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6168 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Responsable

Nature : Synthèse
Titre : 6168 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Responsable
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6168 (19 janvier 2023)

PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)

DOMAINE DE LA PROTECTION - RESPONSABLE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2023)

 

Présentation. L’ordonnance du 24 avril 2019 a modifié la définition du responsable (A), mais les modifications apportées ne devraient pas changer les principes posés par la jurisprudence quant à l’identification de celui-ci (B).

A. DÉFINITION DU RESPONSABLE

Ordonnance du 24 avril 2019. Depuis l’ordonnance du 24 avril 2019, l’art. L. 442-1 C. com. sanctionne les fautes commises lors d’une négociation commerciale par « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». Le texte ne vise plus des personnes, mais des activités, ce qui devrait modifier le périmètre du texte, dans un sens extensif (comp. les hypothèses exclues ci-dessous).

Sur le contrôle de légalité de l’ordonnance à la loi d’habilitation : aux termes de l'art. L. 410-1 C. com. dans sa rédaction applicable jusqu'au 28 mai 2021, « les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services (…) ». Il résulte de ces dispositions que les règles définies à l'art. L. 442-6 C. com/ antérieurement à l'intervention de l'ordonnance du 24 avril 2019 s'appliquaient « à toutes les activités de production, de distribution et de services » ; par suite, en définissant désormais, au I de l'art. L. 442-1 C. com., dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, les auteurs des pratiques restrictives de concurrence prohibées, non plus comme ceux relevant de la catégorie des producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, ainsi qu'il était mentionné antérieurement au I de l'article L. 442-6, mais comme étant ceux « exerçant des activités de production, de distribution ou de services », l'auteur de l'ordonnance n'a pas méconnu la portée de l'habilitation donnée par le Parlement. CE (ch. réun.), 21 décembre 2022 : req. n° 463938 ; Rec. CE tables ; Cerclab10001 (points n° 5 et 6), sur demande de T. com. Paris, 10 mai 2022 : Dnd. § Sur la portée générale de la loi d’habilitation, V. Cerclab n° 6160.

Rappel du droit antérieur : « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». Le premier alinéa de l’ancien art. L. 442-6-I C. com. désignait comme responsables potentiels « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Pour une interprétation large du texte : les dispositions de l’ancien art. L. 442-6 C. com., qui visent tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, auteur des pratiques restrictives énoncées par ce texte, s’appliquent à toute entreprise, indépendamment du statut juridique de celle-ci, et sans considération de la personne qui l’exploite. Cass. com. 21 janvier 2014 : pourvoi n° 12-29166 ; Cerclab n° 4699, rejetant le pourvoi contre CA Orléans (ch. com. écon. fin.), 12 avril 2012 : RG n° 11/02284 ; arrêt n° 12/143 ; Cerclab n° 3769, sur renvoi de Cass. com., 27 avril 2011 : pourvoi n° 10-13690 ; Bull. civ. IV, n° 61 ; Cerclab n° 3271.

Comp. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-5° C. com. (rupture brutale) : l'Institut technique de la Fédération française du bâtiment n'est pas un producteur, un commerçant, ou un industriel et n'est pas non plus une personne immatriculée au répertoire des métiers. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 21 novembre 2013 : RG n° 11/03876 ; Cerclab n° 4623 (refus d’application de de l’art. L. 442-6-I-5° C. com. dans les relations avec un organisateur de manifestations pour la réalisation d’un forum itinérant), sur appel de TGI Paris (4e ch. sect. 1), 15 février 2011 : RG n° 11/00346 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 5 janvier 2016 : pourvoi n° 14-15555 ; arrêt n° 27 ; Cerclab n° 5477 (Institut exerçant sous la forme d’une association). § L’ancien art. L. 442-6-1-5° C. com. est inapplicable à une association de la loi du 1er juillet 1901, qui a pour objet la mise en œuvre d'actions dans le domaine de la santé et du handicap, et n'est ni un producteur, ni un commerçant, ni un industriel ou un artisan, et qui n’est pas immatriculée au répertoire des métiers ; son activité, exclusive de toute activité économique, est non commerciale et son objet non lucratif conformément à la loi de 1901. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 23 juin 2017 : RG n° 15/15219 ; Cerclab n° 6939 (contrat de fourniture de matériel et d’assistance informatique à une association, financée essentiellement par des fonds publics, ayant pour objet la mise en œuvre d'actions dans le domaine de la santé et du handicap et intervenant dans la gestion d’un hôpital), sur appel de TGI Paris, 12 juin 2015 : RG n° 13/13406 ; Dnd.

Pour une décision totalement erronée estimant, au regard de l’art. L. 110-1-7° C. com., qu’un contrat de crédit-bail n’est pas un contrat de crédit entrant dans ce texte et qu’en conséquence le crédit-bailleur n’est pas un commerçant au sens de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com., alors que ce dernier était une banque société anonyme, relevant de la commercialité par la forme de l’art. L. 210-1 C. com. (« Le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet. Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions ») et qu’aux termes de l’art. L. 313-1 CMF, alinéa 2, « sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat ». CA Metz (ch. urg.), 18 juillet 2017 : RG n° 15/01997 ; arrêt n° 17/00264 ; Cerclab n° 6965 (crédit-bail de véhicules ; arrêt examinant et rejetant l’applicabilité du texte), sur appel de TGI Metz (ch. com. - réf.), 26 mai 2015 : Dnd.

Régimes dérogatoires : organismes bancaires et financiers. Après avoir qualifié les contrats de mise à disposition de site Internet conclus entre la société réalisant le site et ses clients de contrats de location, l'arrêt relève que le bailleur financier est une société de financement agréée auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, habilitée en conséquence à réaliser à titre habituel des opérations de crédit et opérations connexes, constitutives de services bancaires et financiers, dans les conditions et limites définies dans son agrément ; ayant constaté que l'art. L. 511-4 CMF prévoit seulement que les art. L. 420-1 à L. 420-4 C. com. sur les pratiques anticoncurrentielles s'appliquent aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du même code, la cour d'appel en a justement déduit que, pour ces opérations, le législateur n'a pas étendu aux établissements de crédit et sociétés de financement l'application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, de sorte que les activités exercées par le bailleur financier dans le cadre des opérations de location financière litigieuses ne relèvent pas du code de commerce mais des dispositions spécifiques du code monétaire et financier. Cass. com., 15 janvier 2020 : pourvoi n° 18-10512 ; arrêt n° 100 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8310, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064 (licence de site internet ; en connexité avec les opérations de crédit-bail pour lesquelles elle est spécialement accréditée, la société a conclu avec une société de services une convention de collaboration, par laquelle elle acquiert auprès de celle-ci les droits d'exploitation afférents au site web afin de les mettre à disposition à titre temporaire du client final ; la loi spéciale prévaut sur la loi générale ; le législateur, dans l’art. L. 511-4 CMF, n'a pas étendu l'application des pratiques restrictives de concurrence aux organismes et activités bancaires et financiers, l'extension étant limitée aux seules pratiques anticoncurrentielles du titre II ; doit dès lors être mise hors de cause la société de financement, filiale à 100 % d’une banque, agréée en tant que telle auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et donc habilitée à réaliser à titre habituel des opérations de crédit et opérations connexes, constitutives de services bancaires et financiers), sur appel de T. com. Lille, 10 novembre 2015 : RG n° J2012000024 ; Dnd. § Les activités des établissement de paiements et de monnaie électronique, telles que définies par l'art. L. 522-2 CMF ne relèvent pas, en vertu de l'art. L. 511-4 CMF, du Code de commerce mais des dispositions spécifiques du Code monétaire et financier, loi spéciale qui prévaut sur la loi générale ; or, le législateur n'a étendu à ces établissements l'application des pratiques restrictives de concurrence qu'aux seules dispositions relatives aux pratiques anti concurrentielles du titre II du Code de commerce, la seule exception étant les établissements ayant une activité de nature hybride. T. com. Paris (1re ch.), 2 septembre 2019 : RG n° 2017050625 ; Cerclab n° 8250 (place de marché Amazon ; mise hors de cause d’Amazon payments europe, avec qui les vendeurs doivent contracter, dès lors que cette société a obtenu un agrément classique, sans être agréée comme un établissement ayant une activité hybride).

B. IDENTIFICATION DU RESPONSABLE

Nécessité d’identifier le responsable. L’art. L. 442-1 C. com. permet à une victime d’agir en réparation de son préjudice par une action en responsabilité implicitement fondée sur une faute du responsable (cf. les décisions évoquant le fait que la condition de soumission correspond à l’élément intentionnel du texte, Cerclab n° 6170). Dès lors, le succès de l’action suppose d’identifier le responsable. L’exigence peut se fonder sur la condition d’imputabilité matérielle de la responsabilité pour faute (contrairement à la faculté de discernement, l’imputabilité intellectuelle, n’a pas disparu) et, pour l’amende civile, le respect du principe de personnalité des peines a parfois été évoqué (V. ci-dessous pour les fusions et Cerclab n° 6242). Les affaires évoquées plus loin montrent que la mise en œuvre pratique de ce principe est parfois rendue délicate par l’opacité de certains groupes de sociétés, notamment de distributeurs.

* Illustrations : absence d’identification. Pour des illustrations de rejet d’action en cas d’impossibilité de déterminer le responsable de la pratique litigieuse : rejet de la demande fondée sur l’imposition à un fournisseur d’ordinateurs d’exigences sans contrepartie, notamment l’obligation de disposer d’une gamme multipliant les prototypes et augmentant le stock, dès lors que la demande est dirigée contre deux acheteurs et que les pièces fournies ne comportent aucune ventilation entre elles, alors que le contrat de partenariat avec l’une des sociétés ne comportait aucune obligation de supporter ces prétendus investissements. CA Paris (pôle 5 ch. 10), 3 octobre 2012 : RG n° 10/10308 ; arrêt n° 198 ; Cerclab n° 4077 (grossiste spécialisé dans le commerce d'ordinateurs et d'équipements informatiques concluant des contrats commerciaux en vue de la vente d’ordinateurs par téléachat), sur appel de T. com. Paris Chambre (15e ch.), 19 mars 2010 : RG n° 2008/088681 ; Dnd.

* Approche procédurale. Compte tenu de la complexité organisationnelle évoquée plus haut, l’identification précise n’est pas forcément acquise lors de l’introduction de la procédure : cette situation n’est pas une cause de nullité de l’assignation : n’est pas nulle, au motif qu’elle serait entachée d’un vice grave, l'assignation par laquelle le Ministre, dans le cadre de son action autonome et délictuelle, demande la condamnation in solidum de cinq sociétés désignées sous le terme « le groupe C.», dès lors que, celui-ci ayant précisé ses demandes dans ses conclusions devant le tribunal, ainsi que les faits reprochés à chacune des sociétés, ces dernières étaient en mesure de connaître l'objet de la demande et d'assurer leur défense. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (confirmation du jugement qui a retenu l’absence de grief), sur appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd§ Mais cette tolérance n’est pas sans limite. L’identification doit notamment être faite en première instance, l’intervention forcée en appel étant soumise à des règles restrictives. V. par exemple : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (les dispositions de l’art. 555 CPC sont d'application stricte ; est irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel, à la demande du Ministre, d’une société d’un groupe de distribution, gérant le centre de règlement fournisseur et dont la direction juridique a rédigé la convention de partenariat dont certaines clauses sont contestées, en l’absence de preuve d’une évolution du litige).

Indifférence de l’importance du responsable. La condition de dépendance économique a été supprimée par la loi du 4 août 2008 (V. Cerclab n° 6171), solution qui rejoint d’ailleurs la suppression de la condition d’abus de puissance économique en droit de la consommation, par la loi du 1er février 1995 (V. Cerclab n° 5805). § Pour une illustration : le fait que la relation commerciale soit établie entre un client réalisant un chiffre d’affaires important et un cocontractant de taille plus modeste ne met pas ce dernier à l’abri de l’application des dispositions de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. CEPC (avis), 16 mai 2012 : avis n° 12-06 ; Cerclab n° 4283.

Plateforme de marché. Le partenariat économique s'étend aux sociétés qui, même si elles n'ont pas elle-même conclu de contrats avec le client (ici le vendeur tiers souhaitant commercialiser ses produits sur la place de marché Amazon), ont pris personnellement part aux pratiques restrictives de concurrence, concouru aux dommages causés par leur partenaire en raison de ces pratiques en fournissant les moyens et assuré l'exécution du contrat comportant des clauses manifestement déséquilibrées. T. com. Paris (1re ch.), 2 septembre 2019 : RG n° 2017050625 ; Cerclab n° 8250 (refus de mettre hors de cause la filiale Amazone France services, qui est contractuellement liée à Amazon services europe, laquelle contracte avec les vendeurs, AFS assurant en vertu de ces conventions différents services à ASE pour l’exécution des contrats conclus avec les vendeurs ; le jugement note que l’existence de relations directes entre AFS et les vendeurs, notamment par mail, a été établie et conclut que « AFS est, au sens de l'ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com., un partenaire commercial d'ASE avec qui elle est associée dans une action de développement de la place de marché, ce qui l'a conduit à des relations avec des vendeurs tiers, et [elle] a ainsi participé aux pratiques dénoncées par le Ministre »).

Société-mère et filiale à 100 %. La présomption de responsabilité de la société-mère pour les pratiques de ses filiales à 100 % ne joue que pour les pratiques anticoncurrentielles ; elle s'appliquerait en cas d'abus de dépendance économique, mais elle ne saurait s'appliquer aux pratiques restrictives de concurrence, pour lesquelles la preuve doit être rapportée d'une immixtion de la société-mère dans la gestion de sa filiale de nature à créer pour le partenaire une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que cette société était aussi son partenaire. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2017 : RG n° 16/04443, Cerclab n° 7047 (contrats de distribution dans le secteur de la téléphonie mobile ; preuve non rapportée en l’espèce), sur appel de T. com. Paris, 26 janvier 2016 : RG n° 2015035843 ; Dnd.

Sociétés d’un même groupe. Pour l’expression du principe : le droit commercial est régi par le principe de l'autonomie des personnes morales, en application duquel une société ne peut être condamnée à réparer le préjudice causé à un tiers par la faute commise par une autre société, même si ces sociétés appartiennent au même groupe, les sociétés d'un même groupe demeurant des entités juridiques distinctes. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551. § Cassation de l’arrêt retenant l’existence d’une dépendance économique, pour l’application des anciens art. L. 442-6-I-5° et L. 442-6-I-2°-b) C. com. en prenant en compte le chiffres d’affaires global d’un fournisseur avec deux sociétés d’un même groupe, par des motifs impropres à établir que les sociétés n’étaient pas autonomes dans leurs relations commerciales avec le fournisseur ou qu’elles avaient agi de concert. Cass. com., 2 décembre 2008 : pourvoi n° 08-10732 ; Cerclab n° 3647, cassation partielle de CA Douai (ch. 2 sect. 2), 20 novembre 2007 : RG n° 07/04777 et n° 07/05218 ; Cerclab n° 7432, sur appel de T. com. Lille, 12 juillet 2007 : RG n° 2007/1192 ; Dnd. § V. aussi CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (résumé ci-dessus pour l’exigence d’identification).

Pour des espèces où la participation de sociétés non signataires des contrats a été établie : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 21 juin 2017 : RG n° 15/18784 ; Cerclab n° 6938 (centrale de réservation d’hôtels par internet ; responsabilité des sociétés d’un même groupe, soit qu’elles aient conclu le contrat litigieux, soit qu’elles aient concouru au dommage causé aux hôteliers du fait de l'application des contrats en fournissant certains moyens humains et matériels nécessaires au démarchage des hôteliers et à la conclusion des contrats litigieux : l'opacité volontairement entretenue au sein d’un groupe ne saurait empêcher la rechercher d’une responsabilité au regard de l'ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] ; application en l’espèce aux sociétés gérant le site interner pour plusieurs raisons : 1/ mise en avant sur le site d’une « garantie d'alignement de prix » correspondant aux clauses litigieuses ; 2/ intervention du personnel de ces sociétés dans la conclusion des contrats et la vérification du respect de ces clauses ; 3/ mention explicite dans le contrat qu’il faut entendre par « Expedia » l'ensemble constitué des « entités suivantes », en fonction du type de réservation et de la localisation géographique des hôtels, suivie d’une liste des sociétés correspondantes incluant celles gérant le site).

V. aussi dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-5° C. com. : cassation de l’arrêt condamnant deux sociétés, alors qu’elle avait relevé que celles-ci, bien qu’appartenant à un même groupe et ayant la même activité, étaient deux sociétés autonomes qui avaient entretenu avec la société victime des relations commerciales distinctes, et qu’elle n’a pas constaté qu’elles avaient agi de concert. Cass. com., 6 octobre 2015 : pourvoi n° 14-19499 ; arrêt n° 872 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5364, cassant partiellement CA Paris, 30 janvier 2014 : Dnd.

Comp., plus strict pour l’ancien art. L. 442-6-II C. com. : dans le cadre de l’art. L. 442-6-II, d) C. com., ne peuvent être visées que les sociétés ayant conclu les contrats litigieux ; les sociétés du même groupe qui ont été complices de la pratique en fournissant assistance et moyens pour l'exécution de ces contrats, ne peuvent être éventuellement sanctionnées que sur le fondement de la concurrence déloyale. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 21 juin 2017 : RG n° 15/18784 ; Cerclab n° 6938 (solution inverse pour l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com.), infirmant T. com. Paris, 7 mai 2015 : RG n° 2015000040 ; Dnd (jugement n’ayant pas distingué les deux textes).

Groupements de sociétés dans la distribution. Est recevable l’action introduite par le Ministre contre une société, qui a pour activité l’exploitation d’hypermarchés sur le territoire français et exécute pour sa part les accords commerciaux et de partenariat avec ses fournisseurs, qui est la principale structure opérationnelle du groupe sur le territoire français, dès lors que, quelle que soit l’entité signataire des accords de partenariat litigieux, cette entité est dans tous les cas stipulée agir pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin exploitant une enseigne du groupe, l’arrêt attaqué ayant ainsi fait ressortir que la société d’hypermarchés avait la qualité de partie aux contrats litigieux signés pour son compte. Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut (arrêt estimant constant que les accords de partenariat litigieux ont été conclus par les fournisseurs avec deux des centrales de référencement du groupe d’hypermarchés, mais retenant l’argumentation du Ministre selon laquelle la conclusion des accords de partenariat par le groupe avec ses fournisseurs relevait d'une politique élaborée et coordonnée au niveau du groupe, notamment parce que c’est bien la société poursuivie qui mettait à disposition de ses filiales de référencement, le modèle de contrat unique utilisé lors des négociations commerciales ; arrêt estimant par ailleurs que le groupe est constitué d'une véritable nébuleuse de sociétés, dont certaines à la même adresse, dont les liens apparaissent d'une grande opacité ; arrêt admettant également la possibilité d’agir contre une des sociétés du groupe dès lors que, si elle n'exécute pas elle-même les prestations commerciales, elle en perçoit les rémunérations), sur appel de T. com. Evry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380 ; Lettre distrib. 2009/11 ; Concurrences 2010/1, p. 121, obs. M. Chagny, et sur renvoi CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 14/03593 ; Cerclab n° 5289.

Admission de l’action contre une centrale d’achat et de référencement d’une société de supermarché, qui n’est pas intervenue seulement comme simple mandataire, mais bien comme cocontractant ayant les mêmes pouvoirs que son « pseudo-mandant », à savoir la faculté de l’engager dans un contrat cadre, être le seul signataire dudit contrat cadre, être celui qui émet les factures à son en-tête sociale, et, enfin, être celui qui encaisse par règlement à son ordre les sommes. Cass. com., 16 décembre 2008 : pourvoi n° 08-13162 ; Cerclab n° 3648 ; JCP G 2009. 1. 138, obs. M. Chagny, rejetant le pourvoi contre CA Nîmes (2e ch. com. sect. B), 17 janvier 2008 : RG n° 05/01724 ; Cerclab n° 3652 (centrale de référencement d’un groupe de supermarchés ; arrêt notant que la centrale n’a pas cru bon de faire intervenir la société de supermarchés), sur appel de T. com. Aubenas, 8 mars 2005 : Dnd.

Rejet du pourvoi contre l’arrêt ayant condamné plusieurs sociétés d’un groupe de distribution, pour les clauses litigieuses d’un contrat de partenariat unique, aussi bien celles qui l’ont signé, que celles au nom ou pour le compte desquelles il a été conclu, ainsi que la société qui en contrôlait certaines et qui déterminait la politique commerciale du réseau, notamment en imposant cette convention, la cour d’appel ayant pu retenir que la responsabilité de cette dernière société était engagée, au titre de son rôle pilote, dans l’élaboration de cette convention, comme celle de la société, qui en avait assuré l’exécution. Cass. com., 4 octobre 2016 : pourvoi n° 14-28013 ; arrêt n° 833 ; Cerclab n° 6555, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (l’action du ministre dirigée contre les sociétés ayant personnellement pris part aux pratiques commerciales litigieuses ne méconnaît pas le principe de la personnalité des délits et de peines), appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd.

V. cependant, pour les limites de la solution lorsqu’une société du groupe fait l’objet d’une intervention forcée en appel : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (les dispositions de l’art. 555 CPC sont d'application stricte ; est irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel, à la demande du Ministre, d’une société d’un groupe de distribution, gérant le centre de règlement fournisseur et dont la direction juridique a rédigé la convention de partenariat dont certaines clauses sont contestées, en l’absence de preuve d’une évolution du litige). § V. aussi pour la Cour de cassation : Cass. com., 11 septembre 2012 : pourvoi n° 11-17458 ; Cerclab n° 3937. § Deux sociétés ayant des personnalités morales distinctes et des rôles distincts, l’une distribuant des consoles de jeu sur le territoire français, la seconde disposant d’une cession de licence sur un territoire plus large pour les relations avec les éditeurs de jeux de cette même console, la première ne peut voir sa responsabilité engagée que si elle a facilité la conclusion ou l'application des contrats litigieux, ou au titre de l'apparence, si elle s’est immiscée dans la gestion de la seconde, conduisant les victimes à croire qu'elles contractaient en réalité avec les deux sociétés. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 4 octobre 2017 : RG n° 16/06674 ; Cerclab n° 7084 (preuve non rapportée en l’espèce), sur appel de T. com. Paris, 11 décembre 2015 : RG n° 2009002904 ; Dnd.

Société holding. Est recevable l’action du Ministre à l’encontre de la société holding d’un grossiste en fruits et légumes, qui définit la politique du groupe et qui a conclu tous les accords avec les fournisseurs contenant la clause litigieuse, dès lors qu'il n'est pas démontré que cette société aurait reçu mandat de négocier les contrats au nom des différentes sociétés du groupe, notamment de sa filiale à 98 %, afin d'y insérer une clause de coopération commerciale pour remplacer des remises devenues illégales et qu’elle était à l'évidence intéressée à remédier à sa suppression, puisque c’est elle qui percevait cette remise 2 %. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 15 janvier 2015 : RG n° 13/03832 ; Cerclab n° 5019 (grossiste en fruits et légumes sur différents sites, notamment un Marché d’intérêt national ; clause de coopération commerciale dépourvue de contrepartie, venant remplacer des remises devenues illégales ; arg. supplémentaire : il importe peu que la société holding n'intervienne pas dans l'exécution des contrats puisque l'action est fondée sur une clause qui n'avait pas vocation à être exécutée et présentait un caractère purement fictif), sur appel de T. com. Marseille, 29 novembre 2012 : RG n° 2012F00520 ; Dnd.

Mais, cassation pour manque de base légale de l’arrêt retenant la responsabilité in solidum de la société holding d’un groupe de supermarchés, sans préciser en quoi cette société était intervenue dans la conclusion des contrats de coopération commerciale et avait pu engager sa responsabilité à ce titre. Cass. com., 11 septembre 2012 : pourvoi n° 11-17458 ; Cerclab n° 3937, cassant sur ce point CA Paris (pôle 5 ch. 5), 24 mars 2011 : RG n° 10/02616 ; Cerclab n° 3633 (si la société de supermarché n'est pas directement intervenue dans les relations avec le fournisseur, il n'en demeure pas moins que cette holding définit la politique commerciale du groupe et a un intérêt direct dans la commercialisation des produits des hypermarchés du groupe ; dès lors, elle a non seulement la qualité de « défendeur sérieux » comme l'a retenu la Cour de cassation mais est incontestablement intéressée au litige et à ses conséquences financières), sur appel de T. com. Evry, 3 février 2010 : Dnd.

Fusion-absorption. Il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, que nul n’est punissable que de son propre fait et ce principe s’applique, non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition (§ 5). L’amende civile instituée par l’ancien art. L. 442-6-III C. com. [L. 442-4-I], qui sanctionne les pratiques restrictives de concurrence, a la nature d’une sanction pécuniaire et le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait lui est applicable (§ 7) ; il résulte des § 7 à 9 que ces dispositions, telles qu’interprétées par une jurisprudence constante, ne méconnaissent pas, compte tenu de la mutabilité des formes juridiques sous lesquelles s’exercent les activités économiques concernées, le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait. C. constit., 18 mai 2016 : décision n° 2016-542 QPC ; Cerclab n° 6500 (§ 9 : « seule une personne bénéficiaire de la transmission du patrimoine d’une société dissoute sans liquidation est susceptible d’encourir l’amende prévue par les dispositions contestées »), sur demande de QPC de Cass. com. 18 février 2016 : pourvoi n° 15-22317 ; arrêt n° 286 ; Cerclab n° 6501, pourvoi contre CA Paris, 11 mars 2015 : Dnd, finalement jugé irrecevable par pourvoi jugé irrecevable par Cass. com., 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-22317 ; Cerclab n° 7406 et pour l’issue CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (le principe de la personnalité des peines n'interdit pas qu'une amende civile puisse être prononcée contre la société absorbante pour des pratiques commises par les sociétés absorbées), pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné). § Le principe de la personnalité des peines, résultant des art. 8 et 9 de la Déclaration de 1789, ne fait pas obstacle au prononcé d’une amende civile à l’encontre de la personne morale à laquelle l’entreprise a été juridiquement transmise. Cass. com. 21 janvier 2014 : pourvoi n° 12-29166 ; Cerclab n° 4699, rejetant le pourvoi contre CA Orléans (ch. com. écon. fin.), 12 avril 2012 : RG n° 11/02284 ; arrêt n° 143 ; Cerclab n° 3769 (doit être rejeté le moyen tiré de l'art. 121-1 C. pénal selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre fait - sur les raisons de ce rejet, V. Cerclab n° 6242 -, en raison tant de la mission de régulation dont est investi le Ministre de l'économie, qu'au fait qu'à la suite de la fusion, la société à laquelle les manquements sont éventuellement imputables a été absorbée intégralement sans être liquidée ou scindée ; il n'existe pas d'obstacles au prononcé d'une sanction pécuniaire à l'encontre de la société absorbante ; au surplus, les pratiques anticoncurrentielles sont imputées par l'ancien art. L. 442-6 du code de commerce à « tout producteur, commerçant ou industriel », indépendamment de leur statut juridique et sans considération de la personne de l'exploitant, de sorte que le principe de la continuité économique et fonctionnelle d'une entreprise s'applique, quel que soit le mode juridique de transfert des activités dans le cadre desquelles ont été commises les pratiques à sanctionner), sur renvoi de Cass. com., 27 avril 2011 : pourvoi n° 10-13690 ; Bull. civ. IV, n° 61 ; Cerclab n° 3271. § V. aussi : est recevable l’action dirigée contre la société mère qui a absorbé ses quatre filiales ayant conclu les contrats litigieux, au motif que les quatre sociétés qui ont juridiquement disparu pratiquaient les mêmes contrats, ce qui implique nécessairement que leur maison mère n'y était pas étrangère, quel qu'ait pu être son degré d'implication. T. com. Évry (3e ch.), 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Cerclab n° 4352 (rejet de l’argumentation tiré du caractère pénal de la responsabilité encourue).

Repreneurs, cessionnaires, locataires-gérants, etc. Est irrecevable l’action intentée contre une société de supermarchés, qui a pris en location-gérance des hypermarchés jusqu'alors exploités par des entités juridiquement distinctes, pour des faits commis antérieurement, cette société ne pouvant voir recherchée sa responsabilité délictuelle pour des agissements commis par des personnes morales qui lui sont parfaitement étrangères. CA Douai (2e ch. sect. 1), 17 décembre 2009 : RG n° 08/06361 ; Cerclab n° 3630, sur appel de T. com. Lille, 19 juin 2008 : RG n° 06/02092 : Dnd, pourvoi rejeté sur ce point par Cass. com., 18 octobre 2011 : pourvoi n° 10-15296 ; Bull. civ. IV, n° 161 ; Cerclab n° 3511 (moyen non admis). § Mise hors de cause du cédant, dès lors qu’en dépit de la conclusion de plusieurs contrats après la cession, il n’est pas établi que ce dernier ait maintenu une activité autonome après la cession. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 21 juin 2017 : RG n° 15/18784 ; Cerclab n° 6938 (centrale de réservation d’hôtels par internet), confirmant T. com. Paris (13e ch. sect. 1), 7 mai 2015 : RG n° J2015000040 ; Juris-Data n° 2015-031872 ; Dnd.

Absence de partenariat économique entre un sous-traitant et le cessionnaire du fonds de commerce du donneur d’ordre, qui n’a pas repris les contrats et a mis fin aux relations de fait qui s’étaient maintenues en raison de désaccords tarifaires empêchant la conclusion de nouveaux accords. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 12 janvier 2018 : RG n° 15/20452 ; Cerclab n° 7395 (sous-traitance dans le nettoyage et la transformation de véhicule ; absence au surplus de déséquilibre significatif), sur appel de T. com. Bordeaux du 11 septembre 2015 : RG n° 2014F01306 ; Dnd

Le cessionnaire d’un contrat de réalisation d’un site internet, qui n’est chargé d'aucune prestation de services, mais seulement du financement de l'opération, dont elle se rembourse par la perception de loyers en contrepartie d’une licence de site, n’est pas un dans une relation de partenariat avec le locataire, laquelle ne peut se déduire de la seule indissociabilité des deux contrats. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064 (arrêt notant que le cessionnaire pourrait s'être rendue complice de la violation de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. ou l'avoir directement violé), sur appel de T. com. Lille, 10 novembre 2015 : RG n° J2012000024 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 15 janvier 2020 : pourvoi n° 18-10512 ; arrêt n° 100 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8310 (location financière non soumise aux pratiques restrictices de concurrence en vertu de l’art. L. 511-4 CMF).

Condamnation in solidum des coresponsables. Condamnation in solidum au paiement de l’amende de toutes les entreprises du groupe ayant concouru aux mêmes pratiques contraires à l'ancien art. L. 442-6-I-2° C. com., soit en signant avec les hôteliers les contrats comportant les clauses litigieuses, soit en fournissant aide et assistance pour favoriser la signature de ces contrats et leur application. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 21 juin 2017 : RG n° 15/18784 ; Cerclab n° 6938 (solution différente pour l’art. L. 442-6-II, d) C. com., limitée aux seules sociétés signataires du contrat, distinction sans portée en l’espèce puisque la cour rattache l’amende au seul art. L. 442-6-I-2° C. com. ancien). § V aussi : T. com. Paris (1re ch.), 2 septembre 2019 : RG n° 2017050625 ; Cerclab n° 8250.