CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 30 novembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4071
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 30 novembre 2012 : RG n° 11/07197 ; arrêt n° 357
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que l'appelante argue de manœuvres dolosives qui auraient été exercées par M. Y., salarié de Easydentic agissant comme mandataire de KNS Lease ; que le contrat litigieux n'ayant pas été signé par M. Y. et KNS Lease n'ayant pas été attraite en la cause, le moyen tiré du vice du consentement doit être rejeté ».
2/ « Mais considérant que cette société ayant loué l'équipement de vidéo surveillance pour son entreprise et donc dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle ne peut bénéficier des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/07197. Arrêt n° 357 (5 pages). Décision déférée à la Cour : jugement du 3 février 2011 - Tribunal de commerce de PARIS (9ème chambre) : R.G. n°2010034310.
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMÉE INCIDENTE :
SARL ÉTABLISSEMENTS X.,
agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé [adresse], Représentée par Maître Etienne DESHOULIERES, avocat au barreau de PARIS, toque E 1654
INTIMÉE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE :
SAS SIEMENS LEASE SERVICES,
prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé [adresse], Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055, Assistée de Maître Ferhat ADOUI plaidant pour la SCP D.A, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 288
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Dominique SAINT-SCHROEDER a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Renaud BOULY de LESDAIN, Président, Françoise CHANDELON, Conseiller, Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller.
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
ARRÊT : Contradictoire ; Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Sarl Établissements X. a signé le 20 mars 2008 un contrat de location financière avec la société Siemens Lease services, cessionnaire de la société KNS Lease, portant sur une caméra fixe d'extérieur et un stockeur numérique pour une durée de 60 mois, chaque échéance mensuelle s'élevant à la somme de 375 euros HT, soit 448,50 euros TTC. Ce matériel a été acquis par Siemens Lease services pour la somme de 22.702,65 euros. Le procès-verbal de réception a été signé par le locataire le 20 mars 2008 et le payement des loyers a commencé le 1er avril suivant. La société Établissements X. ayant cessé le versement des loyers à partir du 1er mars 2009, Siemens Lease services, après l'envoi le 14 octobre 2009 d'une mise en demeure restée vaine, a fait assigner cette société en payement devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 3 février 2011 assorti de l'exécution provisoire, a prononcé la résiliation du contrat de location aux torts de la Sarl Établissements X., condamné celle-ci à restituer le matériel objet du contrat résilié, ordonné le payement de l'indemnité mensuelle de jouissance à compter du 1er avril 2013, condamné la Sarl Établissements X. à payer les sommes de 4.036,50 euros TTC au titre des échéances mensuelles de loyers arriérés et ce avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle impayée et de 16.491,15 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, ordonné la capitalisation des intérêts, condamné la Sarl Établissements X. à payer la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs autres demandes.
Aux termes de ses dernières conclusions du 21 juin 2012, la Sarl Établissements X., appelante, demande à la cour au visa des articles 1116, 1152, 1184 et 1998 du code civil, L. 132-1 du code de la consommation, de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 et de la loi du 21 janvier 1995 de débouter Siemens Lease services de l'ensemble de ses demandes, de juger que celle-ci et KNS Lease n'ont jamais installé de matériel dans ses locaux, de constater la résiliation du contrat de location du 20 mars 2008, à défaut de prononcer la nullité dudit contrat pour dol condition potestative et illicéité, à défaut de prononcer la résolution dudit contrat, à défaut de déclarer non écrits les articles 1.7, 10.1, 10.2 et 10.3 du contrat du 20 mars 2008, à défaut de juger que la clause pénale de ce contrat est manifestement excessive et réduire en conséquence l'indemnité de résiliation à 1 euros, de condamner Siemens Lease services à lui restituer l'intégralité des loyers versés, soit la somme de 4.125 euros, et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures du 12 juillet 2012, Siemens Lease services conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a constaté la résiliation du contrat de location financière du 20 mars 2008 et condamné la Sarl Établissements X. à restituer le matériel et à payer les sommes dues en conséquence de la rupture du contrat, à sa réformation s'agissant du taux des intérêts de retard et de leur point de départ demandant à la cour de juger que les sommes dues au titre des indemnités mensuelles de jouissance et des échéances de loyers arriérés à la date de résiliation du contrat porteront intérêts au taux conventionnel égal au taux de l'intérêt légal majoré de cinq points à compter de chaque échéance mensuelle impayée et que l'indemnité de résiliation portera intérêts au taux conventionnel égal au taux de l'intérêt légal majoré de cinq points à compter du 4 novembre 2009, date de la résiliation. Elle réclame, en outre, la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant que la Sarl Établissements X. soutient que la société Easydentic, représentée par M. Y., a conclu avec elle trois contrats courant novembre et décembre 2007 portant sur la location et la maintenance de 2 dômes intérieurs, 3 caméras avec radar et un stockeur numérique, ces contrat étant cédés par la suite à la société Parfip France ; qu'au mois de mars 2008, M. Y. a pris contact à nouveau avec elle pour lui proposer d'annuler les contrats en cours et d'en conclure deux nouveaux à des conditions plus avantageuses, ce qui fut fait le 20 mars 2008 ; que ces deux nouveaux contrats portant sur le même matériel que les précédents contrats, un procès-verbal de réception a été signé par elle le jour-même alors qu'aucune réception n'a été effectuée au titre de ces nouveaux contrats qui ont en fait été signés non par Easydentic et Parfip France mais ont été transmis à d'autres sociétés dont KNS Lease, M. Y. n'ayant pas annulé les anciens contrats ; qu'elle fait valoir que KNS Lease lui a adressé une télécopie le 2 avril 2008 faisant référence à l'ensemble des équipements, objet de la location, de sorte que Siemens Lease services n'est pas fondée à solliciter l'exécution du contrat résilié par KNS Lease ; qu'elle allègue le dol dont elle a été victime de la part de M. Y. qui a agi en qualité de mandataire de KNS Lease et non comme salarié de Easydentic, dol qui doit entraîner la nullité du contrat du 20 mars 2008 ; qu'elle excipe également de l'illicéité du système de vidéo surveillance qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable à la CNIL ni à la préfecture et qui, de plus, ne respecte pas le principe de proportionnalité, la caméra intérieure étant placée de manière à filmer le poste de travail des salariés, la caméra extérieur permettant quant à elle de filmer la voie publique ; qu'elle prétend en outre que la clause figurant à l'article 1.2 du contrat constitue une condition potestative et que les clauses contenues dans les articles 1.7, 10.1, 10.2 et 10.3 du contrat du 20 mars 2008 sont abusives ;
Considérant que Siemens Lease services objecte que le contrat ne portait que sur une caméra d'extérieur et un stockeur numérique qui ont bien été livrés comme l'établit le procès-verbal de livraison et le payement des loyers durant un an ; que le dol allégué n'émanant pas de l'un des co-contractants présents dans la cause n'est pas susceptible d'entraîner la nullité du contrat ; que pas plus l'illicéité du matériel ne saurait lui être opposée dès lors que la responsabilité de vérifier la conformité de ce matériel aux réglementations en vigueur notamment à celles instituées par la CNIL pesait sur la Sarl Établissements X. de même que la charge des démarches nécessaires à la mise en conformité de l'équipement ; qu'elle conteste le caractère potestatif de la clause contenue dans l'article 1.2 du contrat litigieux et rappelle qu'un professionnel concluant un contrat dans le cadre de l'exercice de son activité ne peut invoquer la législation protectrice des consommateurs ;
Considérant, cela exposé, que Siemens Lease services justifie du contrat de location qu'elle a signé le 20 mars 2008 en sa qualité de cessionnaire de KNL Lease avec l'appelante et ne portant que sur une caméra fixe d'extérieur et un stockeur numérique ; que les procès-verbaux de réception en date des 16 novembre, 6 et 20 décembre 2006 du matériel fourni par Easydentic ne visent pas l'installation d'une caméra d'extérieur ; que ces constatations ainsi que le payement des loyers pendant un an démentent l'affirmation suivant laquelle le matériel, objet du contrat du 20 mars 2008, n'a pas été livré à la Sarl Établissements X. ; que de plus, cette société ne peut valablement prétendre avoir cru contracter avec Easydentic et Parfip France alors que le contrat qu'elle a signé le 20 mars 2008 comporte, outre son propre cachet et la signature de son représentant, les cachets et signatures des sociétés KNS Lease en tant que loueur et de Siemens lease services en tant que cessionnaire, étant relevé que l'appelante n'a pas versé aux débats les contrats qu'elle aurait signés avec Parfip France mais seulement les lettres visant la résiliation de certains contrats dont les numéros ne correspondent pas à ceux des contrats signés en novembre et décembre 2007 ;
Considérant que l'appelante argue de manœuvres dolosives qui auraient été exercées par M. Y., salarié de Easydentic agissant comme mandataire de KNS Lease ; que le contrat litigieux n'ayant pas été signé par M. Y. et KNS Lease n'ayant pas été attraite en la cause, le moyen tiré du vice du consentement doit être rejeté ;
Considérant que la Sarl Établissements X. allègue l'illicéité du matériel loué qui permet la surveillance de façon continue de son personnel et qui viole le principe de proportionnalité édicté par l’article L. 1121-1 du code du travail ; que ce moyen sera également rejeté dès lors que le contrat signé par Siemens Lease services ne porte pas sur les caméras que l'appelante a louées pour, semble-t-il selon ses dires, surveiller ses salariés à l'intérieur de l'entreprise mais sur une caméra d'extérieur ; que s'agissant de celle-ci, il appartient à l'entreprise utilisatrice de faire les démarches nécessaires auprès de la préfecture dans l'hypothèse où elle choisit d'installer ce matériel de telle façon que cela conduise à filmer la voie publique ;
Considérant que l'appelante soutient par ailleurs que la clause de l'article 1.2 du contrat de location constitue une condition potestative ; que cet article énonce que « passé un délai de 90 jours entre la date de signature du présent contrat par le loueur et la date de livraison du matériel, le loueur se réserve le droit si bon lui semble, de revoir les conditions particulières ou de considérer le contrat comme nul et non avenu » ; qu'une telle clause qui prévoit un délai au-delà duquel le loueur financier peut modifier les termes ou annuler le contrat si la livraison, qui ne dépend pas de sa volonté, n'est pas intervenue, ne constitue pas une condition potestative ;
Considérant que la Sarl Établissements X. se prévaut des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation pour faire juger que les articles 1.7, 10.1, 10.2 et 10.3 du contrat contiennent des clauses abusives qui doivent en tant que telles être réputées non écrites ;
Mais considérant que cette société ayant loué l'équipement de vidéo surveillance pour son entreprise et donc dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle ne peut bénéficier des dispositions de l’article L.132-1 du code de la consommation ;
Considérant qu'il suit de ces développements que le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de location, condamné la Sarl Établissements X. à restituer le matériel, a ordonné le payement de l'indemnité de jouissance à compter du 1er avril 2013, condamné cette société à payer les sommes de 4.036,50 euros TTC au titre des échéances mensuelles de loyers arriérés et de 16.491,15 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation ; qu'en effet, eu égard au montant des loyers payés par l'appelante et du coût du matériel acheté par Siemens Lease services à KNS Lease, la clause pénale n'apparaît pas manifestement excessive, étant rappelé que l'indemnité de résiliation a pour objet de faire assurer par le débiteur l'exécution de son obligation et de compenser de façon forfaitaire la perte subie par le créancier du fait du non-payement des loyers ; que le caractère excessif de cette clause pénale doit s'apprécier au regard du préjudice réellement subi par le loueur lequel est en droit de prétendre à la perception d'un bénéfice sur l'opération envisagée par les parties ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ; qu'en revanche, il sera infirmé en ce qu'il a dit que les sommes de 4.036,50 euros et de 16.491,15 euros porteraient intérêt au taux légal et non au taux conventionnel comme prévu à l'article 2.5 du contrat ; que, s'agissant de l'indemnité de résiliation, les intérêts commenceront à courir à partir du 4 novembre 2009, date de la résiliation du contrat et de l'envoi à l'appelante par lettre recommandée avec avis de réception du décompte des sommes dues ;
Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 au profit de l'une ou l'autre des parties ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a jugé que les sommes de 4.036,50 euros au titre des échéances mensuelles de loyers arriérés et de 16.491,15 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation porteront intérêts au taux légal,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que la somme de 4.036,50 euros allouée au titre des échéances mensuelles de loyers arriérés et celle de 16.491,15 euros allouée au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation porteront intérêts au taux de l'intérêt légal majoré de cinq points, et, s'agissant de l'indemnité de résiliation, à compter du 4 novembre 2009,
Rejette toute autre demande,
Condamne la Sarl Établissements X. aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président
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