CA ANGERS (ch. com.), 22 novembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3442
CA ANGERS (ch. com.), 22 novembre 2011 : RG n° 10/02713
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La validité de cette clause au regard de son caractère prétendument abusif ne peut être contestée au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation qui régit les relations entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.
En effet, il résulte des statuts de la SCI M. que cette société a pour objet tant en France qu'à l'étranger la gestion, l'administration, la mise en valeur et l'exploitation par voie de location ou autrement de tout terrain, immeuble ou fraction d'immeuble dont elle pourra devenir propriétaire par voie d'acquisition, de construction, d'apport en nature, d'échange ou toute autre opération et plus généralement toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à l'objet précité, sous réserve de n'en point modifier le caractère civil. Ces éléments corroborés par l'intitulé « facilité de trésorerie commerciale » porté sur l'avenant régularisé le 14 septembre 2004 imposent de considérer, comme l'a justement apprécié de premier juge, la SCI M. comme un contractant professionnel ne pouvant invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »
2/ « Il n'y a pas lieu d'examiner l'application à la cause des dispositions de l'article L. 311-2 du code de la consommation qui n'est pas sollicitée par l'appelante. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/02713. Jugement du 28 juin 2010 Tribunal de Grande Instance de LAVAL, n° d'inscription au RG de première instance 10/00561.
APPELANTE :
LA SCI M.
représentée par la SCP GONTIER - LANGLOIS, avoués à la cour, N° du dossier 47670, assistée de Maître GOUEDO, avocat au barreau de Laval,
INTIMÉE :
LA SA CREDIT DU NORD
représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la cour, N° du dossier 33689, assistée de Maître LEFEVRE, avocat au barreau d'Alençon,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 octobre 2011 à 13 H 45, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur VALLEE, Président, qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur VALLEE, Président de chambre, Monsieur TRAVERS, Conseiller, Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 22 novembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Monsieur VALLEE, Président et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé du 17 février 1997, il a été établi entre le Crédit du Nord et la SCI M. une convention d'ouverture de compte courant.
Par avenant à cette convention intitulé « facilité de trésorerie commerciale » du 14 septembre 2004, une ouverture de crédit d'un montant de 30.000 euros a été consentie à la société M.
Par lettre du 25 novembre 2005 reçue le 30 novembre 2005, le Crédit du Nord a dénoncé la facilité de trésorerie et la convention de compte courant.
Par lettre du 6 février 2006, la société Crédit du Nord a vainement mis en demeure la SCI M. de lui régler le solde du compte courant, soit la somme de 36.155,56 euros arrêtée à la date du 31 janvier 2006.
Par acte du 18 juin 2007, le Crédit du Nord a assigné la SCI M. aux fins de la voir condamner à lui régler la somme de 36.155,56 euros arrêtée au 6 février 2006 augmentée des intérêts à calculer jusqu'au parfait paiement au taux des avances sur titres de la Banque euros France majorée de 6 points soit 12 % et celle de 1.200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d'incident, la SCI M. a demandé au juge de la mise en état d'enjoindre au Crédit du Nord de démontrer dans quelles conditions il avait mis en œuvre, dans le respect de la convention d'ouverture de compte courant, les ordres de virement apparaissant sur les relevés de compte produits.
Par ordonnance du 9 septembre 2008, le juge de la mise en état a enjoint au Crédit du Nord de produire les ordres écrits de virement litigieux ou à défaut de préciser dans quelles conditions ils étaient intervenus.
La banque a produit les mouvements de compte entre les deux entités EARL Écurie M. et SCI M.
Par jugement du 28 juin 2010, le tribunal de grande instance de Laval a condamné la SCI M. à payer à la société Crédit du Nord au titre du solde débiteur du compte la somme de 36.155,56 euros outre les intérêts au taux des avances sur titres de la Banque de France, majorés de 6 points, soit 12 % et ce à compter du 6 février 2006, débouté la SCI M. de l'ensemble de se demandes et rejeté les autres demandes et notamment celles au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SCI M. aux dépens.
LA COUR
Vu l'appel formé contre ce jugement par la SCI M. ;
Vu les dernières conclusions du 5 septembre 2011 aux termes desquelles la SCI M., appelante, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, poursuivant l'infirmation du jugement, au visa des dispositions des articles 1134, 1147 et 1937 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation, de débouter le Crédit du Nord de l'ensemble de ses demandes, et de condamner celui-ci, à verser la SCI M. une somme globale de 107.537,20 euros en restitution des sommes indûment virées et en réparation des préjudices subis ;
Vu les dernières conclusions du 15 septembre 2011 aux termes desquelles la société Crédit du Nord, intimée, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de confirmer le jugement entrepris ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de son appel la SCI M. fait valoir que la convention de compte courant prévoit que tout virement doit faire l'objet d'un écrit, disposition claire et précise qui s'impose aux parties par application de l'article 1134 du code civil. Elle ajoute que la clause portant approbation des écritures et opérations mentionnées sur un relevé de compte à l'expiration d'un délai à compter de la réception des relevés de compte a été jugée abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de sorte que le Crédit du Nord ne peut s'en prévaloir, observation faite que la société Crédit du Nord ne justifie pas de la réception par la SCI M. des relevés de compte produits. L'appelante fait valoir en outre que cette présomption d'accord en l'absence de contestation n'est pas irréfragable et que les relevés de compte produits par la banque ne justifient pas que des ordres aient été donnés.
La SCI M. ajoute que la circonstance que la SCEA Écurie M., au profit de laquelle des profits ont été opérés, ait eu pour gérant la même personne que le gérant de la SCI M. n'a pas pour effet de supprimer l'exigence d'un écrit. Elle dénie à la société Crédit du Nord la possibilité d'invoquer, pour justifier la gestion des comptes, une procédure menée à l'encontre de l'EARL Écurie M., puisqu'il ne résulte pas, selon elle, de ces décisions de justification des virements litigieux. La société appelante reproche à la banque d'avoir enregistré des opérations qui ne ressortissaient pas de l'objet de la SCI, et d'invoquer à tort l'erreur d'un notaire pour l'une de ces opérations.
La SCI M. reproche donc à la banque d'avoir commis une faute et sollicite même en l'absence de faute la restitution des fonds par application de l'article 1937 du code civil.
La société Crédit du Nord réplique que la SCI M. et la SCEA Écurie M. ont une identité de gérant en la personne de Monsieur X. Elle expose que c'est en raison des relations de confiance existant entre la banque et les consorts X. que les virements ont été opérés sur simples instructions verbales et qu'il est surprenant que l'EARL Écurie M. passe ceux-ci sous silence dans ses écritures dans le cadre du litige qui l'oppose à la banque devant une autre juridiction.
L'intimée cite une jurisprudence qui précise qu'aucune disposition n'impose qu'un ordre de virement émanant d'un non commerçant soit passé par écrit et que l'absence de protestation ou de réserves suite à la réception de relevés de compte vaut approbation. Elle cite également l'arrêt de la Cour d'appel de Caen qui, dans le litige l'opposant à l'EARL Écurie M., a appliqué ce principe, aucune contestation n'étant produite. Elle explique avoir pensé que l'encaissement d'un chèque provenant de la vente d'un cheval sur le compte d'une SCI dont l'objet est la gestion de tout terrain et immeuble pouvait s'expliquer par l'erreur du notaire.
La société Crédit du Nord précise que si la convention de compte indique que tout ordre doit faire l'objet d'un écrit, il n'en demeure pas moins qu'elle stipule aussi que le titulaire est réputé avoir accepté les opérations figurant sur le relevé de compte à défaut de réclamation de sa part dans le mois qui suit la réception du relevé.
S'agissant enfin de l'application de l'article L. 132-1 du code de consommation, la société Crédit du Nord fait observer que ce texte s'applique aux contrats conclus en professionnels et non professionnels, ou consommateurs et que l'article L. 311-63 du code de la consommation exclut du champ d'application de l'article L. 311-2 du même code les opérations destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle.
* * *
C'est vainement que la société Crédit du Nord fait valoir que, selon une jurisprudence qu'elle invoque, aucune disposition n'impose qu'un ordre de virement émanant d'un non commerçant soit rédigé par écrit. En effet, la convention de compte courant passée entre la SCI M. et le Crédit du Nord stipule au paragraphe « passation des ordres » que « tout ordre doit faire l'objet d'un écrit par le client. L'utilisation éventuelle de la télécopie devra donner lieu, au préalable, à la signature d'une convention spécifique ». Il est constant qu'en l'espèce la société Crédit n'a produit aucun ordre écrit de virement.
Cependant, au paragraphe intitulé « relevé de compte périodique » il est prévu qu'un relevé des écritures passées aux comptes et sous-comptes éventuellement sera adressé au titulaire selon la périodicité convenue et que le titulaire est réputé avoir accepté les opérations figurant sur le relevé de compte et comprenant éventuellement des agios, à défaut de réclamation de sa part dans le mois qui suit la réception du relevé.
La validité de cette clause au regard de son caractère prétendument abusif ne peut être contestée au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation qui régit les relations entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.
En effet, il résulte des statuts de la SCI M. que cette société a pour objet tant en France qu'à l'étranger la gestion, l'administration, la mise en valeur et l'exploitation par voie de location ou autrement de tout terrain, immeuble ou fraction d'immeuble dont elle pourra devenir propriétaire par voie d'acquisition, de construction, d'apport en nature, d'échange ou toute autre opération et plus généralement toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à l'objet précité, sous réserve de n'en point modifier le caractère civil. Ces éléments corroborés par l'intitulé « facilité de trésorerie commerciale » porté sur l'avenant régularisé le 14 septembre 2004 imposent de considérer, comme l'a justement apprécié de premier juge, la SCI M. comme un contractant professionnel ne pouvant invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Il est produit par la banque l'ensemble des relevés de comptes mensuels de la SCI M. depuis janvier 1998 jusqu'à mars 2006. Sont plus particulièrement versés aux débats les relevés de compte archivés couvrant la période incriminée des virements contestés allant du 25 avril 2004 au 24 février 2005. Ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation au visa de l'article 1315 du code civil, l'envoi et la réception des relevés de compte constituent de simples faits pouvant se prouver par tous moyens. Or, La SCI M., qui ne prétend même pas ne pas avoir reçu les relevés de compte périodiques, ne rapporte en tout cas la preuve d'aucun élément permettant de douter qu'elle les a bien reçus.
C'est donc à juste titre que le tribunal a refusé d'écarter cette clause relative au « relevé de compte périodique ».
C'est en vain que la SCI M. soutient que l'acceptation présumée des opérations passées sur le compte sans protestation du client dans le délai d'un mois à réception du relevé n'instaure pas une présomption irréfragable. En effet, la jurisprudence qu'elle cite concerne l'hypothèse d'une clause stipulant que l'accord du client sur les opérations portées au compte courant serait présumé résulter de l'absence de réclamation de la part de celui-ci dans le délai d'un mois de la réception de son relevé de compte. Or, la clause insérée dans la convention litigieuse, qui prévoit que le titulaire est « réputé » avoir accepté les opérations figurant sur le relevé de compte, ne peut être comprise comme comportant une simple présomption.
Il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi. Or, l'examen des virements litigieux démontre que ceux-ci ont été essentiellement (89.000 euros) opérés vers la l'EARL Écurie M. dont la banque Crédit du Nord était également le banquier et avec laquelle elle a eu un litige quasiment identique jugé par la Cour d'appel de Caen, pour des virements effectués en faveur de la SCI M. ou des proches de Monsieur X., gérant des deux sociétés. S'agissant en particulier du virement de 55.000 euros, faisant suite à la remise d'un chèque de 55.364 euros sur le compte de la SCI M. le 18 juin 2004, soit trois jours avant le virement opéré en direction de l'EARL M., il est certes démontré que la cause de ce chèque était, selon l'attestation du notaire, la vente d'un bien immobilier et non pas la vente d'un cheval qui aurait davantage expliqué le virement subséquent vers l'EARL Écurie M. Toutefois, ce virement d'un tel montant a certainement été opéré à la demande du titulaire du compte qui n'a pas davantage protesté que pour les autres dans le mois suivant la réception du relevé mentionnant cette opération.
Si la convention liant les parties exigeait un écrit pour formaliser les ordres de virement, la même convention imposait au titulaire du compte de protester dans le délai d'un mois de la réception de ses relevés de compte contre des virements dont l'importance ne pouvait lui échapper, notamment ceux des 21 juin 2004 (55.000 euros) et 11 octobre 2004 (24.000 euros) et dont les éléments de la cause, et notamment l'identité de gérant entre la SCI M. et l'EARL Écurie M., imposent de considérer qu'ils ont bien été effectués avec l'accord des clients. La loyauté des relations contractuelles conduit à écarter la faute de la banque ainsi que les dispositions de l'article 1937 du code civil, n'étant pas davantage établi que la banque a débité des fonds à tort.
La demande de la banque n'est pas contestée. C'est à juste titre que le tribunal a, au regard des pièces produites et notamment des relevés du compte litigieux entre janvier 2004 et mars 2006, estimé que la société demande de la société Crédit du Nord était bien fondée à hauteur de 36.155,56 euros outre les intérêts au taux des avances sur titres de la Banque de France, majorés de 6 points, soit 12 % et ce à compter du 6 février 2006. Il n'y a pas lieu d'examiner l'application à la cause des dispositions de l'article L. 311-2 du code de la consommation qui n'est pas sollicitée par l'appelante.
Au total, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité impose de faire supporter par la SCI M. les frais irrépétibles d'appel exposés par la société Crédit du Nord.
La partie qui succombe doit les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCI M. à payer à la société Crédit du Nord la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la société SCI M. aux dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAU P. VALLEE
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5936 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Conventions de compte et trésorerie