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CASS. COM., 11 septembre 2012

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 11 septembre 2012
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 11-17458
Date : 11/09/2012
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 24 mars 2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3937

CASS. COM., 11 septembre 2012 : pourvoi n° 11-17458

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Vu les articles L. 441-3 et L. 442-6 du code de commerce ;  

Attendu que pour condamner la société Carrefour SA, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, à payer à la société X. la somme de 1.293.146,43 euros, l’arrêt après avoir relevé que la société Carrefour SA n’était pas intervenue dans les relations avec la société X. et que les contrats de coopération commerciale avaient été négociés avec la société CMI, puis signés par la Carrefour France, retient que la société Carrefour SA définissait néanmoins la politique commerciale du groupe et avait un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe ;  

Attendu qu’en se déterminant ainsi sans préciser en quoi la société Carrefour SA était intervenue dans la conclusion des contrats de coopération commerciale et avait pu engager sa responsabilité à ce titre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 11-17458.

DEMANDEUR à la cassation (pourvoi principal) : Sociétés Carrefour SA, Carrefour marchandises internationales et Carrefour France SAS venant aux droits de la société Carrefour hypermarchés France

DEMANDEUR à la cassation (pourvoi principal) et DÉFENDEUR : SAS X.

M. Espel (président), président. SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :  

Statuant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Carrefour SA, Carrefour marchandises internationales et Carrefour France SAS venant aux droits de la société Carrefour hypermarchés France, que sur le pourvoi incident relevé par la société X. et M. Y. :  

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société X., qui exerce une activité de fabrication de bijoux, entretenait des relations commerciales avec les sociétés du groupe Carrefour depuis 1990 ; qu’en février 2003, la société Carrefour marchandises internationales (la société CMI) l’a informée de son intention de mettre un terme définitif à leurs relations commerciales à l’issue d’un préavis de deux ans avec une cessation progressive de son approvisionnement conformément à un plan de désengagement défini en termes de chiffre d’affaires pour 2003 et 2004 ; que des négociations se sont alors engagées entre les parties, la société X. tentant de faire revenir les sociétés du groupe Carrefour sur la décision de rupture ; que par lettre du 24 mai 2004, la société CMI lui a fait de nouvelles propositions consistant dans la continuation partielle de leurs relations commerciales en 2005 et 2006 avec une réalisation d’un certain chiffre d’affaires en 2005 et d’un montant à déterminer ultérieurement pour 2006 ; que cette proposition a été refusée par la société X. par lettre du 1er juin 2004 ; qu’à la suite de nouvelles négociations qui n’ont pu aboutir, la société CMI, par lettre du 18 février 2005, rappelant à la société X. les termes de sa correspondance du 12 février 2003 et faisant état de dysfonctionnements intervenus pendant les mois précédents, lui a notifié l’arrêt total de leurs relations commerciales à l’issue d’un nouveau préavis de 18 mois qui devait se terminer le 17 août 2006 ; que la société X. a fait assigner la société CMI en réparation du préjudice résultant de la rupture qu’elle qualifiait de brutale ; qu’elle a également fait assigner les sociétés Carrefour SA, société Holding du groupe, et Carrefour hypermarchés France en invoquant la nullité de contrats de coopération commerciale sans contrepartie qui lui auraient été imposés et demandé la restitution des sommes indûment payées par elle à cette occasion ;  

 

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :  

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que les sociétés du groupe Carrefour font grief à l’arrêt d’avoir déclaré non prescrites les demandes de la société X. au titre de la coopération commerciale postérieure à 1995, alors, selon le moyen :  

1°/ que l’action en nullité se prescrit par 5 ans après la conclusion de l’acte lorsque la nullité est relative ; que après avoir constaté que « la nullité sur le fondement de l’article 1131 du code civil est une nullité relative », tout en appliquant un délai de prescription décennal, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1131 et 1304 du code civil ;  

2°/ que la cause n’est illicite qu’à raison de son objet ou du motif qui a déterminé les parties à contracter ; qu’en retenant que les contrats et factures produits par la société X. ne satisfaisaient pas aux prescriptions des articles L. 441-6 et L. 441-3 du code de commerce pour prononcer la nullité des contrats, sans relever que leur objet était en lui-même illicite, ni analyser la cause déterminante du consentement des parties, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1131 et 1133 du code civil ;  

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’après avoir rappelé que les sociétés du groupe Carrefour soutenaient que les demandes de la société X. au titre de la coopération commerciale étaient prescrites en application de l’article L. 110-4 du code de commerce qui, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, prévoyait une prescription de dix ans pour les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants si elles ne sont pas soumises à une prescription plus courte, c’est exactement que l’arrêt, faisant application de ce texte, a, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche et sans avoir, pour statuer sur la question de la prescription, à procéder à la recherche visée par la seconde branche, retenu que la prescription de dix ans devait s’appliquer à l’action en annulation des contrats de coopération commerciale ; que le moyen n’est pas fondé ;  

 

Sur le moyen unique du pourvoi incident :  

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société X. fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré prescrites ses demandes concernant la coopération commerciale antérieure à 1995, alors selon le moyen, que toute convention ou clause contraire à des dispositions relevant de l’ordre public économique est entachée d’une nullité absolue ; que les contrats contraires aux dispositions des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce sont donc entachés d’une nullité absolue ; qu’en affirmant, pour déclarer prescrite l’action en nullité de la société X. concernant les opérations de coopération commerciales afférentes aux années 1992, 1993 et 1994, que la nullité encourue n’était pas une nullité absolue mais une nullité relative, la cour d’appel a violé les textes susvisés ensemble les articles 1131 et 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable en l’espèce ;  

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’après avoir rappelé que les sociétés du groupe Carrefour soutenaient que les demandes de la société X. au titre de la coopération commerciale étaient prescrites en application de l’article L. 110-4 du code de commerce qui dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 prévoyait une prescription de dix ans pour les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants si elles ne sont pas soumises à une prescription plus courte, c’est exactement que l’arrêt retient que la prescription de dix ans énoncée par ce texte s’applique aux demandes fondées sur la nullité d’ordre public économique des contrats de coopération commerciale ; que le moyen n’est pas fondé ;  

 

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal réunis :  

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que ce moyen ne serait de nature à permettre l’admission du pourvoi ;  

 

Mais sur le premier moyen de ce même pourvoi, pris en sa deuxième branche :  

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;  

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour condamner la société Carrefour SA, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, à payer à la SAS X. la somme de 378.438 euros à la suite de la rupture des relations commerciales, l’arrêt, après avoir relevé que la société Carrefour SA n’était pas intervenue dans les relations avec la société X. et que le courrier de rupture des relations commerciales émane de la société CMI, retient que la société Carrefour SA définissait néanmoins la politique commerciale du groupe et avait un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe ;  

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la société Carrefour SA était intervenue dans la rupture des relations commerciale et avait pu engager sa responsabilité à ce titre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;  

 

Et sur le premier moyen de ce pourvoi, pris en sa quatrième branche :  

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles L. 441-3 et L. 442-6 du code de commerce ;  

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour condamner la société Carrefour SA, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, à payer à la société X. la somme de 1.293.146,43 euros, l’arrêt après avoir relevé que la société Carrefour SA n’était pas intervenue dans les relations avec la société X. et que les contrats de coopération commerciale avaient été négociés avec la société CMI, puis signés par la Carrefour France, retient que la société Carrefour SA définissait néanmoins la politique commerciale du groupe et avait un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe ;  

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’en se déterminant ainsi sans préciser en quoi la société Carrefour SA était intervenue dans la conclusion des contrats de coopération commerciale et avait pu engager sa responsabilité à ce titre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;  

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :  CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Carrefour SA, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, à payer à la société X. les sommes de 378.438 euros et de 1.293.146,43 euros ; l’arrêt rendu le 24 mars 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;  

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;  

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;  

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;  

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille douze.  

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Carrefour, Carrefour France et Carrefour marchandises internationales.  

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION (Sur la condamnation de la société Carrefour SA)  

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Carrefour SA, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, à payer à la SAS X. la somme de 1.293.146,43 euros en principal, outre intérêts au taux légal ensuite de la nullité des contrats de coopération commerciale conclus entre 1995 et 2004, ainsi que la somme de 378.438 euros à la suite de la rupture des relations commerciales ;  

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs qu’« il est constant que la société Carrefour SA exerce au sein du groupe Carrefour une activité de holding, tel que cela ressort de son extrait K-bis produit aux débats ; qu’elle a certes une personnalité morale distincte de la SAS Carrefour Marchandises Internationales et de la SAS Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France ; que si la société Carrefour SA n’est pas directement intervenue dans les relations avec la SAS X., en ce sens que les courriers relatifs à la rupture des relations commerciales émanent de la SAS Carrefour Marchandises Internationales et que les contrats de coopération commerciale ont été négociés par la SAS Carrefour Marchandises Internationales puis conclus entre la SAS Carrefour France et la SAS X., il n’en demeure pas moins que la holding Carrefour SA définit la politique commerciale du groupe et a un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe ; que dès lors, elle a non seulement la qualité de « défendeur sérieux » comme l’a retenu la Cour de Cassation mais est incontestablement intéressée au présent litige et à ses conséquences financières ; qu’il convient donc d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a mis hors de cause la société Carrefour SA » (arrêt, p. 7) ;  

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que sauf confusion des patrimoines ou fictivité de la société, l’autonomie de la personne juridique fait obstacle à ce qu’une personne morale ait à répondre sur son patrimoine des faits d’une autre personne morale du même groupe à ce seul motif ; qu’en condamnant néanmoins la société Carrefour SA à répondre des conséquences dommageables de faits commis par des sociétés du même groupe et à restituer des sommes dues par ces mêmes sociétés en raison de l’annulation des contrats conclus et négociés par elles seules, sans caractériser la fictivité de la société Carrefour SA ou la confusion entre son patrimoine et ceux de ces autres sociétés, la cour d’appel a privé da décision de base légale au regard des articles L. 442-6 I 1°) et 5°) du code de commerce ;  

Alors, d’autre part, qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à en réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale ; qu’après avoir expressément constaté que la société Carrefour SA « n’est pas directement intervenue dans les relations avec la SAS X., en ce sens que les courriers relatifs à la rupture des relations commerciales émanent de la SAS Carrefour Marchandises Internationales », ce dont il résultait qu’elle ne pouvait avoir engagé sa responsabilité à l’égard de la société X. au titre de la rupture de relations commerciales auxquelles elle n’avait pas participé et qu’elle n’avait donc pu rompre, la cour d’appel, qui l’a néanmoins condamnée à payer à la société X. la somme de 378.438 euros en réparation du préjudice causé par cette rupture au seuls motifs inopérants qu’elle avait la qualité de « défendeur sérieux » et « avait un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe », a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 I 5°) du code de commerce ;  

Alors, encore, que seul le fait ayant contribué, fût-ce pour partie, à la réalisation du dommage est de nature à obliger son auteur in solidum avec des coresponsables à en réparer les conséquences dommageables ; que n’ayant relevé aucun fait imputable à la société Carrefour SA ayant contribué à réaliser le dommage dont la société X. demandait la réparation, la cour d’appel ne pouvait donc la condamner à le réparer, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, le préjudice de la société X., sans violer l’article L. 442-6 I 5°) du code de commerce ;  

Alors, enfin, que seul l’accipiens d’un paiement est débiteur de la restitution corrélée au paiement effectué en exécution du contrat annulé ; qu’après avoir expressément constaté que la société Carrefour SA « n’est pas directement intervenue dans les relations avec la SAS X., en ce sens que (…) les contrats de coopération commerciale ont été négociés par la SAS Carrefour Marchandises Internationales puis conclus entre la SAS Carrefour France et la SAS X. », ce dont il résultait qu’elle ne pouvait être condamnée à restituer les sommes perçues en exécution des contrats annulés, la cour d’appel, qui l’a néanmoins condamnée à payer à la société X. la somme de 1.293.146,43 euros en principal, outre intérêts au taux légal au titre des restitutions consécutives à la nullité des contrats de coopération commerciale conclus entre 1995 et 2004 aux seuls motifs inopérants qu’elle avait la qualité de « défendeur sérieux » et « avait un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe », a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 I 1°) du code de commerce et 6 du code civil.  

 

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la prescription de l’action en nullité des contrats conclus entre 1995 et 2000)  

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré non prescrites les demandes de la société X. au titre de la coopération commerciale postérieure à 1995 et d’avoir, en conséquence, condamné la société Carrefour SA, in solidum avec les sociétés Carrefour France et CMI, à lui payer la somme de 1.293.146,43 euros en principal, outre intérêts au taux légal ensuite de la nullité des contrats de coopération commerciale conclus entre 1995 et 2004 ;  

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « les sociétés Carrefour considèrent que les demandes de la SAS X. au titre de la coopération commerciale seraient prescrites en application de l’article L. 110-4 du code de commerce qui, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 prévoit une prescription de 10 ans pour les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ; qu’elles relèvent que les demandes d’indemnisation sur le fondement des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 I, 1° du code de commerce ont été formulées pour la première fois le 10 juin 2010 de sorte que la période, antérieure au 10 juin 2000 serait prescrite ; que la prescription trentenaire soutenue par la SAS X. au motif que la nullité encourue serait une nullité absolue ne saurait être retenue alors que la nullité sur le fondement de l’article 1131 du code civil est une nullité relative ; que cependant, comme cela a déjà été souligné ci-dessus, la demande au titre de la coopération commerciale existait déjà en première instance, soit depuis 2005, de sorte que la prescription de 10 ans ne peut s’appliquer qu’à la coopération commerciale antérieure à 1995 ; qu’en conséquence, seule la demande de la SAS X. au titre des accords de coopération antérieurement à 1995 est prescrite ; que même sur le fondement délictuel, se prescrivant par 10 ans, il serait possible pour la SAS X. de demander le remboursement des sommes qu’elle estime indûment perçues au titre des contrats de coopération commerciale postérieurement au 8 avril 1995 (assignation du 8 avril 2005) ; que les demandes de la SAS X. au titre de la coopération commerciale pour la période à compter du 8 avril 2005 sont recevables et non prescrites » (arrêt, p. 13) ;  

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que l’action en nullité se prescrit par 5 ans après la conclusion de l’acte lorsque la nullité est relative ; que après avoir constaté que « la nullité sur le fondement de l’article 1131 du code civil est une nullité relative », tout en appliquant un délai de prescription décennal, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1131 et 1304 du code civil ;  

Alors, d’autre part, que la cause n’est illicite qu’à raison de son objet ou du motif qui a déterminé les parties à contracter ; qu’en retenant que les contrats et factures produits par la société X. ne satisfaisaient pas aux prescriptions des articles L. 441-6 et L. 441-3 du code de commerce pour prononcer la nullité des contrats, sans relever que leur objet était en lui-même illicite, ni analyser la cause déterminante du consentement des parties, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1131 et 1133 du code civil.  

 

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la nullité des contrats de coopération commerciale)  

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la nullité des contrats de coopération commerciale conclus entre 1995 et 2004 et condamné in solidum les sociétés Carrefour France, CMI et la société Carrefour SA à payer à la société X. la somme de 1.293.146,43 euros en principal, outre intérêts au taux légal ;  

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « la SAS X. soutient avoir payé la somme totale de 1. 418. 387, 30 E au titre de prétendus services de coopération commerciale entre 1992 et 2005 en violation de la législation d’ordre public relative à la coopération commerciale, ce qui entraîne leur nullité pour défaut de cause ou cause illicite et en conséquence la restitution des montants versés, A tout le moins, elle considère qu’elle aurait droit au paiement de la somme versée au titre de la coopération commerciale à titre de dommages et intérêts ; que les sociétés Carrefour estiment que la SAS X. ne rapporte, ni la preuve des paiements allégués, ni la preuve de l’existence de contrats de coopération commerciale avant l’année 2000. Pour les contrats produits pour les années 2000 à 2003, elles affirment que la SAS X. ne démontre pas le caractère fictif des prestations en cause qui, au contraire, étaient bien réelles ; 

° Sur la preuve de l’existence d’une coopération commerciale entre les parties : que la SAS X. produit une attestation de Monsieur Xavier X..., commissaire aux comptes, en date du 20 avril 2009, qui affirme, au vu des balances comptables de cette société, qu’elle a versé aux établissements Carrefour, au titre des participations publicitaires et de toutes charges apparentées, sur la période de 1992 à 2005, la somme totale de 1. 418. 387, 30 €, soit 59. 095, 56 € en 1992, 45. 189, 85 € en 1993, 20. 955, 46 € en 1994, 41. 424, 95 € en 1995, 37. 990, 67 € en 1996, 77. 190, 35 € en 1997, 102, 079, 35 € en 1998, 100. 139, 91 € en 1999, 142, 999, 14 € en 2000, 95. 726, 76 € en 2001, 331, 046, 94 € en 2002, 351. 770, 69 € en 2003 et 12. 777, 68 € en 2004 ; que contrairement, aux affirmations des intimées, il s’agit bien de montants réglés aux sociétés Carrefour, et ils concernent la coopération commerciale, sans confusion possible avec des paiements intervenus pour d’autres motifs ; que plus particulièrement, pour l’année 2003, Monsieur Xavier X... précise que, en réponse à une contestation des sociétés Carrefour, bien que le contrat produit fasse état d’une coopération commerciale rémunérée à hauteur de 13 % du chiffre d’affaires ce qui aurait dû représenter 236. 103 € pour un chiffre d’affaires de 1. 816. 177 €, le montant payé pour cette année là est bien de 351. 770, 69 € au titre de la coopération commerciale uniquement ; que par ailleurs, devant l’étonnement des sociétés Carrefour face à un paiement retenu au titre de la coopération commerciale en 2004 de 12. 777, 68 €, alors que la SAS X. avait refusé toutes prestations de coopération commerciale pour 2004 et 2005, Monsieur Xavier X... confirme que le montant total payé par la société X. à la société Carrefour Marchandises Internationales est de 47. 532 €, la somme passée en charge étant bien de 12. 777, 68 € ; que la position des sociétés Carrefour qui consiste à ne reconnaître comme paiement au titre de la coopération commerciale que ceux correspondant aux trois seules factures produites en pièce n° 56 et 57 par l’appelante n’est pas crédible alors qu’il est évident, qu’au moins pour les quatre années pour lesquelles des contrats sont produits (2000 à 2003), des paiements bien plus importants existent, sauf à considérer que ces contrats n’auraient pas été appliqués entre les parties, ce qui ne résiste pas â une analyse sérieuse des rapports ayant existé entre elles ; qu’il convient donc de retenir que la SAS X. rapporte bien la preuve du paiement de la somme totale de 1. 4 ! 8. 387, 30 €, se décomposant conformément au tableau établi par le commissaire au compte en pièce n° 54, au titre de services de coopération commerciale entre 1992 et 2004 ; que dès lors, la SAS X. rapporte également la preuve de l’existence d’une coopération commerciale entre les parties de 1992 à fin 2004, soit pour une période bien plus importante que celle pour laquelle elle a été en mesure de produire contrats et factures ; que compte tenu des commencements de preuve sérieux apportés par la SAS X., il était facile pour les sociétés Carrefour de produire les contrats et les factures qui ne sont plus en possession de l’appelante, de manière à démontrer que, contrairement aux affirmations de cette dernière, elle avait agi en conformité avec la législation relative à la coopération commerciale, ce qu’elle ne fait pas ; qu’à ce stade de la procédure, il n’y a plus lieu d’enjoindre aux sociétés Carrefour de produire les documents sollicités par l’appelante mais de tirer toutes conséquences de l’absence de production desdites pièces, à savoir l’existence d’accords de coopération commerciale entre les parties du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2004 ; 

° Sur la violation de la législation relative à la coopération commerciale par les sociétés Carrefour : que les textes relatifs à la coopération commerciale ont été à plusieurs reprises modifiés pendant la période considérée, de 1992 à 2005 ; que les textes sur lesquels se fonde la SAS X. sont les articles 31, 33 et 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 devenus, à compter du 18 septembre 2000, les articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce ; que ces textes visent les mentions obligatoires devant être portées sur les factures (L. 441-3), l’exigence d’un écrit pour tout accord de coopération commerciale (L. 441-6) et la prohibition des pratiques discriminatoires ainsi que des pratiques visant à obtenir ou tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (L. 442-6) ; qu’il résulte de ces textes que :- les accords de coopération commerciale ont toujours dû faire l’objet d’un écrit,- la dénomination exacte, le prix unitaire et la date des services correspondants ont toujours dû être mentionnés précisément sur les factures du distributeur,- la rémunération exigée en contrepartie des accords de coopération commerciale a toujours dû être justifiée par la réalité et la nature de prétendus services, la preuve en étant rapportée et le contrôle en étant assuré au moyen du contrat écrit et des factures correspondantes ; que s’agissant tout d’abord des contrats écrits que la SAS X. a été en mesure de produire, ils ne remplissent pas les conditions de l’article L. 441-6 du code de commerce ; qu’ainsi, le contrat pour l’année 2000 intitulé “ contrat de prestations spécifiques “, signé le 3 avril 2000 avec la SNC Carrefour Marchandises France, fait état d’une prestation de “ gestion du versement centralisé des ristournes “ dont il ne peut être sérieusement soutenu qu’il puisse s’agir d’un service répondant à la définition des services de coopération commerciale, à savoir un service spécifique distinct des opérations d’achat/ vente et destiné à favoriser la commercialisation des produits X. ; que pour la même année, le document signé le même jour, dénommé “ Annexe AA Avenant : Avenant au Contrat de prestations services : sélection et classification des produits “ ne renvoie pas au contrat susvisé qui lui-même est présenté comme une annexe Z, vraisemblablement d’un autre contrat, dont ne dispose pas la SAS X. et qui n’est pas produit par les sociétés Carrefour ; que non seulement les prestations n’y sont pas définies mais l’annexe 2 de cet avenant censé reproduire la “ liste des produits du fournisseur par enseigne pour la période de prorogation du contrat “ est vierge de tout renseignement. Par contre, l’annexe 1 relative à la rémunération pour la période de prorogation du contrat prévoit que la société X. doit payer à la société Carrefour l’équivalent de 2 % de son chiffre d’affaires HT ; que pour l’année 2001, la SAS X. produit le contrat cadre de prestations de services spécifiques “ collaboration et coopération commerciale n° 01 67 33671 01 ainsi que l’accord commercial n° 01 67 33671 01, signés le 23 janvier 2001 avec la société Continent France, agissant pour son compte et toute autre enseigne qui serait exploitée par le groupe Carrefour ; que la description des services fournis y figure en termes très généraux et renvoie à des annexes qui sont, là également, vierges de tout renseignement, à l’exception de l’annexe 7 intitulée “ récapitulatif des rémunérations des prestations de services spécifiques “ ; qu’or, les rémunérations prévues sont très élevées, 2 % pour la rubrique “ classification-sélection-assortiment “, 9 % pour la rubrique “ mises en avant par supports magazine “ et 0, 60 % pour la rubrique “ organisation et suivi de la relation et des négociations pour l’ensemble du réseau “, soit un total de 11, 60 % des ventes de la société X. estimées à 6 millions de francs, pour des prestations non définies puisque les annexes s’y rapportant ne sont pas renseignées ; que l’accord commercial signé le même jour n’est, ni plus précis, ni mieux renseigné, et comporte également une annexe 7, qui n’a été signée que le 13 décembre 2001 soit en fin de période, reprenant le trois postes de rémunération susvisés, avec l’ajout manuscrit d’un poste supplémentaire “ aide à la vente “ pour une rémunération supplémentaire de 1 % ; que pour l’année 2002, la SAS X. produit l’accord commercial n° 02 67 33671 01, sans date de signature, contenant les conditions générales appliquées par la société Carrefour Hypermarchés France à la société X., qui ne comporte aucune indication relative aux accords de coopération commerciale et présente des tableaux relatifs aux réductions sur facture et hors facture non remplis ; que pour l’année 2003, la SAS X. produit le contrat cadre de prestations de services spécifiques “ collaboration et coopération commerciale “ n° 67 33671 02 ainsi que l’accord commercial n° 03 67 33671 02, sans date de signature pour le premier et signé le 23 décembre 2002 pour le second ; que le contrat cadre comporte des annexes relatives aux services visés à l’article 2 qui ne sont pas remplies et une annexe 9 “ récapitulatif des rémunérations des prestations de services spécifiques “ avec des postes similaires à ceux de 2001 et le montant total des rémunérations est de 13 % des ventes de la société X. calculé sur un prévisionnel de 2. 000. 000 € ; que quant à l’accord commercial, il ne comprend que les conditions générales appliquées par la société Carrefour Hypermarchés France à la société X., il ne fait référence à aucun service de coopération commerciale et les tableaux relatifs aux réductions sur facture et hors facture ne sont pas remplis ; qu’enfin, les documents produits par la SAS X. pour l’année 2004 sont “ un contrat de fourniture de bijouterie “ avec une société de droit suisse Carrefour World Trade et un “ accord de coopération commerciale internationale “ portant la date du 9 décembre 2003 mais que la SAS X. déclare avoir refusé de signer compte tenu des différends existant entre les parties ; que la définition des services de coopération commerciale y est toujours aussi peu précise et la rémunération n’y est même plus distinguée par poste, l’accord prévoyant ; “ Une rémunération forfaitaire égale à 13 % du chiffre d’affaires HT net facturé réalisé par l’ensemble des Sociétés du Groupe Carrefour avec le Fournisseur “ ; que force est donc de constater que, pour les années 2000 à 2004, les contrats produits ne sont pas conformes aux dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce et que les sociétés Carrefour n’ont pas produit de tels contrats pour les années antérieures, en totale violation avec cet article, dès lors que parallèlement des sommes très importantes ont été payées ; que l’absence d’identification des services rémunérés et le caractère totalement disproportionné de ces rémunérations par rapport aux quelques documents produits par les sociétés Carrefour pour (justifier de la réalité des prestations fournies (catalogues-publicités) démontrent le caractère quasi-inexistant de ces services et la mise en oeuvre de ce qu’on appelle les “ marges arrières “ imposées par la grande distribution à ses fournisseurs ; que la SAS X. se prévaut également de la violation par les sociétés Carrefour des dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce relatif aux mentions que doit comporter la facture ; qu’il est certain, qu’en application de cet article, la facture de coopération commerciale doit comporter la dénomination exacte et le prix des services rendus. Cela implique que le contrat de coopération commerciale permette d’identifier avec précision la nature exacte des services rendus ainsi que les dates de réalisation de ces services afin de pouvoir établir la correspondance entre le contrat et la facture ; qu’or, les factures produites par la SAS X. ne respectent nullement les exigences de l’article L. 441-3 du code de commerce et se contentent de libellés généraux tels que “ contrat cadre de collaboration et de coopération commerciale “ ou “ partenariat “ ou encore “ gestion du versement centralisé des ristournes/ services et répartition auprès des magasins “ ; que la SAS X. soutient enfin qu’il y a eu violation des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce qui prohibe le fait pour un distributeur d’obtenir d’un fournisseur des conditions discriminatoires non justifiées par des contreparties réelles ; que les sociétés Carrefour ne peuvent se contenter de soutenir qu’il appartient à la SAS X. de produire les contrats de coopération commerciale dont elle se prévaut ; que celle-ci a produit aux débats les seuls contrats dont elle disposait, soit ceux pour les années 2000 à 2004. Force est de constater que, même pour cette période, les sociétés Carrefour ne sont pas en mesure de justifier de la réalité des services fournis en contrepartie des sommes versées ; que pour les périodes pour lesquelles les contrats ne sont pas fournis par la SAS X., mais pour lesquelles il est justifié de paiements effectués au titre de la coopération commerciale, il appartenait aux sociétés Carrefour de rapporter la preuve de la réalité des services rendus en contrepartie des sommes payées et donc de produire les contrats écrits passés entre les parties indiquant précisément le contenu des services ; que l’absence de production de ces contrats par les sociétés Carrefour aboutit donc à sa défaillance à rapporter la preuve de l’effectivité des services rendus ;  

Sur les conséquences de la violation de la législation relative à la coopération commerciale : que les prétendus accords de coopération commerciale, établis en violation des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce, sont nuls sur le fondement de l’article 1131 du code civil ; qu’en effet, d’une part, en l’absence de contrepartie réelle ils sont dépourvus de cause, d’autre part, leur cause est illicite puisqu’ils violent les dispositions impératives de l’ordre public économique tel qu’il résulte des articles susvisés du code de commerce ; que la nullité est encourue dès lors qu’elle est invoquée par celui dont la loi qui a été méconnue tendait à assurer la protection, en l’espèce le fournisseur protégé par la législation d’ordre public relative à la coopération commerciale ; que La nullité implique le remboursement par les sociétés Carrefour des sommes versées au titre de la coopération commerciale, soit la somme totale de 1. 418. 387, 30 € dont à déduire les années prescrites soit 1992, 1993 et 1994, soit un solde dû de 1. 293. 146, 43 € avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation, comme cela est demandé par la SAS X. » (arrêt, p. 14 et s.) ;  

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, qu’en se fondant sur une attestation du commissaire aux comptes de la société X. affirmant que cette dernière avait versé « aux établissements Carrefour » la somme totale de 1.418.387,30 euros sur la période 1992 à 2005 « au titre des participations publicitaires et de toutes charges apparentées », ce qui pouvait faire la preuve du paiement mais non de sa cause, la cour d’appel, qui a néanmoins déduit que ce montant concernait en totalité la coopération commerciale, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 442-6, I, 1°) du code de commerce et 1131 du code civil ;  

Alors, d’autre part, que la preuve de l’absence de cause incombe à celui qui l’allègue ; que cette démarche impose à celui qui prétend que le service en contrepartie de l’exécution duquel il a rémunéré son cocontractant n’est pas réel, d’identifier préalablement le service promis, étape nécessaire pour apprécier si ce service a ou non été rendu et, partant, si la contrepartie existe ; qu’après avoir constaté que la société X. n’avait pas été en mesure de produire les contrats et factures pour la période antérieure à 2000, ce dont il résultait que la contrepartie promise n’étant pas identifiée, la preuve de l’absence de cause ne pouvait être considérée comme rapportée, la cour d’appel, qui a néanmoins condamné les sociétés CMI, Carrefour France, et Carrefour SA à restituer à la société X. la totalité de sommes versées à ces sociétés au cours des années 1995 à 2000, motifs pris de ce qu’il incombait aux sociétés Carrefour de produire les contrats pour justifier de leurs contreparties avant de rapporter la preuve de la réalité des services rendus, a ainsi inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1132 du code civil ;  

Alors, encore, que seule l’absence de contrepartie effective peut caractériser l’absence de cause objective ; qu’en se bornant à relever l’absence d’identification suffisamment précise au regard de la réglementation en vigueur des services rémunérés et le caractère disproportionné des rémunérations par rapport aux prestations établies pour déduire l’absence totale de contrepartie réelle, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 1131 du code civil ;  

Alors, en tout état de cause et subsidiairement, qu’en se dispensant de rechercher, comme elle y était invitée, si la cause de l’engagement de la société X. ne résidait pas dans le référencement dont elle bénéficiait parallèlement auprès des sociétés du groupe Carrefour dans le cadre de l’opération économique globale visant à assurer la meilleure et la plus vaste distribution aux produits fabriqués par la société X., la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1131 du code civil ;  

Alors, en outre, que la cause n’est illicite qu’à raison de son objet ou du motif qui a déterminé les parties à contracter ; qu’en retenant que les contrats et factures produits par la société X. ne satisfaisaient pas aux prescriptions des articles L. 441-6 et L. 441-3 du code de commerce pour prononcer la nullité des contrats, sans relever que leur objet était en lui-même illicite, ni analyser la cause déterminante du consentement des parties, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1131 et 1133 du code civil ;  

Alors, plus subsidiairement, que pour apprécier le caractère disproportionné de la rémunération d’une prestation, le juge doit se prononcer sur la valeur réelle des prestations litigieuses ; qu’en se bornant à affirmer le caractère disproportionné des rémunérations perçues par la société CMI, non autrement étayé que par l’affirmation selon laquelle « les rémunérations prévues sont très élevées » s’agissant du contrats signés pour l’année 2001 et le fait que la description des services rendus était insuffisamment précise, sans jamais examiner la valeur des services rendus, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 442-6, I, 1°) du code de commerce et 1131 du code civil ;  

Alors, enfin et en tout état de cause, que l’effet rétroactif attaché à l’annulation d’un contrat synallagmatique impose que soient intégralement et réciproquement restitués les avantages reçus ; qu’après avoir constaté le caractère disproportionné des rémunérations, ce dont se déduisait qu’un service, fût-il modeste par rapport aux rémunérations perçues, avait bien été rendu, la cour d’appel ne pouvait condamner les sociétés CMI, Carrefour France et Carrefour SA à restituer l’intégralité des sommes perçues à ce titre, sans déduction de l’avantage procuré à la société X. par les services ainsi exécutés à son profit, violant ainsi les articles L. 442-6, I, 1°) du code de commerce et 1376 du code civil.  

 

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture des relations commerciales)  

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la société X. avait été victime d’une rupture partielle et brutale des relations commerciales et d’avoir, en conséquence, condamné in solidum les sociétés Carrefour France, CMI et Carrefour SA à payer à la société X. la somme de 378.438 euros en principal ;  

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « * Sur les fautes reprochées par la SAS X. aux sociétés Carrefour : que l’existence entre les parties de relations commerciales établies n’est pas contestée par les sociétés Carrefour qui admettent qu’elles ont débuté au début des années 1990 ; que la lettre du 12 février 2003 adressée par la SAS Carrefour Marchandises Internationales à la SAS X. et ses conséquences : que cette lettre recommandée avec accusé de réception est ainsi rédigée : « ... Lors de notre dernier rendez-vous du 5 février dentier, nous avons pu échanger sur l’’avenir de nos relations commerciales. Par la présente, nous vous confirmons les propos tenus à l’occasion de cette rencontre, à savoir la cessation progressive de nos relations commerciales. En effet, malgré nos avertissements concernant les problèmes de qualités rencontrés sur vos produits ainsi que les anomalies existant sur vos factures, nous n’avons constaté à ce jour aucune amélioration. Aussi, et afin de vous permettre dès maintenant d’organiser la réorientation de 1’activité de votre société, nous vous précisons que nous envisageons la cessation de nos relations commerciales à l’issue d’une période de préavis de 2 ans. Au cours de cette période, nous cesserons notre approvisionnement conformément au plan de désengagement suivant : 

- année 2003 : chiffre d’affaire de 2. 000 K €,

- année 2004 : chiffre d’affaire de 1. 000 K € … »

que la SAS X. considère que les sociétés Carrefour qualifient faussement de préavis ce qui constitue en réalité une rupture brutale et partielle de relations commerciales établies sanctionnée par l’article L. 442-6 15° du code de commerce ; que pour apprécier cette rupture, il convient de se référer aux chiffres d’affaires réalisés antérieurement et postérieurement par la SAS X. avec les sociétés Carrefour, selon les chiffres communiqués par ces dernières et non contestés par X., soit : 

- 1998... 1.200. 00 € soit 24,3 % du CA total de X.

- 1999... 1.100.000 € soit 24,8 % du CA total de X.

- 2000... 1.000.000 € soit 19,5 % du CA total de X.

- 2001... 1.800.000 € soit 27,0 % du CA total de X.

- 2002... 2.800.000 € soit 41,4 % du CA total de X.

- 2003… 1.816.177 € soit 28,8 % du CA total de X.

- 2004… 1.340.466 € soit 27,8 % du CA total de X.

- 2005… 591.000 € soit 16,6 % du CA total de X.

- 2006 (7 mois 1/ 2)... 84.310 € soit 3,1 % du CA total de X.

que la SAS X. estime qu’il conviendrait de ne se référer qu’au chiffre d’affaires de l’année précédent la lettre de rupture soit l’année 2002, car cette année a été marquée, suite à la finalisation de la fusion entre Carrefour et Promodes (magasins Continent) fin 2001, par une augmentation subséquente du montant des commandes de bijoux et donc du chiffre d’affaires réalisé avec Carrefour ; que cependant, il n’est nullement établi que le chiffre d’affaires de l’année 2002, qui a effectivement été exceptionnel, était le résultat de cette fusion, alors que les fournisseurs de bijoux préexistant à la fusion n’ont pas disparu et ont, pour l’essentiel, maintenu leurs relations avec le groupe Carrefour, en tout cas pour l’année 2002 (cf. transactions signées entre Carrefour et Franhig le 20/12/02, entre Carrefour et SAM APM le 30/ 12/ 02, entre Carrefour et Franchini le 10/01/03, entre Carrefour et Bacon le 16/05/03, entre Carrefour et Goldriver le 16/06/03) ; qu’il n’est pas plus établi que ce chiffre d’affaires élevé aurait perduré au-delà de l’année 2002 ; qu’en conséquence, pour apprécier la brutalité alléguée de la rupture, il faut nécessairement examiner le chiffre d’affaires 2003 par rapport à la moyenne des chiffres d’affaires des années antérieures. Ainsi, de 1998 à 2002 la moyenne annuelle de chiffre d’affaires a été de 1. 580. 000 E avec un maximum de 2, 8 millions d’euros en 2002 et un minimum d’un million d’euros en 2000 ; qu’au demeurant, cette moyenne des cinq dernières années intègre le chiffre exceptionnel de 2002, ce qui fait donc sensiblement augmenter la moyenne de référence ; que le chiffre d’affaires réalisé en 2003, soit 1.816.177 €, était donc supérieur à la moyenne des années antérieures et même au chiffre d’affaires de chacune des années antérieures, à l’exception de l’année 2002 ; qu’en outre, le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par la SAS X. avec les sociétés Carrefour s’est échelonné entre 19,5 % et 27 % entre 1998 et 2001 et s’est maintenu à un niveau élevé après la lettre de rupture, soit 28,8 % pour 2003 et 27,8 % pour 2004, la seule exception étant l’année 2002 avec un pourcentage de 41,4 % qui conforte le fait que cette année était exceptionnelle et ne pouvait servir de référence ; que la rupture partielle dont fait état la SAS X. n’est donc pas établie pour les années 2003 et 2004, et ceci d’autant plus que les sociétés Carrefour ont annoncé la rupture avec un préavis de deux ans qui est conforme aux usages pour des relations commerciales établies de 12 ans ; qu’en raison de la notification intervenue en février 2003, la SAS X. savait que ses relations avec les sociétés Carrefour devaient s’arrêter en Février 2005 ; que d’ailleurs, ni dans sa lettre en réponse du 13 février 2003, ni dans les courriers ultérieurs, la SAS X. n’a fait état de ce qu’elle s’estimait victime d’une rupture partielle brutale des relations commerciales ; que pour la première fois, elle se plaint d’une absence réelle de préavis dans un courrier du janvier 2004, dans lequel elle admet cependant « un préavis de 3 millions d’euros », ce qui correspond à environ deux années de chiffre d’affaires moyen ; que la lettre du 12 février 2003 adressée à la SAS X. par la SAS Carrefour Marchandises Internationales ne caractérise donc pas une rupture fautive des relations commerciales ayant existé entre les parties ; 

° La lettre du 18 février 2005 adressée par la SAS Carrefour Marchandises Internationales à la SAS X. et ses conséquences : qu’un important échange de correspondances a eu lieu entre les parties à la suite de la lettre du 12 février 2003 et une négociation s’est engagée entre elles aboutissant à ce que les sociétés Carrefour acceptent de revenir sur le principe de la rupture de ses relations commerciales avec la SAS X. ; qu’ainsi, par courrier du 24 mai 2004, la SAS Carrefour Marchandises Internationales a fait une nouvelle proposition, dans la suite de la lettre du 12 février 2002, ainsi rédigée : « ... Cependant, dans un souci d’apaisement et à titre purement commercial, nous serions disposés à répondre en partie à votre demande en prévoyant, plutôt qu’un arrêt total de nos relations, un déréférencement partiel progressif sur plusieurs années. Comme indiqué au téléphone, le CAHT réalisé entre les sociétés de notre groupe et votre société serait le suivant : 

-1.800.000 6 € au litre de l’année 2004.

-1.500.000 6 € au titre de l’année 2005.

- Au titre de l’année 2006, il n’est pas possible de déterminer d’ores et déjà un CA prévisionnel. C’est pourquoi il conviendrait qu’un rendez-vous soit tenu au cours du second semestre de l’année 2005 pour déterminer l’engagement de Carrefour, étant précisé que pour 2006 et, le cas échéant, les années suivantes le CA réalisé avec Carrefour ne devra pas excéder 20 % du CA global réalisé par votre société (y compris le CA des sociétés, filiales ou dans lesquelles vous auriez des participations), sans que cette quotepart ne constitue ni un engagement ferme ni même un engagement minimum de notre part.

Comme vous pouvez le constater, aucune date de cessation définitive de nos relations n’est prévue.... »

Que cette proposition a été clairement refusée par la SAS X. par courrier du 1 “ juin 2004 puis les négociations ont repris entre les parties niais n’ont pu aboutir ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 février 2005 elle a définitivement mis fin aux relations commerciales entre les parties en ces termes :

” Par courrier du 12 février 2003, Carrefour vous a informé de sa décision de mettre un terme aux relations commerciales existant entre le Groupe Carrefour et votre société, à l’issue d’un préavis de deux années expirant le 11 février 2005.

Vous nous avez fait part de votre désaccord quant à cette décision, raison pour laquelle nous avons étudié avec vous différentes solutions alternatives permettant d’aménager la fin de nos relations commerciales, Force est de constater qu’au ternie de deux ans de négociations, nous ne sommes toujours pas parvenus à un accord et que rien ne permet aujourd’hui de prévoir qu’un tel accord pourra être prochainement trouvé. Nous constatons également que nos relations commerciales n’ont cessé de se dégrader du fait de problèmes récurrents notamment liés à la facturation des produits, au taux de service, et à propos desquels nous vous avons alerté à plusieurs reprises.

Confrontée à cette situation, Carrefour n’a d’autre choix que de vous notifier par la présente l’arrêt total de nos relations commerciales et par voie de conséquence, la résiliation des accords commerciaux signés avec Carrefour Hypermarchés France et Carrefour Belgium, à l’issue d’un préavis de 18 mois qui commencera à courir à compter de l’envoi de la présente et qui se terminera le 17 août 2006.

Postérieurement à cette date, Carrefour cessera toute commande auprès de la société X.... »

Qu’or, force est de constater que pendant le nouveau préavis accordé, théoriquement de 18 mois, Carrefour a considérablement réduit ses commandes puisque la chiffre d’affaires obtenu en 2005 a été de 591.000 € soit 16, 6 % du CA total de X. et en 2006 (7 mois 1/ 2) de 84.310 € soit 3, 1 % du CA total de X. ; qu’en procédant de cette manière, les sociétés Carrefour ont à la fois admis que, les relations commerciales ayant repris, il y avait lieu d’accorder à la SAS X. un nouveau préavis de 18 mois, et refusé de respecter un préavis réel puisqu’elles n’ont cessé de réduire leurs achats ; qu’il y a donc lieu de considérer, qu’en continuant de commercer avec la SAS X. tout en réduisant de manière conséquente ses commandes à compter du 18 février 2005 et ce, jusqu’au 17 août 2006, les sociétés Carrefour ont rompu partiellement et brutalement leurs relations commerciales avec cette société ; que les sociétés Carrefour ne peuvent raisonnablement soutenir qu’elles auraient informé la SAS X. en février 2005, soit avec 10 mois de prévenance, que l’objectif au décembre 2005 serait de 500.000 € et que compte tenu de la lettre de février 2003 elle pouvait s’attendre à un chiffre très faible alors que, dans son courrier du 24 mai 2004, la SAS Carrefour Marchandises Internationales indiquait qu’aucune date de cessation définitive des relations n’était prévue ; qu’elles ne peuvent pas plus affirmer que cette dernière aurait bénéficié d’un préavis total de 3 ans et demi alors qu’elles admettent, dans leurs conclusions, que c’est bien un nouveau préavis pour l’arrêt des relations commerciales qui a été notifié en février 2005 ; qu’enfin, les sociétés Carrefour ne peuvent se retrancher derrière des fautes qui auraient été commises par la SAS X. alors que, d’une part, s’il en est question dans divers courriers, elles ne sont pas prouvées, et que, d’autre part, les sociétés Carrefour ont elles-mêmes admis que l’appelant avait droit à un préavis conséquent, ce qui exclut l’existence de fautes à sa charge ; que dés lors que l’existence d’une rupture partielle et brutale des relations commerciales est admise, il convient d’examiner le préjudice qui en est résulté pour la SAS X..

*Sur le préjudice subi par la SAS X. : que le seul préjudice indemnisable est celui résultant de la rupture partielle et brutale des relations commerciales par lettre du 18 février 2005 ; que pour les conséquences de cette rupture, la SAS X. réclame la perte de sa marge brute, qu’elle estime à 26 %, pendant le préavis qui, selon elle, aurait dû être respecté, soit jusqu’au 11 août 2006, par référence au chiffre d’affaires 2002 ; que pour estimer ce préjudice, il ne peut être procédé, comme cela a déjà été exposé ci-dessus, par référence au chiffre d’affaires 2002, mais par référence aux chiffres d’affaires des années précédentes. Or, de 1998 à 2004, la moyenne annuelle de chiffre d’affaires a été de 1. 579. 520 €, arrondi à 1.580.000 € ; que de même, la marge brute de 26 %, correspondant à l’année exceptionnelle 2002, ne peut être prise en compte. De fait les marges brutes ont varié entre 11,2 % pour l’exercice 1999 et 26 % pour l’exercice 2002, de sorte qu’il y a lieu de retenir un taux moyen de marge brute de 20 % ; qu’en conséquence, la perte de marge brute pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté est égale à la différence entre la moyenne annuelle de chiffre d’affaires des années précédentes et le chiffre d’affaires qui a effectivement été réalisé au cours du préavis : 

- 2005 : 1.580.000 € - 591.000 € - 959. 000 € x 20 % = 197. 800 €

- 2006 : (1.580.000/ 12 x 7,5) € - 84.310 € = 903.190 € x 20 % = 180. 638 €

Total : 378.438 €

La SAS X. réclame également réparation du préjudice résultant du comportement des sociétés Carrefour qui l’ont asphyxiée, la conduisant à devoir purement et simplement cessé toute activité ; que selon elle, son préjudice, qu’elle évalue à 10.916.459 € est caractérisé par la perte des investissements réalisés au Vietnam dans le cadre de la délocalisation de sa production (1.617.080 €) et par la perte de son fonds de commerce (9.299.379 €) ; qu’il convient de rappeler que le fournisseur ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même ; que sur les années de fonctionnement normal des relations commerciales entre les parties, soit de 1998 à 2004 inclus, la SAS X. a réalisé un pourcentage moyen de son chiffre d’affaires de l’ordre de 27 % avec les sociétés Carrefour ; qu’elle réalisait donc presque 73 % de son chiffre d’affaires avec d’autres sociétés de sorte qu’il est difficile d’imputer au comportement fautif des sociétés Carrefour, à compter de février 2005, la cessation de ses activités ; qu’il est certain, qu’à partir de 2005 le chiffre d’affaires net de la SAS X. baisse sensiblement passant de 4.827.266 € en 2004, à 3.558.749 € en 2005, 2.705.555 € en 2006, 919.123 € en 2007, - 20.917 € en 2008 et - 4.081 € en 2009 ; que dans le même temps, après un bénéfice de 168. 409 € pour 2004, les pertes d’exploitation s’établissaient à 257.446 € pour 2005, 252.913 € pour 2006, 158.037 € pour 2007, 298.996 € pour 2008 et 970.107 € pour 2009 ; mais que parallèlement, pour les deux années où la SAS X. a encore travaillé avec les sociétés Carrefour, la part de chiffre d’affaires réalisée avec ces sociétés par rapport au chiffre d’affaires global a nettement diminuée, 16,6 % en 2005 et 3,1 % en 2006, de sorte que l’appelante disposait bien d’une clientèle autre que celle de Carrefour qu’elle aurait pu utilement développer ; qu’en effet, la SAS X. n’ignorait pas, depuis février 2003, qu’elle risquait de perdre le client Carrefour, de sorte qu’il était essentiel pour elle, non seulement d’entretenir sa clientèle existante mais de se redéployer sur une autre clientèle ; qu’elle a disposé d’un délai d’au moins trois ans pour amorcer un désengagement progressif de la fourniture des sociétés Carrefour afin de se tourner vers de nouveaux marchés, les courriers des appelantes pendant la période intermédiaire entre février 2003 et février 2005 l’encourageant vivement en ce sens ; que la délocalisation de la production au Vietnam avait pour but de réduire les coûts de production et ne pouvait pas être uniquement liée aux relations commerciales entretenues avec les sociétés Carrefour, qui ne représentait que 27 % de la clientèle de la SAS X. et dont il n’est pas démontré qu’elles seraient à l’origine de ce choix d’investissement ; que la baisse des coûts de production devait également avoir des répercussions favorables dans les relations commerciales de la SAS X. avec ses autres clients, sur le profil desquels elle est d’ailleurs muette ; qu’il ne suffit pas de dire que l’arrêt de l’exploitation de l’unité de production Yosavi Ltd est concomitante à l’arrêt des relations commerciales avec Carrefour pour que le lien de causalité entre la perte des investissements au Vietnam et la rupture fautive des relations commerciales avec les sociétés Carrefour soit établi ; qu’il en est de même pour la perte du fonds de commerce ; que les mauvais choix commerciaux de la SAS X. ne sont pas imputables aux sociétés Carrefour, la perte même brutale de 27 % d’une clientèle ne pouvant à elle seule justifier la dégradation rapide d’une société florissante, disposant, selon ses propres affirmations, d’un réel savoir-faire et d’un succès indéniable ; qu’il convient donc de rejeter le chef de préjudice lié à sa cessation de toute activité invoqué par la SAS X. ; qu’en définitive, le jugement doit être réformé en ce qu’il a débouté la SAS X. de sa demande d’indemnisation du fait de la rupture brutale des relations commercial préjudice en résultant doit être fixé à la somme de 378.438 €. » (arrêt, p. 7 à 11) ;  

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que la cour d’appel a constaté que la proposition de la société CMI contenue dans sa lettre du 24 mai 2004 et selon laquelle elle proposait de revenir sur la rupture de leurs relations en aménageant un « déréférencement partiel progressif » qu’elle décrivait, avait été refusée par la société X. (arrêt, p. 10, § 3) ; que dès lors, le préavis de 2 ans donné dans la lettre du 12 février 2003 demeurait d’actualité, sauf pour la société CMI à avoir accepté de le proroger de 18 mois, par une lettre du 18 février 2005, pour en porter la date d’expiration au 17 août 2006, ce dont il résultait que la société X. avait bénéficié d’un préavis d’une durée totale de 3 ans et demi, avec maintien du volume d’affaires antérieur pendant les deux premières années ; qu’en jugeant néanmoins brutale la rupture en raison de la réduction progressive, à compter de l’année 2005, soit en cours de préavis, du volume de commandes de la société CMI auprès de la société X., la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l’article L. 442-6, I, 5°) du code de commerce ;  

Alors, d’autre part, qu’en l’absence de remise en cause de la décision de rompre des relations commerciales, la fixation d’un « nouveau » préavis, en ce sens qu’il se distingue du préavis précédemment donné et acquis quelques jours auparavant, s’analyse en une prorogation de la durée du préavis précédemment donné ; que pour envisager isolément la prorogation de 18 mois du préavis donné par la société CMI à la société X. et en faire un préavis autonome, la cour d’appel, qui a retenu que les sociétés du groupe Carrefour, qui pourtant soutenaient que le fournisseur avait bénéficié d’un préavis de 3 ans et demi, le désignait sous la locution de « nouveau préavis », s’est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 5°) du code de commerce ;  

Alors, en troisième lieu, que la cour d’appel a d’abord constaté que la proposition de la société CMI du 24 mai 2004 aux termes de laquelle aucune date de cessation définitive des relations n’était prévue « a clairement été refusée par la SAS X. » (arrêt, p. 10, § 3 et 4) ; qu’en retenant ensuite que la société X. ne pouvait s’attendre à ce que le chiffre des commandes soit en diminution à compter de l’année 2005 dès lors que « dans son courrier du 24 mai 2004, la SAS Carrefour Marchandises Internationales indiquait qu’aucune date de cessation définitive des relations n’était prévue » (arrêt, p. 11, § 1er), ce qui postulait l’acceptation de cette proposition, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;  

Alors, encore, que n’engage pas sa responsabilité celui qui prend l’initiative de mettre fin à des relations contractuelles en raison du caractère défectueux des prestations de son cocontractant ; qu’en retenant que le caractère insuffisant du préavis excluait l’existence de fautes imputables à la société X., la cour d’appel a violé l’article L. 442-6, I, 5°) du code de commerce ;  

Alors, en outre, que la faute commise durant l’exécution du préavis justifie qu’il y soit mis un terme ; qu’en jugeant que les sociétés du groupe Carrefour avaient engagé leur responsabilité au titre d’une rupture partielle des relations commerciales avec la société X. en raison de la réduction des commandes en 2005 et 2006, en affirmant péremptoirement que les fautes alléguées n’étaient pas prouvées, sans autre examen des quelques 20 courriels, régulièrement produits, émanant de points de vente qui se plaignaient des absences de livraison, des défaillances du service après-vente et de l’absence totale de réaction de la société X. à leurs appels, outre l’augmentation unilatérale, pour la période considérée, de 500 % des frais de livraison, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6, I, 5°) du code de commerce ;  

Alors, en tout état de cause, d’une part, que la cour d’appel a d’abord constaté, pour évaluer le préjudice subi par la société X., que « pour estimer ce préjudice, il ne peut être procédé, comme cela a déjà été exposé ci-dessus, par référence au chiffre d’affaires 2002, mais par référence aux chiffres d’affaires des années précédentes (…) » (arrêt, p. 11, § 3 des motifs sur le préjudice) ; qu’en retenant ensuite, pour l’évaluation du préjudice, que « de 1998 à 2004, la moyenne annuelle de chiffre d’affaires a été de 1.579.520 €, arrondi à 1.580.000 € » (arrêt, p. 11, § 3 des motifs sur le préjudice), ce dont il résultait que la cour d’appel avait néanmoins tenu compte du chiffre d’affaires réalisé en 2002, faute de quoi la moyenne se serait établie à 1 376 107 € selon les chiffres reproduits dans l’arrêt (p. 7 et 8), la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article L. 442-6, I, 5°) du code de commerce ;  

Alors, en tout état de cause, d’autre part, que la cour d’appel a d’abord constaté, pour évaluer le préjudice subi par la société X., que « de même, la marge brute de 26 %, correspondant à l’année exceptionnelle 2002, ne peut être prise en compte » (arrêt, p. 11, § 4 des motifs sur le préjudice) ; qu’en retenant ensuite, pour l’évaluation du préjudice, que « les marges brutes ont varié entre 11, 2 % pour l’exercice 1999 et 26 % pour l’exercice 2002, de sorte qu’il y a lieu de retenir un taux moyen de marge brute de 20 % » (arrêt, p. 11, § 3 et 4 des motifs sur le préjudice), la cour d’appel, qui a ainsi de nouveau tenu compte de l’exercice 2002 pour établir la marge brute applicable à l’évaluation du préjudice, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article L. 442-6, I, 5°) du code de commerce. 

 

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société X. et M. Y.  

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré prescrites les demandes de la société X. concernant la coopération commerciale antérieure à 1995,  

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE les sociétés Carrefour considèrent que les demandes de la SAS X. au titre de la coopération commerciale seraient prescrites en application de l’article L. 110-4 du code de commerce qui, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 prévoit une prescription de 10 ans pour les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ; qu’elles relèvent que les demandes d’indemnisation sur le fondement des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 I, 1° du code de commerce ont été formulées pour la première fois le 10 juin 2010 de sorte que la période antérieure au 10 juin 2000 serait prescrite ; que la prescription trentenaire soutenue par la SAS X. au motif que la nullité encourue serait une nullité absolue ne saurait être retenue alors que la nullité sur le fondement de l’article 1131 du code civil est une nullité relative ; que cependant, comme cela a déjà été souligné ci-dessus, la demande au titre de la coopération commerciale existait déjà en première instance, soit depuis 2005, de sorte que la prescription de 10 ans ne peut s’appliquer qu’à la coopération commerciale antérieure à 1995 ; qu’en conséquence, seule la demande de la SAS X. au titre des accords de coopération antérieurement à 1995 est prescrite ; que même sur le fondement délictuel, se prescrivant par 10 ans, il serait possible pour la SAS X. de demander le remboursement des sommes qu’elle estime indûment perçues au titre des contrats de coopération commerciale postérieurement au 8 avril 1995 (assignation du 8 avril 2005) ; que les demandes de la SAS X. au titre de la coopération commerciale pour la période à compter du 8 avril 2005 sont recevables et non prescrites » (arrêt, p. 13) ;  

ET AUX MOTIFS ENCORE QUE sur les conséquences de la violation de la législation relative à la coopération commerciale les prétendus accords de coopération commerciale, établis en violation des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce, sont nuls sur le fondement de l’article 1131 du code civil ; qu’en effet, d’une part, en l’absence de contrepartie réelle ils sont dépourvus de cause, d’autre part, leur cause est illicite puisqu’ils violent les dispositions impératives de l’ordre public économique tel qu’il résulte des articles susvisés du code de commerce ; que la nullité est encourue dès lors qu’elle est invoquée par celui dont la loi qui a été méconnue tendait à assurer la protection, en l’espèce le fournisseur protégé par la législation d’ordre public relative à la coopération commerciale ;  

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE toute convention ou clause contraire à des dispositions relevant de l’ordre public économique est entachée d’une nullité absolue ; que les contrats contraires aux dispositions des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce sont donc entachés d’une nullité absolue ; qu’en affirmant, pour déclarer prescrite l’action en nullité de la société X. concernant les opérations de coopération commerciales afférentes aux années 1992, 1993 et 1994, que la nullité encourue n’était pas une nullité absolue mais une nullité relative, la cour d’appel a violé les textes susvisés ensemble les articles 1131 et 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable en l’espèce.