CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 12 juin 2008

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 12 juin 2008
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. B
Demande : 05/05738
Date : 12/06/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 7/12/2005
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3235

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 12 juin 2008 : RG n° 05/05738

Publication : Jurica ; Legifrance

 

Extraits : 1/ « En conséquence l’action exercée par le Ministre chargé de l’économie en application de ce texte est bien, non une action de substitution, mais une action principale autonome visant à la défense de l’ordre public économique et non à la restauration des droits patrimoniaux, et ne saurait constituer une atteinte à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dès lors que, motivée par des impératifs légitimes d’intérêt général, elle laisse aussi aux fournisseurs victimes la possibilité de défendre leurs droits et d’obtenir la réparation de leur préjudice propre et n’a donc nul besoin, avant d’être introduite, d’obtenir l’avis ou l’accord de ces derniers.

Enfin la sanction de la répétition de sommes indûment versées que l’article L. 442-6 modifié par la loi NRE permet expressément au Ministre de réclamer ne saurait pas plus transformer cette action en une action de substitution exercée pour le compte des fournisseurs alors que cette sanction n’est que la conséquence de la nullité des clauses illicites à l’origine de ces versements.

Il en est de même du prononcé d’une amende civile, expressément prévue par ce texte et qui n’est pas l’accessoire des sanctions d’annulation du contrat et de répétition des sommes versées, mais le type même de la sanction que seules peuvent réclamer les autorités publiques dans l’exercice de leur action autonome destinée à sanctionner le trouble à l’ordre public économique ainsi causé. »

2/ « Le contrat écrit de coopération commerciale doit constater la fourniture par le distributeur, à son fournisseur, de services spécifiques détachables des simples obligations résultant des achats et des ventes, la licéité d’un tel contrat reposant sur trois conditions : effectivité des services rendus, spécificité desdits services par rapport aux obligations normales du distributeur et de chaque fournisseur, proportionnalité des avantages offerts aux fournisseurs à l’importance des charges transférées au distributeur. Il appartient au Ministre de rapporter la preuve du caractère fictif des prestations facturées et de la disproportion de l’avantage consenti en contrepartie, […] ».

Résumé : « Le contrat de coopération commerciale par lequel un distributeur fait financer par son fournisseur la construction d’un nouvel entrepôt est nul au regard de l’article L. 442-6 I 2º du code de commerce dans la mesure où cet avantage ne correspond à aucun service commercial spécifique pour le fournisseur. En effet, le stockage et son organisation, qui incombent au distributeur en sa qualité d’acheteur, ne contribuent pas à stimuler au bénéfice du fournisseur la revente de ses produits par le distributeur ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 12 JUIN 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 B 05/05738.Décision déférée à la Cour : 25 novembre 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG.

 

APPELANTE :

SNC LIDL

[adresse], représentée par Maître Anne CROVISIER, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître BRAUN, avocat à STRASBOURG

 

INTIMÉ :

Monsieur le Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,

[adresse], représenté par Monsieur X., directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Haut-Rhin, domicilié [adresse], représenté par M. Y., Inspecteur, muni d’un pouvoir

 

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 28 février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, entendu en son rapport, M. CUENOT, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE,

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile. - signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La DGCCRF d’Alsace-Direction du BAS-RHIN-a été amenée, au cours de l’année 2001, à diligenter une enquête auprès de la SNC LIDL dont le siège social est à STRASBOURG et, à ce titre, à réclamer en décembre 2001 au Directeur comptable de cette société la communication du document comptable intitulé « Justificatif des soldes » faisant apparaître les montants perçus par elle de la part de ses fournisseurs au titre de contrats de coopération commerciale, et ce depuis le 1er mars 2001.

L’analyse de ce document faisait apparaître notamment que la SNC LIDL présentait un chiffre d’affaires de plus de 3,8 millions de Francs HT ou 583.000 euros perçus en 2001 au titre de la coopération commerciale relativement à l’ouverture d’un nouvel entrepôt situé à GUINGAMP.

Les enquêteurs sollicitaient et obtenaient le 20 février 2003 entre autres les justificatifs des soldes faisant apparaître les sommes perçues au titre de la coopération commerciale en 2002, dont 479.134,99 euros HT au titre de celles perçues à l’occasion de l’ouverture d’un nouvel entrepôt à LUNEL et versées par 73 sociétés. L’ensemble des contrats de coopération commerciale souscrits à cette occasion étaient obtenus le 7 mars 2003.

Selon l’article 1 de chacun de ces contrats, il était stipulé que « le distributeur rendait un service spécifique au fournisseur allant au-delà de ses simples obligations résultant des achats et ventes, à savoir :

- amélioration de sa logistique par la réduction du temps d’attente,

- fonction « entrepôt » par une meilleure absorption des variations d’activité et une plus grande fluidité en amont.

L’ouverture de l’entrepôt de LUNEL participe directement au présent contrat. »

De fait les factures correspondant à ces contrats précisaient : « participation à l’ouverture de notre nouvel entrepôt de LUNEL. Service spécifique rendu au fournisseur suivant contrat de coopération commerciale du (....) ». Etaient ensuite visées les trois mentions contractuelles ci-dessus rapportées.

Invité à expliciter l’objet de ces contrats et de ces factures, le Directeur des achats de la société LIDL précisait notamment : 

- que la société permettait à ses fournisseurs de diminuer les frais de transport facturés par les transporteurs, l’entrepôt de LUNEL permettant de délester les entrepôts les plus proches et ses caractéristiques techniques modernes permettant de réduire le temps d’attente des livreurs ;

- qu’en augmentant le nombre de ses entrepôts, la société permettait de limiter les ruptures d’approvisionnement en magasin et qu’en permettant un meilleur lissage des commandes, tout nouvel entrepôt permettait aux fournisseurs de fluidifier leur système de production.

Au terme de cette enquête, et suite au vote de la loi « Nouvelles Régulations Economiques » (loi NRE) du 15 mai 2001 modifiant l’article L. 442-6 du Code de commerce, le Ministre chargé de l’Economie, des Finances et de l’Industrie saisissait le 20 février 2004 le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG (Chambre Commerciale) d’une demande dirigée contre la SNC LIDL et tendant à la recevabilité et au bien fondé de son action en constatation de la perception par cette société d’avantages ne correspondant à aucun service commercial spécifique, à la nullité des contrats et factures conclus à l’occasion de l’ouverture de l’entrepôt de LUNEL, à la condamnation de la société LIDL, outre aux dépens, au reversement des sommes indûment perçues, à la cessation de ces pratiques et au versement d’une amende civile de 500.000 euros.

De son côté la société LIDL concluait au débouté de la demande, subsidiairement à voir sa condamnation limitée à une amende civile symbolique et à l’interdiction de tels contrats pour l’avenir et sollicitait 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 novembre 2005, la juridiction saisie, considérant que : 

- ces contrats de coopération commerciale, définis par la circulaire du 16 mai 2003 et sanctionnés au titre de l’indemnisation par l’actuel article L. 442-6- I du Code de Commerce, avaient cours depuis longtemps dans le monde économique et fait l’objet de textes depuis le 1er décembre 1986 et de décisions jurisprudentielles les définissant (écrit spécifique, services rendus détachables ou allant au-delà des obligations normales résultant des opérations d’achat ou de vente, effectivité du service commercial rendu et proportionnel à l’avantage obtenu du partenaire). 

- l’article 1er des contrats ne faisait aucune référence à un engagement quelconque de la société LIDL de garantir, suite à la mise en service de ce nouvel entrepôt, la commercialisation constante des produits cités, plus particulièrement le maintien du référencement et de vente continue des produits. 

- l’amélioration de la logistique du fournisseur par la réduction du temps d’attente n’est pas un service spécifique détachable de la vente intervenue entre le fournisseur et le distributeur et n’est pas, dans le cas particulier d’un entrepôt, de nature à stimuler ou faciliter la revente des produits du fournisseur par le distributeur.

- la fonction « entrepôt » qui ne stimule aucune vente n’est pas davantage un service spécifique détachable, l’entreposage se faisant à la charge de l’acheteur et à ses risques et le vendeur étant, sauf cas particulier, déchargé de toute obligation envers son cocontractant dès après la livraison, et ne devient pas spécifique même en considération de buts précis, encore moins en cas de buts énoncés en termes généraux. Enfin alors que la fonction de stockage est continue, les déclarations du Directeur des achats parlent de contrats ponctuels, laissent accroire l’idée que leur unique objet était de faire supporter aux fournisseurs le coût de l’investissement engagé par la société LIDL pour la construction de ses entrepôts.

- dès lors il y avait lieu d’estimer ces contrats nuls comme contraires à l’ordre public économique et de faire droit à la demande du Ministre concernant la cessation de la pratique de ces contrats, l’annulation des accords illicites et la répétition de l’indu (soit la restitution à chaque fournisseur de la somme payée par lui au titre de ces accords).

- il n’y a pas lieu à prononcer une amende civile moindre que celle réclamée, la société ayant continué ses pratiques illicites malgré la promulgation de la loi NRE et ne pouvant s’estimer de bonne foi pour les contrats relatifs à l’entrepôt de LUNEL alors qu’un contrôle de la DGCCRF était déjà en cours,

a statué comme suit :

« DÉCLARE NULS, comme contraires aux dispositions de l’article L. 442-6 I. 2° du code de commerce, les contrats de coopération commerciale conclus par la SNC LIDL avec ses fournisseurs à l’occasion de l’ouverture de son entrepôt de LUNEL, dont le détail figure en annexe du présent jugement ;

CONDAMNE la SNC LIDL à reverser à chacun des fournisseurs concernés la somme payée par lui en exécution du contrat annulé ;

ORDONNE à la SNC LIDL de cesser la pratique de tels contrats de coopération commerciale ;

CONDAMNE la SNC LIDL à payer une amende civile de 500.000 euros (cinq cent mille euros) ;

CONDAMNE la SNC LIDL aux entiers dépens de la procédure ;

DIT N’Y AVOIR LIEU à application de l’article 700 du CPC. »

A l’encontre de ce jugement, la SNC LIDL a interjeté appel par déclaration déposée le 7 décembre 2005.

Se référant à ses derniers écrits du 28 septembre 2007, la SNC LIDL demande à la Cour de :

« Vu l’article 6 § 1 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme,

Vu l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en date du 26 août 1789,

Vu l’article 31 du CPC,

Vu l’article L. 442-6-1- 2° du Code de commerce,

DÉCLARER la SNC LIDL recevable et bien fondée en son appel.

En conséquence :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG en date du 25 novembre 2005 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

I - A titre principal :

DÉCLARER Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances irrecevable en son action en nullité des contrats de coopération commerciale.

DÉCLARER Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances irrecevable en son action en restitution des sommes versées par les fournisseurs sous astreinte.

DÉCLARER Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances irrecevable en sa demande de prononcé d’une amende civile de 500. 000 euros

En conséquence :

L’EN DEBOUTER.

II - A titre subsidiaire et en tout état de cause :

DIRE ET JUGER que les contrats de coopération commerciale signés entre la société LIDL et 73 de ses fournisseurs le 11 avril 2001 ont rendu un service commercial effectif à ces derniers.

DÉCLARER Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances mal fondé en ses actions en nullité, restitution des sommes versées par les fournisseurs sous astreinte et prononcé d’une amende civile de 500.000 euros

LE CONDAMNER aux dépens et à une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du CPC. »

Elle fait valoir pour l’essentiel que : 

- l’action du Ministre est irrecevable en l’absence d’intérêt légitime, direct et personnel de celui-ci à agir contre elle, le droit au procès équitable de l’article 6 de la CEDH primant l’article L. 442-6 du Code de commerce, et en tout état le Ministre n’ayant pas appelé en la cause les fournisseurs de l’appelante seuls titulaires des actions en nullité des contrats et en restitution des sommes versées. L’action en cessation des pratiques incriminées et en prononcé d’une amende civile, suffit à restaurer l’atteinte portée à l’ordre public économique, l’action en nullité étant inutile, disproportionnée et contraire aux principes élémentaires gouvernant le droit processuel et substantiel ;

- l’action du Ministre est une action de substitution relevant de l’ordre public de protection et non de direction et ne peut être exercée qu’après à tout le moins avoir recueilli l’avis des fournisseurs alors qu’elle porte atteinte à la liberté individuelle de ceux-ci ;

- le prononcé d’une amende civile est une demande accessoire à celle visant l’annulation des contrats et la répétition des sommes versées. De plus aucune atteinte à l’ordre public économique n’est démontrée en l’espèce, retirant tout intérêt à une telle demande ;

- subsidiairement les fonctions « logistiques » et « entrepôt » revêtent des concepts bien plus larges que ceux retenus par les premiers juges, impliquant l’intérêt commun du fournisseur et du distributeur et l’émergence d’une relation de partenariat entre ceux-ci ;

- les services commerciaux rendus aux fournisseurs par l’entrepôt de LUNEL étaient bien effectifs (augmentation de la rentabilité de leurs produits et revente favorisée de ceux-ci aux consommateurs) ;

- les prix facturés aux fournisseurs étaient proportionnés au service rendu ;

- concernant l’amende civile, elle est de bonne foi et il y a absence d’atteinte à l’intérêt général et à l’ordre public économique. En tout état de cause l’amende civile prononcée est disproportionnée.

 

Se référant à ses derniers écrits du 19 août 2007, le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie demande à la Cour de :

« - confirmer le jugement contradictoire et en premier ressort du 25 novembre 2005 de la 2e chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG et de :

- dire et juger que l’action du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est recevable et bien fondée.

- dire et juger que la SNC LIDL a perçu des avantages ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce ;

- prononcer la nullité des contrats et des factures conclus à l’occasion de l’ouverture de l’entrepôt de LUNEL ;

- condamner en conséquence la SNC LIDL à reverser sous astreinte à chacun des fournisseurs concernés la somme payée par lui en exécution du contrat annulé ;

- ordonner à la SNC LIDL la cessation des pratiques dénoncées ;

- prononcer à l’encontre de la SNC LIDL une amende civile de 500.000 euros ;

- condamner la SNC LIDL aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du CPC. »

Il soutient en substance que : 

- en application de l’article L. 442-6 du Code de commerce et de l’article 48 du décret du 30 avril 2002, il est dispensé devant la Cour du ministère d’avocat ;

- il n’existe pas de lien entre l’article 6 de la CEDH et l’intérêt à agir. En son absence le procès n’en serait pas moins équitable. De plus il existe des exceptions au lien entre droit subjectif et action en justice, tel le pouvoir autonome du ministère public d’ester en justice, et la Cour de STRASBOURG admet des restrictions pour motifs légitimes au droit de l’article 6 ; 

- la protection de l’ordre public va plus loin que celle d’un intérêt matériel et l’action du Ministre est prévue par la loi. De plus il ne s’agit pas d’une action de substitution visant à réparer le préjudice des cocontractants et la défense de l’ordre public n’est pas subordonnée à la volonté des parties au contrat ; 

- celle-ci est, non une action de représentation, mais une action autonome destinée à préserver la loyauté des relations commerciales ;

- la nullité des contrats est d’ordre absolu en raison de sa contrariété à l’ordre public économique de direction, la cessation des pratiques incriminées et la répétition des sommes versées n’ayant au contraire d’effet que pour l’avenir et de ce fait n’étant nullement dissuasives pour le contrevenant, et l’action du Ministre palliant ainsi l’inaction des cocontractants liée à leur crainte d’un affaiblissement de leurs relations d’affaires avec le distributeur ;

- l’amende civile constituant l’archétype de l’action autonome des autorités publiques est destinée à sanctionner l’ordre public troublé ;

- la fonction d’amélioration de la logistique par réduction du temps d’attente des livreurs n’est pas détachable des opérations d’achats ;

- le stockage et son organisation incombent au distributeur et ne sauraient correspondre à un service spécifique ;

- la meilleure absorption des variations d’activité semble correspondre au service de mise en rayon, donc non spécifique ;

- la plus grande fluidité en amont ne stimule pas la revente et est une notion trop générale, voire invérifiable ;

- les contrats de coopération n’ont pas été renouvelés après l’ouverture de l’entrepôt alors que le service s’inscrit dans la durée ;

- admettre le caractère détachable reviendrait à faire payer par les fournisseurs tout investissement du distributeur ;

- cette pratique étant interdite en soi, il n’est nul besoin de prouver la réalité du trouble à la concurrence.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :

L’appel interjeté dans des conditions de forme et de délai dont la validité n’est pas contestée est recevable.

 

I) Sur la recevabilité de la demande :

La régularité de l’action introduite par le Ministre chargé de l’économie et de la représentation de ce dernier devant la Cour n’est pas discutée.

S’agissant de la recevabilité de cette action, il résulte de l’évolution tant de la lettre que de l’esprit de l’article L. 442-6 du Code de commerce issu de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et de ses modifications ultérieures par la loi dite NRE du 15 mai 2001 que l’objectif de libéralisation des marchés et des prix avait pour contrepartie le contrôle du comportement des entreprises et la sanction des atteintes à la libre concurrence (dont le Ministre de l’Economie et son Administration au travers des enquêteurs de la DGCCRF constituent le rouage essentiel), et notamment celle de la pratique des marges arrières permettant de contourner l’interdiction de revente à perte, et à l’origine d’un accroissement des bénéfices des distributeurs bénéficiaires et d’une augmentation artificielle des prix de vente aux consommateurs.

Dès lors l’intervention des autorités publiques et donc du Ministre s’inscrit dans la double nécessité de rétablir l’ordre public économique troublé, par la cessation des effets de la situation illicite passant nécessairement par l’annulation des contrats et la restitution des avantages indûment perçus par le distributeur, et de poursuivre ces agissements pour obtenir la réparation du préjudice occasionné à la collectivité nationale au travers de l’ensemble des consommateurs et des agents économiques victimes de cette concurrence faussée sur le marché de la distribution.

En conséquence l’action exercée par le Ministre chargé de l’économie en application de ce texte est bien, non une action de substitution, mais une action principale autonome visant à la défense de l’ordre public économique et non à la restauration des droits patrimoniaux, et ne saurait constituer une atteinte à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dès lors que, motivée par des impératifs légitimes d’intérêt général, elle laisse aussi aux fournisseurs victimes la possibilité de défendre leurs droits et d’obtenir la réparation de leur préjudice propre et n’a donc nul besoin, avant d’être introduite, d’obtenir l’avis ou l’accord de ces derniers.

Enfin la sanction de la répétition de sommes indûment versées que l’article L. 442-6 modifié par la loi NRE permet expressément au Ministre de réclamer ne saurait pas plus transformer cette action en une action de substitution exercée pour le compte des fournisseurs alors que cette sanction n’est que la conséquence de la nullité des clauses illicites à l’origine de ces versements.

Il en est de même du prononcé d’une amende civile, expressément prévue par ce texte et qui n’est pas l’accessoire des sanctions d’annulation du contrat et de répétition des sommes versées, mais le type même de la sanction que seules peuvent réclamer les autorités publiques dans l’exercice de leur action autonome destinée à sanctionner le trouble à l’ordre public économique ainsi causé.

Dès lors l’action du Ministre doit être déclarée recevable.

 

II) Au fond :

A) Sur la validité des contrats :

Le contrat écrit de coopération commerciale doit constater la fourniture par le distributeur, à son fournisseur, de services spécifiques détachables des simples obligations résultant des achats et des ventes, la licéité d’un tel contrat reposant sur trois conditions : effectivité des services rendus, spécificité desdits services par rapport aux obligations normales du distributeur et de chaque fournisseur, proportionnalité des avantages offerts aux fournisseurs à l’importance des charges transférées au distributeur.

Il appartient au Ministre de rapporter la preuve du caractère fictif des prestations facturées et de la disproportion de l’avantage consenti en contrepartie, étant précisé que les 73 contrats de coopération commerciale litigieux, conclus à l’occasion de l’ouverture de l’entrepôt de LUNEL l’ont tous été sous l’empire de l’article L. 442-6 du Code de commerce tel que modifié par la loi NRE du 15 mai 2001.

Ainsi qu’il est sus-indiqué, l’objet de ces 73 contrats était identique, s’articulant autour de deux services : « l’amélioration de la logistique par la réduction du temps d’attente » d’une part, « la fonction entrepôt par une meilleure absorption des variations d’activité et une plus grande fluidité en amont » d’autre part, l’ouverture du nouvel entrepôt de LUNEL participant directement au contrat. Ces mêmes indications de service figuraient sur les factures.

Au vu des clauses des contrats et des déclarations ci-dessus rappelées du Directeur des achats de la SNC LIDL, les services que prétend rendre à ses fournisseurs cette dernière par ces contrats sont parfaitement circonscrits, les développements de l’appelante devant la Cour notamment sur le contenu de la notion de logistique et de sa dimension économique étant hors du champ contractuel.

1) S’agissant du service « amélioration de sa logistique par la réduction des temps d’attente », il ne s’agit pas d’un service spécifique allant au-delà des obligations contractées ordinairement entre fournisseurs et distributeurs, la réception et l’organisation des camions incombant au distributeur et cette prestation étant liée à l’opération d’achat des produits aux fournisseurs par le distributeur qui ne manquera pas de répercuter sur le prix d’achat les économies qu’il ferait faire à ceux-ci en raison de la diminution du temps d’attente des camions.

De plus, comme l’ont relevé les premiers juges, le vendeur est tenu selon le Code civil à une obligation de délivrance et l’acheteur qui est tenu de prendre livraison de la chose vendue a à sa charge le coût intégral d’une telle opération.

Enfin ce service ne recouvre pas une action de nature à stimuler ou à faciliter au bénéfice du fournisseur la revente de ses produits par le distributeur.

Par ailleurs cette prestation n’a jamais été renouvelée au-delà de 2002 selon les déclarations du Directeur des Ventes et n’a même donné lieu à aucune signature de contrat de coopération commerciale en 2003, y compris donc avec de nouveaux fournisseurs, et les contrats sont tous rédigés en termes identiques, à l’exception du prix et des produits visés, s’agissant de véritables contrats type. Aussi si le service a été rendu à tous les fournisseurs signataires, il n’y a aucune spécificité du service rendu aux fournisseurs concurrents.

Les développements de l’appelante quant à une appréciation large de la notion de service spécifique aboutirait à permettre le financement de nombre d’obligations du distributeur par ses fournisseurs.

2) S’agissant du service « fonction entrepôt par une meilleure absorption des variations d’activités et une plus grande fluidité amont », le stockage et son organisation incombent au distributeur, s’agissant d’une obligation contractuelle résultant habituellement des achats et des ventes.

En effet comme l’ont souligné les premiers juges la vente de marchandises emporte transfert de propriété du fournisseur au distributeur qui en assume la garde, mais aussi le risque de perte et de dégradation dès lors qu’il en devient propriétaire. Le coût financier de ce stockage dans ses locaux lui incombe normalement.

En outre cette notion de stockage, seule visée dans les contrats et les factures, ne saurait se confondre avec celle de mise en rayon que tente d’accroire l’appelante en estimant que cette fonction « entrepôt » par une meilleure absorption des variations d’activité traduit « une amélioration de la revente des produits aux consommateurs » et « une fidélisation de la clientèle », la simple mise en rayon ne constituant pas plus une mise en avant spécifique des produits du fournisseur et ne pouvant faire l’objet d’une rémunération supplémentaire (Com. 27 février 1990).

Par ailleurs le meilleur lissage des commandes ne recouvre pas une action de nature à stimuler au bénéfice des fournisseurs la revente de leurs produits par le distributeur.

Enfin cette fonction « entrepôt » est une prestation continue. Or là encore aucun contrat de coopération commerciale n’a été conclu à ce titre par la société LIDL en 2003 et cette fonction était visée dans un contrat type et, si la prestation a été fournie à tous les fournisseurs signataires, il n’y a aucune spécificité du service rendu par rapport aux fournisseurs concurrents.

En conclusion l’ouverture de l’entrepôt de LUNEL n’a été que le prétexte d’une mise à contribution des fournisseurs ou à une mutualisation par le distributeur d’une charge nouvelle d’investissement sans contrepartie réelle ou proportionnée.

Une telle pratique est prohibée par l’article L. 442-6-I 2° a du Code du commerce.

 

B) Conséquences :

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré nuls les contrats de coopération commerciale litigieux, ordonner la cessation de la pratique de tels contrats et condamné la SNC LIDL à reverser à chacun des fournisseurs la somme payée par lui en exécution du contrat annulé.

Toutefois, afin d’assurer l’exécution effective de cette partie de la décision, il y a lieu de l’assortir d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification de l’arrêt.

S’agissant de l’amende civile, le montant de 500.000 euros retenu par les premiers juges n’a rien d’exorbitant, alors qu’il résulte des pièces que la SNC LIDL a perçu auprès des fournisseurs signataires, pour le seul dépôt de LUNEL, la somme totale de 479.134,99 euros en 2002, soit il y a 6 ans.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

 

III) Pour le surplus :

L’appelante succombant supportera les dépens d’appel et sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ne saurait prospérer.

En outre, l’équité commande de la faire participer à hauteur de 8.000 euros aux frais irrépétibles d’appel qu’a dû exposer l’intimé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, 

- DÉCLARE l’appel régulier et recevable en la forme ;

- Au fond, le DIT mal fondé et le REJETTE ;

- DÉCLARE recevable l’action du Ministre de l’Economie et la DIT bien fondée ; 

- CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant, DIT que la condamnation de l’appelante à reverser à chacun de ses fournisseurs concernés la somme payée par lui en exécution du contrat annulé est assortie d’une astreinte de 500 euros (cinq cents euros) par jour de retard à compter du 10e jour suivant la signification du présent arrêt, et ce jusqu’à son exécution complète ; 

- DÉBOUTE l’appelante de l’intégralité de ses conclusions ;

- La CONDAMNE aux dépens d’appel ;

- La CONDAMNE en outre à payer à l’intimé un montant de 8.000 euros (huit mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.