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TI ORANGE, 17 mars 2009

Nature : Décision
Titre : TI ORANGE, 17 mars 2009
Pays : France
Juridiction : Orange (TI)
Demande : 11-06-000396
Décision : 09/97
Date : 17/03/2009
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 17/03/2009
Décision antérieure : CA NÎMES (2e ch. civ. sect. A), 29 avril 2010
Numéro de la décision : 97
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3266

TI ORANGE, 17 mars 2009 : RG n° 11-06-000396 ; jugement n° 97

(sur appel CA Nîmes (2e ch. civ. sect. A), 29 avril 2010 : RG n° 09/01749)

 

Extrait : « Les arguments concernant la forclusion opposable à l'emprunteur sont inopérants en l'espèce. L'argument tiré de l'ancienne rédaction de l'article L. 311-37 du code de la consommation, s'il devait être retenu, aboutirait à vider de son sens la loi de décembre 2001 qui a limité l'opposabilité de la forclusion au prêteur, amené à diligenter une action en paiement.

De plus, cette argumentation ne tient nullement compte des modifications récentes intervenues en matière procédurale, qui permettent désormais au juge de relever d'office les moyens liés à la forclusion biennale. Cette modification de texte concerne l'office du juge et s'agissant d'une loi de procédure, elle est d'application immédiate.

En admettant que l'emprunteur soit lui aussi forclos dans ses arguments concernant le dépassement du découvert autorisé, il serait impensable que le juge lui, puisse encore soulever d'office cet argument, alors que les parties seraient dans l'incapacité de le faire, si l'on suit le raisonnement de la requérante.

Il existe donc bien une réelle contradiction entre les arrêts récents de la Haute Cour en matière de dépassement du découvert autorisé, les nouvelles possibilités pour le juge de soulever d'office des moyens d'ordre public et la position de la requérante qui se prévaut d'une interprétation d'arrière-garde de dispositions antérieures à la loi de décembre 2001, qui ont été en tout état de cause, battues en brèche depuis 2005 par la Cour de Cassation et y compris dans des arrêts récents, où l'application dans le temps des dispositions issues de la loi de décembre 2001 n'a pas été prise en considération.

La jurisprudence et les lois de procédure étant d'application immédiate aux instances en cours, il convient de retenir que les arguments développés par la requérante sont inapplicables et dépassés à l'heure actuelle. Il lui appartenait de formaliser correctement les différentes augmentations de découverts autorisés, pour ne pas risquer de se retrouver forclose en son action. Et ce d'autant que le plafond légal initial de 140.000 francs a été dépassé en 2006. La notion de clause abusive est applicable à de tels fonctionnements.

Sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres arguments développés, il convient de constater que la SA MEDIATIS est forclose en son action à l'encontre des débiteurs. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’ORANGE

JUGEMENT DU 17 MARS 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-06-000396. Jugement n° 97.

JUGEMENT : Audience publique du Tribunal d'Instance d’ORANGE tenue le 17 mars 2009 par Nadine LEFEBVRE-IBANEZ, juge d'instance, assistée de Dominique GAAL-MUSSELECK, faisant fonction de Greffier ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

SA MEDIATIS

[adresse], représenté(e) par Maître COLLION, avocat du barreau de AVIGNON

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur X.

[adresse], représenté par SCP GRAS-DIARD - ADJEDJ, avocat du barreau de Carpentras

Madame X.

divorcée, [adresse], non comparante

 

DATE DES DÉBATS : 27 janvier 2009

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par exploit d'huissier en date du 30 septembre 2008, la SA MEDIATIS a assigné devant ce Tribunal, M. X. et Mme X. aux fins d'obtenir paiement de la somme de 27.158,97 € au titre d'un crédit « revolving » souscrit le 10 février 1998.

La requérante fait valoir qu'elle a contracté avec les défendeurs, le 10 février 1998. L'ouverture de crédit comportait un montant de découvert autorisé de 21.342,89 € à la signature du contrat. La fraction de première mise à disposition a été de 6.097,97 €.

La déchéance du terme est intervenue le 23 mai 2008.

Les défendeurs sont donc redevables des sommes suivantes :

- 5.055,25 € de mensualités impayées.

- 2.390,76 € d'intérêts de retard et indemnités dus sur cette somme.

- 552,35 € de cotisations assurances.

- 17.852,37 € de capital à échoir.

- 1.428,19 € d'indemnité légale de 8 %.

Soit un total de 27.278,92 €.

Il convient de déduire de cette somme les acomptes reçus à hauteur de 500 € et d'y ajouter les intérêts de retard actualisés, soit 380,05 €.

Le solde restant dû au titre du crédit « revolving » souscrit le 10 février 1998 par les époux X. est de 27.158,97 €.

Les intérêts contractuels au taux de 18,36 % s'appliqueront sur la somme de 25.350,73 €. Les défendeurs seront condamnés au paiement de la somme de 750 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC, ils supporteront la charge des dépens et l'exécution provisoire de la décision à intervenir sera ordonnée.

En réponse aux arguments de M. X., la requérante expose que celui-ci fait remonter à tort le premier incident de paiement non régularisé au mois d'août 2006. Cet incident est caractérisé par un défaut de remboursement et non par le dépassement du découvert autorisé qui relève des obligations de mise à disposition des fonds incombant au prêteur selon les modalités de fonctionnement du crédit « revolving ».

Ce n’est pas le dépassement du découvert qui constitue la défaillance de l'emprunteur mais la cessation de paiement.

La reconstitution du compte permanent permet de constater que le premier incident se situe au mois de mai 2007.

Le seuil légal contractuel de 21.342,86 € n'a jamais été dépassé, puisqu'il est toujours resté dans le cadre de l'offre initiale entre 6.097,96 € et 21.342,86 €.

Le montant du découvert maximum autorisé n'a jamais été dépassé.

La forclusion n'est donc pas encourue.

La rédaction de l'article L. 311-37 issue de la loi du 11 décembre 2001 n'est pas applicable au cas d'espèce. Aux termes des dispositions antérieures, le délai biennal de forclusion était également opposable à l'emprunteur qui devait lui aussi engager son action dans le délai de deux ans de l'événement leur ayant donné naissance.

Le moyen soulevé par le débiteur concernant le dépassement du découvert autorisé n'est plus recevable, puisqu'également forclos, si l'on se place au mois d'août 2006.

En ce qui concerne le moyen lié à l'absence de relevé de compte antérieurement à 2006, la [minute page 3] forclusion est également applicable, cet argument étant soulevé dans des conclusions datées du 25 novembre 2008.

Si toutefois la juridiction retenait le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts, cette déchéance ne pourrait s'appliquer qu'a compter d'octobre 2005, le dernier renouvellement ayant été opéré en octobre 2007.

Les époux X. restent redevables en tout état de cause des sommes demandées soit 27 158,97€.

M. X. expose qu'il est aujourd'hui divorcé de Mme X.

Il indique que le contrat du 10 février 1998 a été souscrit pour un montant de 10.000 F. soit 1.524,49 €.

Le découvert passait cependant dès 1999 à la somme de 25.386 F. soit 3.870 €.

Pour en arriver en juin 2008 à la somme faramineuse de 27.158,97 €

On est loin du contrat souscrit initialement.

Contrairement aux arguments de la requérante, la Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelle systématiquement que le dépassement du découvert autorisé manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai de forclusion.

Ainsi dans un arrêt topique de 2005 la Haute Cour indique « le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée suscite nécessairement la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation court dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable assorti d'une obligation de remboursement à échéance convenue, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident caractérise la défaillance de l'emprunteur. Ayant constaté que le montant du crédit autorisé avait été dépassé au mois de mai 1995 et que l'historique du compte montrait que le dépassement n'avait jamais été régularisé et qu'au contraire la situation débitrice du compte n'avait cessé de s'aggraver en raison de l'importance des retraits effectués et de l'insuffisance des dépôts réalisés..., la Cour d'Appel a à bon droit considéré que ce dépassement constituait un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur. »

Depuis cette jurisprudence a été confirmée à maintes reprises et il s'agit de la même situation qu'en l'espèce. Le découvert n'a cessé de s'aggraver et depuis une longue période.

De plus, il existe dans ce litige une autre particularité, le découvert maximum autorisé à hauteur de 140.000 F considéré comme une clause abusive en tout état de cause, a cependant été dépassé en août 2006 à hauteur de 21.757,48 €.

Le concluant soutient donc que l'action de la requérante est forclose.

A titre subsidiaire et si le Tribunal ne faisait pas droit à cet argument, la SA MEDIATIS sera néanmoins déboutée de ses demandes. En effet, l'obligation d'information annuelle quant à la reconduction du contrat même s'il en manque certaines, a existé. Mais aucune offre préalable conforme aux dispositions de l'article L. 311-10 n'est formalisée relatives aux augmentations de crédit.

La sanction de ce non-respect des obligations légales est la déchéance du droit aux intérêts. Seul le remboursement du capital est admissible et les sommes perçues au titre des intérêts, elles-mêmes productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, sont imputées sur le capital restant dû.

Il appartient à la requérante de produire un décompte après ré imputation des sommes en intérêts sur le capital et restitution éventuelle du surplus au débiteur.

[minute page 4] Faute de justifier du quantum de ses demandes, la SA MEDIATIS sera déboutée.

A titre encore plus subsidiaire, si des lettres de reconduction annuelle du contrat sont produites, il manque celle de l'année 2000 et plus aucune lettre d'information n'est produite à compter de 2004 jusqu'en 2008. La déchéance du droit à intérêts est également encourue.

Un nouveau décompte expurgé des intérêts devra être produit.

La SA MEDIATIS sera donc déboutée au principal, comme étant forclose en ses demandes et subsidiairement comme étant déchue de son droit à intérêts, les sommes réclamées n'étant pas correctes dans leur quantum.

Elle sera condamnée au paiement de la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC, outre la charge des dépens.

Mme X. ne comparaît pas, ni personne pour elle. Elle a été citée à domicile, à [ville J.], avec copie de l'acte déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire. L'huissier précise qu'à cette adresse le nom de Mme X. figure sur la boîte aux lettres.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

La forclusion :

L'article L. 311-37 du Code de la Consommation dispose « le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision du juge de l'exécution sur les mesures mentionnées à l'article L. 331-7 ».

En l'espèce, le débiteur soulève la forclusion en indiquant que de longue date, le montant du découvert autorisé a été dépassé sans avoir fait l'objet d'avenants et surtout sans être ultérieurement restauré par le débiteur.

Le défendeur produit trois arrêts de la Haute Cour, dont celui du 12 juillet 2007 est applicable au cas d'espèce.

Il a été jugé que « le plafond du découvert autorisé de 36.000 Francs a été dépassé dès le 1er juillet 1992 sans avoir été ultérieurement restauré, et que la société de crédit ne justifiait, ni même ne prétendait avoir proposé à l'emprunteur une augmentation du capital initialement autorisé, conformément aux termes de l'offre préalable. Qu'il s'en déduisait que le dépassement du 1er juillet 1992 manifestant la défaillance de l'emprunteur constituait le point de départ du délai biennal de forclusion opposable à la banque. »

Il est à remarquer que cette jurisprudence s'applique alors que le contrat est particulièrement ancien et que la défaillance de l'emprunteur se situe en 1992, pour une assignation délivrée en mars 2003.

Dans un arrêt du 22 novembre 2007, la Cour de cassation estime « qu'en l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert initialement autorisé, le dépassement de ce découvert, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion. »

[minute page 5] Il s'agit en l'espèce d'un contrat du 27 juin 1997 et d'une assignation du 10 juin 2002.

Il est donc acquis qu'en matière d'ouverture de crédit reconstituable le délai de forclusion doit être computé à partir du moment où le dépassement du découvert initialement autorisé a lieu, sans formalisation d'une nouvelle offre augmentant ce montant de découvert et sans que le découvert n'ait été ultérieurement restauré.

En l'espèce, le découvert autorisé est de 10.000 Francs contrairement à ce qu'affirme la requérante. Il sera dépassé dès novembre 1999, sans formalisation d'une nouvelle offre, puisqu'il passe de la somme de 1.524,49 € à 3.870 €.

Des sommes importantes seront ainsi utilisées de manière croissante, sans jamais revenir à la somme de 10.000 francs contractualisée à l'origine.

Le dépassement est donc encore plus ancien que ce que peut le soutenir l'emprunteur.

Par définition, un crédit reconstituable suppose un plafond d'utilisation au-delà duquel les sommes doivent être remboursées, pour revenir au montant du découvert initial consenti.

Les arguments concernant la forclusion opposable à l'emprunteur sont inopérants en l'espèce. L'argument tiré de l'ancienne rédaction de l'article L. 311-37 du code de la consommation, s'il devait être retenu, aboutirait à vider de son sens la loi de décembre 2001 qui a limité l'opposabilité de la forclusion au prêteur, amené à diligenter une action en paiement.

De plus, cette argumentation ne tient nullement compte des modifications récentes intervenues en matière procédurale, qui permettent désormais au juge de relever d'office les moyens liés à la forclusion biennale. Cette modification de texte concerne l'office du juge et s'agissant d'une loi de procédure, elle est d'application immédiate.

En admettant que l'emprunteur soit lui aussi forclos dans ses arguments concernant le dépassement du découvert autorisé, il serait impensable que le juge lui, puisse encore soulever d'office cet argument, alors que les parties seraient dans l'incapacité de le faire, si l'on suit le raisonnement de la requérante.

Il existe donc bien une réelle contradiction entre les arrêts récents de la Haute Cour en matière de dépassement du découvert autorisé, les nouvelles possibilités pour le juge de soulever d'office des moyens d'ordre public et la position de la requérante qui se prévaut d'une interprétation d'arrière-garde de dispositions antérieures à la loi de décembre 2001, qui ont été en tout état de cause, battues en brèche depuis 2005 par la Cour de Cassation et y compris dans des arrêts récents, où l'application dans le temps des dispositions issues de la loi de décembre 2001 n'a pas été prise en considération.

La jurisprudence et les lois de procédure étant d'application immédiate aux instances en cours, il convient de retenir que les arguments développés par la requérante sont inapplicables et dépassés à l'heure actuelle.

Il lui appartenait de formaliser correctement les différentes augmentations de découverts autorisés, pour ne pas risquer de se retrouver forclose en son action.

Et ce d'autant que le plafond légal initial de 140.000 francs a été dépassé en 2006. La notion de clause abusive est applicable à de tels fonctionnements.

Sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres arguments développés, il convient de constater que la SA MEDIATIS est forclose en son action à l'encontre des débiteurs.

Elle sera donc déboutée de toutes ses demandes, fins et prétentions.

La SA MEDIATIS qui succombe sera condamnée aux dépens, outre le paiement à M. X. de la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

- Constate que l'action en paiement de la SA MEDIATIS est forclose à l'encontre de M. X. et de Mme X. son ex épouse.

- Déboute la SA MEDIATIS de toutes ses demandes, fins et prétentions.

- La condamne à payer à M. X. la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- La condamne aux dépens.

LE GREFFER                                   LE JUGE