CA BESANÇON (2e ch. civ.), 20 février 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4261
CA BESANÇON (2e ch. civ.), 20 février 2013 : RG n° 11/02922
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il est exact en l'espèce que la SARL CREA HOME n'est pas seulement un vendeur de matériaux et qu'elle propose à ses clients des prestations coûteuses ; elle est tenue, en sa qualité de professionnel, d'un devoir d'information et de conseil qui lui impose de s'assurer que ses cocontractants ont bien pris toute la mesure de leur engagement, notamment dans son aspect financier, et plus particulièrement, des conséquences, sur le contrat qui les lie, d'un refus toujours possible de l'octroi d'un crédit. Or, la SARL CREA HOME ne justifie aucunement en l'espèce avoir attiré l'attention de M. X. et Mlle Y., manifestement profanes en la matière, sur l'absence de condition suspensive relative au financement de leur projet.
Si la faute du vendeur est caractérisée en l'espèce, force est toutefois de constater que les appelants n'en tirent pas les bonnes conséquences procédurales puisqu'ils se sont abstenus de demander de ce chef des dommages et intérêts, seule sanction possible du défaut de conseil ; en effet la validité reconnue du contrat litigieux interdit la restitution de l'acompte qu'ils ont versé et leur demande en paiement d'une somme de 5.000 euros qui sera examinée ci-dessous, vise l'indemnisation d'un autre préjudice, sans lien aucun avec le présent chef de demande. »
2/ « La demande présentée par M. X. et Mlle Y. visant à voir déclarer abusive les clauses sur lesquelles se fonde la SARL CREA HOME n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux même fins que celles présentées en première instance, à savoir le rejet de la demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 18.947 euros. »
3/ « L'article 1er des conditions générales de vente liant les parties stipule que toute annulation non conforme aux dispositions de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 donne lieu à versement par le client d'une indemnité de compensation qui ne pourra être inférieure à 33 % du montant de la commande. En revanche, l'article 3 exonère le vendeur de toute responsabilité et exclut expressément toute possibilité d'indemnisation pour le consommateur en cas de retard de livraison ou de difficulté d'exécution. L'économie de ce contrat crée ainsi un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations respectifs des parties, au détriment des appelants, non professionnels ; c'est par suite à bon droit que ces derniers demandent à la Cour de déclarer l'article 1er précité des conditions générales de vente qui les lie à la SARL CREA HOME abusif et, par voie de conséquence, réputé non écrit. »
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/02922. Contradictoire. Audience publique du 15 janvier 2013. S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BELFORT, en date du 8 novembre 2011 : R.G. n° 10/01015. Code affaire : 59A - Demande en nullité d'un contrat ou des clauses relatives à un autre contrat.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Monsieur X.,
demeurant [adresse]
Mademoiselle Y.,
demeurant [adresse]
Ayant pour postulant Maître Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON et pour plaidant Maître Sylvie MARCON-CHOPARD, avocat au barreau de BELFORT
ET :
INTIMÉE :
SARL CREA HOME,
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, Ayant pour postulant Maître Jean-Michel ECONOMOU, avocat au barreau de BESANCON, et pour plaidant Maître Maurice FACCHIN, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, C. THEUREY-PARISOT et R. HUA, Conseillers,
GREFFIER : N. JACQUES, Greffier,
Lors du délibéré : M. SANVIDO, Président de Chambre, C. THEUREY-PARISOT et R. HUA, Conseillers,
L'affaire plaidée à l'audience du 15 janvier 2013 a été mise en délibéré au 20 février 2013. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon bon de commande du 4 novembre 2009, M. X. et Mlle Y. ont fait l'acquisition auprès de la SARL CREA HOME d'un kit maison à ossature bois dénommé EVOLIANE EO1A 109, pour le prix de 82.380 euros TTC ; ils ont établi ce jour un chèque de réservation de 8.238 euros.
La SARL CREA HOME ayant encaissé leur chèque alors qu'ils n'avaient pu obtenir le financement nécessaire à leur projet, M. X. et Mlle Y. l'ont fait assigner selon exploit du 16 septembre 2010, afin d'obtenir l'annulation de ce bon de commande, la restitution de leur acompte et le versement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre leurs frais irrépétibles.
Par jugement du 8 novembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Belfort a :
- débouté M. X. et Mlle Y. de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné solidairement M. X. et Mlle Y. à verser à la SARL CREA HOME la somme de 18.947 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement M. X. et Mlle Y. à verser à la SARL CREA HOME la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. X. et Mlle Y. aux dépens.
SUR CE :
Vu la déclaration d'appel déposée le 9 décembre 2011 par M. X. et Mlle Y.,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 30 octobre 2012 par M. X. et Mlle Y.,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 13 novembre 2012 par la SARL CREA HOME,
auxquelles il est expressément référé pour l'exposé des moyens et des prétentions respectifs des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les pièces du dossier,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 décembre 2012,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Sur la nature et la validité du contrat :
Les appelants poursuivent, à titre principal la nullité du contrat qu'ils ont conclu le 4 novembre 2009 avec la SARL CREA HOME, en reprochant en substance à cette dernière d'avoir multiplié les manœuvres dolosives pour les inciter à s'engager contractuellement, croyant qu'ils se portaient acquéreurs d'une maison construite dans son intégralité au prix de 82.380 euros alors qu'il convenait d'y ajouter le coût de multiples prestations supplémentaires (terrassement, maçonnerie, couverture, électricité, plomberie, isolation...) portant le budget total de l'opération à plus de 150.000 euros ; ils lui font en outre grief de ne pas avoir attiré leur attention sur l'absence de condition suspensive relative au financement de leur projet et à l'obtention d'un permis de construire, en soutenant également que l'opération financée entrait dans le cadre des dispositions des articles L. 312-2 et L. 312-15 du code de la consommation.
C'est toutefois par des motifs appropriés, adoptés par la Cour que les premiers juges ont écarté cette demande, en retenant que M. X. et Mlle Y. n'apportaient aux débats aucun élément propre à démontrer que leur consentement aurait été vicié par l'effet du dol ou de l'erreur ; les documents contractuels soumis à leur signature étant dépourvus de toute ambiguïté, ils ne pouvaient sérieusement ignorer qu'ils achetaient une maison en kit devant faire l'objet d'un montage non compris dans la prestation et il convient d'ailleurs d'observer, à la suite de l'intimée, qu'ils ont sollicité pour financer leur projet, des crédits supérieurs à 150.000 euros, démontrant par là même qu'ils ne le réduisait pas à la simple valeur d'achat du kit.
La Cour retient également, que M. X. et Mlle Y. ayant souscrit un contrat de vente, le Tribunal a très justement écarté les dispositions, encore invoquées en cause d'appel, des articles L. 312-2 et L. 312-15 du code de la consommation, relatives au contrat de crédit immobilier souscrit pour financer une opération qui n'est pas celle de l'espèce.
C'est également par adoption de motifs que sera rejetée l'argumentation des appelants relative au bordereau de rétractation dont l'emplacement ne peut en aucun cas justifier l'annulation du contrat litigieux.
M. X. et Mlle Y. ont, en conséquence, été justement déboutés de leur demande visant à voir prononcer la nullité du contrat qu'ils ont signée avec la SARL CREA HOME et obtenir la restitution de leur acompte.
2/ Sur le manquement au devoir de conseil :
M. X. et Mlle Y. reprochent encore à la SARL CREA HOME d'avoir manqué à son obligation de conseil, ce qui n'est pas une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile mais un moyen nouveau, toujours recevable en appel.
Il est exact en l'espèce que la SARL CREA HOME n'est pas seulement un vendeur de matériaux et qu'elle propose à ses clients des prestations coûteuses ; elle est tenue, en sa qualité de professionnel, d'un devoir d'information et de conseil qui lui impose de s'assurer que ses cocontractants ont bien pris toute la mesure de leur engagement, notamment dans son aspect financier, et plus particulièrement, des conséquences, sur le contrat qui les lie, d'un refus toujours possible de l'octroi d'un crédit.
Or, la SARL CREA HOME ne justifie aucunement en l'espèce avoir attiré l'attention de M. X. et Mlle Y., manifestement profanes en la matière, sur l'absence de condition suspensive relative au financement de leur projet.
Si la faute du vendeur est caractérisée en l'espèce, force est toutefois de constater que les appelants n'en tirent pas les bonnes conséquences procédurales puisqu'ils se sont abstenus de demander de ce chef des dommages et intérêts, seule sanction possible du défaut de conseil ; en effet la validité reconnue du contrat litigieux interdit la restitution de l'acompte qu'ils ont versé et leur demande en paiement d'une somme de 5.000 euros qui sera examinée ci-dessous, vise l'indemnisation d'un autre préjudice, sans lien aucun avec le présent chef de demande.
3 / Sur l'indemnité compensatrice :
La demande présentée par M. X. et Mlle Y. visant à voir déclarer abusive les clauses sur lesquelles se fonde la SARL CREA HOME n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux même fins que celles présentées en première instance, à savoir le rejet de la demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 18.947 euros.
L’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats entre professionnels et non- professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'il en est ainsi lorsqu'est prévu à la charge du non professionnel qui n'exécute pas son obligation une sanction qui n'existe pas à la charge du professionnel pour un manquement similaire.
L'article 1er des conditions générales de vente liant les parties stipule que toute annulation non conforme aux dispositions de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 donne lieu à versement par le client d'une indemnité de compensation qui ne pourra être inférieure à 33 % du montant de la commande. En revanche, l'article 3 exonère le vendeur de toute responsabilité et exclut expressément toute possibilité d'indemnisation pour le consommateur en cas de retard de livraison ou de difficulté d'exécution.
L'économie de ce contrat crée ainsi un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations respectifs des parties, au détriment des appelants, non professionnels ; c'est par suite à bon droit que ces derniers demandent à la Cour de déclarer l'article 1er précité des conditions générales de vente qui les lie à la SARL CREA HOME abusif et, par voie de conséquence, réputé non écrit.
La décision déférée, qui a accueillie la demande reconventionnelle de l'intimée sera en conséquence réformée de ce chef.
4/ Sur les autres demandes :
La Cour ayant rejeté la demande de restitution de leur acompte présentée par M. X. et Mlle Y., ceux-ci ne sont pas fondés à obtenir indemnisation du préjudice que leur aurait causé l'encaissement du chèque qu'ils ont remis à la SARL CREA HOME lors de la signature du contrat, correspondant à l'acompte de 10 % prévu par le contrat à la commande.
Aucune des parties n'obtenant entière satisfaction, elles conserveront chacune la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Pour les même motifs, elles conserveront chacune la charge de leurs propres dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement rendu le 8 novembre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de Belfort en ce qu'il a débouté M. X. et Mlle Y. de leurs demandes de nullité du contrat de vente signé le 4 novembre 2009 avec la SARL CREA HOME, de restitution de leur acompte et de dommages et intérêts,
LE RÉFORME pour le surplus,
DÉBOUTE la SARL CREA HOME de sa demande reconventionnelle,
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
LEDIT arrêt a été signé par C.THEUREY-PARISOT, Conseiller ayant participé au délibéré, en l'absence du Président de Chambre empêché, et N. JACQUES, Greffier.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
- 6023 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Asymétrie
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- 6031 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Economie du contrat
- 6491 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’immeuble construit
- 6639 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Condition légale d’octroi du prêt