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TGI VANNES, 30 juin 2009

Nature : Décision
Titre : TGI VANNES, 30 juin 2009
Pays : France
Juridiction : Vannes (TGI)
Demande : 07/00504
Décision : 09/174
Date : 30/06/2009
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 19/03/2007
Décision antérieure : CA RENNES (1re ch. B), 3 février 2011
Numéro de la décision : 174
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3852

TGI VANNES, 30 juin 2009 : RG n° 07/00504 ; jugt n° 09/174 

(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 3 février 2011 : RG n° 09/05628 ; arrêt n° 83)

 

Extrait : « Mme X. veuve Y. invoque les dispositions de l'article 47 de la Loi du 11 février 1994. Ce texte n'est applicable que pour les actes de cautionnement à durée indéterminée. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

L'affirmation du caractère indéterminable du taux d'intérêt est démentie par la lecture des contrats. Les références de Mme Y. aux avis de la Commission des Clauses Abusives sont inopérantes, ces avis n'étant pas applicables dans le cas d'espèce, les contrats de prêt ayant un lien direct avec l'activité professionnelle du débiteur principal. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VANNES

JUGEMENT DU 30 JUIN 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/00504. Jugement n° 09/174.

 

ENTRE :

Le CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN,

ayant son siège social [adresse], Représenté par la SELARL LEHUEDE GUENNO-LE PARC, avocats au barreau de VANNES

 

ET :

Madame X. veuve Y.,

demeurant [adresse], Représentée par Maître KERZERHO, avocat au barreau de VANNES

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur Yves DE SONIS, Vice-Président,  Madame Pascale LE CHAMPION, Vice-Président,  Madame Julie THOMAS-DAVOST, Juge, En présence de Madame Elodie LEFEVRE, Auditrice de Justice

GREFFIER : Madame Stéphany HODE

DÉBATS en audience publique le 5 mai 2009

AFFAIRE mise en délibéré au 30 juin 2009.

Ce jour a été rendu par Monsieur DE SONIS, le jugement dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par acte du 29 septembre 1999, le Crédit Agricole a consenti à M. Z. un prêt d'un montant de 53.357,12 € au taux de 5,10 % l'an, remboursable en 84 mois, pour financer l'achat d'un fonds de commerce.

Le même jour, Mme X. veuve Y. s'est portée caution solidaire de M. Z. pour la somme de 69.364,30 € y compris les intérêts.

Le 2 octobre 2000, le même Crédit Agricole a consenti une ouverture de crédit d'un plafond de 30.489 € à l'EURL GARAGE G.

Mme X. veuve Y. s'est portée caution solidaire de l'EURL GARAGE G. à hauteur de 30.489 € plus les intérêts au taux de 8,40 % par acte du 15 septembre 2000.

Le 19 octobre 2000, le Crédit Agricole a consenti à M. Z. une ouverture de crédit d'un plafond de 4 573 €, au taux de 8,40 %, destinée à financer de la trésorerie.

Par acte du 24 octobre 2000, Mme X. veuve Y. s'est portée caution solidaire de M. Z. pour la somme de 4.573,47 € plus les intérêts.

Par jugement du 25 juin 2003, l'EURE GARAGE G. et M. Z. ont fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par acte en date du 19 mars 2007, le Crédit Agricole du Morbihan a fait assigner Mme X. veuve Y. en demandant au Tribunal de condamner Mme Y. à lui payer, selon un décompte arrêté au 28 février 2007, les sommes suivantes :

- au titre du prêt d'un montant initial de 53.357,16 € du 29 septembre 1999 :

* 30.452,78 € au titre du capital,

* 3.117,62 € au titre des intérêts normaux,

* 7.981,84 € au titre des intérêts sur échéances en retard,

outre les intérêts conventionnels, sur ces trois sommes, à compter du 28 février 2007,

* 723,80 € au titre de l'ADI,

* 58 € au titre des frais,

* 5.335,72 € au titre du montant forfaitaire,

outre les intérêts au taux légal sur ces trois sommes à compter de l'assignation,

- au titre de l'ouverture de crédit d'un plafond de 4.573 € du 19 octobre 2000 :

* 7.638,34 € au titre du solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2007,

* [minute page 3]  457,30 € au titre de l'indemnité forfaitaire avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- au titre de l'ouverture de crédit d'un plafond de 30.489 € :

* 58.765,28 € au titre du solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2007

* 3.048,90 € au titre de l'indemnité forfaitaire avec intérêts au taux légal compter de l'assignation

-au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

* 1.500 €.

Le Crédit Agricole sollicite en outre l'exécution provisoire de la présente décision.

Dans ses dernières écritures déposées au Greffe le 19 janvier 2009, Mme X. veuve Y. explique les circonstances dans lesquelles elle a été amenée à se porter caution des engagements de M. Z. ou de sa société.

Elle indique que les actes de caution litigieux ont été signé  « le nez collé à la feuille » car elle souffre d'une maladie dégénérative affectant ses yeux.

Mme Y. affirme s'être trouvée dans l'impossibilité de lire les actes qui lui ont été remis pour signature. Elle estime que son consentement n'était pas éclairé.

Elle sollicite du Tribunal la nullité de ces engagements.

Mme Y. indique que l'inscription de nantissement prise sur le fonds de commerce du débiteur principal aurait pu être effectuée un an plus tôt. Elle fait état d'une faute de la banque la déchargeant de son engagement de caution au titre du prêt de 53.357,16 €.

À titre subsidiaire, elle souligne l'absence de respect par la banque de son obligation d'information annuelle ainsi que de son obligation d'informer la caution dès le premier incident de paiement non régularisé du débiteur principal. Elle indique que pour les deux ouvertures de crédit, le prêteur ne justifie pas d'un taux d'intérêt déterminable.

Ces éléments justifient pour Mme Y. que les créances exigibles soient expurgées de tous leurs intérêts et que les paiements effectués par le débiteur principal soient affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Concernant les indemnités forfaitaires, Mme Y. précise qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de créance entre les mains de Maître DUPONT et qu'ainsi elles ne sont pas exigibles.

Elle affirme que le cautionnement du 29 septembre 1999 doit être réduit [minute page 4] à la mesure de l'obligation principale conformément à l'article 2290 du Code Civil et que les cautionnements des deux ouvertures de crédits ne sauraient être étendus au-delà des limites dans lesquelles ils ont été contractés.

Elle estime que le Crédit Agricole ne justifie pas du bien-fondé de sa créance par la production d'un détail des règlements depuis l'origine des contrats.

Mme Y. considère que la banque a manqué à son obligation de mise en garde sur l'opération projetée et ses capacités financières. Elle s'estime également en droit d'engager la responsabilité de la banque qui a accordé un soutien abusif au débiteur principal. Elle demande le paiement de dommages et intérêts équivalent au montant résiduel de la dette.

Mme Y. sollicite le paiement de la somme de 4.000 € au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens ainsi que l'exécution provisoire de la présente décision.

Dans ses ultimes conclusions reçues le 26 mars 2009, le Crédit Agricole du Morbihan réitère ses demandes sauf à renoncer à celles relatives aux indemnités forfaitaires et à solliciter le paiement d'une somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture est datée du 31 mars 2009.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 - Sur la nullité des actes de cautionnement.

Mme Y. verse aux débats plusieurs certificats médicaux :

- un certificat du Docteur A. en date du 13 juin 2007 indiquant qu'elle a débuté une affection grave en 1999 persistant ainsi qu'un syndrome dépressif sévère la rendant fragile,

- un certificat du Docteur B. en date du 16 avril 2008 précisant qu'elle présentait, le 4 juillet 2000, une baisse sévère de l'acuité visuelle de l'œil droit à 2/10ème inaméliorable et l'œil gauche à 1/10ème avec un trouble hémi anopsie bilatérale du champ visuel et une atteinte maculaire bilatérale,

- une attestation de son employeur stipulant un congé de longue maladie du 20 septembre 2000 au 30 juin 2003.

Si ces documents tendent à démontrer que Mme Y. connaît de graves problèmes de vue, aucun élément ne prouve qu'elle était aveugle au moment de la signature des actes qui ont eu lieu en septembre 1999 et 2000, ni que Mme Y. se trouvait dans l'impossibilité de lire les documents, de les comprendre et de les signer.

[minute page 5] De plus, les documents présentent une écriture et une signature claires et ordonnées démontrant la capacité de Mme Y. à la lecture et à l'écriture.

Le fait que Mme Y. ait accepté de se porter caution pour une somme de 455.000 francs dans l'acte du 29 septembre 1999 alors que le débiteur s'est engagé à hauteur de 350.000 francs n'est pas probant. En effet, dans la rubrique 4 du contrat, il est précisé que si la caution est une personne physique pour garantir des crédits professionnels, elle doit indiquer en mention manuscrite le montant de la somme soit le montant du prêt plus 30 % en chiffres et en lettres soit 350 000 francs + 105 000 francs soit 455 000 francs.

La mention « bon pour nantissement » est tout aussi peu convaincante.

Le fait que Mme Y. se soit engagée en qualité de caution par amour pour le débiteur principal ne peut être considéré comme une cause de nullité de ces engagements même si cet amour a été déçu.

De même, Mme Y. est, certes, aide-soignante et probablement peu rompue au monde des affaires. Néanmoins, comprendre et signer un acte de caution ne représentent pas de difficultés particulières nécessitant une formation commerciale et juridique poussée.

Aucun élément du dossier ne prouve une absence de consentement éclairé de la part de Mme Y. lors de l'acceptation de ses engagements en qualité de caution.

Concernant les deux ouvertures de crédit à court terme des 10 octobre 2000 et 28 août 2000, Mme Y. précise qu'elle n'a pas été apte à lire l'article 16 A g des conditions générales des contrats. Cette affirmation n'est corroborée par aucun document objectif émanant, par exemple, d'un ophtalmologue.

Mme X. veuve Y. est déboutée de sa demande en nullité des actes de cautionnement.

 

- Sur le défaut d'inscription de nantissement.

Mme Y. argue du fait que le Crédit Agricole n'a pas pris une inscription de nantissement pour le prêt du 29 septembre 1999.

Il est possible de reprocher à une banque le défaut d'inscription, voire l'inscription tardive, si cette absence ou ce retard ont eu pour effet de priver la sûreté du rang qui eût été le sien.

Dans le cas présent, le Crédit Agricole a fait procéder à une inscription de nantissement pour le contrat du 2 octobre 2000. La lecture des pièces, et notamment le courrier du mandataire liquidateur précisant que le produit de la réalisation des actifs était absorbé par les créances super privilégiées de salaires, prouve que le défaut d'inscription de nantissement pour le prêt du 29 [minute page 6] septembre 1999 n'a généré aucun préjudice pour la caution.

Mme X. veuve Y. est déboutée de ce chef de demande.

 

- Sur les intérêts échus et de retard.

Mme Y. allègue l'absence d'information annuelle de la part de la banque.

La preuve de cette information annuelle résulte de la production des procès-verbaux d'Huissier de Justice (pour les années 2000 à 2007) auxquels sont annexées des copies des courriers expédiés.

Ce moyen ne peut ainsi prospérer.

Contrairement aux affirmations de Mme Y., le Crédit Agricole justifie d'un décompte (versé au dossier) permettant de localiser le premier incident de paiement pour le prêt d'un montant initial de 53.357 €.

Ce moyen est donc inopérant.

Mme X. veuve Y. invoque les dispositions de l'article 47 de la Loi du 11 février 1994.

Ce texte n'est applicable que pour les actes de cautionnement à durée indéterminée. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

L'affirmation du caractère indéterminable du taux d'intérêt est démentie par la lecture des contrats. Les références de Mme Y. aux avis de la Commission des Clauses Abusives sont inopérantes, ces avis n'étant pas applicables dans le cas d'espèce, les contrats de prêt ayant un lien direct avec l'activité professionnelle du débiteur principal.

Ce moyen ne peut être retenu.

 

- Sur l'étendue du cautionnement.

Mme Y. affirme que le cautionnement du 29 septembre 1999 doit être réduit à la mesure de l'obligation principale conformément à l'article 2290 du Code Civil, et que les cautionnements des deux ouvertures de crédit ne sauraient être étendues au-delà du plafond contractuel soit 4.573 € pour l'une et 30.489 € pour l'autre.

Concernant le premier point, il a déjà été expliqué ci-avant les raisons pour lesquelles le cautionnement est de 69.364,30 € en application de [minute page 7] la rubrique 4 du contrat (page 6) qui prévoit que si la caution est une personne physique pour garantir des crédits professionnels, elle doit indiquer le somme du montant du prêt augmenté de 30 %.

Ce point n'est pas pertinent.

L'acte de caution du 19 octobre 2000 concernant la somme de 4.573 € prévoyait également une caution de ladite somme plus les intérêts au taux variable (à l'époque de 10,177 %), plus les intérêts de retard, les frais et accessoires.

Donc, l'engagement de caution ne porte pas que sur la somme en principal.

Il en est de même pour l'acte de caution du 15 septembre 2000 qui prévoyait également les intérêts, les intérêts de retard, les frais et accessoires.

Ainsi ces cautionnements ne sont pas étendus au-delà des limites dans lesquelles ils ont été contractés

Ces points ne sont donc pas retenus.

 

- Sur le devoir de mise en garde.

Mme X. veuve Y. reproche au Crédit Agricole une absence de mise en garde.

Non seulement elle ne démontre pas en quoi les financements octroyés à M. Z., son ami, présentaient un caractère excessif mais encore elle fait état d'une défaillance au principe de proportionnalité sans apporter le moindre élément objectif alors que, selon son avis d'imposition 1998, elle a déclaré une somme de 125.600 francs de revenus, ainsi qu'une somme de 11.400 francs de pension, qu'elle est propriétaire indivis d'une maison et qu'elle avait un emploi stable.

En conséquence, il convient de condamner Mme X. veuve Y. à payer au Crédit Agricole les sommes suivantes :

- au titre du prêt d'un montant initial de 53.357,16 €, consenti au taux de 5,10 % l'an par acte du 29 septembre 1999 :

* 30.452,78 € au titre du capital,

* 3.117,62 € au titre des intérêts normaux,

* 7.981,84 € au titre des intérêts sur échéances en retard,

outre les intérêts conventionnels, sur ces trois sommes, à compter du 28 février 2007

* 723,80 € au titre de l'ADI,

* 58 € au titre des frais,

outre les intérêts au taux légal sur ces trois sommes à compter de l'assignation,

- au titre de l'ouverture de crédit d'un plafond de 4.573 € consenti [minute page 8] au taux de 8,40 % par acte du 19 octobre 2000 :

- 6.682,93 € au titre du solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2007

- au titre de l'ouverture de crédit d'un plafond de 30.489 € :

* 58.765,28 € au titre du solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2007.

 

- Sur les autres demandes.

Il n'est pas équitable et économiquement justifié de faire droit à la demande présentée par le Crédit agricole à l'encontre de Mme X. veuve Y. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Le Crédit agricole est donc débouté de ce chef.

Il n'y a pas non plus matière à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

La partie qui succombe doit supporter les dépens et assumer la charge de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

DÉBOUTE Mme X. veuve Y. de sa demande en nullité des actes de cautionnement ;

DÉBOUTE Mme X. veuve Y. de sa demande tendant à être déchargée de son engagement du fait de l'absence d'inscription de nantissement ;

CONDAMNE Mme X. veuve Y.  à payer au Crédit Agricole du Morbihan les sommes suivantes :

* au titre du prêt d'un montant initial de 53.357,16 € du 29 septembre 1999 :

- 30.452,78 € au titre du capital,

- 3.117,62 € au titre des intérêts normaux,

- 7.981,84 € au titre des intérêts sur échéances en retard outre les intérêts conventionnels, sur ces trois sommes, à compter du 28 février 2007,

- 723,80 € au titre de l'ADI,

- 58 € au titre des frais,

outre les intérêts au taux légal sur ces trois sommes à compter de l'assignation,

* [minute page 9] au titre de l'ouverture de crédit d'un plafond de 4.573 € du 19 octobre 2000 :

- 6.682,93 € au titre du solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2007

* au titre de l'ouverture de crédit d'un plafond de 30.489 € :

- 58.765,28 € au titre du solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2007 ;

DÉBOUTE le Crédit Agricole du Morbihan de sa demande dirigée contre Mme X. veuve Y. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à exécution provisoire du présent jugement ;

CONDAMNE Mme X. veuve Y. aux dépens;

REJETTE toute autre demande des parties plus ample ou contraire.

En foi de quoi, la présente décision a été signée par le président et le greffier

LE GREFFIER                                             LE PRÉSIDENT