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CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 18 avril 2012

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 18 avril 2012
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. B
Demande : 09/04851
Décision : 306/2012
Date : 18/04/2012
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/10/2009
Numéro de la décision : 306
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3861

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 18 avril 2012 : RG n° 09/04851 ; arrêt n° 306/2012 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « S'agissant de la recevabilité de cette action, il résulte de l'évolution tant de la lettre que de l'esprit de l'article L. 442-6 du Code de commerce issu de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de ses modifications ultérieures par la loi dite NRE du 15 mai 2001 que l'objectif de libéralisation des marchés et des prix avait pour contrepartie le contrôle du comportement des entreprises et la sanction des atteintes à la libre concurrence (dont le Ministre de l'Economie et son administration au travers des enquêteurs de la DGCCRF constituent le rouage essentiel), que l'intervention des autorités publiques s'inscrit dans la double nécessité de rétablir l'ordre public économique troublé, par la cessation des effets de pratiques illicites, et de poursuivre ces agissements pour obtenir la réparation du préjudice occasionné à la collectivité nationale au travers de l'ensemble des consommateurs et des agents économiques victimes de ces pratiques faussant le marché de la distribution.

En conséquence, l'action exercée par le Ministre chargé de l'Economie en application de ce texte est bien, non une action de substitution, mais une action principale autonome visant à la défense de l'ordre public économique et non à la restauration des droits patrimoniaux et n'a donc nul besoin, avant d'être introduite, d'obtenir l'avis ou l'accord des agents économiques privés concernés.

Enfin, le prononcé d'une amende civile prévu par l'article L. 442-6 modifié par la loi NRE, qui n'est pas l'accessoire des sanctions des agissements entre opérateurs économiques notamment en matière de rupture brutale même partielle d'une relation commerciale établie, est le type même de la sanction que seules peuvent réclamer les autorités publiques dans l'exercice de leur action autonome destinée à sanctionner le trouble à l'ordre public économique ainsi causé (CA Colmar, 12 juin 2008, SNC LIDL/Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).

Enfin, dès lors que le Ministre avait déposé devant les premiers juges des conclusions tendant notamment au prononcé d'une amende civile au soutien de l'exercice de l'action prévue à l'article L. 442-6-III du Code de commerce, il se déduit que sa présence dans le débat ne revêtait pas le caractère d'une simple intervention (Cass. com. 7 juillet 2004).

Dès lors, l'action du Ministre est recevable. »

2/ « Au vu des circonstances ayant entouré la rupture de la relation commerciale établie entre la SNC LIDL et la société COLONA et constitutive d'un trouble à l'ordre public économique, et afin de garantir les conditions d'une concurrence normale entre les partenaires économiques, la SNC LIDL en l'espèce étant le premier maxidiscounteur français exploitant 1293 magasins en France et employant 12.456 salariés ETP et réalisant un chiffre d'affaires de 4,7 milliards d'euros en 2006 alors que la société COLONA n'emploie que 36 personnes et a réalisé un chiffre d'affaires de 13,8 millions d'euros en 2005, l'amende civile doit avoir un effet dissuasif pour enrayer toute velléité de la société SNC LIDL de recommencer ou de poursuivre de telles pratiques à l'égard d'autres fournisseurs et, en conséquence, sera portée à un montant de 200.000 euros. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 18 AVRIL 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 B 09/04851. Arrêt n° 306/2012. Décision déférée à la Cour : 28 septembre 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG

 

APPELANTE - INTIMÉE INCIDENTE :

SNC LIDL

représentée par Maître Anne CROVISIER, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître HOUSSAIN, avocat à STRASBOURG, INTIMÉE - APPELANTE INCIDENTE :

Société COLONA

représentée par Maître Antoine SCHNEIDER, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître JONVEL, avocat à PARIS

 

INTIMÉ :

Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie,

représenté par le Directeur de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Alsace (DIRECCTE), comparaissant à l'audience en la personne de Monsieur B.

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, entendu en son rapport, Mme MAZARIN-GEORGIN, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société COLONA approvisionnait la société LIDL en sauces en pots conditionnées en quadrettes (lot de quatre sauces de type béarnaise, tartare, bourguignonne et aïoli) vendues à cette dernière sous la marque VITA D'OR qui est une marque de distributeur appartenant au maxidiscounteur LIDL.

Les relations commerciales entre les deux sociétés ont débuté au mois de décembre 1998 et se sont poursuivies jusqu'en décembre 2005, époque des dernières livraisons de produits fabriqués par la société COLONA, la société LIDL ayant diminué ses commandes en novembre 2005 pour totalement les cesser en décembre 2005.

Les relations entre les parties reposaient sur des documents écrits et signés, intitulés « conditions d'achat » et datés respectivement des :

- 20 juin 2001, imposant l'approvisionnement par la société COLONA de la SNC LIDL en quadrettes VITA D'OR présentées dans des pots en verre avec étiquette décorée selon les souhaits de l'acheteur et avec un couvercle rouge imprimé VITA D'OR pour un prix de 0,9833 euros HT, ce document prévoyant explicitement que, faute de résiliation avant le 31 décembre 2001 par lettre recommandée avec accusé de réception émanant du fournisseur, le contrat était tacitement reconduit pour 12 mois à compter du 30 juin 2003 et à nouveau à compter de cette date faute de résiliation

- le 24 septembre 2003, rédigé en langue allemande prévoyant exactement les mêmes dispositions, si ce n'est que le prix de la quadrette était réduit à 0,983 euros HT et le contrat étant toujours prévu comme devant se reconduire tous les 12 mois à compter du 30 juin 2004 et pour la première fois jusqu'au 30 juin 2005, sauf de résiliation par la société COLONA avant le 31 décembre 2003 pour la première période par lettre recommandée avec accusé de réception (paragraphe intitulé KÜNDIGUNG).

Des échanges verbaux et écrits avaient effectivement eu lieu au cours de l'été 2005, la société COLONA craignant d'être déréférencée, de sorte que de nouvelles « conditions d'achat » étaient établies le 29 septembre 2005, la société COLONA contestant les avoir reçues, dans lesquelles les quadrettes VITA D'OR devenaient un article saisonnier (en allemand « saisonartikel »).

Par lettre recommandée de son conseil en date du 8 février 2006, la société COLONA sollicitait de la SNC LIDL un montant de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts suite à la brusque cessation des commandes, menaçant de saisir la juridiction compétente.

A la suite de ce courrier, M. X., directeur des achats de LIDL FRANCE, donnait instruction aux 17 entrepôts de la société, à compter du 22 mars 2006, d'envoyer des commandes identiques à la société COLONA de cinq palettes contenant 108 colis composés de 14 quadrettes de sauces, soit pour chaque entrepôt 7.560 quadrettes de sauces ou un total pour les 17 entrepôts de 128.520 quadrettes, la livraison devant intervenir au plus tard à la fin du mois de mars et cette commande s'inscrivant, selon la société LIDL, dans le cadre des conditions générales d'achat du 29 septembre 2005 et plus particulièrement du caractère saisonnier de ce produit.

La société COLONA ne devait pas honorer cette commande, s'expliquant sur l'impossibilité pour elle de faire exécuter cette commande par courrier du 24 mars 2006.

C'est dans ces conditions que la société COLONA saisissait le 18 mai 2006 le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG d'une demande dirigée contre la SNC LIDL tendant à voir dire que cette dernière avait brutalement cessé d'exécuter le contrat conclu qui arrivait à terme le 30 juin 2007, subsidiairement à voir dire qu'il y avait eu brusque rupture des relations commerciales établies sans respect d'un préavis de neuf mois et à la condamnation de cette dernière à lui payer, en réparation du préjudice subi :

- 250.000 euros de dommages et intérêts en raison de la méconnaissance du terme contractuel ou subsidiairement en l'absence de préavis conforme à la loi,

- 50.000 euros en réparation du préjudice lié aux emballages perdus,

- 82.716,48 euros en réparation du coût des bocaux vides,

- 2.181,74 euros en réparation du coût des prémix perdus,

outre les dépens et 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle saisissait en même temps la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes d'Alsace qui, après avoir procédé à une enquête contradictoire, intervenait volontairement à la procédure, sollicitant pour l'essentiel le prononcé d'une amende civile de 300.000 euros afin de sanctionner la pratique de rupture brutale d'une relation commerciale établie et qui avait généré un trouble à l'ordre public économique, outre les dépens et 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, la SNC LIDL s'opposait à la demande et, sur demande reconventionnelle, sollicitait la condamnation de la société COLONA à lui réparer le préjudice subi du fait de la rupture imputable à cette dernière.

Par jugement du 28 septembre 2009, la juridiction saisie, considérant que :

- les parties étaient en réalité liées par un contrat d'approvisionnement, la société COLONA s'engageant à livrer, c'est-à-dire à produire et à fournir à la SNC LIDL des produits correspondant à l'intégralité des besoins de l'acheteur et sans aucune restriction, la société LIDL, en cas de non respect des quantités commandées ou de la qualité et de la présentation convenues se réservant le droit de s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur et l'éventuel surcoût devant être pris en charge par le fournisseur défaillant

- à juste titre la SNC LIDL soutenait que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée, le contrat initial ayant été reconduit à de multiples reprises pour une période annuelle et, en dernier lieu, jusqu'au 30 juin 2005, si bien que cette dernière pouvait résilier pour l'avenir un tel contrat à condition de respecter un délai de préavis et de prévenance conforme aux usages du commerce

- la société COLONA n'a jamais accepté ou signé les nouvelles conditions d'achat datées du 29 septembre 2005 qui lui auraient imposé d'attendre la commande saisonnière pour des quantités ignorées à produire dans un délai record, toutes affaires cessantes, après arrêt de la production des quadrettes VITA D'OR pendant de nombreux mois en automne et en hiver ainsi qu'une bonne partie de l'été.

- la société LIDL ayant continué à commander les sauces VITA D'OR jusqu'à fin novembre 2005, la rupture sans préavis et non notifiée par écrit avait eu lieu en décembre 2005 alors qu'un préavis de six mois doublé à douze mois aurait dû être respecté, s'agissant d'un produit fabriqué et vendu ensuite par la société LIDL sous sa marque de distributeur

- les commandes du mois de mars 2006 ne constituaient qu'une manœuvre imputable à la société LIDL pour tenter d'éviter une condamnation par un Tribunal alors que sa responsabilité était indéniablement engagée sur le fondement de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce.

- l'évaluation du préjudice subi par la société COLONA apparaissait difficile à apprécier et, en fonction de la marge brute, pouvait être fixée à 160.000 euros, auxquels il convenait d'ajouter 50.000 euros au titre du coût des emballages perdus, 8.200 euros au titre du coût des bocaux vides non réutilisés et 2.181,64 euros en réparation du coût des prémix perdus, le chef de demande concernant les frais de développement des packagings et sauces étant à écarter dès lors que ces derniers avaient été répercutés dans le prix de vente des sauces produites et donc amortis pendant les huit années de relations commerciales

- l'intervention du Ministre de l'Economie était expressément prévue par l'article L. 442-6-III du Code de commerce et il était fondé à solliciter le prononcé d'une amende civile sur le fondement de l'alinéa 2 de cet article

- les agissements de la société LIDL avaient troublé l'ordre public économique en ce sens que cette dernière avait effectivement entendu, de manière unilatérale, mettre un terme à des relations commerciales établies sans permettre à son partenaire de disposer du temps nécessaire pour se réorganiser sans préjudice

- la demande reconventionnelle de la SNC LIDL en paiement de 122.011,80 euros de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat liant les parties était à rejeter, la SNC LIDL étant à l'origine de la rupture fautive des relations contractuelles

a statué comme suit :

« CONDAMNE la SNC LIDL à payer à la société de droit belge COLONA une somme de 220.381,74 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

DÉCLARE recevable l'intervention du Ministre de l'Economie agissant sur le fondement de l'article L. 442-6-III du Code de commerce,

CONDAMNE la SNC LIDL à une amende civile de 100.000 euros,

DÉBOUTE la SNC LIDL de tous les chefs de sa demande reconventionnelle,

CONDAMNE la SNC LIDL à payer à la société COLONA une somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du Ministre de l'Economie,

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,

CONDAMNE la SNC LIDL aux entiers dépens de l'instance,

DÉBOUTE la société COLONA de ses plus amples prétentions. »

 

A l'encontre de cette décision, la SNC LIDL a interjeté appel par déclaration déposée le 12 octobre 2009 au Greffe de la Cour.

Se référant à ses derniers écrits du 7 mars 2011, elle demande à la Cour de :

« Vu les articles L. 442-6, I, 5° et L. 470-5 du Code de commerce

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG, Chambre Commerciale, le 28 septembre 2009 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

I. Sur la demande principale de la société COLONA

DIRE ET JUGER la société COLONA mal fondée à invoquer les dispositions soi-disant contractuelles avec la société LIDL.

DIRE ET JUGER la société COLONA mal fondée à se prévaloir d'une rupture brutale des relations commerciales suivies.

En conséquence :

La DÉBOUTER de ses fins et conclusions.

2. Sur la demande de Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

DIRE ET JUGER Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie irrecevable à agir au visa de l'article 470-5 du Code de commerce.

En tout état de cause :

LE DIRE mal fondé à revendiquer, à l'égard de la société LIDL, une infraction aux dispositions de l'article L. 442-6, alinéa 5, du Code de commerce.

CONDAMNER Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie à une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

LE CONDAMNER aux dépens.

3. Sur la demande reconventionnelle de la société LIDL

CONSTATER le refus de la société COLONA d'avoir à exécuter la commande du 22 mars 2006.

CONSTATER l'inexécution de la commande passée par la société LIDL à la société COLONA en date du 22 mars 2006.

Par conséquent :

CONDAMNER la société COLONA à payer à la société LIDL le préjudice de marge subi du fait de l'inexécution de ses obligations contractuelles et LA CONDAMNER à une somme de 122.011,80 euros avec intérêts de retard à compter du jour de la décision à intervenir.

4. Sur les dépens et l'article 700

CONDAMNER la société COLONA et Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie aux frais et dépens de première instance, d'appel principal et de leurs appels incidents respectifs.

CONDAMNER la société COLONA au paiement d'une somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER le Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie à une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.'

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- les parties ne sont liées que par des conditions d'achat à durée indéterminée et non par un contrat d'approvisionnement, ainsi que cela résulte des conditions d'achat du 29 septembre 2005 ou à tout le moins de celles du 24 septembre 2003 si bien que, faute de résiliation avant le 31 décembre 2003 l'accord entre les parties s'est renouvelé au 31 décembre 2004 pour une durée indéterminée.

- elle n'a pas rompu, et encore moins de manière brutale, ses relations commerciales avec la société COLONA, la société COLONA ayant à la date du 1er septembre 2005 livré l'ensemble des stocks de produits finis et devant se rapprocher de l'Allemagne pour la validation et création d'un nouveau contrat basé sur un volume pour l'année 2006, enfin la diminution des commandes et de leur périodicité ne pouvant justifier un recours sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

- les conditions d'achat du 29 septembre 2005 avaient été portées à la connaissance de la société COLONA qui les a appliquées.

- la commande du 22 mars 2006 atteste de la volonté de la société LIDL de continuer ses relations commerciales avec la société COLONA et s'inscrit dans le cadre des conditions d'achat et du caractère saisonnier du produit, le premier juge ne s'étant expliqué ni sur le caractère frauduleux de cette commande ni sur son caractère atypique.

- en toute hypothèse, la société COLONA ne rapporte pas la preuve du caractère brutal de la rupture.

- la société COLONA ayant été avertie dès le mois de juin 2005 d'une volonté de la société LIDL de ne pas poursuivre les relations commerciales aux conditions antérieures, c'est à cette date que court le préavis.

- la durée de ce dernier ne peut en tout état de cause être supérieure à une durée de trois mois doublée s'agissant d'une marque de distributeur donc de six mois.

- s'agissant du préjudice, l'intimée, à défaut de produire son bilan de l'exercice 2005, n'a subi aucun préjudice du fait de l'absence de flux d'achat constatée avec la société LIDL au titre de l'année 2006 et n'apporte aucun élément probant quant à ses difficultés commerciales et industrielles. En outre, si les montants devaient être retenus, il y aurait lieu de les diminuer de l'impôt sur les bénéfices.

- s'agissant du stock d'emballage, celui-ci est forcément inclus dans la perte de marge et ne constitue pas un préjudice, s'agissant d'une marchandise récupérable.

- s'agissant des bocaux vides et des mélanges d'arômes, ceux-ci n'ouvrent pas droit à indemnisation dès lors qu'ils étaient réutilisables.

- s'agissant des frais de développement, les coûts de développement s'amortissent sur une durée qui ne peut excéder cinq ans si bien qu'en l'espèce, depuis 1998, ils ont été totalement amortis par la société COLONA.

- concernant la recevabilité de l'intervention du Ministre de l'Economie, l'article L. 470-5 du Code de commerce ne lui confère pas le droit de réclamer une somme au titre d'une amende civile.

- l'action du Ministre est doublement irrecevable au titre de l'article L. 470-5 du Code de commerce dès lors que le litige n'entre pas dans le cadre de ceux qui sont de nature à peser sur la libre concurrence et le respect de l'ordre public et économique, que cette situation n'a créé aucun désordre pour la société COLONA, que l'effet nuisible sur le marché n'est pas démontré.

- malgré la dépénalisation des pratiques anti-concurrentielles, si l'on applique les principes du droit pénal il apparaît clairement que l'amende civile que pourrait réclamer l'administration devrait être au niveau du montant que représenterait la difficulté de la perte du client LIDL dans le cas où sa responsabilité serait retenue. En l'espèce, le montant de l'amende civile devra être purement symbolique.

- la société COLONA étant à l'initiative d'une rupture extrêmement grave, refusant de livrer la société LIDL pour toute la saison printemps-été, d'où une perte de chiffre d'affaires total hors taxes de 364.720 euros, si l'on tient compte de la marge entre le prix de vente et le prix d'achat, le préjudice réellement subi par la société LIDL s'élève à 122.011,80 euros.

 

Se référant à ses derniers écrits du 3 février 2011, la société de droit belge COLONA conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat d'approvisionnement, la rupture de celui-ci au mois de décembre 2005 à l'initiative de la SNC LIDL sans préavis, la condamnation de cette dernière à lui verser 50.000 euros en réparation des emballages perdus, 8.200 euros en réparation du coût des bocaux vides et 2.181,74 euros en réparation du coût des prémix perdus, 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et en ce qu'il a débouté la société LIDL de sa demande reconventionnelle, mais à l'infirmation du jugement pour le surplus, à voir dire que le contrat d'approvisionnement liant les deux sociétés ne pouvait être résilié avant le 30 juin 2007, subsidiairement à voir dire et juger que la société LIDL a sans préavis écrit brutalement rompu les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société COLONA depuis 1998 et que, compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies entre les parties le préavis ne pouvait être inférieur à neuf mois et doublé s'agissant de produits vendus sous la marque du distributeur, et à la condamnation de la société LIDL à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la méconnaissance du terme contractuel ou subsidiairement de l'absence de préavis conforme à la loi et 10.000 euros en réparation des frais de développement des packagings et des sauces, à voir statuer ce que de droit sur la demande en condamnation de la société LIDL à une amende civile formée par le Ministre de l'Economie et des Finances, à voir ordonner l'exécution provisoire et sans caution du 'jugement' (sic) à intervenir, enfin à la condamnation de la société LIDL au paiement, outre les dépens des deux instances, d'un montant de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel, en soutenant en substance que :

- le contrat intitulé « conditions d'achat » signé entre les parties est en réalité un contrat d'approvisionnement comme le montre l'examen des deux contrats signés en 2001 et en 2003, et, contrairement à des conditions d'achat, ce contrat est expressément stipulé à durée déterminée puisque automatiquement reconduit, à défaut de résiliation au 31 décembre, pour une nouvelle durée de douze mois à compter du 30 juin suivant. Il ne peut être rompu à tout moment.

- en l'absence de notification du non-renouvellement avant le 31 décembre 2005, le contrat a été reconduit le 30 juin 2006 jusqu'au 30 juin 2007.

- elle doit donc être justement indemnisée du préjudice résultant pour elle de la rupture anticipée du contrat intervenu avec l'arrêt brutal et total de toute commande à la fin du mois de novembre 2005.

- les conditions d'achats du 29 septembre 2005 n'ayant jamais été acceptées ni signées par elle, la commande subite et orchestrée du 22 mars 2006 était une mascarade tendant à lui imputer la rupture.

- subsidiairement, la rupture est intervenue sans préavis aux torts de la société LIDL, le préavis, compte tenu de la durée de la relation commerciale, devant être retenue à hauteur de neuf mois à doubler puisque portant sur des produits sous marque de distributeur.

- l'absence d'écrit caractérise en soi la brutalité de la rupture au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce. S'agissant de son préjudice, il comprend en premier lieu l'indemnisation du stock d'emballages démontrée par les factures produites et qu'il convient d'arrondir à 50.000 euros pour tenir compte des frais de stockage, de conservation et de destruction, auxquels il convient d'ajouter le coût des bocaux vides ramené, de ce chef, à une somme forfaitaire de 8.200 euros, et les prémix perdus représentant un coût d'achat de 2.181,74 euros.

- les frais de développement correspondant aux investissements réalisés par l'intimée pour les besoins de l'approvisionnement de l'appelante sont désormais perdus et peuvent être estimés à 10.000 euros, qu'il n'y a aucune raison de les laisser à la charge de la société COLONA.

- s'agissant du chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser jusqu'au terme du contrat ou du préavis, il y a lieu de retenir une moyenne de chiffre d'affaires annuel d'environ 800.000 euros, soit 1.200.000 euros de chiffre d'affaires perdu, la société LIDL étant en 2002 et en 2004 son deuxième plus important client. En outre, le principe de la réparation intégrale exige de tenir compte des difficultés commerciales et industrielles qu'a connues l'intimée suite à la rupture brutale de ces achats. Subsidiairement, le taux de marge brute réel de l'intimée était de 26 % pour l'exercice 2004.

- la rupture étant imputable à la société LIDL, la demande reconventionnelle de celle-ci ne peut prospérer.

- s'agissant des conclusions du Ministre de l'Economie, son enquête démontre le caractère particulièrement anormal de la commande de la fin du mois de mars 2006, mais ne retient qu'une durée de préavis excessivement brève de six mois.

- le quantum de la demande présentée par le Ministre au titre de l'amende civile confirme bien la réalité du préjudice subi par l'intimée qu'il serait paradoxal d'indemniser de façon moindre que le trouble à l'ordre public économique.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :

Tant l'appel principal que l'appel incident interjetés dans des conditions de forme et de délai dont la validité n'est pas contestée sont recevables.

 

I) Sur l'action du Ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Emploi :

La régularité de l'action introduite par le Ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Emploi ainsi que de la représentation de ce dernier devant la Cour n'est pas discutée.

S'agissant de la recevabilité de cette action, il résulte de l'évolution tant de la lettre que de l'esprit de l'article L. 442-6 du Code de commerce issu de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de ses modifications ultérieures par la loi dite NRE du 15 mai 2001 que l'objectif de libéralisation des marchés et des prix avait pour contrepartie le contrôle du comportement des entreprises et la sanction des atteintes à la libre concurrence (dont le Ministre de l'Economie et son administration au travers des enquêteurs de la DGCCRF constituent le rouage essentiel), que l'intervention des autorités publiques s'inscrit dans la double nécessité de rétablir l'ordre public économique troublé, par la cessation des effets de pratiques illicites, et de poursuivre ces agissements pour obtenir la réparation du préjudice occasionné à la collectivité nationale au travers de l'ensemble des consommateurs et des agents économiques victimes de ces pratiques faussant le marché de la distribution.

En conséquence, l'action exercée par le Ministre chargé de l'Economie en application de ce texte est bien, non une action de substitution, mais une action principale autonome visant à la défense de l'ordre public économique et non à la restauration des droits patrimoniaux et n'a donc nul besoin, avant d'être introduite, d'obtenir l'avis ou l'accord des agents économiques privés concernés.

Enfin, le prononcé d'une amende civile prévu par l'article L. 442-6 modifié par la loi NRE, qui n'est pas l'accessoire des sanctions des agissements entre opérateurs économiques notamment en matière de rupture brutale même partielle d'une relation commerciale établie, est le type même de la sanction que seules peuvent réclamer les autorités publiques dans l'exercice de leur action autonome destinée à sanctionner le trouble à l'ordre public économique ainsi causé (CA Colmar, 12 juin 2008, SNC LIDL/Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).

Enfin, dès lors que le Ministre avait déposé devant les premiers juges des conclusions tendant notamment au prononcé d'une amende civile au soutien de l'exercice de l'action prévue à l'article L. 442-6-III du Code de commerce, il se déduit que sa présence dans le débat ne revêtait pas le caractère d'une simple intervention (Cass. com. 7 juillet 2004).

Dès lors, l'action du Ministre est recevable.

 

II) Sur les relations contractuelles liant les parties :

A juste titre, et par des motifs que la Cour adopte, les premiers juges ont analysé les dispositions du contrat appelé « conditions d'achat » en date des 20 juin 2001 et 24 septembre 2003 pour constater qu'il s'agissait en réalité d'un véritable contrat d'approvisionnement.

De même, s'il est exact que des contacts ont eu lieu entre les parties en juillet 2005, et que, selon les déclarations de M. X., directeur d'achat chez LIDL, cette société a pris unilatéralement, au cours du printemps 2005, la décision de redéfinir la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société COLONA depuis 1998 et que rien ne permet d'établir avec certitude que les conditions d'achat du 29 septembre 2005 qui contenaient la mention « saisonartikel » aient été portées à la connaissance de la société COLONA dès lors que la société LIDL reconnaît, par l'intermédiaire des déclarations de M. X. devant les enquêteurs de la DRCCRF d'Alsace le 29 novembre 2006 que, bien que les nouvelles conditions d'achat précisant le caractère saisonnier des achats de quadrettes en sauces étaient applicables à partir du 24 octobre 2005, les commandes passées par les entrepôts de la SNC LIDL se sont toutefois poursuivies jusqu'au 1er décembre 2005, date à partir de laquelle la société LIDL a appliqué ces nouvelles conditions d'achat, l'enquête de la DRCCRF d'Alsace a permis d'établir qu'à aucun moment la SNC LIDL n'avait pris réellement le soin de définir le nouveau périmètre de cette relation commerciale saisonnière avec la société COLONA, aucune rencontre n'ayant eu lieu entre les sociétés LIDL et COLONA afin de redéfinir les modalités de leurs relations commerciales comme l'a confirmé M. X. aux enquêteurs, précisant n'avoir pas rencontré au cours du deuxième semestre 2005 les responsables de la société COLONA afin de redéfinir les modalités de la relation commerciale entre les SNC LIDL et la société COLONA.

Dans ces conditions, et alors que la société COLONA a toujours soutenu n'avoir pas été au courant de ces nouvelles conditions d'achat du 29 septembre 2005, il faut en déduire qu'a continué à s'appliquer entre les parties le contrat d'approvisionnement du 24 septembre 2003.

En revanche, et contrairement à l'opinion des premiers juges, il s'agit là d'un contrat à durée déterminée dès lors qu'il prévoyait, au vu des conditions générales d'achat, sa reconduction automatique à défaut de résiliation au 31 décembre, pour une nouvelle durée de douze mois à compter du 30 juin suivant. Il ne s'agit pas là d'un contrat à durée indéterminée puisque le terme était fixé, en cas de reconduction, dans le contrat.

Dans ces conditions, et à défaut de résiliation avant le 31 décembre 2005, le contrat s'est automatiquement renouvelé pour une durée d'un an à compter du 30 juin 2006, soit jusqu'au 30 juin 2007.

 

III) Sur la fin des relations contractuelles :

Il est établi et reconnu que le courant des affaires entre la SNC LIDL et la société COLONA a cessé définitivement au mois de décembre 2005, soit après sept années de relations commerciales continues.

D'autre part, il résulte des pièces et de l'enquête de la DRCCRF d'Alsace que la commande passée à la fin du mois de mars 2006 à la société COLONA apparaît particulièrement anormale dès lors que le volume de cette commande était disproportionné au regard des volumes moindres passés au mois de mars pendant la période 1998-2005 et plus généralement au regard des achats mensuels pendant cette période, seuls ceux du mois de mai 2003 présentant un volume supérieur, étant précisé qu'ils étaient exceptionnellement élevés compte tenu du contexte météorologique particulier de l'année 2003 en France.

D'autre part, cette commande du mois de mars 2006 apparaît atypique dès lors qu'elle a été passée au même moment par les 17 entrepôts de la SNC LIDL à la demande de M. X., selon les déclarations de ce dernier, c'est-à-dire selon le tableau figurant dans les documents de la Direction de la Concurrence entre le 22 et le 28 mars 2006 et que les livraisons devaient impérativement être effectuées au plus tard le 31 mars 2006.

Ainsi par exemple on note dans le document de la Direction de la Concurrence (pièce n°7) :

- pour l'entrepôt d'Illkirch-Graffenstaden une date d'envoi de la commande au 22 mars 2006 et une date de livraison stipulée sur le bon de commande au 27 mars 2006, ou encore pour l'entrepôt de Ploumagoar les dates respectives des 23 mars 2006 et 28 mars 2006, ou encore pour l'entrepôt de Lesquin les dates respectives des 28 mars 2006 et 31 mars 2006.

Or, pour les quelques périodes au cours desquelles la SNC LIDL avait commandé plus de 100.000 unités à la société COLONA, respectivement en mai 2003, juillet 2003 et juin 2004, les commandes étaient étalées tout au cours du mois.

Enfin, la survenue de la commande du mois de mars 2006 n'avait nullement été annoncée par la SNC LIDL, celle-ci n'ayant pris aucun contact avec la société COLONA afin de l'informer qu'une commande importante interviendrait à la fin du mois de mars 2006 ainsi que cela résulte des déclarations de M. X. aux enquêteurs selon lequel « la SNC LIDL n'a adressé aucun document (courrier, télécopie, mail, etc..) à la société COLONA l'informant notamment de la date, du volume et de la date de livraison de ces commandes. De même, au cours des semaines précédant l'envoi des 17 bons de commande à la société COLONA, je n'ai eu aucun contact téléphonique avec la société COLONA. Une telle démarche aurait été superflue dans la mesure où les conditions d'achat du 29 septembre 2005 précisent que les quadrettes de sauces sont des articles saisonniers. »

Dès lors que la commande portait sur 128.520 quadrettes de sauces, la SNC LIDL ne pouvait ignorer que la société COLONA serait surprise par la survenue de cette commande importante et serait dans l'impossibilité de l'honorer dans un délai de 8 jours maximum dès lors que la chaîne de fabrication des quadrettes de sauces VITA D'OR était arrêtée depuis le mois de décembre 2005.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la rupture du contrat ne pouvait être imputable à la société COLONA et ont fait remonter au mois de décembre 2005 la rupture de la relation commerciale établie entre les deux sociétés au regard de sa durée, de la continuité des relations existant entre elles et du chiffre d'affaires important et constant ainsi qu'il résulte de l'enquête de la DRCCRF d'Alsace.

En toute hypothèse, même à supposer que les parties aient été liées par un contrat à durée indéterminée comme l'ont retenu à tort les premiers juges, le défaut de préavis écrit de la part de la société LIDL permettait d'établir le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale, la durée de ce préavis devant, au vu de la durée de la relation commerciale établie entre les deux parties, être fixée à une durée de neuf mois, soit en présence d'un produit commercialisé sous la marque du distributeur LIDL, un préavis doublé à 18 mois.

 

IV) Sur le préjudice :

La société LIDL doit indemniser son fournisseur pour une période allant jusqu'au 30 juin 2007.

Les premiers juges se fondent, au vu des éléments produits, sur un calcul qui n'est pas vraiment infirmé par les pièces produites à hauteur de Cour. Ils en ont déduit que la marge perdue par la société COLONA ne devait pas être inférieure à 20 %, ce qui correspondait, pour un chiffre d'affaires annuel de 800.000 euros, à un montant de 800.000 x 20 % = 160.000 euros, soit pour 18 mois jusqu'au 30 juin 2007 à un montant de 240.000 euros.

En outre, ils ont à juste titre relevé que les frais de développement des packagings et sauces avaient été répercutés dans le prix de vente des sauces produites et avaient donc été amortis pendant les huit années de relations commerciales, rejetant ainsi la demande, reprise en appel, d'un montant de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En revanche, l'appelante a raison de conclure à l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts au titre des emballages perdus, du coût des bocaux vides et du coût des prémix perdus dès lors que ces coûts sont en réalité compris dans le prix de vente.

Dès lors, la société COLONA ne peut rien revendiquer au titre de ces postes de préjudice mis en compte et le jugement sera infirmé sur ce point.

En conséquence, il y a lieu de fixer au montant de 240.000 euros les dommages et intérêts dus par la SNC LIDL.

 

V) Sur l'appel incident de la société LIDL :

Aucune faute n'étant imputable à la société COLONA dans la rupture des relations commerciales, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande reconventionnelle de la société LIDL dont l'appel incident sera rejeté par la Cour.

 

VI) Sur l'amende civile :

Au vu des circonstances ayant entouré la rupture de la relation commerciale établie entre la SNC LIDL et la société COLONA et constitutive d'un trouble à l'ordre public économique, et afin de garantir les conditions d'une concurrence normale entre les partenaires économiques, la SNC LIDL en l'espèce étant le premier maxidiscounteur français exploitant 1293 magasins en France et employant 12.456 salariés ETP et réalisant un chiffre d'affaires de 4,7 milliards d'euros en 2006 alors que la société COLONA n'emploie que 36 personnes et a réalisé un chiffre d'affaires de 13,8 millions d'euros en 2005, l'amende civile doit avoir un effet dissuasif pour enrayer toute velléité de la société SNC LIDL de recommencer ou de poursuivre de telles pratiques à l'égard d'autres fournisseurs et, en conséquence, sera portée à un montant de 200.000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

 

VII) Pour le surplus :

L'appelante succombant pour l'essentiel supportera les dépens d'appel et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne saurait prospérer.

En outre, l'équité commande de la faire participer à concurrence de 8.000 euros aux frais irrépétibles d'appel qu'ont dû exposer les deux intimés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE tant l'appel principal que l'appel incident réguliers et recevables en la forme

Au fond, DIT l'un et l'autre partiellement fondé

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception du montant de 220.381,74 euros au titre des dommages et intérêts alloués à la société COLONA et à l'amende civile de 100.000 euros, et statuant à nouveau dans cette seule limite :

- CONDAMNE la SNC LIDL à payer à la société de droit belge COLONA la somme de 240.000 euros (deux cent quarante mille euros) de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à titre de dommages et intérêts complémentaires

- DÉBOUTE la société COLONA du surplus de ses demandes

- CONDAMNE la SNC LIDL à une amende civile de 200.000 euros

(deux cent mille euros)

- La CONDAMNE aux dépens d'appel

- La CONDAMNE en outre à payer 8.000 euros (huit mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société COLONA et 8.000 euros (huit mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, et ce pour l'instance d'appel

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions comme mal fondé.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT