CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 14 février 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4241
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 14 février 2013 : RG n° 12/05270 ; arrêt n° 2013/69
Publication : Jurica
Extrait : « Selon L. 442-6-I-2° du code de commerce, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé.
La société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de la modification de ses conditions tarifaires par la société CASAR.
En l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent résultant de la modification par la société CASAR des conditions tarifaires pour les commandes à venir à compter du 1er juillet 2011, et au regard des contestations sérieuse soulevées par la société CASAR, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/05270. ARRÊT AU FOND n° 2013/69. Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 2 février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011R00871.
APPELANTE :
Société ARCELORMITTAL - TRACTION LEVAGE SNC
dont le siège social est sis [adresse], représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Patrice VAILLANT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Mireille DE PORTALON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
Société CASAR
dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Eric BIENFAIT, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 janvier 2013 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame AUBRY CAMOIN, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2013
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 février 2013, Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société de droit allemand CASAR, spécialisée dans la câblerie métallique pour les engins de levage, a entretenu pendant plusieurs années avec la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE SNC des relations commerciales suivies, matérialisées par la vente de câbles à cette dernière à des tarifs préférentiels.
Par courrier daté du 1er juillet 2011, la société CASAR a informé la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE de ce qu'elle mettait fin à ces conditions tarifaires avantageuses et qu'à l'avenir, toute commande serait traitée dans les conditions commerciales standard tout en précisant que les dossiers en cours seraient honorés selon les conditions initialement prévues.
Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 19 juillet 2011 de son conseil, la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE SNC a demandé sans succès à la société CASAR de revenir sur sa décision.
Par acte du 18 octobre 2011, la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE a assigné la société CASAR au visa des articles 1134 et suivants du code civil, L. 420-2 et L. 442-6-2° du code de commerce, 808 et 809 du code de procédure civile, devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de MARSEILLE, aux fin de voir :
- ordonner le maintien des conditions commerciales unissant les deux sociétés, contenues notamment dans la correspondance du 19 décembre 2007,
- ordonner que le maintien de ces conditions commerciales durera jusqu'à ce que le juge du fond saisi par la partie la plus diligente se soit prononcé sur les revendications et modifications de la société CASAR,
- condamner la société CASAR à respecter ses obligations sous astreinte de 5 000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir passé un délai que le tribunal fixera,
- condamner la société CASAR à verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CASAR aux dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par ordonnance du 2 février 2012, le juge des référés du Tribunal de Commerce a :
- débouté la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE à payer à la société CASAR la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté tout surplus des demandes comme non justifié,
- condamné la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE aux dépens.
Par déclaration au greffe de la Cour du 20 mars 2012, la SNC ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 10 décembre 2012, la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE demande à la Cour au visa des articles L. 420-2 et L. 442-6-2° du code de commerce, 1134 et suivants du code civil, 808 et 809 du code de procédure civile, de :
- réformer l'ordonnance entreprise,
- prononcer le maintien des conditions commerciales unissant les deux sociétés, reposant sur des remises constantes et ininterrompues depuis l'origine, de 30 à 40 % sur les prix de base du tarif de la société CASAR,
- condamner la société CASAR à respecter ces conditions commerciales sous astreinte de 5.000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir,
- condamner la société CASAR au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CASAR aux dépens.
La société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE expose que les deux parties sont engagées dans une relation commerciale stable, durable et établie depuis plusieurs années, matérialisée par de nombreux contrats successifs dont les conditions et modalités ont été établies par un accord de volonté tacite des parties, notamment par référence aux conditions tarifaires présentées par la société CASAR, que la nature des relations entre les parties confirme qu'elles se sont accordées sur les conditions commerciales et tarifaires régissant les futures commandes de la société concluante, et que ces conditions tarifaires constituent un élément essentiel de leur relation globale.
Elle ajoute que la société CASAR a modifié à son avantage et de manière unilatérale les conditions économiques de cette relation commerciale par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er juillet 2011.
Elle se prévaut des dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce et soutient à cet égard qu'à la date de l'augmentation tarifaire qui lui a été unilatéralement imposée, elle se trouvait en situation de dépendance économique dès lors qu'elle était engagée dans des marchés pour l'exécution desquels l'utilisation des produits CASAR est imposé.
Elle se prévaut par ailleurs des dispositions de l’article L. 442-6-2° du code de commerce en faisant valoir que l'augmentation tarifaire qui lui a été imposée crée un déséquilibre significatif dans la relation commerciale globale des deux sociétés.
Elle réfute enfin les allégations de la société CASAR en indiquant qu'elle n'a pas modifié ses propres pratiques commerciales et continue à proposer les produits CASAR à ses clients.
Par conclusions du 31 juillet 2012, la société CASAR demande à la Cour au visa des articles L. 420-2 et L. 442-6-2° du code de commerce, 1134 et suivants du code civil, 808 et 809 du code de procédure civile, de :
- à titre principal, confirmer l'ordonnance entreprise,
- à titre subsidiaire, si la Cour infirmait l'ordonnance en cause, constater l'existence de contestations sérieuses et dire n'y avoir lieu à référé,
- en tout état de cause, condamner la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE au paiement de la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction.
La société CASAR expose qu'elle accorde à ses clients les plus fidèles et les plus conséquents des remises commerciales calculées sur le volume des marchandises commandées et fonction des relations commerciale entretenues entre eux, et qu'elle adresse chaque année à ses plus gros clients les tarifs de ses produits en y incluant les remises dont ils sont susceptibles de bénéficier.
Elle soutient qu'aucun contrat ne la lie à la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE et que le seul mode de régulation des relations entre les deux sociétés est le jeu de la libre concurrence.
Elle fait observer par ailleurs que la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE ne se trouve pas en situation de dépendance économique dès lors qu'elle dispose de la faculté de s'approvisionner en produits substituables dans des conditions équivalentes, que les produits CASAR sont en effet concurrencés par d 'autres fabricants bien connus de la société appelante qui est en relation avec eux, que les marchés signés par la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE ne font mention de fournitures CASAR qu'à titre d'exemple parmi d'autres fournisseurs, que les marchés passés par la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE n'engagent qu'elle même et ne sont pas opposables à la société concluante, que la concurrence sur le marché concerné s'oppose à toute notion de dépendance économique et d'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon les articles 872 et 873 du code de procédure civile applicable à la cause au regard de la qualité des parties, le Président du Tribunal de Commerce peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; il peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas contestable, il peut ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
* * *
Il est constant que les sociétés CASAR et ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE entretiennent depuis plusieurs années une relation commerciale établie caractérisée par sa durée et sa stabilité, n'impliquant pas nécessairement l'existence d'un contrat écrit ou d'un formalisme particulier, et que la société CASAR a consenti à la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE dans le cadre de cette relation commerciale établie des conditions tarifaires préférentielles auxquelles elle a mis fin pour les commandes à venir par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2011.
L'état de dépendance économique caractérise une situation dans laquelle une entreprise est obligée de poursuivre des relations commerciales avec une autre lorsqu'il lui est impossible de s'approvisionner en produits substituables dans des conditions économiques équivalentes.
La société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE argue se trouver en situation de dépendance économique en raison des marchés conclus par elle lui imposant d'utiliser des produits CASAR et produit au soutien de ses allégations deux marchés.
La reconduction du marché public passé avec le Grand Port Autonome de Marseille portant sur la fourniture de câbles métalliques destinés à la maintenance des engins de levage et de manutention portuaire, prévoit des rechanges préparés sur la base des câbles métalliques spéciaux du fabricant CASAR, et le marché a été reconduit pour une durée de un an du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011.
La convention conclue le 20 juillet 2010 entre la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE et la société ASCOMETAL pour une durée de trois ans du 1er août 2010 au 31 juillet 2013 porte sur la fourniture notamment de câbles, l'annexe 4 prévoyant des câbles CASAR sans toutefois que le contrat impose la fourniture de câbles de ce fabricant.
La société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE n'établit pas se trouver en situation de dépendance économique concernant ces deux marchés dès lors que les conditions tarifaires antérieures au 1° juillet 2011 s'appliquent aux commandes en cours, que le prix des produits est révisable soit à l'issue du marché soit une fois par an à la date anniversaire du contrat ainsi que le prévoit la convention signée avec ASCOMETAL, que la convention ASCOMETAL n'impose pas la fourniture de câbles CASAR et que la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE ne démontre pas que la substitution avec d'autres produits dans des conditions équivalentes serait impossible.
Selon L. 442-6-I-2° du code de commerce, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé.
La société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de la modification de ses conditions tarifaires par la société CASAR.
En l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent résultant de la modification par la société CASAR des conditions tarifaires pour les commandes à venir à compter du 1er juillet 2011, et au regard des contestations sérieuse soulevées par la société CASAR, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Il convient en équité de condamner la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE à payer à la société CASAR la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE qui succombe supportera les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions en ce compris les dépens,
Ajoutant,
Déboute la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamne la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE à payer à la société CASAR la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ARCELORMITTAL TRACTION LEVAGE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
- 3529 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : principe
- 6175 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Charge de la preuve
- 6225 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Vente
- 6229 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Prix - Montant du prix
- 6241 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence d’attribution