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CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 13 décembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 13 décembre 2011
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 2
Demande : 10/04416
Date : 13/12/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/10/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3514

CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 13 décembre 2011 : RG n° 10/04416 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le premier juge a également fait une juste application de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives, laquelle s'oppose à une réglementation interne des états membres interdisant au juge de relever d'office une exception à l'expiration d'un délai de forclusion. »

2/ « L'article L. 132-1 du code de la consommation définit comme étant abusive une clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. […] Cependant, la Cour, adoptant les motifs pertinents du premier juge lequel a fait une juste appréciation des éléments de la cause en considérant que la clause 8 du contrat initial est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment de l'emprunteur, puisqu'une décision unilatérale du prêteur est susceptible d'aggraver les conditions de remboursement du contrat de prêt par l'exigibilité immédiate des sommes sans contrepartie. En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté que cette clause est abusive.

La SA COFIDIS ne peut utilement soutenir que la sanction prévue à l'article L. 132-1 du code de la consommation serait exclusive de la déchéance du droit aux intérêts, de telles clauses pouvant à la fois être abusives et rendre l'offre irrégulière au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du code de la consommation.

En l'espèce, la Cour relève que le premier juge a justement constaté que cette clause, qui permet une résiliation du contrat en l'absence d'une défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, n'est pas conforme au modèle type de l'article R. 311-6 du code de la consommation et qu'elle entraîne l'irrégularité de l'offre de crédit au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du code de la consommation. Il en a justement déduit que cette clause rend le contrat irrégulier. »

3/ « Le jugement doit en effet être confirmé en ce qu'il a relevé que l'article 8 des conditions générales du contrat initial signé le 26 octobre 2010 prévoit des clauses supplémentaires de résiliation, de réduction ou de suspension de l'autorisation de découvert en cas de défaillance de l'emprunteur ou de survenance d'évènements extérieurs au contrat manifestant une atténuation de la solvabilité de l'emprunteur et laissés à l'appréciation discrétionnaire du prêteur, qui ne sont pas prévues par ce modèle type et qui constituent des facultés ouvertes au prêteur de résilier ou de suspendre le contrat sans limite dans le temps, même en l'absence de défaillance de l'emprunteur, et sans possibilité pour celui-ci de lever la suspension.

C'est par une juste analyse que le premier juge a considéré que de telles clauses offrent à la société de crédit des cas de résiliation détournés, non prévus par la loi, qui aggravent la situation de l'emprunteur.

Cette violation des dispositions des articles L. 311-10 et L. 311-13 du code de la consommation entraîne la déchéance du droit aux intérêts dans les conditions prévues par l'article L. 311-33 du code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/04416. APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE DE SOISSONS du 23 juillet 2010

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

SA COFIDIS

Représentée par la SCP MILLON PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître HERMAN, avocat au barreau de LAON

 

ET :

INTIMÉE :

Madame X.

Assignée à l'étude suivant exploit de la SCP CHAUVIN & COULON Huissiers de justice à CHATEAU THIERRY en date du 9 mai 2011 à la requête de la SA COFIDIS, Défaillante

 

DÉBATS : A l'audience publique du 11 octobre 2011, devant : M. de LAGENESTE, Président, Mme LORPHELIN entendue en son rapport et Mme DUBAELE, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 décembre 2011

GREFFIER : Mlle POILLET

PRONONCÉ : Le 13 décembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, M. de LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Mlle POILLET, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Par un jugement du 23 juillet 2010, le Tribunal d'Instance de SOISSONS, après avoir ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation, a déclaré comme étant abusive et non conforme la clause du contrat de crédit conclu entre la SA COFIDIS et Mme X. ayant pour effet d'aggraver la situation de l'emprunteur, prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA COFIDIS sur la créance détenue à l'encontre de Mme X., condamné Mme X. à verser à la SA COFIDIS la somme de 4.061,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2009, ordonné l'exécution provisoire de la décision, rejeté la demande d'indemnité formée par la SA COFIDIS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme X. aux dépens.

La SA COFIDIS a formé appel de ce jugement le 14 octobre 2010. Aux termes de conclusions du 7 février 2011, elle prie la Cour de réformer le jugement en ses dispositions sur la déchéance du droit aux intérêts, de dire n'y avoir lieu à prononcer une telle déchéance, de condamner Mme X. à lui verser la somme de 12.422,22 euros en principal et les intérêts au taux conventionnel de 18,73 % à compter du 7 août 2009, date de la mise en demeure, subsidiairement, de la condamner à lui verser la somme de 5.171,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2009, date de la mise en demeure, en toute hypothèse, de condamner Mme X. à supporter les dépens d'appel et à lui verser une indemnité de 1.200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X., citée à constituer devant la Cour par une assignation délivrée en l'étude de l'huissier, le 9 mai 2001, contenant la notification de l'acte d'appel et des conclusions de l'appelante, n'a pas constitué avoué.

L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 11 octobre 2011 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 juin 2011.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures de l'appelante pour l'exposé de ses moyens.

Mme X., défaillante en appel, n'ayant pas été assignée par une remise de l'assignation à sa personne, le présent arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 alinéa 1er du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 11 octobre 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CECI EXPOSÉ LA COUR,

Il ressort de l'historique du compte et des courriers adressés à Mme X. que la débitrice s'est montrée défaillante dans ses obligations et que, par un courrier recommandé du 7 août 2009, la SA COFIDIS lui a notifié la déchéance du terme du contrat et sollicité le règlement immédiat de la somme de 11.813,72 euros.

 

- Sur la forclusion :

La SA COFIDIS fait valoir que le contrat initial ayant été conclu en octobre 2000, avant la modification des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, elle est bien fondée à opposer au juge la forclusion de ses contestations concernant la régularité ou non du contrat tant en ce qui concerne le bordereau de rétractation que l'existence d'une clause abusive.

 

La Cour relève, en ce qui concerne le formalisme du bordereau de rétractation, que le premier juge a fait une juste application de l'évolution législative de l'article L. 311-37 du code de la consommation en constatant que toute contestation sur la régularité formelle de l'offre préalable se trouvait forclose pour le contrat initial, mais que cette forclusion n'était pas opposable aux irrégularités relevées d'office dans les avenants conclus entre les parties postérieurement au 6 janvier 2006.

Le premier juge a également fait une juste application de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives, laquelle s'oppose à une réglementation interne des états membres interdisant au juge de relever d'office une exception à l'expiration d'un délai de forclusion.

Le jugement doit donc être confirmé de ces chefs.

 

- Sur le bordereau de rétractation :

La SA COFIDIS soutient que les avenants souscrits pour les augmentations du découvert autorisé ne sont pas soumis au même formalisme que le contrat initial, qu'ils ne nécessitent pas un bordereau de rétractation et que les articles L. 311-8 et L. 311-15 prévoient des formalités spécifiques pour l'offre préalable et pour le bordereau de rétractation.

Elle reproche au tribunal d'avoir fait application de la déchéance prévue à l'article L. 311-33 du code de la consommation pour une question relative au bordereau de rétractation, cette déchéance ne concernant que l'existence et la conformité de l'offre préalable. Elle souligne que l'obligation de joindre un bordereau de rétractation à l'exemplaire de l'offre remis à l'emprunteur dispose d'un régime propre de sanction prévu à l'article L. 311-34 du code de la consommation.

Elle soutient enfin avoir parfaitement respecté les obligations légales en l'espèce, qu'un bordereau de rétractation a bien été joint à l'offre remise à Mme X., mais qu'elle se trouve dans l'impossibilité d'en fournir la preuve, dès lors que ce document est resté en la possession de sa débitrice, seules les énonciations contractuelles permettant de vérifier sa bonne foi sur ce point, sauf à instaurer une présomption de mauvaise foi à l'égard du prêteur.

 

Il convient de rappeler que, par l'effet de la forclusion, le contrôle de ce formalisme se trouve limité en l'espèce aux seuls avenants régularisés par les parties.

Les pièces produites aux débats font ressortir que le montant de l'ouverture de crédit utilisable par fractions consenti par la SA COFIDIS à Mme X. pour un montant initial de 10.000 francs, soit 1.524,50 euros, a été modifié par divers avenants lesquels ont augmenté le découvert utile dans les proportions suivantes :

- 5.500 euros par un avenant du 6 janvier 2006,

- 6.000 euros par un avenant du 1er juin 2006,

- 9.000 euros par un avenant du 30 août 2007,

- 9.500 euros par un avenant du 7 juin 2008.

La Cour constate qu'à l'occasion de chacune des offres de crédit correspondant à ces avenants un bordereau de rétractation a été remis à l'emprunteur, ainsi que Mme X. l'a expressément reconnu en apposant sa signature sur le formulaire de l'offre préalable de prêt.

Pour permettre la faculté de rétractation de l'emprunteur, l'article L. 311-15 du code de la consommation rend obligatoire « un formulaire détachable joint à l'offre préalable ». Le non respect de ce formalisme prévu par ce texte, distinct du formalisme prévu par les articles L. 311-8 à L. 311-10 du même code, n'est sanctionné que par des sanctions pénales prévues à l'article L. 311-34 du code de la consommation.

Ce formalisme ayant été respecté, la SA COFIDIS est fondée à contester le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle n'en rapportait pas la preuve et en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts à titre de sanction.

Le jugement sera donc réformé de ces chefs.

 

- Sur la clause abusive :

L'article L. 132-1 du code de la consommation définit comme étant abusive une clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La société COFIDIS soutient qu'en l'espèce, il n'y a pas de clause abusive parce que la clause incriminée ne répond pas à cette qualification.

Cependant, la Cour, adoptant les motifs pertinents du premier juge lequel a fait une juste appréciation des éléments de la cause en considérant que la clause 8 du contrat initial est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment de l'emprunteur, puisqu'une décision unilatérale du prêteur est susceptible d'aggraver les conditions de remboursement du contrat de prêt par l'exigibilité immédiate des sommes sans contrepartie.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté que cette clause est abusive.

La SA COFIDIS ne peut utilement soutenir que la sanction prévue à l'article L. 132-1 du code de la consommation serait exclusive de la déchéance du droit aux intérêts, de telles clauses pouvant à la fois être abusives et rendre l'offre irrégulière au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du code de la consommation.

En l'espèce, la Cour relève que le premier juge a justement constaté que cette clause, qui permet une résiliation du contrat en l'absence d'une défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, n'est pas conforme au modèle type de l'article R. 311-6 du code de la consommation et qu'elle entraîne l'irrégularité de l'offre de crédit au regard des dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-10 du code de la consommation. Il en a justement déduit que cette clause rend le contrat irrégulier.

 

- Sur la conformité de l'offre au modèle type 4 annexe de l'article R. 311-6 du code de la consommation :

Le jugement doit en effet être confirmé en ce qu'il a relevé que l'article 8 des conditions générales du contrat initial signé le 26 octobre 2010 prévoit des clauses supplémentaires de résiliation, de réduction ou de suspension de l'autorisation de découvert en cas de défaillance de l'emprunteur ou de survenance d'évènements extérieurs au contrat manifestant une atténuation de la solvabilité de l'emprunteur et laissés à l'appréciation discrétionnaire du prêteur, qui ne sont pas prévues par ce modèle type et qui constituent des facultés ouvertes au prêteur de résilier ou de suspendre le contrat sans limite dans le temps, même en l'absence de défaillance de l'emprunteur, et sans possibilité pour celui-ci de lever la suspension.

C'est par une juste analyse que le premier juge a considéré que de telles clauses offrent à la société de crédit des cas de résiliation détournés, non prévus par la loi, qui aggravent la situation de l'emprunteur.

Cette violation des dispositions des articles L. 311-10 et L. 311-13 du code de la consommation entraîne la déchéance du droit aux intérêts dans les conditions prévues par l'article L. 311-33 du code de la consommation.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la société COFIDIS au seul remboursement du capital et prévu que la somme due porterait intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure visant la déchéance du terme.

 

- Sur la prescription :

La SA COFIDIS soutient en cause d'appel que les actions concernant les intérêts des emprunts se prescrivent par cinq ans par application des dispositions de l'article 2277 ancien du code civil repris à l'article 2224 du code civil actuellement en vigueur. Elle en déduit que le premier juge ne pouvait écarter le paiement de tous les intérêts depuis l'origine du contrat et qu'il ne pouvait prononcer la déchéance qu'à compter du 26 février 2005, le jugement ayant été rendu le 26 février 2010.

Cependant, l'action en répétition des intérêts indûment perçus n'est pas soumise à la prescription abrégée de cinq ans.

En conséquence, la SA COFIDIS est mal fondée à opposer la prescription et, le premier juge ayant fait une juste appréciation des sommes restant dues en considération des documents versés aux débats, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme X. à verser à la SA COFIDIS la somme de 4.061,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2009, date de la mise en demeure.

 

- Sur les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné X. à supporter les dépens de première instance et a débouté la SA COFIDIS de sa demande d'indemnité pour ses frais de procès.

La SA COFIDIS succombant en ses prétentions devant la Cour, il convient de la condamner à supporter les dépens et de la débouter de sa demande d'indemnité pour ses frais de procès exposés en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

- Infirme le jugement rendu le 23 juillet 2010 par le Tribunal d'Instance de SOISSONS en ce qu'il a constaté que la SA COFIDIS n'a pas respecté le formalisme du bordereau de rétractation et a prononcé de ce chef la déchéance de cet organisme du droit aux intérêts contractuels ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- Constate que la SA COFIDIS a respecté le formalisme prévu à l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion des offres de crédit présentées lors des avenants au contrat des 6 janvier et 1er juin 2006, 30 août 2007 et 7 juin 2008 ;

- Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

- Déboute la SA COFIDIS de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA COFIDIS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT.