CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 17 janvier 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3551
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 17 janvier 2012 : RG n° 10/04528
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Or l'article L. 141-4 du code de la consommation dispose que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application. Il pouvait donc soulever d'office le moyen tiré de la forclusion de l'action en paiement et de la déchéance du droit aux intérêts. »
2/ « Cependant, l'article L. 311-9 du code de la consommation oblige le prêteur à remettre à l'emprunteur une nouvelle offre de crédit en cas de dépassement du découvert consenti, qui se définit comme le découvert disponible au gré de l'emprunteur dès la souscription du contrat.
Or en l'espèce, le crédit consenti au sens de l'article susvisé n'est pas de 10.000 euros mais de 3.000 euros puisque pour dépasser le seuil des 3.000 euros l'emprunteur devait attendre 6 mois après la souscription du contrat et qu'il ne devait pas se trouver dans un cas de suspension ou de résiliation du contrat.
Il y a lieu de remarquer que le contrat ne correspond à aucun modèles-types qui prévoient uniquement un montant maximum de découvert autorisé et des fractions périodiquement disponibles, et non un montant de plafond initial pouvant être dépassé dans la limite d'un second plafond, qui ne peut être assimilé aux fractions périodiquement disponibles telles qu'entendu par le code de la consommation ; seul le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte constitue par conséquent le montant maximum du découvert autorisé correspondant aux modèles-types applicables aux crédits permanents.
La clause de dépassement du découvert consenti sans nouvelle souscription d'une offre préalable, qui est une clause non prévue dans les contrats-types, est donc illicite puisqu'elle aggrave les obligations du consommateur au regard du dispositif protecteur mis en place par le code de la consommation en le privant de la possibilité de réflexion et de rétractation. Cette illicéité est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts.
Cette clause est également abusive et doit être déclarée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. En effet, elle permet aux emprunteurs de s'endetter dans des proportions beaucoup plus importantes qu'initialement, la mensualité passant de 100 euros pour un découvert de 3.000 euros à 380 euros pour un découvert de 10.000 euros, et ce parfois des années après la souscription du crédit, en tout cas plus de 6 mois après, sans leur permettre de prendre le temps de la réflexion relativement à la nouvelle charge financière qu'ils devront supporter et sans leur permettre de se rétracter, alors même que leurs capacités de remboursement peuvent s'être amoindries depuis la souscription du contrat.
Dès lors, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et devoirs des parties, la société de crédit s'affranchissant de ses obligations tendant à protéger l'emprunteur, à savoir lui remettre une offre de crédit l'informant de ses engagements en lui laissant le temps de la réflexion, alors même que la charge de remboursement pesant sur ce dernier est augmentée de façon conséquente. »
3/ « C'est à juste titre que le premier juge a considéré que le montant initial du crédit ayant été dépassé depuis octobre 2006, qu'il n'a jamais été régularisé et qu'aucun avenant n'ayant été souscrit, ce dépassement constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur et que l'action est forclose par application de l'article L. 311-37 du code de la consommation. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 17 JANVIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/04528. APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE DE SENLIS du 5 mai 2010.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA CA CONSUMER FINANCES venant aux droits de la société FINAREF
Représentée par la SCP MILLON PLATEAU, avoués à la Cour, et plaidant par Maître MANCOOT, substituant la SCP LUSSON CATILLION, avocats au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉE :
Mademoiselle X.
née le [date], Assignée à l'étude suivant exploit de la SCP B. et R., Huissiers de Justice Associés à [ville N.], en date du 23 mars 2011 à la requête de la SA CA CONSUMER FINANCES. Non comparante.
DÉBATS : A l'audience publique du 8 novembre 2011, devant : M. de LAGENESTE, Président, Mme LORPHELIN et Mme DUBAELE, entendue en son rapport, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 janvier 2012.
Greffier lors des débats : Melle POILLET
PRONONCÉ : Le 17 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, M. de LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Melle POILLET, Greffier lors du délibéré.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Suivant offre préalable du 25 juillet 2005, la société Finaref a consenti à Mme X. une ouverture de crédit utilisable par fractions « Mistral » d'un montant de 3.000 euros, une clause du contrat permettant de porter ce découvert à un maximum de 10.000 euros par fractions successives à l'issue d'un délai de 6 mois suivant la date d'ouverture du contrat, sans souscription d'une nouvelle offre de crédit.
La société Finaref s'est prévalue de la déchéance du terme par sommation de payer du 19 novembre 2009.
Par jugement réputé contradictoire dont appel du 25 octobre 2010, le tribunal d'instance de Senlis, saisi le 9 mars 2010, a constaté que l'action engagée par la société Finaref était éteinte par la forclusion et déclaré en conséquence irrecevable ses demandes.
La société CA Consumer Finances, venant aux droits de la société Finaref, a formé appel de ce jugement et par conclusions infirmatives du 24 février 2011, demande à la cour de :
- condamner l'empruntrice à lui verser 8.289,18 euros avec intérêts contractuels de 18,36 % l'an à compter de la sommation de payer du 19 novembre 2009,
- subsidiairement, dire que la seule sanction éventuellement applicable du fait du dépassement du découvert utile sans régularisation d'une nouvelle offre ne saurait résider que dans la déchéance du droit aux intérêts,
- en tout état de cause, condamner Mme X. à lui verser 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Mme X., assignée à l'étude d'huissier le 23 mars 2011, n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur le pouvoir du juge de soulever d'office la forclusion :
La société Finaref fait valoir qu'en l'absence de comparution de l'emprunteur ou à défaut d'éléments de faits susceptibles de fonder l'office du juge, le tribunal ne pouvait soulever d'office la forclusion de l'action en paiement.
Or l'article L. 141-4 du code de la consommation dispose que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application. Il pouvait donc soulever d'office le moyen tiré de la forclusion de l'action en paiement et de la déchéance du droit aux intérêts.
Sur la clause de dépassement du découvert initialement autorisé :
Le premier juge a considéré que la clause d'augmentation du découvert initial était contraire aux règles d'ordre public selon lesquelles l'augmentation du plafond d'une ouverture de crédit ne peut être réalisée que dans les termes d'une offre préalable, et que cette stipulation ne peut donc avoir aucune incidence sur la détermination du point de départ du délai de forclusion
La société Finaref estime que cette clause est licite, que le contrat est conforme aux articles L. 311-9 du code de la consommation et au modèle 4 de l'article R. 311-6 du code de la consommation, que le découvert consenti prévu par le code est représenté dans le contrat par le montant du découvert maximum autorisé, la première fraction utile prévue par le code de la consommation étant le découvert utile.
Cependant, l'article L. 311-9 du code de la consommation oblige le prêteur à remettre à l'emprunteur une nouvelle offre de crédit en cas de dépassement du découvert consenti, qui se définit comme le découvert disponible au gré de l'emprunteur dès la souscription du contrat.
Or en l'espèce, le crédit consenti au sens de l'article susvisé n'est pas de 10.000 euros mais de 3.000 euros puisque pour dépasser le seuil des 3.000 euros l'emprunteur devait attendre 6 mois après la souscription du contrat et qu'il ne devait pas se trouver dans un cas de suspension ou de résiliation du contrat.
Il y a lieu de remarquer que le contrat ne correspond à aucun modèles-types qui prévoient uniquement un montant maximum de découvert autorisé et des fractions périodiquement disponibles, et non un montant de plafond initial pouvant être dépassé dans la limite d'un second plafond, qui ne peut être assimilé aux fractions périodiquement disponibles telles qu'entendu par le code de la consommation ; seul le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte constitue par conséquent le montant maximum du découvert autorisé correspondant aux modèles-types applicables aux crédits permanents.
La clause de dépassement du découvert consenti sans nouvelle souscription d'une offre préalable, qui est une clause non prévue dans les contrats-types, est donc illicite puisqu'elle aggrave les obligations du consommateur au regard du dispositif protecteur mis en place par le code de la consommation en le privant de la possibilité de réflexion et de rétractation. Cette illicéité est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts.
Cette clause est également abusive et doit être déclarée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. En effet, elle permet aux emprunteurs de s'endetter dans des proportions beaucoup plus importantes qu'initialement, la mensualité passant de 100 euros pour un découvert de 3.000 euros à 380 euros pour un découvert de 10.000 euros, et ce parfois des années après la souscription du crédit, en tout cas plus de 6 mois après, sans leur permettre de prendre le temps de la réflexion relativement à la nouvelle charge financière qu'ils devront supporter et sans leur permettre de se rétracter, alors même que leurs capacités de remboursement peuvent s'être amoindries depuis la souscription du contrat.
Dès lors, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et devoirs des parties, la société de crédit s'affranchissant de ses obligations tendant à protéger l'emprunteur, à savoir lui remettre une offre de crédit l'informant de ses engagements en lui laissant le temps de la réflexion, alors même que la charge de remboursement pesant sur ce dernier est augmentée de façon conséquente.
Sur la forclusion de l'action en paiement :
C'est à juste titre que le premier juge a considéré que le montant initial du crédit ayant été dépassé depuis octobre 2006, qu'il n'a jamais été régularisé et qu'aucun avenant n'ayant été souscrit, ce dépassement constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur et que l'action est forclose par application de l'article L. 311-37 du code de la consommation.
C'est en vain que la société Finaref soutient qu'étant prévu par les parties, le dépassement du montant initial du découvert ne peut constituer la défaillance de l'emprunteur et le point de départ du délai de forclusion, dans la mesure où la clause relative à ce dépassement est une clause illicite et abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Consumer Finances succombant en son recours sera condamnée aux dépens y afférents et déboutée de sa demande fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris,
DÉBOUTE la société Consumer Finances de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type