CA MONTPELLIER (2e ch.), 13 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3682
CA MONTPELLIER (2e ch.), 13 mars 2012 : RG n° 11/02341
Publication : Jurica
Extrait : « M. X. est totalement infondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation et du non-respect de la recommandation n° 91-04 émise par la commission des clauses abusives, qui ne concernent que les contrats conclus entre les professionnels et les non-professionnels ou consommateurs. Le contrat du 13 juin 2006 conclu entre deux professionnels porte sur la location d'un photocopieur nécessaire à l'activité commerciale de la société ML et Associés. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 13 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/02341. Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er FÉVRIER 2011, TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ : R.G. n° 2009/3367.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par la SCP NEGRE Eric - PEPRATX NEGRE Marie Camille, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Maître GAUDY avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant
INTIMÉE :
SA SOCIÉTÉ BNP PARIBAS LEASE GROUPE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social, représentée par la SCP Yves GARRIGUE, Yann GARRIGUE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Maître Muriel TEXIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 24 janvier 2012
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 FÉVRIER 2012, en audience publique, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président, Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE, MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte sous seing privé du 13 juin 2006, la société BNP Paribas Lease Groupe (la banque) a consenti à la société à responsabilité limitée ML et Associés Technologie Saveur (la société ML) la location d'un photocopieur de marque Canon, pendant 63 mois moyennant un loyer mensuel de 326,68 euros.
Par acte séparé du même jour, M. X., gérant de la société ML, s'est rendu caution solidaire de cet engagement, à hauteur de 22.800 euros.
Le 24 octobre 2006, la société à responsabilité limitée a été transformée en société en commandite par actions (SCA) dont la gérance a été confiée à la société MLH, gérée par M. X.
Les loyers n'ont plus été acquittés à compter de mars 2008.
La SCA ML et Associés a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Millau en date du 23 décembre 2008, puis en liquidation judiciaire le 5 mai 2009. La banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire le 6 janvier 2009 et a effectué des déclarations réactualisées en février et mai 2009.
Après sommation de payer infructueuse du 27 juillet 2009, la banque a fait assigner M. X., en sa qualité de caution, devant le tribunal de commerce de Rodez, par acte d'huissier du 22 octobre 2009, afin d'obtenir paiement des sommes restant dues.
Par jugement du 1er février 2011, le tribunal a condamné M. X. à payer à la banque la somme de 15.544,16 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2009, ainsi qu'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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M. X. a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, demandant à la cour de déclarer l'action de la banque irrecevable en l'état de l'extinction de la créance pour absence de déclaration de créance concernant la société qu'il a cautionnée, et, en tout état de cause, de la débouter de ses demandes. Subsidiairement, il sollicite la réduction de la clause pénale et la déchéance des intérêts. Il réclame le paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- il s'est engagé au profit de la société à responsabilité limitée ML et Associés et non au profit d'une société en commandite par actions, seule concernée par la procédure collective et la déclaration de créance ; il s'ensuit que l'action de la banque à son encontre est irrecevable ;
- au moment de la souscription de l'engagement de caution, il ne percevait pas de rémunération pour ses fonctions de gérant de la société ML et Associés puisqu'il était sans emploi et bénéficiait des allocations chômage depuis mai 2004 ; la disproportion manifeste du cautionnement avec ses capacités financières ne permet pas à la banque de se prévaloir de cette caution ;
- la banque a formalisé plusieurs déclarations auprès des organes de la procédure collective dont le montant a fluctué, de telle sorte qu'elle ne justifie pas de la réalité de la créance ;
- l'article 7 du contrat de location contient une clause pénale manifestement abusive et excessive, justifiant, a minima, sa révision par le juge ;
- la banque ne l'a pas informé de la défaillance de la société ML et Associés, ce qui entraîne la déchéance des intérêts et pénalités.
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La BNP Paribas a conclu à la réformation du jugement en ce qui concerne le quantum de la condamnation et à l'allocation de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
- l'engagement de caution n'était pas manifestement disproportionné au revenus de M. X. d'un montant mensuel de 2.000 euros, étant observé que la location représentait un coût annuel de 3.800 euros ;
- la transformation de la société à responsabilité limitée en société en commandite par actions n'a pas eu pour effet de créer une nouvelle personne morale ; le changement de forme sociale de la société débitrice laisse subsister l'obligation de la caution, sauf convention contraire ; M. X. n'a pas été déchargé de son engagement de caution après la transformation de la société ;
- M. X. a été informé par courrier du 27 août 2008 de la défaillance de la société ML et Associés à compter de mars 2008 ; il est redevable de l'indemnité forfaitaire et des intérêts moratoires ;
- elle a accepté, sans y être obligée, de déduire du montant des sommes restant dues, le prix de vente du matériel dont elle pouvait disposer librement, étant précisé que le matériel loué se déprécie rapidement eu égard aux évolutions technologiques ;
- M. X. ne peut pas se prévaloir d'une clause abusive dans le cadre d'un contrat de location auquel il n'était pas partie ; de plus et s'agissant d'un contrat entre professionnels, la recommandation n° 91-04 du 6 juillet 1990 n'est pas transposable puisqu'elle concerne les contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels ;
- la clause pénale d'un montant de 987,84 euros correspondant à 10 % de l'indemnité de résiliation n'est pas manifestement excessive.
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C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2012.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le changement de forme juridique d'une société n'entraîne pas création d'une nouvelle personne morale, de sorte que la banque a pu, à juste titre, déclarer la créance résultant du contrat de location conclu avec la société à responsabilité limitée ML et Associés transformée en société en commandite par actions, entre les mains du mandataire judiciaire, désigné dans le cadre du redressement judiciaire de cette société prononcé le 23 décembre 2008.
Cette transformation a laissé subsister l'obligation de caution de M. X. qui ne justifie d'aucune convention contraire intervenue dans le cadre du pacte social.
L'action en paiement dirigée contre M. X., en sa qualité de caution, est donc recevable.
Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Pour apprécier cette disproportion il convient de prendre en compte les biens et revenus dont disposait la caution au moment de son engagement et les ressources qu'elle comptait retirer du projet financé, outre la situation au moment où il est fait appel à la caution.
M. X. invoque les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation applicables en la cause et fait valoir que l'engagement de caution qu'il a souscrit était manifestement disproportionné à ses revenus.
Si M. X. percevait des allocations chômage depuis 2005 d'un montant mensuel de 1.970 euros, il n'en demeure pas moins que de telles ressources associées à celles qu'il pouvait escompter dans le cadre de l'activité de la société ML et Associés, n'étaient pas manifestement disproportionnées à l'engagement de caution qui garantissait une location de photocopieur dont le coût annuel s'élevait à la somme de 3.900 euros. Il y a lieu d'observer, en outre, que la société constituée et dirigée par M. X., depuis sa création en février 2005, avait un avenir prometteur puisque le capital social de 8.000 euros a été augmenté à deux reprises pour atteindre en mars 2006, 529.500 euros, ce qui a justifié, par la suite, le changement de forme juridique. M. X. a d'ailleurs perçu en qualité de directeur général de la société ML et Associés, à compter de septembre 2006, un salaire mensuel net de 3.750 euros.
La disproportion invoquée tant au moment de la souscription de l'engagement de caution que lorsque la banque a sollicité le paiement du solde de prêt n'est pas établie.
La banque est donc bien fondée à se prévaloir de l'acte de cautionnement du 13 juin 2006.
Contrairement à ce que prétend M. X., la banque justifie du montant de la créance dont le décompte est conforme aux clauses du contrat de location, peu important le montant du prix de revente du matériel restitué, dont il a été tenu compte.
M. X. est totalement infondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation et du non-respect de la recommandation n° 91-04 émise par la commission des clauses abusives, qui ne concernent que les contrats conclus entre les professionnels et les non-professionnels ou consommateurs. Le contrat du 13 juin 2006 conclu entre deux professionnels porte sur la location d'un photocopieur nécessaire à l'activité commerciale de la société ML et Associés.
Il n'apparaît pas que la clause pénale stipulée à l'article 7 du contrat de location égale à 10 % du montant de l'indemnité de résiliation soit manifestement excessive. Le jugement sera réformé en ce qu'il a réduit à 100 euros cette clause pénale qui s'élève à la somme de 987,84 euros.
La banque a failli à l'obligation d'information à laquelle elle est tenue en vertu de l'article L. 341-1 du code de la consommation dans la mesure où elle ne justifie pas avoir avisé M. X., en sa qualité de caution, de la défaillance de la société ML et Associés dès le premier impayé de loyer non régularisé dans le mois de l'exigibilité du paiement.
Elle est donc déchue des intérêts de retard et pénalités échues entre le 15 mars 2008, date du premier loyer impayé et le 10 janvier 2009, date de la réception du courrier adressé à M. X., contenant le décompte des sommes restant dues.
M. X. doit donc être condamné à payer à la banque la somme de 16.432 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 27 juillet 2009, en application de l'article 1153 du code civil. Le jugement sera réformé en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal.
Succombant en son appel, M. X. sera condamné à payer à la banque la somme de 2.300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa demande, de ce chef, rejetée et supportera la charge des dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Dit que l'action est recevable ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la réduction de la clause pénale, le montant de la condamnation mise à la charge de M. X. et le point de départ des intérêts au taux légal ;
Le réformant de ces chefs et statuant à nouveau ;
Dit que la clause pénale prévue à l'article 7 du contrat n'est pas manifestement excessive ;
Déboute M. X. de sa demande de réduction de la clause pénale ;
Condamne M. X. à payer à la société BNP Paribas Lease Groupe, la somme de 16.432 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 27 juillet 2009 ;
Condamne M. X. à payer à la banque la somme de 2.300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. X. de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
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- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité