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CA AGEN (1re ch. civ.), 11 octobre 2011

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 11 octobre 2011
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 10/01394
Décision : 972-11
Date : 11/10/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/08/2010
Numéro de la décision : 972
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3469

CA AGEN (1re ch. civ.), 11 octobre 2011 : RG n° 10/01394 ; arrêt n° 972-11

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l'article L. 311-9 du Code de la Consommation, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 janvier 2005, applicable au contrat de l'espèce, lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui offre au bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée aux dates de son choix du montant du crédit consenti, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti.

Ces dispositions légales consacrent la jurisprudence sur le caractère abusif, au regard des dispositions de l'article 132-1 du Code de la Consommation, de la clause prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit.

Toute clause contraire à ces dispositions d'ordre public est irrégulière ; notamment celle qui prévoit que la fraction disponible du découvert peut évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du montant maximum autorisé, ne saurait légalement dispenser le prêteur de recourir à l'offre obligatoire pour l'augmentation du crédit, la fraction disponible stipulée dans l'offre préalable devant être considérée comme le montant du crédit consenti.

Par ailleurs, le dépassement du plafond conventionnel, sans saisine de l'emprunteur d'une nouvelle offre, entraîne pour le prêteur non seulement la déchéance du droit aux intérêts en application de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation mais constitue aussi un incident de paiement faisant courir, à défaut de régularisation, le délai biennal de forclusion de l'action prévu par l'article L. 311-37 de ce même code ; en effet, la SA CDGP est mal fondée à se prévaloir de ce que la déchéance du droit aux intérêts constituerait la seule sanction applicable à l'octroi d'un crédit sans établissement d'une offre préalable dans les conditions prescrites par les articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation alors que l'examen de la recevabilité de la demande précède nécessairement celui du bien-fondé de la créance. »

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/01394. Arrêt n° 972-11. Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le onze octobre deux mille onze, par Jacques RICHIARDI, Président de Chambre, assisté de Nathalie CAILHETON, Greffier.

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

 

ENTRE :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], représentée par la SCP TANDONNET Henri, avoués, assistée de Maître Philippe BELLANDI, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN), APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de MARMANDE en date du 17 Juin 2010, D'une part,

 

ET :

SA CDGP,

prise en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité en son agence de Mérignac [...] - [...] représentée par Maître Jean Michel BURG, avoué, assistée de Maître Georges LURY, avocat, INTIMÉE, D'autre part,

 

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 30 août 2011, devant Jacques RICHIARDI, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), Françoise MARTRES, Conseiller, et Gérard SARRAU, Conseiller, assistés de Nathalie CAILHETON, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant offre préalable acceptée le 18 novembre 2005, la SA CDGP a consenti à Mme X. un crédit utilisable par fractions.

La déchéance du terme a été prononcée le 23 mai 2009.

Le 15 octobre 2009, la SA CDGP a obtenu du Président du Tribunal d'instance de MARMANDE une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de Mme X. portant sur la somme principale de 5.878,65 euros ; cette ordonnance a été signifiée le 24 novembre 2009.

Mme X. a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 4 décembre 2009 reçu au greffe le 10 décembre.

Par jugement en date du 17 juin 2010, le Tribunal d'instance de MARMANDE a :

- condamné Mme X. à payer à la SA CDGP la somme de 5.958,75 euros, en deniers ou quittances valables, avec intérêts au taux contractuel de 18,75 %,

- autorisé Mme X. à se libérer de cette somme par 23 versements mensuels de 200 euros et le solde le 24e mois,

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance et de reprise, la totalité de la somme deviendra immédiatement exigible,

- débouté la SA CDGP de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Mme X. a interjeté appel de ce jugement le 4 août 2010.

Elle a déposé ses conclusions le 6 décembre 2010.

La SA CDGP a déposé ses conclusions le 9 mai 2011.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 juin 2011.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme X. conclut :

- à titre principal, à la forclusion de l'action en paiement de la SA CDGP et à la restitution de la somme de 1.181,84 euros au titre des intérêts contractuels perçus du 1er novembre 2006 au 1er novembre 2008,

- à titre subsidiaire, à la condamnation de la SA CDGP au paiement de dommages intérêts à concurrence du montant de la dette exigée, avec compensation entre les créances réciproques,

- à titre infiniment subsidiaire, à la confirmation du jugement en ce qu'il a accordé les plus larges délais de paiement,

- en tout état de cause, à la condamnation de la SA CDGP au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante développe les moyens suivants :

A - Sur la forclusion de l'action en paiement en application de l'article L. 311-37 du code de la consommation :

- il est constant qu'en matière de procédure d'injonction de payer, seule la signification de l'ordonnance a un effet interruptif de prescription,

- l'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée le 24 novembre 2009,

- or, il s'est évince de la lecture des relevés de compte que le découvert utile de 2.000 euros était dépassé depuis une date antérieure au 24 novembre 2007 soit depuis plus de deux ans, précisément dès le mois de mai 2006,

- selon la jurisprudence, le dépassement du découvert utile ou fraction disponible doit être considéré comme le point de départ du délai biennal de forclusion,

- le premier impayé non régularisé se situant au mois de mai 2006, la SA CDGP était bien forclose en novembre 2009.

B - Sur la déchéance du droit aux intérêts et le droit au remboursement de ceux-ci en application des articles L. 311-9 et L. 311-33 du code de la consommation :

- l'offre préalable d'un crédit doit préciser que la durée du contrat est limitée à un an renouvelable et le prêteur doit indiquer, trois mois avant l'échéance, les conditions de reconduction du contrat,

- or, la SA CDGP ne verse pas aux débats les courriers relatifs à la reconduction annuelle du contrat depuis l'année 2005,

- le non-respect des dispositions légales entraîne la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur et la restitution à l'emprunteur des sommes perçues au titre des intérêts,

- ce moyen soulevé en première instance n'a pas été examiné par le tribunal,

- la SA CDGP doit restituer les intérêts contractuels perçus depuis novembre 2006 soit la somme de 1.181,94 euros,

C - Sur les fautes commises par la SA CDGP :

- en laissant fonctionner le compte au-delà du découvert utile, la SA CDGP a incontestablement commis une faute qui a directement participé à la déconfiture de Mme X.,

- de plus, conformément à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, la SA CDGP aurait dû informer Mme X. qu'elle avait dépassé la fraction disponible et ne pas lui laisser croire qu'elle disposait de liquidités faisant en réalité l'objet d'un taux exorbitant de 16,70 %,

- la négligence de la SA CDGP est d'autant plus grave qu'elle n'a pas informé Mme X. du fait que l'assurance avait versé à tort la somme de 2.184,13 euros et s'est contenté au mois de novembre 2008 de rajouter cette somme en débit,

- aujourd'hui la situation financière de Mme X. est particulièrement difficile et les fautes commises par la SA CDGP ont indubitablement contribué à l'aggravation de son endettement,

D - Sur les délais de grâce :

- Mme X., débitrice de bonne foi, a perdu son emploi à la fin de l'année 2008 ; âgée de plus de 50 ans, elle est inscrite au pôle emploi dans le cadre du plan senior ; elle perçoit une allocation d'environ 900 euros par mois et doit payer un loyer de 477,52 euros,

- elle est bien fondée à solliciter des délais pour s'acquitter des sommes qui resteraient mises à sa charge eu égard à sa situation économique particulièrement difficile.

 

La SA CDGP conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande la condamnation de Mme X. au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée développe les moyens suivants :

A - Sur la forclusion :

1 - Sur le principe :

- le crédit en cause a été consenti pour un montant de découvert maximum autorisé fixé à 10.000 euros, la fraction disponible étant elle-même dans cette limite déterminée à 2.000 euros,

- c'est au résultat d'une appréciation inexacte du crédit ainsi consenti que le dépassement du montant de la fraction disponible continue d'être assimilé à une défaillance de l'emprunteur et donc retenu comme point de départ du délai de forclusion,

- cette analyse est en effet refusée par de nombreuses cours d'appel qui admettent à juste titre que le crédit consenti correspond au découvert maximum autorisé,

- en l'espèce, le crédit maximum n'a jamais été dépassé et il n'y a donc pas eu défaillance de l'emprunteur dans le temps du délai biennal invoqué,

2 - Sur les effets :

- La sanction demandée, à savoir le débouté de l'action en paiement s'avère être démesurée et incohérente,

- la seule sanction concevable ne peut être que celle d'une déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

- admettre la forclusion de l'action en paiement reviendrait à permettre à l'emprunteur de conserver impunément par-devers lui les sommes reçues au mépris des engagements contractuels.

B - Sur le devoir de mise en garde :

- la prétendue faute de négligence n'est nullement avérée et aucun justificatif n'est apporté permettant de considérer que le crédit a été consenti de manière disproportionnée en l'état de la situation financière de l'emprunteur,

- en l'état des renseignements fournis, Mme X. disposait à l'époque d'un emploi lui procurant un salaire de 1.093,63 euros et aucun autre crédit ne venait grever cette ressource,

- il lui était par conséquent parfaitement possible de pouvoir assumer le paiement de mensualités initialement fixées à 22,50 euros,

C - Sur les délais de grâce :

- la Cour supprimera cette disposition du jugement, la dette étant ancienne puisque la déchéance du terme a été prononcée le 23 mai 2009,

- Mme X. a bénéficié déjà par le fait de sa carence, de la procédure rendue nécessaire ainsi que de son recours en appel d'un répit de plus de deux années,

- elle ne saurait donc obtenir encore un délai de grâce de 24 mois pour se libérer de sa dette.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Suivant offre préalable acceptée le 18 novembre 2005, la SA CDGP a consenti à Mme X. un crédit utilisable par fraction et assortie d'une carte de crédit ; dans cette offre, il est mentionné :

- Modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit : « la présente offre est faite aux conditions suivantes : le montant du découvert autorisé par CDGP est fixé à 10.000 euros ; le montant que vous choisissez dans cette limite constitue la fraction disponible du découvert ; d'un commun accord à la date des présentes, vous choisissez une fraction disponible de 2.000 euros »,

- Conditions générales de financement : « Fraction disponible du découvert : la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto sauf si, depuis l'ouverture du crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert, vous vous trouvez dans l'un des cas visés à l'article II-6 ».

Aux termes de l'article L. 311-9 du Code de la Consommation, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 janvier 2005, applicable au contrat de l'espèce, lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui offre au bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée aux dates de son choix du montant du crédit consenti, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti.

Ces dispositions légales consacrent la jurisprudence sur le caractère abusif, au regard des dispositions de l'article 132-1 du Code de la Consommation, de la clause prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit.

Toute clause contraire à ces dispositions d'ordre public est irrégulière ; notamment celle qui prévoit que la fraction disponible du découvert peut évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du montant maximum autorisé, ne saurait légalement dispenser le prêteur de recourir à l'offre obligatoire pour l'augmentation du crédit, la fraction disponible stipulée dans l'offre préalable devant être considérée comme le montant du crédit consenti.

Par ailleurs, le dépassement du plafond conventionnel, sans saisine de l'emprunteur d'une nouvelle offre, entraîne pour le prêteur non seulement la déchéance du droit aux intérêts en application de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation mais constitue aussi un incident de paiement faisant courir, à défaut de régularisation, le délai biennal de forclusion de l'action prévu par l'article L. 311-37 de ce même code ; en effet, la SA CDGP est mal fondée à se prévaloir de ce que la déchéance du droit aux intérêts constituerait la seule sanction applicable à l'octroi d'un crédit sans établissement d'une offre préalable dans les conditions prescrites par les articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation alors que l'examen de la recevabilité de la demande précède nécessairement celui du bien-fondé de la créance.

En l'espèce, il ressort de la « reconstitution de compte permanent » que la SA CDGP a mis à disposition de Mme X. une somme supérieure à 2.000 euros au mois de mai 2006, sans saisir celle-ci d'une nouvelle offre, et que cet incident de paiement n'a pas fait l'objet d'une régularisation, le découvert n'étant jamais redescendu en dessous du plafond conventionnel jusqu'au 23 mai 2009, date de la déchéance du terme.

L'action en paiement ne pouvant être tenue pour engager au sens de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation que par la signification au débiteur de l'ordonnance lui enjoignant de payer soit en l'espèce le 24 novembre 2009, il convient donc de constater la forclusion de l'action de la SA CDGP engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé et de déclarer celle-ci irrecevable en sa demande ; le jugement du 17 juin 2010 doit être par suite infirmé.

En revanche, la demande de Mme X. visant à la restitution par son prêteur de la somme de 1.181,84 euros au titre des intérêts contractuels perçus à compter du 1er novembre 2006, du fait du non-respect des dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la Consommation et par application de celles de l'article L. 311-33 de ce même code ne peut être accueillie, demande formée en première instance et sur laquelle le tribunal ne s'est pas prononcé ; certes, la SA CDGP ne rapporte pas la preuve qu'elle a satisfait à l'obligation d'information exigée par l'article L. 311-9 et dont le non-respect est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts ; elle ne formule d'ailleurs aucune défense sur cette prétention de son emprunteur ; il reste que le montant des intérêts pour lesquels la déchéance est encourue est inférieure au capital qui restait dû et que Mme X. ne peut donc valablement prétendre à la restitution sollicitée.

De même, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Mme X. les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer.

La SA CDGP qui succombe doit être enfin condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 17 juin 2010 du Tribunal d'Instance de MARMANDE,

Et statuant à nouveau,

Constate la forclusion de l'action en paiement de la SA CDGP,

Déclare en conséquence la SA CDGP irrecevable en ses demandes,

Déboute Mme X. de ses demandes,

Condamne la SA CDGP aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Jacques RICHIARDI, Président de Chambre, et par Nathalie CAILHETON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le Président,

Nathalie CAILHETON        Jacques RICHIARDI