CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 21 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3732
CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 21 mars 2012 : RG n° 11/00323
Publication : Jurica
Extrait : « Pour être appliquées, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dont Mme Y. se prévaut pour faire juger que l'indemnité contractuelle de résiliation prévue au contrat serait abusive et devrait être à ce titre réputée non écrite, supposent que le contrat litigieux a été conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur.
Au cas d'espèce, il n'est aucunement contesté que Mme Y., exploitant un institut de beauté sous le nom commercial - Institut Z. - a signé, le 6 juin 2008, avec la société Locam un contrat de location d'un site Web qui lui a été livré par la société Kemenn, son fournisseur, suivant procès-verbal du 16 juin 2008. Selon ses propres écritures, Mme Y. fait valoir que la location de ce site Internet visait à promouvoir son activité professionnelle de sorte qu'elle n'a pu dans ces conditions contracter que dans l'intérêt de son activité artisanale d'esthéticienne ou à l'occasion de l'exercice de cette activité professionnelle, peu important en l'occurrence l'absence d'une compétence particulière de sa part dans le domaine de l'informatique.
Dès lors, le contrat de location litigieux, destiné à développer l'activité professionnelle de Mme Y., ne saurait être régi par les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Ainsi, la validité des clauses contractuelles et notamment, celle relative à l'indemnité de résiliation stipulée à l'article 18.3, doit-elle être reconnue et le jugement déféré infirmé en ce sens. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 21 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00323. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 NOVEMBRE 2010 - TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERPIGNAN : RG n° 11-09-114.
APPELANTE :
SAS LOCAM
inscrite au RCS de SAINT-ÉTIENNE sous le n° XX 315, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social, représentée par Maître DAUDE (SCP COSTE) avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y. exerçant son activité sous l'enseigne Institut [de beauté]
représentée par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant loco Maître Emilie MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, avocat plaidant (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 2 janvier 2012
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 JANVIER 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques MALLET, Président, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jacques MALLET, Président, Monsieur Georges TORREGROSA, Conseiller, Madame Chantal RODIER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRÊT : - contradictoire. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par Monsieur Philippe CLUZEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 6 juin 2008, Mme X. épouse Y., exploitant un institut de beauté, signait avec la SAS Locam un contrat de location de site Web, par l'intermédiaire d'un fournisseur, la société Kemenn, moyennant 48 mensualités de 154,28 euros TTC chacune.
Le 16 juin 2008, un procès-verbal de livraison par le fournisseur et de conformité était signé par Mme Y.
La locataire n'ayant réglé aucun loyer, la société Locam assignait Mme Y., suivant exploit du 30 avril 2009, pour obtenir paiement de la somme globale de 8.189,23 euros au titre des loyers impayés, de la clause pénale, de l'indemnité forfaitaire et autre indemnité de résiliation.
Par jugement contradictoire du 19 novembre 2010, le tribunal d'instance de Perpignan a :
- dit que la clause stipulant au paragraphe 18-3 du contrat signé le 6 juin 2008 une indemnité de résiliation était abusive et en conséquence, réputée non écrite ;
- condamné Mme Y. à payer à la société Locam la somme de 1.120,56 euros, avec intérêts depuis le 3 septembre 2008 au taux majoré de cinq points sur les impayés de 344,44 euros et au taux légal pour le surplus ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- mis les dépens à la charge de Mme Y., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
Le 14 janvier 2011, la SAS Locam a relevé appel de ce jugement.
Vu les écritures déposées :
* le 4 avril 2011 par la SAS Locam ;
* le 8 juin 2011 par Mme Y.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 janvier 2012.
Vu la constitution en date du 6 janvier 2012 de la SCP Coste-Berger-Pons-Daudé-Vallet, avocat, aux lieu et place de la SCP d'avoués Salvignol-Guilhem ayant cessé ses fonctions.
* * *
La SAS Locam conclut :
* à l'infirmation du jugement entrepris, faisant valoir que le contrat souscrit l'a été à titre professionnel et ne peut être soumis aux dispositions consuméristes de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;
* à ce que les dispositions de l'article 1152 du code civil soient écartées, sauf pour appréciation de la clause pénale de 10 % ;
* à la condamnation de Mme Y. à lui payer la somme globale de 8.217,44 euros, outre les intérêts au taux majoré de cinq points sur les impayés de 344,44 euros et au taux légal sur l'indemnité de résiliation ;
* à la condamnation de Mme Y. à lui rembourser ses frais irrépétibles à hauteur de 1.000 euros et les dépens de première instance et d'appel avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile. »
Mme Y. demande à la cour :
* à titre principal, de confirmer le jugement dont appel, de dire que la clause d'indemnité de résiliation constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite ;
* subsidiairement, de dire que les contrats de prestations de service et de location sont indivisibles et de débouter la société Locam de sa demande d'indemnité de résiliation ;
* plus subsidiairement, de dire que la clause de résiliation constitue une clause pénale et de la réduire à un 1 euro, de lui octroyer les plus larges délais de paiement, de constater qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle et de condamner la société Locam aux dépens application de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Pour être appliquées, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dont Mme Y. se prévaut pour faire juger que l'indemnité contractuelle de résiliation prévue au contrat serait abusive et devrait être à ce titre réputée non écrite, supposent que le contrat litigieux a été conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur.
Au cas d'espèce, il n'est aucunement contesté que Mme Y., exploitant un institut de beauté sous le nom commercial - Institut Z. - a signé, le 6 juin 2008, avec la société Locam un contrat de location d'un site Web qui lui a été livré par la société Kemenn, son fournisseur, suivant procès-verbal du 16 juin 2008.
Selon ses propres écritures, Mme Y. fait valoir que la location de ce site Internet visait à promouvoir son activité professionnelle de sorte qu'elle n'a pu dans ces conditions contracter que dans l'intérêt de son activité artisanale d'esthéticienne ou à l'occasion de l'exercice de cette activité professionnelle, peu important en l'occurrence l'absence d'une compétence particulière de sa part dans le domaine de l'informatique.
Dès lors, le contrat de location litigieux, destiné à développer l'activité professionnelle de Mme Y., ne saurait être régi par les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Ainsi, la validité des clauses contractuelles et notamment, celle relative à l'indemnité de résiliation stipulée à l'article 18.3, doit-elle être reconnue et le jugement déféré infirmé en ce sens.
De même, bien que se prévalant du caractère indivisible des contrats de prestation de service et de location, Mme Y. n'est pas plus pertinente à solliciter simplement sur ce fondement le rejet de l'indemnité de résiliation, au motif que les prestations liées au site Internet ne seraient pas satisfaisantes, faute d'apporter le moindre élément ou constatation susceptible de justifier ses allégations relatives au caractère « inachevé » de ce site, nonobstant la signature d'un procès-verbal de livraison et de conformité, se contentant d'invoquer ses difficultés financières dans l'exploitation de son institut de beauté sans lien précis avec le contrat litigieux.
Dans ces conditions, Mme Y. est redevable envers la société Locam :
- du montant des loyers impayés : 344,44 euros
- de la clause pénale sur ces impayés : 34,44 euros
- de l'indemnité forfaitaire de l'article 9.6 : 32,00 euros
- de l'indemnité de résiliation : 7.096,88 euros
S'agissant de l'application de la clause pénale de 10 % du montant de ces loyers restant à courir, soit 709,69 euros, la cour constate que les difficultés rencontrées par Mme Y. trouvent leur origine dans le démarrage plus que laborieux de son activité d'esthéticienne au point de lui avoir occasionné des difficultés financières importantes et de l'avoir contrainte à sa radiation du répertoire des métiers le 31 juillet 2008.
Il s'en évince que cette dernière clause pénale, manifestement excessive en raison de ces circonstances, de l'absence de préjudice réellement démontré par le créancier ainsi que de la première clause pénale appliquée sur les loyers impayés, doit être réduite, en application de l'article 1152 du code civil, à 1 euro.
Mme Y. devra donc régler à la société Locam la somme globale de :
(344,44 euros + 34,44 euros + 32 euros + 7.096,88 euros + 1 euros) : 7.508,76 euros
Selon la demande de l'appelante, cette somme portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à concurrence des impayés pour 344,44 euros et au taux légal sur l'indemnité de résiliation pour 7.096,88 euros.
La demande d'octroi de délais de paiement formée par Mme Y., par application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil, sera en voie de rejet, faute pour l'intimée de justifier de sa situation économique et financière actuelle et de produire à ce titre le moindre élément permettant à la cour de s'assurer de la réalité de ses difficultés à pouvoir s'acquitter de sa dette. Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef de demande.
Aucune considération économique ou d'équité ne justifie de faire droit à la demande de l'appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le jugement déféré devant également être confirmé à ce titre.
Mme Y. sera tenue aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat postulant par application de l'article 699 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celles relatives au rejet de la demande de Mme Y. de délais de paiement, au rejet des frais irrépétibles de première instance et à la condamnation de Mme Y. aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que le contrat souscrit entre la SAS Locam et Mme Y. ne peut être soumis aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
Condamne Mme Y. à payer à la SAS Locam la somme de 7.508,76 euros, avec intérêts à compter du 3 septembre 2008 au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 344,44 euros et au taux légal sur la somme de 7.096,88 euros,
Déboute la SAS Locam de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Mme Y., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Coste-Berger-Pons-Daudé-Vallet, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
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