuellement pour annoncer les publicités du mois suivant. Elle a très vite envoyé les disquettes, qui devaient être transmises mensuellement avec un retard tel qu'elles étaient inexploitables : les disquettes du mois ne parvenaient en général qu'aux alentours du 20 courant, de sorte qu'elles ne présentaient plus aucun intérêt ; ainsi, la disquette prévue pour les fêtes de la fin d'année 2000 n'est arrivée que le 20 janvier 2001 ‘ce qui suffit à démontrer son caractère obsolète. Il s'agit de la dernière disquette reçue. De multiples relances téléphoniques n'ont été suivies que de bonnes promesses.
En ce qui concerne les rétrocessions dues au titre de la vente d'espaces-temps publicitaires, la société CEC n'a jamais tenu ses engagements.
Il se déduit de ces éléments que les carences de la société CEC étaient multiples et avérées, de surcroît bien antérieures au jugement de liquidation judiciaire, en date du 8 février 2001.
2.- Sur la proposition de substitution d'un prestataire de services par la société Barclays Bail et son refus par Madame X. :
Les manquements de la société CEC déterminant la résolution du contrat de prestations de services étant acquis au 8 février 2001, aucune proposition ultérieure de substitution n'avait vocation à régulariser l'inexécution contractuelle.
La Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 24 février 2006 au motif que la cour d'appel, en retenant que Madame X., ayant reçu une offre de reprise du service de fourniture de disquettes, ne pouvait se prévaloir de l'interruption de ce service pour refuser le prestataire proposé par le crédit-bailleur, sans constater que, dans le contrat conclu avec la société CEC ou ultérieurement, Madame X. avait consenti à une substitution de concontractant, n'avait pas donné de base légale à sa décision.
Madame X. pouvait légitimement refuser la substitution de prestataire que prétendait lui imposer la société Barclays Bail, pour les raisons de droit et de fait suivantes :
a.- En droit :
La substitution de cocontractant correspond à l'hypothèse où la partie normalement débitrice, parce qu'elle ne veut pas ou ne peut pas exécuter elle-même son obligation, se substitue un tiers dans l'exécution de son engagement.
Une partie à un contrat ne peut se voir imposer, que ce soit par son cocontractant ou par un tiers, une substitution de contrat ou de cocontractant. Une telle substitution n'est donc possible que si cette partie l'a acceptée dans le contrat initial par une clause autorisant la substitution immédiate ou ultérieure ou si elle a donné postérieurement son consentement par un acte non ambigu.
La Cour de cassation a énoncé que l'arrêt qui tient pour obligatoire une substitution de fournisseur sans rechercher si le client, dans le contrat initial ou ultérieurement, avait donné son accord à cette substitution, manque de base légale (Cass. com., du 6 mai 1997, Bull. civ., IV, n° 117).
Elle a rappelé qu'une substitution de contrat ou de cocontractant ne peut être imposée à une partie qui n'y a pas consenti, initialement ou postérieurement (Cass. com., du 20 mars 2001, pourvoi n° 95-17.734).
b.- En fait :
Madame X. n'a jamais accepté de substitution de prestataire.
Au stade initial, il suffit de se reporter au contrat de prestations de services passé avec la société CEC pour constater qu'il ne comporte aucune stipulation de ce genre au profit du prestataire.
Madame X. n'a jamais donné un consentement postérieur à une possibilité de substitution. Il eût fallu que : la proposition eût été émise par le cocontractant à la convention de prestations de services, la société CEC, et non par un tiers, la société Barclays Bail ; le consentement exprès de Madame X. eût été obtenu avant la transmission de la proposition de substitution.
Madame X. ne pouvait donc se voir imposer par la société Barclays Bail la substitution d'un prestataire de services, la société Efficom, dans les droits et obligations de la société CEC, alors que : la société Barclays Bail était tierce au contrat ; le consentement du client à la possibilité de substitution, qui était requis, n'existait pas ; la résolution du contrat de prestations de services était acquise de fait depuis plusieurs mois, en raison de la carence complète du prestataire.
Madame X. souligne que ce n'est pas la liquidation judiciaire de la société CEC qui a motivé l'action en résiliation des contrats de vente et de prestation de services, mais la carence antérieure du prestataire de services, qui, depuis l'automne 2000, n'a fait parvenir les disquettes mensuelles que de manière tellement erratique qu'elles étaient inutilisables, puis ne les a plus envoyées du tout après celle de décembre 2000, arrivée le 20 janvier 2001, Madame X. était donc en droit de refuser une proposition de substitution de prestataire, au demeurant tardive. Son refus légitime ne peut s'analyser comme une faute qui la priverait de son droit à demander la résolution des deux conventions principales.
3.- Sur la demande de prononcé de la résiliation des contrats de vente et de prestation de services souscrits avec la société CEC et, par voie de conséquence du contrat de crédit-bail passé avec la société Barclays Bail :
Par arrêt rendu le 24 février 2006, la Cour d'appel de Paris a reconnu l'indivisibilité du contrat principal de vente et de prestation de services passé avec la société CEC et du contrat accessoire de financement conclu avec la société Barclays Bail, le second trouvant sa cause dans l'existence du premier.
Cet aspect de l'arrêt n'étant pas affecté par la cassation partielle intervenue, la constatation de l'indivisibilité des contrats est donc revêtue de l'autorité légale de la chose définitivement jugée. Il convient dès lors de prononcer la résiliation du contrat de financement, qui constitue la conséquence nécessaire de la résolution du contrat de vente et de prestation de services.
4.- Sur le rejet des demandes reconventionnelles de la société Barclays Bail :
a.- sur la demande de prononcé de la résolution du contrat de crédit-bail aux torts du preneur et de condamnation de celui-ci à payer une indemnité représentative des loyers échus impayés et une indemnité de résiliation :
Cette demande ne peut qu'être rejetée pour les raisons exposées plus haut, la résolution judiciaire du contrat de crédit-bail devant être prononcée comme conséquence de la résolution du contrat de vente et de prestations de services.
b.- sur la demande de versement d'une indemnité au titre de la clause de garantie :
La demande de la société Barclays Bail d'une indemnité, prétendument due en application de l'article 8.3 des conditions générales du contrat de crédit-bail, qui représenterait les loyers échus et impayés et l'indemnité de résiliation, doit être rejetée.
En effet, cette demande, qui au demeurant n'a pas le sens prétendu, est fondée sur une clause abusive, comme uniquement stipulée pour permettre à l'organisme de financement d'échapper aux conséquences de la constatation judiciaire de l'interdépendance des contrats, alors même que cette interdépendance était manifeste. Il s'agit donc du modèle même d'une clause abusive.
5.- Sur les demandes complémentaires de donné acte :
Madame X. demande, à titre complémentaire et non subsidiaire, comme il est indiqué de manière surabondante et inexacte dans ses écritures, de lui donner acte de ce qu'elle a : restitué le matériel à la société Barclays Bail le 30 mars 2006 ; réglé à cette société l'intégralité des sommes dues en vertu du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2003, soit huit mille quatre vingt dix sept euros et cinquante huit centimes - 8.097,58 euros -.
Les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société Barclays Bail en sont d'autant moins fondées.
B.- Prétention et moyens de la société Barclays Bail :
Par écritures signifiées le 7 mai 2009, valant conclusions récapitulatives conformément à l’ article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la société Barclays Bail demande à la Cour de : à titre principal,, juger irrecevables et mal fondées les demandes de Madame X., par application des dispositions des articles 1134, 1184 et 1191 et suivants du Code civil ; confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2003, très subsidiairement, condamner Madame X. au paiement de la somme de cinq mille quatre cent quarante deux euros et cinq centimes - 5.442,05 euros au titre de la clause de garantie, en tout état de cause, condamner Madame X. à lui payer la somme de mille sept cents euros (1.700 euros) euros par application des dispositions de l article 700 du Code de procédure civile ; la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la société Barclays Bail fait valoir les arguments qui seront résumés comme suit :
1.- Sur l'irrecevabilité de la demande de demande de résiliation du contrat de crédit-bail formée par Madame X. :
Cette irrecevabilité repose sur deux fondements :
a.- elle est la conséquence de l'irrecevabilité de la demande de résiliation du contrat de vente passé entre Madame X. et la société CEC :
Il est constant : qu'en cas d'indivisibilité des conventions, la résiliation du contrat de vente détermine nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, que la résiliation du contrat de crédit-bail ne peut être prononcée que s'il y a résolution du contrat de vente.
Or, la société CEC n'a plus la personnalité morale, puisque la clôture de sa liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif a été prononcée le 4 avril 2006, la mission de la SCP Taddéi-Funel en qualité de liquidateur judiciaire a cessé à cette date et la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés.
La demande de Madame X. en résiliation du contrat de vente est donc irrecevable, et cette irrecevabilité détermine celle du contrat de crédit-bail.
b.- elle découle des dispositions de l'arrêt du 24 février 2006 non atteintes par la cassation :
Le contrat de crédit-bail était déjà terminé lorsque Madame X. a assigné. Sa demande est donc irrecevable comme dépourvue d'objet.
2.- Sur la demande de Madame X. en résiliation du contrat de crédit-bail :
Le rejet de le demande s'impose pour deux raisons :
a.- l'absence d'indivisibilité des contrats :
Le moyen tiré de l'inexécution par la société CEC de ses obligations ne peut servir de fondement à une demande de résiliation du contrat de crédit-bail en l'absence d'indivisibilité des contrats, la Cour de cassation ayant retenu que « la cour d'appel a souverainement estimé que les parties n'avaient pas l'intention commune de rendre leurs accords indivisibles ».
b.-elle a proposé, à la liquidation de la société CEC, un projet de substitution de fourniture de disquettes et ce sans surcoût pour Madame X. En acceptant la stipulation de la maintenance, Madame Sabbag s'est engagée à accepter toute substitution éventuelle de cocontractant pour la fourniture de disquettes d'actualisation en cas de défaillance du CEC ou de tout successeur,
3.- Sur la demande de restitution des loyers formée par Madame X. et la demande de la société Barclays Bail en payement des loyers et indemnités d'utilisation :
Madame X. demande le remboursement des loyers versés depuis la date de résiliation du crédit-bail,
Or, Madame X. n'a restitué le matériel que cinq ans après alors qu'il aurait été cohérent avec ses demandes judiciaires de le restituer sans délai.
Dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de résiliation du contrat de crédit-bail formée par Madame X., la Cour ne pourra ordonner la restitution des loyers, ce qui aboutirait à un enrichissement sans cause, puisque Madame X. a continué à utiliser de manière effective le matériel utilisation pour laquelle elle doit une indemnité.
4.- subsidiairement, sur les loyers et intérêts de retard,
Depuis le début de l'instance, Madame X. demande la restitution des loyers depuis la date de son assignation soit en l'espèce le 16 mars 2001. Or, en appel, elle réclame la restitution des loyers depuis le 8 février 2001 soit depuis la liquidation judiciaire de CEC. Cette demande est irrecevable pour la période entre le 8 février 2001 et la date de l'assignation, celle ci constituant une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile. Ensuite, la jurisprudence étant constante en la matière, c'est à la date de la demande judiciaire que la résiliation du contrat de crédit bail peut intervenir. En l'absence de faute du crédit bailleur, les loyers versés par le crédit preneur pour la période antérieure à la date de résiliation n'ont pas à être restitués. Enfin, si une condamnation au paiement d'intérêts de retard était prononcée, ceux ci ne pourraient courir qu'à compter de la décision à intervenir.
5.- sur la clause de garantie.
En vertu de l'article 8-3 des conditions générales du contrat de crédit bail, le crédit preneur est tenu de garantir les défaillances du fournisseur en cas de résiliation de crédit bail. Cette clause est la contrepartie du mandat conféré par Barclays Bail notamment dans le choix du matériel et dans le paiement du prix des matériels par Barclays Bail sur demande du crédit preneur. Cette clause de garantie se monte à la somme de cinq mille quatre cent quarante deux euros et cinq centimes - 5.442,05 euros -
6.- Sur la demande de récupération du matériel :
Celle-ci est désormais sans objet, le matériel ayant été restitué par Madame X.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
I. - Sur la demande de Madame X. en résiliation du contrat de vente de matériel et de fourniture de disquette passé le 13 octobre 1998 avec la société CEC :
A. - Sur les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Barclays Bail, tirés de la disparition de la personnalité morale de la société CEC et de l'autorité de la chose définitivement jugée :
Considérant, en premier lieu, que la personnalité morale d'une société dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif survit pour la nécessité des procédures dirigées contre elle ; que les fonctions des mandataires de la liquidation judiciaire ayant cessé à la date de la clôture pour insuffisance d'actif, Madame X. a, à la demande du magistrat de la mise en état, fait désigner un mandataire ad hoc, la SCP Taddéi-Fumel, et l'a régulièrement appelé en cause ; qu'il est indifférent que ledit mandataire n'ait pas constitué avoué ;
Considérant qu'il s'évince de ces constatations que le premier moyen d'irrecevabilité est dépourvu de fondement ;
Considérant, en second lieu, que la demande de Madame X. ne peut être déclarée irrecevable, le contrat n'ayant pas pris fin judiciairement à la date de l'assignation ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter la société Barclays Bail de ce second moyen d'irrecevabilité ;
B.- Au fond :
Considérant que l’article 1184, alinéa 1er, du Code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à ses engagements ;
Considérant que le contrat passé entre la société CEC et Madame X. le 13 octobre 1998 prévoit, d'une part, la vente d'un système d'affichage électronique, comportant un panneau d'affichage, un lecteur de disquettes intégré, un logiciel d'applications et le câblage, d'autre part, un service de livraison de disquettes, un service de maintenance et l'installation ;
Considérant qu'il est démontré par les pièces produites aux débats que les livraisons de disquettes, qui devaient nécessairement être assurées en tout début de mois, n'ont jamais été faites qu'aux environs du 20 du mois ; que la dernière disquette, destinée à la période de la fin d'année 2000, n'est parvenue à Madame X. que le 20 janvier 2001, de sorte qu'elle ne pouvait plus être d'aucune utilité ; que la société CEC, ayant été déclarée en liquidation judiciaire le 8 février 2001, s'est trouvée depuis cette date dans l'incapacité absolue d'assurer quelque prestation que ce soit ;
Considérant qu'il s'évince de ces constatations que la carence de la société CEC dans l'exécution des obligations résultant du contrat de vente de matériel et de prestation de service de disquettes a été complète et constante dès le départ, et irrémédiable à compter du 8 février 2001, date du prononcé de sa liquidation judiciaire ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, infirmant le jugement entrepris, de prononcer la résiliation, aux torts de la société CEC, du contrat de vente de matériel et de prestation de services passé entre cette société et Madame X. le 13 octobre 1998, ce à compter du 8 février 2001.
II. - Sur l'indivisibilité du contrat de fournitures de disquettes passé entre la société CEC et Madame X. et le contrat de crédit-bail passé entre la société Barclays Bail et Madame X., le refus par Madame X. de l'offre de substitution de prestataire faite par la société Barclays Bail et la résiliation du contrat de crédit-bail :
A. - Sur l'indivisibilité entre le contrat de fourniture de disquettes et le contrat de crédit-bail :
Considérant que l’article 1131 du Code civil dispose que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ;
Considérant que le matériel loué dans le cadre du crédit-bail à Madame X. ne pouvait avoir une utilité quelconque pour son activité commerciale que si elle recevait ponctuellement les disquettes devant être fournies mensuellement et destinées à la projection de publicités sur des produits pharmaceutiques et, accessoirement, d'informations dans le domaine de la santé publique ; que ces disquettes étaient nécessairement fournies par la société CEC, qui, se présentant comme liée à une grande entreprise nord-américaine du secteur, se faisait forte de faire créer chaque mois par son équipe de professionnels un nouveau programme de messages en fonction des besoins de l'officine ; que la société Barclays Bail connaissait parfaitement le caractère indispensable de la fourniture de ces disquettes, puisque, non seulement, le contrat de crédit-bail donne un intitulé de l'équipement, « 1 système d'affichage électronique programmable Média 2010 », qui correspond au système désigné dans le bon de commande passé entre la société CEC et Madame X. incluant le service de fourniture de disquettes, mais, encore et surtout, elle a pris l'initiative d'écrire à Madame X., le 3 avril 2001, soit trois mois après la mise en liquidation judiciaire de la société CEC, un courrier comportant les énonciations suivantes : « Comme vous l'avez peut-être appris, la liquidation judiciaire de cette société (CEC) a été prononcée le 8 février 2001. De ce fait, vous ne recevez plus mensuellement les disquettes de mise à jour. Nous sommes conscients des désagréments qu'entraîne pour vous une telle situation. » et lui proposant un fournisseur de disquettes de substitution, la société Efficom, la substitution s'opérant par l'intermédiaire du crédit-bailleur, qui joignait à sa lettre un formulaire en blanc prévu à cette fin ; que, dans ce courrier du 3 avril 2001, qui constitue un aveu extra-judiciaire, le crédit-bailleur reconnaît nécessairement que le contrat de crédit-bail ne pouvait avoir de cause pour le crédit-preneur que si le service de disquettes était assuré, les deux contrats formant une opération économiquement homogène et indissociable ;
Considérant que s'évince de ces constatations l'indivisibilité, objective et subjective, existant entre le contrat de fournitures de disquettes passé entre la société CEC et Madame X. le 13 octobre 1998 et le contrat de crédit-bail passé entre la société Barclays Bail et Mme X. le 16 octobre 1998 ;
B. - Sur la légitimité du refus par Mme X. de l'offre de substitution de prestataire faite par la société Barclays Bail :
Considérant qu'en application de l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Considérant qu'une partie à un contrat ne peut se voir imposer, que ce soit par son cocontractant ou par un tiers, une substitution de contrat ou de cocontractant ; que cette substitution n'est possible que si cette partie l'a acceptée dans le contrat initial par une clause autorisant la substitution immédiate ou ultérieure ou si elle a donné postérieurement son consentement exprès par un acte dépourvu d'ambiguïté ;
Or considérant que Madame X. n'a pas consenti, que ce soit dans le contrat de prestation de services, dans celui de crédit-bail ou dans un acte ultérieur, à un cocontractant ou un tiers le droit de substituer un prestataire de services de disquettes à celui qu'elle avait accepté aux termes du premier contrat ;
Considérant plus particulièrement que la société Barclays Bail soutient inexactement que le service de fourniture de disquettes relève de la maintenance, que Madame X. devait assumer comme mandataire du crédit-bailleur, conformément aux stipulations contractuelles ; qu'en effet, la maintenance correspond à la définition européenne NF EN 13306 X 60-010, soit à l'ensemble des actions dans le cycle de vie d'un bien destinées à le maintenir ou le rétablir en état de fonctionnement ; que la livraison mensuelle de disquettes ne visait pas à maintenir le matériel électronique en état de fonctionnement, mais à fournir un service, de nature totalement différente, de diffusion de messages publicitaires actualisés en fonction de l'évolution du marché et des demandes de la cliente, ce qui résulte au demeurant expressément du contrat du 13 octobre 1998, qui distingue formellement le service de fourniture de disquettes de la maintenance, ces deux services figurant successivement et séparément dans les prestations énumérées ; que l'argument est donc dénué de pertinence ;
Considérant qu'il s'évince de ces constatations, de manière nécessaire et suffisante, que Madame X. était en droit de refuser la substitution qui lui était proposée par le crédit-bailleur Barclays Bail ; qu'à titre surabondant, mais pour la moralité des débats, il y a lieu de relever que la proposition de la société Barclays Bail n'a été formulée que le 3 avril 2001, alors que les livraisons de disquettes, défaillantes depuis octobre 2000, avaient cessé depuis janvier 2001, que le prestataire contractuellement désigné était en liquidation judiciaire depuis le 8 février 2000 et que le fournisseur proposé était une entreprise canadienne installée dans la province du Québec, dont il n'était pas même assuré qu'elle ait eu un établissement en France et dont il était indiqué simplement qu'elle fabriquait des écrans plasma, sans la moindre précision quant à ses facultés de programmer et livrer les disquettes contractuellement prévues ‘ce qui révèle l'absence de tout sérieux de cette proposition, qui avait pour seule finalité de préserver les intérêts financiers de la société Barclays Bail au mépris des droits des pharmaciens victimes de l'incurie de leur prestataire ;
C. - Sur la résiliation du contrat de crédit-bail :
Considérant que, les contrats de fournitures de disquettes et de crédit-bail étant unis par un lien d'indivisibilité, la constatation judiciaire de la résiliation du premier détermine celle du second ;
Qu'il échet, infirmant le jugement entrepris, de prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail passé entre la société Barclays Bail et Madame X. en date du 16 octobre 1998, à compter du 8 février 2001 ;
III. - Sur la demande de la société Barclays Bail fondée sur l'enrichissement sans cause :
Considérant qu'en application de l’article 1371 du Code civil, l'action de in rem verso suppose l'enrichissement d'une des parties ;
Or considérant qu'un enrichissement de Madame X. résultant de l'utilisation de l'équipement postérieurement à la résiliation du contrat, le 8 février 2001, non seulement n'est pas démontré, mais encore est rationnellement exclu, puisqu'il est établi que le matériel, faute de livraison des disquettes permettant la diffusion de publicités à jour, était dépourvu de toute utilité ; qu'il appartenait à la société Barclays Bail, qui était parfaitement consciente de l'indivisibilité existant entre les contrats, ainsi que l'établit son courrier du 3 avril 2001, de récupérer l'équipement ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter la société Barclays Bail de sa demande en paiement fondée sur l'enrichissement sans cause ;
IV.- Sur la clause de garantie stipulée au contrat de crédit-bail et invoquée par la société Barclays Bail :
Considérant que la société Barclays Bail soutient que l'article 8.3 des conditions générales du contrat de crédit-bail oblige le preneur à garantir les défaillances du fournisseur en cas de résiliation du contrat de crédit-bail, de sorte que, si le contrat de crédit-bail venait à être résilié, Madame X. devrait être déclarée débitrice à son égard de la somme de cinq mille quatre cent quarante deux euros et cinq centimes (5.442,05 euros) ;
Considérant que Madame X. fait valoir que cette clause de garantie doit être écartée, comme étant abusive ;
Considérant que le consommateur est défini, selon les termes de la directive 93/12/CEE du Conseil du 5 avril 1993, transposée en droit interne, comme la « personne physique qui [...] agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle » ;
Considérant que le fait que Madame X. ait contracté pour louer dans le cadre d'un contrat de crédit-bail un équipement destiné à diffuser des messages publicitaires ou d'information de santé publique sur des écrans ou autres supports installés dans son officine ne lui confère pas la qualité de professionnel dans ses relations avec la société Barclays Bail, puisqu'elle n'était pas un professionnel du crédit et n'avait aucune connaissance des opérations de crédit complexes ; qu'à ce propos, il y a lieu de relever que l'opération de crédit, énoncée au contrat de crédit-bail en très petits caractères alors que les prétendus avantages pour le client du « Publi-Codex » étaient annoncés en très grosses lettres d'imprimerie dans le prospectus de présentation, comportait à la fois un contrat de vente de matériel et de prestations de services avec le fournisseur et un contrat de crédit-bail avec l'organisme de financement, ce second contrat incluant des clauses très difficilement compréhensibles pour un profane, comme un mandat conféré par le crédit-bailleur au preneur pour agir contre le fournisseur au titre des garanties légales et contractuelles dues par celui-ci, une clause exonératoire de responsabilité au profit du crédit-bailleur et une clause de non-recours du preneur au bénéfice du crédit-bailleur ;
Considérant que la clause de garantie stipulée à l'article 8.3 des conditions générales du contrat de crédit-bail, si l'on admet qu'elle a le sens que lui prête la société Barclays Bail, à savoir qu'elle oblige le preneur à régler les loyers pendant tout le cours de l'action en justice, quand bien même l'équipement serait non-conforme ou ne fonctionnerait pas correctement, constitue le modèle même d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 alors applicable, puisqu'elle n'a d'autre finalité, alors que les contrats sont indivisibles, que faire échapper le professionnel de la finance aux conséquences de l'indivisibilité, sans aucune contrepartie effective pour le non-professionnel, dès lors qu'en pratique, le mandat conféré ne trouve à s'appliquer que lorsque le fournisseur est en déconfiture « de sorte qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », au détriment du non-professionnel de la finance et doit être écartée ;
Considérant, de toute manière, que les termes clairs et précis de l'article 8.3, « Non-recours », des conditions générales du contrat de crédit-bail n'obligent le preneur à poursuivre le règlement des loyers au crédit-bailleur que dans les hypothèses où l'équipement est « non conforme à la commande » ou « ne fonctionne pas correctement » ;
Or considérant qu'en l'espèce, ne sont discutés ni la conformité de l'équipement électronique (l'écran et ses accessoires), ni un dysfonctionnement de celui-ci, mais, tout différemment, une carence totale du prestataire dans la fourniture de disquettes indispensables à l'utilisation du système conformément à sa destination normale et contractuellement prévue, savoir la diffusion de messages publicitaires, ainsi qu'il résulte de l'aveu extra-judiciaire formulé par la société Barclays Bail dans son courrier du 3 avril 2001 ; que cette situation n'entre pas dans les prévisions de l'article 8.3 ;
Considérant de plus que la seconde phrase de l'article 8.3 stipule que le preneur est tenu envers le crédit-bailleur de le garantir de « toutes sommes mises à la charge du fournisseur par le jugement » ;
Mais considérant qu'aucune somme n'ayant été demandée en justice par la société Barclays Bail à la société CEC, l'établissement financier n'invoquant pas même avoir produit à son passif, le crédit-bailleur n'est pas fondé à demander, au titre de cette stipulation, quelque somme que ce soit à Madame X. ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter la société Barclays Bail de sa demande en paiement des loyers et/ou indemnités d'utilisation pour la période postérieure au 8 février 2001 ;
V. - Sur les demandes de donné acte formées par Madame X. relativement à la restitution à la société Barclays Bail du matériel objet du contrat de crédit-bail et à l'exécution du jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2003 :
Considérant que Madame X. justifie par les pièces produites aux débats avoir, d'une part, restitué à la société Barclays Bail le matériel objet du contrat de crédit-bail, ce qui est reconnu par Barclays Bail,, d'autre part, réglé à cette société l'intégralité des sommes qui lui étaient dues en vertu du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2003, soit huit mille quatre cent quatre vingt dix sept euros et cinquante huit centimes (8.497,58 euros) ;
Qu'il échet en conséquence de faire droit à ses demandes de donné acte ;
VI. - Sur la demande de Madame X. en remboursement des sommes payées en exécution du jugement rendu entrepris :
Considérant que la demande de Madame X. qui vise à voir infirmer le jugement déféré et tirer les conséquences de cette infirmation au niveau de l'exécution provisoire de la décision de première instance, est de l'essence même de l'appel, de sorte que, contrairement à ce que soutient la société Barclays Bail, elle ne présente aucun caractère nouveau au sens de l’ article 564 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'en conséquence de la résolution du contrat de crédit-bail prononcée avec effet au 8 février 2001, l'assignation délivrée le 13 mars 2001 valant mise en demeure conformément à l’article 1153, alinéa 3, du Code civil de rembourser toute somme trop perçue, la société Barclays Bail doit être condamnée à rembourser à Madame X. la somme de huit mille quatre cents quatre vingt dix sept euros et cinquante huit centimes (8.497,58 euros) qu'elle a réglée à l'établissement financier en exécution du jugement entrepris, avec les intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des règlements effectués ;
VII. - Sur les demandes des parties au titre des frais irrépétibles :
Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire, il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de Madame X. les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en cause d'appel ; que la société Barclays Bail sera condamnée à lui payer la somme de quatre mille euros (4.000 euros) par application de l’ article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que la société Barclays Bail, en raison de sa succombance, doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
VIII. - Sur l'exécution provisoire :
Considérant qu'eu égard aux faits que le litige est dû à la carence complète et inacceptable d'un professionnel, la société CEC, et à l'ancienneté des règlements que Madame X. a été contrainte d'effectuer pour exécuter une décision de justice assortie de l'exécution provisoire, puis infirmée, il échet d'ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt en toutes ses dispositions, hormis celles relatives aux dépens ;
IX.- Sur les dépens :
Considérant que la société Barclays Bail, partie succombante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Déboute la société Barclays Bail de ses fins de non recevoir.
Infirmant le jugement entrepris dans la limite de la cassation prononcée,
Prononce la résiliation, au 8 février 2001, aux torts de la société Concept Electronic Canadien-C.E.C, du contrat de vente de matériel et de prestation de service de disquettes passé entre cette société et Madame X. le 13 octobre 1998.
Constate l'indivisibilité existant entre ledit contrat de vente de matériel et de prestation de services de disquettes et le contrat de crédit-bail passé entre la société Barclays Bail et Madame X. le 16 octobre 1998.
Prononce par voie de conséquence la résiliation dudit contrat de crédit-bail à compter du 8 février 2001.
Déboute la société Barclays Bail de ses demandes en paiement fondées sur l'enrichissement sans cause et sur la clause de garantie.
Donne acte à Madame X. de ce qu'elle a restitué à la société Barclays Bail le matériel objet du contrat de crédit-bail.
Donne acte à Mme X. de ce qu'elle a réglé à la société Barclays Bail l'intégralité des sommes qui lui étaient dues en vertu du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2003, soit huit mille quatre cent quatre vingt dix sept euros et cinquante huit centimes (8.497,58 euros).
Condamne la société Barclays Bail à rembourser à Mme X. la somme de huit mille quatre cent quatre vingt dix sept euros et cinquante huit centimes (8.497,58 euros) avec les intérêts au taux légal à compter du jour de chacun des paiements effectués.
Condamne la société Barclays Bail à payer à Mme X. la somme de quatre mille euros (4.000 euros) par application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Déboute la société Barclays Bail de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Ordonne d'office l'exécution provisoire du présent arrêt en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives aux dépens.
Déboute les parties de leurs demandes autres, contraires ou plus amples.
Condamne la société Barclays Bail aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de cassation, avec bénéfice, s'agissant des dépens d'appel, pour la SCP Lagourgue & Olivier, avoué, de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5880 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : compétence
- 5881 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : identité de spécialité
- 5938 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Crédit-bail et location financière
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