CA DOUAI 8e ch. sect. 1), 6 septembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3942
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 6 septembre 2012 : RG n° 11/06356
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu que la mention pré imprimée apparaissant au-dessus des signatures de Monsieur X. et Madame Y., son épouse, emprunteurs, sur l'offre préalable de prêt, et énonçant qu'ils déclarent « accepter la présente offre préalable après avoir pris connaissance des conditions figurant ci-dessus et au verso » et reconnaissent « rester en possession d'un exemplaire doté d'un formulaire détachable de rétractation » suffit à établir que l'offre préalable qui leur a été remise comportait bien le formulaire en question ; Que Monsieur X. et Madame Y., son épouse, n'ont pas entendu en l'occurrence démontrer l'inexactitude de cette mention ou l'irrégularité dudit bordereau en produisant l'exemplaire resté en leur possession ; Qu'au demeurant, il ne peut raisonnablement être demandé au prêteur de produire un exemplaire du contrat comportant le bordereau en question dans la mesure où, si l’article L. 311-8 du code de la consommation prévoit la remise en double exemplaire de l'offre de crédit à l'emprunteur à charge pour lui d'en retourner un au prêteur, le formulaire détachable, joint à l'offre et dont l'usage est exclusivement destiné à l'emprunteur pour exercer sa faculté de rétractation, n'a pas à figurer par définition sur l'exemplaire destiné au prêteur ».
2/ « Attendu que Monsieur X. et Madame Y., son épouse, font valoir que le paragraphe III-1 intitulé « utilisations particulières » des conditions générales de l'offre de crédit contient une clause abusive de nature à déséquilibrer, en leur défaveur, l'exécution du contrat de crédit au motif qu'elle dispense le prêteur d'une nouvelle offre préalable lors de crédits complémentaires sans possibilité pour l'emprunteur de se rétracter ;
Que la clause litigieuse est ainsi libellée : « Sur proposition du prêteur, l'emprunteur pourra bénéficier, s'il les estime plus favorables que les utilisations courantes dont les conditions sont indiquées aux conditions particulières, d'utilisations particulières. Le taux en sera fixe et le remboursement amortissable sur une durée déterminée. Ces utilisations particulières feront l'objet de décomptes distincts présentés, séparément sur le relevé de compte. Les mensualités correspondant à ces utilisations particulières seront ajoutées au montant du remboursement minimum mensuel fixé aux conditions particulières au recto et feront l'objet d'un prélèvement unique. A chaque utilisation particulière, une confirmation des conditions financières sera adressée à l'emprunteur. […] » ;
Que cette clause ne prévoit pas que les utilisations particulières, qui restent subordonnées à l'accord des deux parties, doivent être réalisées dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée par l'emprunteur et qui ouvre une faculté de rétractation ; Qu'ainsi, cette clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue une utilisation particulière, délivrer à l'emprunteur une nouvelle offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur ;
Qu'elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme complémentaire ; Que dès lors qu'elle aggrave la situation de l'emprunteur, elle rend l'offre irrégulière en la forme ;
Que la société DISPONIS doit en conséquence et par application des dispositions de l’article L. 311-33 du code de la consommation être déchue de son droit aux intérêts conventionnels et les époux X. déclarés tenus au seul remboursement du capital emprunté depuis l'origine sous déduction des versements opérés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/06356. Jugement (R.G. n° 11-11-87) rendu le 1er juin 2011 par le Tribunal d'Instance de BÉTHUNE.
APPELANTE :
SA DISPONIS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, ayant son siège social : [adresse], Représentée par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, Assistée de la SCP BECU PHILIPPE, avocats au barreau de BÉTHUNE,
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant : [adresse], Représenté par Maître Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI constituée aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, anciens avoués
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant : [adresse], Représentée par Maître Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI constituée aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, anciens avoués
DÉBATS à l'audience publique du 23 mai 2012 tenue par Hélène BILLIERES magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 septembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant offre préalable acceptée le 21 avril 2006, la société DISPONIS a consenti à Monsieur X. et à Madame Y., son épouse, une ouverture de crédit d'un montant initial de 3.750 euros, pouvant être porté à 6.000 euros, utilisable par fractions et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû, le taux effectif global de 16,32 % lors de la souscription du contrat étant révisable suivant les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature.
Alléguant le défaut de paiement des échéances mensuelles, la société DISPONIS a prononcé la déchéance du terme puis a assigné les époux X. en paiement des sommes dues au titre de leurs engagements.
Par jugement contradictoire du 1er juin 2011, le tribunal d'instance de Béthune, après avoir constaté l'absence de production du bordereau de rétractation par le prêteur, a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels et en conséquence, a condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y., son épouse, à payer à l'établissement de crédit la somme de 278 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2010.
La société DISPONIS a relevé appel de ce jugement le 13 septembre 2011.
Dans le dernier état de ses conclusions signifiées le 24 janvier 2012, elle conteste le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts au motif que l'exemplaire de l'offre de prêt produit par l'établissement de crédit ne comportait pas de bordereau de rétractation, alors que les emprunteurs ont reconnu dans l'offre conserver un exemplaire doté d'un formulaire de rétractation.
Elle rappelle le cas échéant qu'à supposer que certaines clauses de l'offre préalable soient déclarées abusives, elles doivent alors simplement être réputées non écrites sans que cela justifie la sanction sollicitée par les débiteurs.
La société DISPONIS soutient enfin avoir pleinement satisfait à son obligation d'information annuelle des emprunteurs avant chaque reconduction conformément aux prescriptions de l’article L. 311-9 du code de la consommation.
Réitérant devant la cour les prétentions qu'elle avait initialement soumises au premier juge, la société DISPONIS sollicite en conséquence la condamnation solidaire de Monsieur X. et Madame Y., son épouse, au paiement des sommes de 4.346,49 euros avec intérêts au taux contractuel de 17,61 % sur la somme de 3.891,63 euros à compter du 15 décembre 2010 et au taux légal pour le surplus et de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X. et Madame Y., son épouse, par écritures en réplique du 26 avril 2012, s'appuient sur la motivation du jugement rendu par le tribunal d'instance relativement à l'absence de production du bordereau de rétractation pour conclure à la confirmation du jugement entrepris.
Ils exposent en outre que l'offre préalable de crédit contient une clause qui aggrave significativement la situation des emprunteurs et doit donc être qualifiée d'abusive de sorte que la déchéance du droit aux intérêts du prêteur est également encourue à ce titre.
Les époux X. excipent encore de l'absence de respect par l'établissement de crédit de son obligation d'information annuelle pour prétendre à la déchéance de son droit aux intérêts.
Ils forment enfin une demande d'indemnisation de leurs frais irrépétibles à concurrence de 800 euros.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la déchéance du droit aux intérêts pour absence de production du bordereau de rétractation :
Attendu qu'en application de l'article L. 311-15 ancien du code de la consommation, un formulaire détachable de rétractation doit être joint à l'offre préalable ;
Attendu que la mention pré imprimée apparaissant au-dessus des signatures de Monsieur X. et Madame Y., son épouse, emprunteurs, sur l'offre préalable de prêt, et énonçant qu'ils déclarent « accepter la présente offre préalable après avoir pris connaissance des conditions figurant ci-dessus et au verso » et reconnaissent « rester en possession d'un exemplaire doté d'un formulaire détachable de rétractation » suffit à établir que l'offre préalable qui leur a été remise comportait bien le formulaire en question ;
Que Monsieur X. et Madame Y., son épouse, n'ont pas entendu en l'occurrence démontrer l'inexactitude de cette mention ou l'irrégularité dudit bordereau en produisant l'exemplaire resté en leur possession ;
Qu'au demeurant, il ne peut raisonnablement être demandé au prêteur de produire un exemplaire du contrat comportant le bordereau en question dans la mesure où, si l’article L. 311-8 du code de la consommation prévoit la remise en double exemplaire de l'offre de crédit à l'emprunteur à charge pour lui d'en retourner un au prêteur, le formulaire détachable, joint à l'offre et dont l'usage est exclusivement destiné à l'emprunteur pour exercer sa faculté de rétractation, n'a pas à figurer par définition sur l'exemplaire destiné au prêteur ;
Que le jugement sera en conséquence réformé de ce chef ;
Sur la déchéance du droit aux intérêts au titre du caractère abusif d'une clause :
Attendu que Monsieur X. et Madame Y., son épouse, font valoir que le paragraphe III-1 intitulé « utilisations particulières » des conditions générales de l'offre de crédit contient une clause abusive de nature à déséquilibrer, en leur défaveur, l'exécution du contrat de crédit au motif qu'elle dispense le prêteur d'une nouvelle offre préalable lors de crédits complémentaires sans possibilité pour l'emprunteur de se rétracter ;
Que la clause litigieuse est ainsi libellée :
« Sur proposition du prêteur, l'emprunteur pourra bénéficier, s'il les estime plus favorables que les utilisations courantes dont les conditions sont indiquées aux conditions particulières, d'utilisations particulières. Le taux en sera fixe et le remboursement amortissable sur une durée déterminée. Ces utilisations particulières feront l'objet de décomptes distincts présentés, séparément sur le relevé de compte. Les mensualités correspondant à ces utilisations particulières seront ajoutées au montant du remboursement minimum mensuel fixé aux conditions particulières au recto et feront l'objet d'un prélèvement unique. A chaque utilisation particulière, une confirmation des conditions financières sera adressée à l'emprunteur. Le taux d'intérêt ne sera en aucun cas supérieur au TEG maximum révisable applicable aux utilisations courantes (voir conditions particulières) les utilisations particulières s'effectueront dans la limite du découvert autorisé. En cas d'impayé dans le remboursement des utilisations particulières, cette défaillance de l'emprunteur lui fera perdre le bénéfice des conditions privilégiées à compter du jour auquel elle interviendra. Les sommes restant dues s'imputeront sur le disponible du compte et porteront intérêts aux conditions des utilisations courantes » ;
Que cette clause ne prévoit pas que les utilisations particulières, qui restent subordonnées à l'accord des deux parties, doivent être réalisées dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée par l'emprunteur et qui ouvre une faculté de rétractation ;
Qu'ainsi, cette clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue une utilisation particulière, délivrer à l'emprunteur une nouvelle offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur ;
Qu'elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme complémentaire ;
Que dès lors qu'elle aggrave la situation de l'emprunteur, elle rend l'offre irrégulière en la forme ;
Que la société DISPONIS doit en conséquence et par application des dispositions de l’article L. 311-33 du code de la consommation être déchue de son droit aux intérêts conventionnels et les époux X. déclarés tenus au seul remboursement du capital emprunté depuis l'origine sous déduction des versements opérés ;
Qu'en conséquence de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les emprunteurs, c'est par des calculs exacts au demeurant non contestés par les parties et que la cour reprend que le premier juge, tirant les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts, a solidairement condamné Monsieur X. et Madame Y., son épouse, à payer à la société DISPONIS la somme de 278 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2010 ;
Que l'établissement de crédit sera en conséquence déboutée de son appel et de ses prétentions et le jugement confirmé en ses dispositions relatives aux demandes pécuniaires de la société DISPONIS ;
Attendu que compte tenu des circonstances de la cause, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles tant de première instance que d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA DISPONIS aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP d'avoués LEVASSEUR CASTILLE pour les actes réalisés antérieurement au 1er janvier 2012 et par la SCP d'avocats LEVASSEUR pour ceux accomplis postérieurement, le tout conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives