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TI CHARLEVILLE-MÉZIÈRES, 26 juin 2007

Nature : Décision
Titre : TI CHARLEVILLE-MÉZIÈRES, 26 juin 2007
Pays : France
Juridiction : Charleville Mezières (TI)
Demande : 11-07-000043
Décision : 07/285
Date : 26/06/2007
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 5/01/2007
Décision antérieure : CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 23 avril 2008
Numéro de la décision : 285
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3846

TI CHARLEVILLE-MÉZIÈRES, 26 juin 2007 : RG n° 11-07-000043 ; jugt n° 285

(sur appel CA Reims (1re ch. civ. sect. inst.), 23 avril 2008 : RG n° 07/02134)

 

Extraits : 1/ « Que la généralité du principe dégagé par la Cour de justice des communautés européennes doit être transposée à l'application de la directive relative au crédit à la consommation dont l'inspiration et la finalité sont identiques, à savoir assurer un haut degré de protection de l'emprunteur-consommateur, conformément à l'article 38 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000 ; Qu'en effet l'impératif d'application de la protection du consommateur se heurte au même risque d'ignorance du consommateur de sorte qu'une protection efficace et conforme aux objectifs de la directive impose la possibilité pour le juge national de soulever d'office les éléments de droit applicables ; Que dès lors, le Tribunal a le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation et de les soumettre à la contradiction ».

2/ « Qu'ainsi, d'une part, est manifestement abusive la clause que le préteur insère dans le contrat de crédit et qui stipule que dès le premier incident de paiement, il peut se prévaloir de la déchéance du terme alors que les textes en vigueur ne le permettent qu'à compter de plusieurs échéances impayées ; Que cette clause crée ainsi un déséquilibre significatif entre les parties puisqu'elle alourdit les obligations de l'emprunteur et augmente les droits du préteur ; Qu'ainsi, cette clause est une clause abusive qui justifie le fait pour le Tribunal de relever d'office son caractère abusif au vu de la jurisprudence précitée de la Cour de Justice des Communautés européennes et de la soumettre à la contradiction ;

Que d'autre part, la clause est aussi illicite au regard des textes précités puisqu'elle aggrave indûment les obligations de l'emprunteur (Cass. civ. 1ère, 1er décembre 1993 : pourvoi n° 91-20894 ; Bull civ, I, n° 354, p. 246) ; Qu'il en résulte que l'irrégularité de la clause litigieuse a pour sanction, la déchéance du droit aux intérêts (en ce sens et sur l'ensemble de la question, rapport du Conseiller RICHARD, sous avis Cass, 10 juillet 2006 : BICC 1er novembre 2006, p. 43) ; Qu'en effet, lorsque la clause est à la fois illicite et abusive, le cumul de sanctions est dès lors possible et la sanction encourue est la déchéance du droit aux intérêts ». 

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

JUGEMENT DU 26 JUIN 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-07-000043. Jugement n° 285.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 25 juin 2007, Sous la Présidence de Jean-Jacques FRION, Juge d'Instance, assisté de Florence KER-SUZAN, Greffier ; Après débats à l'audience du 21 mai 2007, le jugement suivant a été rendu :

 

ENTRE :

DEMANDEUR :

Société CRCA DU NORD EST

[adresse], représentée par SCP LEDOUX-FERRI-YAHIAOUI-RIOU JACQUES, avocat du barreau des Ardennes

 

ET :

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Caisse régionale du crédit agricole du nord est (ci après désignée CRCANE), a consenti une offre de prêt personnel à M. X. qui l'a acceptée le 5 novembre 2005 pour un montant de 10.000 € sur 48 mois, au taux effectif global de 3,4536 %, et au taux nominal de 3,40 %.

La CRCANE a consenti une offre de prêt personnel à M. X. qui l'a acceptée le 5 novembre 2005 pour un montant de 2.000 € sur 24 mois, au taux effectif global de 6,1317 % et au taux nominal de 5,60 %.

M. X. s'est montré défaillant dans le remboursement de ses mensualités.

Par acte du 5 janvier 2007, la CRCANE a fait assigner M. X. aux fins de le voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de la somme de 9.872,35 € outre les intérêts au taux de 3,4 % à compter du 22 décembre 2006 au titre du premier prêt, au paiement de la somme de 2.000,68 € outre les intérêts au taux conventionnel de 5,6 % à partir du 22 décembre 2006 au titre du second prêt, la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Régulièrement assigné, M. X. n'a pas comparu à l'audience. Le jugement sera réputé contradictoire et susceptible d'appel.

Par jugement du 19 février 2007, le Tribunal a rouvert les débats et a invité le préteur à s'expliquer sur la validité de la clause de déchéance du terme qui prévoit (page 7 pour le premier prêt et page 6 pour le [minute page 2] second) qu' « en cas de défaillance de l'emprunteur, le préteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû » au regard, d'une part, des clauses abusives prohibées que le juge est autorisé à relever d'office et, d'autre part, des clauses aggravantes qui constituent une irrégularité de l'offre susceptible d'entraîner la déchéance du droit aux intérêts sur le fondement de l'article L. 311-13 du Code de la consommation.

La CRCANE fait valoir que seul l'emprunteur peut se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts en application de l'article L. 311-33 du Code de la consommation et non le Juge qui ne peut soulever d'office ce moyen. La CRCANE reconnaît, d'une part, que le Juge peut soulever d'office l'existence de clauses abusives mais la seule sanction est que cette clause est réputée non écrite et, d'autre part, que si l'offre porte des stipulations non visées par les modèles types, la question de l'abus éventuel peut se poser à la diligence du juge, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle soutient que les contrats respectent les modèles types prévus en la matière et qu'aucune clause abusive n'est caractérisée et qu'aucune clause pouvant aggraver la situation de l'emprunteur n'existe.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'en application de l'article 472 du Nouveau Code de procédure civile, « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée » ;

 

I - Sur l'office du juge en matière de clause illicite et abusive en droit de la consommation :

Attendu que la législation du crédit à la consommation dérive du droit communautaire, les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposant en droit interne les dispositions de la directive n° 87/102 du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation ;

Attendu que la Cour de Justice des Communautés Européennes a jugé le 21 novembre 2002 (affaire COFIDIS, C-473/00) que « la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » ;

Que cette décision confirme celle précédemment rendue par la même Cour de Justice des Communautés européenne le 27 juin 2000, pour l'application de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, qui avait estimé que « l'objectif poursuivi par l'article 6 de la directive, qui impose aux États membres de prévoir que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, ne pourrait être atteint si ces derniers devaient se trouver dans l'obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif de telles clauses. S'il est vrai que, dans nombre d'États membres, les règles de procédure permettent dans de tels litiges aux particuliers de se défendre eux-mêmes, il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n'invoque pas le caractère abusif de la clause qui lui est opposée. Il s'ensuit qu'une protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (Cour de justice des Communautés Européennes 27 juin 2000, Oceano groupo : JCP 2001, 10 513, obs. G. Paisant et M. Carballo Fidalgo) ;

Attendu que de plus, la Cour de Justice des communautés européennes considère que « le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la [minute page 3] législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel » (CJCE 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77 : Rec. p. 629) ; qu'en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la dite directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer à l'article 189, troisième alinéa du traité » (CJCE, 16 décembre 1993, Marleasing : Rec. p. 6911) ;

Que dans son exposé des motifs, la directive souligne que les disparités de réglementation sont susceptibles « d'entraîner des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans le marché commun », « influent sur la libre circulation des biens et des services susceptibles d'être affectés d'un crédit et ont ainsi un impact direct sur le fonctionnement du marché commun » et que « les consommateurs, les prêteurs, les fabricants, les grossistes et les détaillants, ainsi que les prestataires de services tireraient tous profits de la création d'un marché commun du crédit à la consommation » ; Qu'il en découle que cette directive n'a pas pour seul objet d'accorder une certaine bienveillance à une catégorie de personnes présumées faibles, auxquelles il appartiendrait ensuite de faire respecter leurs droits, mais bien d'organiser le Marché intérieur pour le plus grand profit de l'ensemble des agents économiques ; Que cet objectif répond à la définition en droit interne de l'ordre public de direction, lequel permet au juge de relever d'office les moyens tirés de son manquement ;

Que la généralité du principe dégagé par la Cour de justice des communautés européennes doit être transposée à l'application de la directive relative au crédit à la consommation dont l'inspiration et la finalité sont identiques, à savoir assurer un haut degré de protection de l'emprunteur-consommateur, conformément à l'article 38 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000 ; Qu'en effet l'impératif d'application de la protection du consommateur se heurte au même risque d'ignorance du consommateur de sorte qu'une protection efficace et conforme aux objectifs de la directive impose la possibilité pour le juge national de soulever d'office les éléments de droit applicables ;

Que dès lors, le Tribunal a le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation et de les soumettre à la contradiction ;

 

II - Sur la validité de la clause de déchéance du terme :

Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la consommation prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que l'article L. 311-13 du Code de la consommation prévoit que l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire après consultation du Conseil national de la consommation ; Que la clause V 5 b du modèle type n° 1 d'offres de crédit prévoit qu’ « en cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le préteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû... » ;

Qu'en l'espèce, la clause […] prévoit (page 7 pour le premier prêt et page 6 pour le second) qu'en cas de « défaillance de l'emprunteur, le préteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû » ;

Qu'ainsi, d'une part, est manifestement abusive la clause que le préteur insère dans le contrat de crédit et qui stipule que dès le premier incident de paiement, il peut se prévaloir de la déchéance du terme alors que les textes en vigueur ne le permettent qu'à compter de plusieurs échéances [minute page 4] impayées ; Que cette clause crée ainsi un déséquilibre significatif entre les parties puisqu'elle alourdit les obligations de l'emprunteur et augmente les droits du préteur ; Qu'ainsi, cette clause est une clause abusive qui justifie le fait pour le Tribunal de relever d'office son caractère abusif au vu de la jurisprudence précitée de la Cour de Justice des Communautés européennes et de la soumettre à la contradiction ;

Que d'autre part, la clause est aussi illicite au regard des textes précités puisqu'elle aggrave indûment les obligations de l'emprunteur (Cass. civ. 1ère, 1er décembre 1993 : pourvoi n° 91-20894 ; Bull civ, I, n° 354, p. 246) ; Qu'il en résulte que l'irrégularité de la clause litigieuse a pour sanction, la déchéance du droit aux intérêts (en ce sens et sur l'ensemble de la question, rapport du Conseiller RICHARD, sous avis Cass, 10 juillet 2006 : BICC 1er novembre 2006, p. 43) ; Qu'en effet, lorsque la clause est à la fois illicite et abusive, le cumul de sanctions est dès lors possible et la sanction encourue est la déchéance du droit aux intérêts ;

 

III - Sur la dette de crédit :

Sur le premier prêt d'un montant de 10.000 € :

Attendu que le préteur a arrêté sa créance comme suit :

- capital                                   : 9.413,98 €

- intérêts retard                        : 249,91 €

- indemnité légale de 8%          : 208,46 €

Que l'indemnité légale de 8 % d'un montant s'analysant en une clause pénale, elle peut être diminuée, même d'office par le juge, sur le fondement de l'article 1152 du Code civil si elle apparaît manifestement excessive ; Que la disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi ; Qu'en l'espèce, cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux est particulièrement élevé, la clause revêt un caractère manifestement excessif ; Qu'il convient par conséquent d'en réduire le montant à la somme de un euro ;

Que le montant intégral des intérêts tant impayés que déjà payés s'élevant à la somme de 709,55 € doit être déduit, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts aboutissant à un crédit sans aucun intérêt ;

Que M. X. devra payer la somme de 8.705,43 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2006 ;

 

Sur le second prêt d'un montant de 2.000 € :

Attendu que le préteur a arrêté sa créance comme suit :

- capital                                   : 1841,73€

- intérêts                                  : 70,91 €

- indemnité légale de 8 %         : 88,04 €

Que l'indemnité légale de 8 % d'un montant s'analysant en une clause pénale, elle peut être diminuée, même d'office par le juge, sur le fondement de l'article 1152 du Code civil si elle apparaît manifestement excessive ; Que la disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi ; Qu'en l'espèce, cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux est particulièrement élevé, la clause revêt un caractère manifestement excessif ; Qu'il convient par conséquent d'en réduire le montant à la somme de un euro ;

Que le montant intégral des intérêts tant impayés que déjà payés s'élevant à la somme de 126,65 € doit être déduit, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts aboutissant à un crédit sans aucun intérêt ;

Que M. X. devra payer la somme de 1.716,08 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2006 ;

[minute page 5]

Sur les autres demandes :

Attendu qu'en application de l'article 515 du Code civil, l'exécution provisoire est compatible et apparaît nécessaire avec la nature de l'affaire ; Qu'il y a lieu de l'ordonner ;

Attendu que M. X. succombe à la procédure, il sera condamné aux dépens ;

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge du demandeur l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens ; Que sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile sera rejetée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et susceptible d'appel ;

Condamne M. X. à payer à la CRCANE la somme de huit mille sept cent cinq euros et quarante trois centimes (8.705,43 €), assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2006 au titre du premier prêt de 10.000 €.

Condamne M. X. à payer à la CRCANE la somme de mille sept cent seize euros et huit centimes (1.716,08 €), assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2006 au titre du second prêt de 2.000 €.

Ordonne l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision.

Déboute la CRCANE de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Condamne M. X. aux dépens.

LE GREFFIER,                    LE JUGE D'INSTANCE,

Florence KER-SUZAN         JEAN-JACQUES FRION