CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 6 mars 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4312
CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 6 mars 2013 : RG n° 11/06291
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Selon les dispositions de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Il est constant que la convention souscrite en méconnaissance de ces dispositions peut être annulée.
En l'espèce, le contrat d'aide au développement signé le 1er mars 2008 prévoit, en contrepartie de l'allocation par la SAS Heineken Entreprise d'une somme de 53.820 euros TTC à la SNC Le T., que celle-ci s'approvisionnera en bière à concurrence de 150 HL par an sur 5 ans. Il n'est pas discuté que l'approvisionnement annuel moyen en bières de la SNC Le T. est de 80 HL environ, ainsi que cela résulte de l'attestation de l'expert comptable F., de la société AFE, en date du 4 mars 2011, basée sur les années 2006 à 2009 inclus. L'exigence contractuelle d'un approvisionnement exclusif annuel de 150 HL est donc hors de proportion avec les besoins et capacités du cafetier.
Il s'avère cependant que le contrat litigieux n'a pas été exécuté ni résilié entre les parties sur la base de cette exigence contractuelle. En effet, la SAS Heineken n'a pas réclamé à la SNC Le T. la différence entre son approvisionnement réel de 83,10 HL et les 150 HL prévus au contrat à la fin de l'année 2009. Elle ne l'avait pas fait non plus à la fin de l'année 2008. Mieux, elle a accepté que le cafetier, qui avait formé une réclamation en ce sens, lui verse le non amorti sur la base du temps restant à courir, ainsi que cela était prévu dans les précédents contrats d'approvisionnement signés pour 5 ans le 6 mai 1999 et le 30 juin 2003, et non sur la base des quantités de bière non achetées. C'est ainsi qu'en mars 2011, la SNC Le T. s'est acquittée au titre du non amorti de la somme de 34.983 euros correspondant à l'aide allouée de 53.820 euros pour 60 mois, rapportée au 39 mois restant à courir (53.820 euros x 39 mois/60 mois) au lieu de la somme de 42.481,92 euros TTC réclamée initialement par Heineken sur la base des hectolitres de bière non achetés (pièce n° 4 de l'appelant).
Il est vain par conséquent pour la SNC Le T. de soutenir que cet engagement a été manifestement disproportionné en raison des quotas de bière imposés, l'exécution et la résiliation de la convention du 1er mars 2008 n'ayant pas été réalisées sur la base de ces quotas contractuels.
Enfin, la cour relève qu'il n'est produit aucune pièce à l'appui de la demande d'annulation des conventions d'approvisionnement de matériel.
Le contrat du 1er mars 2008 et les conventions de mise à disposition du matériel ne sont pas manifestement disproportionnées et la demande de nullité formée par la SNC Le T. ne peut qu'être rejetée. »
2/ « La cour rappelle qu'il n'y a pas de contrat d'approvisionnement exclusif de bière entre la SNC Le T. et la SNC France Boissons puisque le droit de la SNC France Boissons et l'obligation d'approvisionnement corrélative du cafetier sont nés d'une stipulation pour autrui passée entre la SAS Heineken Entreprise et la SNC Le T. Sans lien contractuel avec la SNC France Boissons au titre de l'approvisionnement exclusif, la SNC Le T. ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de cette dernière.
La cour observe enfin que, s'agissant des contrats d'approvisionnement de matériel, la SNC Le T. n'allègue ni ne démontre aucune faute à l'encontre de France Boissons susceptible d'établir une disproportion manifeste de l'engagement au sens de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 6 MARS 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/06291. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUILLET 2011 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 2010/010418.
APPELANTE :
SNC LE T.
représentée en la personne de son gérant, domicilié ès qualités audit siège social, représentée par Maître Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Maître Jean-Claude ATTALI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMÉE :
SNC FRANCE BOISSONS SUD EST
représentée en la personne de son gérant, domicilié ès qualités audit siège social, représentée par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et Maître HUBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE du 15 janvier 2013
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 FÉVRIER 2013, en audience publique, Madame Caroline CHICLET ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Président, Madame Caroline CHICLET, Conseiller, Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Vice-Présidente placée, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président du 7 janvier 2013,qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRÊT : - contradictoire - prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SNC Le T. est propriétaire d'un fonds de commerce de bar-tabac-café à [ville 34].
Par acte sous seing privé en date du 1er mars 2008, la SNC Le T. concluait avec la SAS Heineken Entreprise une convention d'aide au développement d'un montant de 53.820 euros TTC pour une durée de 5 ans au terme de laquelle le cafetier s'engageait à :
- débiter chaque année 150 hl de bière, soit 750 hl à l'expiration du terme convenu,
- s'approvisionner pour les bières en fûts, exclusivement auprès de l'entrepositaire grossiste la SNC France Boisson Sud Est (ci-après SNC France Boissons), tiers à la convention.
Par diverses conventions distinctes, la SNC France Boissons mettait à la disposition de la SNC Le T. du matériel de tirage et d'équipement de la terrasse.
La SNC Le T. cessait de s'approvisionner à compter du 1er janvier 2010.
Le contrat d'aide au développement du 1er mars 2008 était résilié amiablement entre le cafetier et la SAS Heineken Entreprise après paiement en mars 2011 par la SNC Le T. d'une somme de 34.983 euros au titre du non amorti.
Par acte d'huissier en date du 15 juin 2010, la SNC France Boissons faisait citer la SNC Le T. devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement des sommes de :
- 84.605 euros au titre de son manque à gagner résultant de la violation par le défendeur de l'engagement d'approvisionnement exclusif pendant 5 ans,
- 2.910 euros au titre du matériel de tirage à pression de bière fixe,
- 658 euros au titre du matériel de tirage à pression de bière prémix,
- 1.399,92 euros au titre du matériel de terrasse,
- 2.730,46 euros correspondant aux factures de marchandises non réglées avec intérêt au taux contractuel de 1,3790 % l'an à compter de leur échéance en 2009 outre une somme de 546,09 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de 20 % stipulée à titre de clause pénale.
Par jugement contradictoire en date du 27 juillet 2011, ce tribunal a :
- dit que Le T. n'a pas respecté son engagement d'approvisionnement exclusif envers France Boissons ;
- condamné Le T. à payer 31.330 euros HT d'indemnités ;
- condamné Le T. à verser la somme de 2.057,92 euros au titre du matériel non restitué ;
- condamné Le T. à verser la somme de 2.730,46 euros au titre des marchandises non réglées avec intérêts Banque de France à compter de l'échéance 2009 ;
- débouté Le T. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné Le T. à verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné Le T. aux entiers dépens.
La SNC Le T. a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 10 novembre 2011 ;
Vu les conclusions de la SNC France Boissons Sud Est remises au greffe le 30 janvier 2012 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 janvier 2013 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'opposabilité de la clause libératoire à la SNC France Boissons :
La SNC Le T. demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire, à titre principal, qu'en application de l’article 1121 du code civil, le tiers bénéficiaire d'une stipulation pour autrui ne peut disposer de plus de droits que n'en détient le stipulant et, en conséquence, d'opposer à la SNC France Boissons la clause libératoire de l'article 1.4 du contrat par laquelle Le T. a mis un terme à la convention d'aide au développement sans indemnité ni pénalité, et la déclarer irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en sa demande au titre du manque à gagner.
La SNC France Boissons conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et en adoptant ses motifs. Elle soutient que, par l'effet relatif des contrats, le tiers bénéficiaire ne peut se voir opposer les clauses liant le stipulant au promettant et que la clause libératoire ne lui est pas opposable.
Il résulte des dispositions de l’article 1121 du code civil que la stipulation pour autrui fait naître au profit du tiers bénéficiaire une action personnelle et directe contre le promettant, en réparation du préjudice qu'a pu lui causer le défaut d'exécution de la promesse durant la période convenue, à la condition que la convention principale qui a fait naître ce droit ait une existence juridique.
Cette action du tiers bénéficiaire, née directement dans son patrimoine, est distincte de celle détenue par le stipulant ou par le promettant en vertu du contrat principal qui les lie.
Si le promettant peut opposer au tiers bénéficiaire toutes les causes de nullité ou de résolution du contrat principal tendant à remettre en question son existence juridique, il ne peut invoquer contre le tiers bénéficiaire les clauses contractuelles auxquelles celui-ci reste tiers.
Par conséquent, la clause libératoire stipulée à l'article 4.1 du contrat d'aide au développement du 1er mars 2008, grâce à laquelle la SNC Le T. a pu mettre un terme au contrat la liant à la SAS Heineken Entreprise moyennant le paiement du non amorti sans être redevable d'indemnité ni de pénalité, n'est pas opposable à la SNC France Boissons, tiers à ce contrat.
Le moyen sera rejeté de ce chef.
Sur la nullité de conventions pour vice du consentement :
La SNC Le T. fait valoir que la nullité de la convention d'approvisionnement exclusif du 1er mars 2008 ainsi que des conventions d'approvisionnement de matériel est encourue par application des dispositions de l’article 1112 du code civil, ayant été victime d'une contrainte économique équivalente à la violence de la part du brasseur qui lui a imposé des quotas irréalistes et a vicié son consentement.
La société France Boissons conclut au rejet de cette nullité et soutient qu'il ne peut y avoir eu de contrainte économique subie par la SNC Le T. dès lors que son représentant légal, M. X., a été entrepositaire grossiste pendant près de 20 années et a exercé les fonctions de directeur de France Boissons.
S'il est constant que la contrainte économique peut constituer une violence au sens de l’article 1112 du code civil et vicier le consentement du débiteur, force est de constater en l'espèce que la contrainte alléguée n'est démontrée par aucune pièce probante.
En effet, la cour relève que la SNC Le T. a pu mettre un terme au contrat qui la liait avec Heineken au bout de 18 mois, sans difficulté.
Son représentant légal, M. X., écrit lui-même dans des courriers du 10 février 2010 adressé à Heineken et du 17 février 2010 libellé à l'intention de France Boissons qu'il a été :
- entrepositaire grossiste pendant 20 ans,
- directeur de France Boissons après lui avoir vendu sa société,
- fondateur d'un groupement d'achats dénommés les Z amis qui génère plus de 800 HL de bière pression.
La résiliation unilatérale de la convention du 1er mars 2008 par la SNC Le T., qui a obtenu de la SAS Heineken que le non amorti soit calculé au prorata temporis au lieu d'être basé sur les quotas de bière non achetés, et les compétences éprouvées de son représentant légal en matière de contrat de distribution exclusive permettent d'écarter le moyen tiré d'une contrainte économique et d'un vice du consentement.
L'attestation de l'ex inspecteur de la brasserie Heineken, M. Y., relative à un contrat signé avec un tiers à la présente procédure est inopérante dans le présent litige.
La cour relève qu'il n'est produit aucune pièce à l'appui de la demande de nullité des conventions d'approvisionnement de matériel.
La demande de nullité des conventions sera rejetée.
Sur la nullité des conventions sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce :
La SNC Le T. demande à la cour de déclarer nulle la convention d'approvisionnement exclusif du 1er mars 2008 ainsi que les conventions d'approvisionnement de matériel sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce et de débouter la SNC France Boissons de toutes ses prétentions. Elle soutient que la convention d'approvisionnement était abusive et disproportionnée au sens de l'article précité, les quotas imposés de 150 HL étant sans rapport avec son débit annuel moyen de 82 HL des dernières années.
La SNC France Boissons conteste cette cause de nullité en faisant valoir que la disproportion éventuelle de l'engagement d'approvisionnement par rapport aux capacités de l'exploitant ne résulte pas de son fait et ne peut lui être opposée.
Selon les dispositions de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.
Il est constant que la convention souscrite en méconnaissance de ces dispositions peut être annulée.
En l'espèce, le contrat d'aide au développement signé le 1er mars 2008 prévoit, en contrepartie de l'allocation par la SAS Heineken Entreprise d'une somme de 53.820 euros TTC à la SNC Le T., que celle-ci s'approvisionnera en bière à concurrence de 150 HL par an sur 5 ans.
Il n'est pas discuté que l'approvisionnement annuel moyen en bières de la SNC Le T. est de 80 HL environ, ainsi que cela résulte de l'attestation de l'expert comptable F., de la société AFE, en date du 4 mars 2011, basée sur les années 2006 à 2009 inclus.
L'exigence contractuelle d'un approvisionnement exclusif annuel de 150 HL est donc hors de proportion avec les besoins et capacités du cafetier.
Il s'avère cependant que le contrat litigieux n'a pas été exécuté ni résilié entre les parties sur la base de cette exigence contractuelle.
En effet, la SAS Heineken n'a pas réclamé à la SNC Le T. la différence entre son approvisionnement réel de 83,10 HL et les 150 HL prévus au contrat à la fin de l'année 2009. Elle ne l'avait pas fait non plus à la fin de l'année 2008.
Mieux, elle a accepté que le cafetier, qui avait formé une réclamation en ce sens, lui verse le non amorti sur la base du temps restant à courir, ainsi que cela était prévu dans les précédents contrats d'approvisionnement signés pour 5 ans le 6 mai 1999 et le 30 juin 2003, et non sur la base des quantités de bière non achetées.
C'est ainsi qu'en mars 2011, la SNC Le T. s'est acquittée au titre du non amorti de la somme de 34.983 euros correspondant à l'aide allouée de 53.820 euros pour 60 mois, rapportée au 39 mois restant à courir (53.820 euros x 39 mois/60 mois) au lieu de la somme de 42.481,92 euros TTC réclamée initialement par Heineken sur la base des hectolitres de bière non achetés (pièce n° 4 de l'appelant).
Il est vain par conséquent pour la SNC Le T. de soutenir que cet engagement a été manifestement disproportionné en raison des quotas de bière imposés, l'exécution et la résiliation de la convention du 1er mars 2008 n'ayant pas été réalisées sur la base de ces quotas contractuels.
Enfin, la cour relève qu'il n'est produit aucune pièce à l'appui de la demande d'annulation des conventions d'approvisionnement de matériel.
Le contrat du 1er mars 2008 et les conventions de mise à disposition du matériel ne sont pas manifestement disproportionnées et la demande de nullité formée par la SNC Le T. ne peut qu'être rejetée.
Sur la responsabilité contractuelle de la SNC France Boissons :
La SNC Le T. demande à la cour, à défaut d'annuler les conventions, de retenir la responsabilité contractuelle de France Boissons sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce à concurrence des sommes auxquelles l'appelante devrait être tenue au titre de l'approvisionnement exclusif.
La SNC France Boisson s'y oppose et rappelle l'inexistence d'un lien contractuel entre les parties s'agissant de l'approvisionnement exclusif.
La cour rappelle qu'il n'y a pas de contrat d'approvisionnement exclusif de bière entre la SNC Le T. et la SNC France Boissons puisque le droit de la SNC France Boissons et l'obligation d'approvisionnement corrélative du cafetier sont nés d'une stipulation pour autrui passée entre la SAS Heineken Entreprise et la SNC Le T.
Sans lien contractuel avec la SNC France Boissons au titre de l'approvisionnement exclusif, la SNC Le T. ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de cette dernière.
La cour observe enfin que, s'agissant des contrats d'approvisionnement de matériel, la SNC Le T. n'allègue ni ne démontre aucune faute à l'encontre de France Boissons susceptible d'établir une disproportion manifeste de l'engagement au sens de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce.
La SNC Le T. sera déboutée de toutes ses prétentions de ce chef.
Sur le préjudice de la SNC France Boissons Sud Est :
La SNC Le T. demande à la cour de dire que France Boissons est mal fondée à demander réparation d'un préjudice calculé sur la perte de marge brute et qu'elle ne peut prétendre qu'à la somme de 4.413 euros correspondant à sa marge bénéficiaire sur 39 mois. Elle invoque en tout état de cause la clause pénale prévue au contrat principal en soutenant qu'elle est opposable à France Boissons et sollicite une réduction de l'indemnité réclamée à 6.000 euros en raison de son caractère manifestement excessif.
La SNC France Boissons demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce qui a retenu un préjudice annuel de 8.200 euros sur la base de 80 HL par an en moyenne et soutient que la clause pénale du contrat principal ne lui est pas opposable.
Le préjudice de la SNC France Boissons, qui reproche à la SNC Le T. un défaut d'approvisionnement et non un manquement aux quotas prévus de 150 HL par an, doit être basé sur les quantités de bière effectivement achetées par Le T. au cours des années précédentes soit 80 HL en moyenne.
Le chiffre d'affaires brut résultant des achats de boissons effectués par la SNC France Boissons s'est élevé, pour la période de 2006 à 2009, à la somme de 99.796,12 euros soit une moyenne annuelle de 24.949 euros.
Le manque à gagner résultant de la cessation de l'approvisionnement au cours de la dernière année sera fixé, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cours et de la marge bénéficiaire communément admise en la matière à la somme de 9.111,11 euros par an pour 80 HL, soit pour les 39 mois non exécutés de janvier 2010 à mars 2013, une somme totale de 29.611,10 euros.
Les calculs peu sérieux proposés par la SNC Le T. visant une marge bénéficiaire de 1.358 euros par an ne seront pas retenus.
La clause pénale du contrat signé le 1er mars 2008 n'est pas opposable au tiers bénéficiaire de la stipulation pour autrui, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment à propos de la clause libératoire.
La SNC Le T. ne peut valablement l'invoquer et sa demande de réduction sera rejetée.
La SNC Le T. qui a manqué à sa promesse d'approvisionnement exclusif sera condamnée à payer à la SNC France Boissons la somme de 29.611,10 euros en réparation de son préjudice et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le matériel mis à disposition :
La SNC Le T. conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à France Boissons les sommes de 658 euros au titre du matériel de tirage Prémix et de 1.399,92 euros pour le mobilier de la terrasse, soit 2.057,92 euros au total en faisant valoir qu'elle se tient à la disposition de France Boissons pour cette restitution depuis mars 2010 et que cette dernière n'a pas cru devoir récupérer son bien. Elle ajoute que France Boissons ne justifie pas d'un calcul conforme aux stipulations contractuelles pour le matériel Prémix ce qui doit conduire à la débouter de ses prétentions.
France Boissons conteste avoir été destinataire du courrier de mars 2010 invoqué par le débitant. Elle expose avoir pris en compte l'amortissement annuel du matériel de tirage Prémix et être en droit de réclamer le remboursement de la valeur totale du mobilier de la terrasse. Elle conclut à la confirmation du jugement déféré.
Le contrat de mise à disposition du matériel de tirage Prémix d'occasion signé le 13 juillet 2009 avec France Boissons pour un montant de 600 euros HT soit 717,60 euros TTC, prévoit qu'en cas de résiliation, le fournisseur peut exiger soit la restitution du matériel, soit le remboursement de la valeur du matériel sous déduction d'un amortissement de 120 euros par année écoulée.
Le choix est à la discrétion du fournisseur qui n'est pas tenu de récupérer le matériel.
Au surplus, le courrier du 5 mars 2010, mis en avant par Le T. pour démontrer que le matériel était tenu à la disposition de France Boissons, ne peut être pris en considération dès lors qu'il a été adressé à la SAS Heineken et non au cocontractant.
La SNC Le T. ayant cessé de s'approvisionner à compter de janvier 2010, le matériel a été amorti sur 5 mois entre août 2009 et décembre 2009 inclus sur les 60 mois du contrat et il restait à courir 55 mois non amortis.
En déduisant la somme de 10 euros par mois amorti (120 euros/12 mois) et en les appliquant aux 5 mois amortis, il doit être déduit du coût de la mise à disposition la somme de 50 euros ce qui abouti à une somme due de 550 euros HT soit 658 euros TTC.
Par ailleurs le contrat de mise à disposition du mobilier de la terrasse signé le 13 avril 2006 pour un montant de 1.170,50 euros HT soit 1.399,92 euros TTC prévoit la possibilité pour France Boissons de réclamer la valeur du matériel en cas de résiliation, sans application d'un coefficient d'amortissement.
La SNC Le T. doit être condamnée à payer à France Boissons la somme totale de 2.057,92 euros TTC (658 euros + 1.399,92 euros) au titre du matériel mis à disposition.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les factures impayées :
La SNC Le T. conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de compensation. Elle soutient être créancière de la SNC France Boissons pour les montant suivants :
- 75,47 euros TTC au titre d'un achat réglé par chèque personnel de M. X. en août 2009,
- 341 euros TTC au titre d'un avoir (repris de vide janvier 2010),
- 3.355,97 euros TTC au titre d'une facture du 8 octobre 2009 adressée à France Boissons et concernant des remises promises sur les acquisitions de Hoegaarden.
La SNC France Boissons conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu un solde restant dû de 2.730,46 euros et a rejeté la demande de compensation formée par Le T. et fondée sur une facture de 3.355,97 euros contestée.
La facture de 3.355,97 euros par laquelle le cafetier a cru pouvoir s'accorder des remises, hors de tout accord contractuel, ne peut être déduite du solde restant dû et sera rejetée.
En outre, les deux autres créances alléguées ne sont pas justifiées et il ne pourra y être fait droit.
La SNC Le T. reste devoir, au titre des factures impayées, (d'un total de 11.244,51 euros arrivées à échéance en octobre 2009), la somme de 2.730,46 euros après déduction des acomptes versés, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 janvier 2010.
Le jugement sera confirmé sur le quantum de la condamnation mais infirmé en ce qu'il a fait courir les intérêts à compter de la date d'échéance des factures.
Sur les dommages-intérêts :
La SNC Le T. qui succombe dans ses prétentions n'est pas fondée à réclamer des dommages-intérêts à l'encontre de France Boissons et sera déboutée de ses prétentions de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Infirme partiellement le jugement déféré mais statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension du litige et y ajoutant ;
Dit que la clause libératoire et la clause pénale prévues au contrat signé le 1er mars 2008 entre la SNC Le T. et la SAS Heineken Entreprise ne sont pas opposables au tiers bénéficiaire qu'est la SNC France Boissons ;
Rejette les demandes de nullité des conventions ;
Dit que la SNC France Boissons n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle à l'endroit de la SNC Le T. ;
Dit que la SNC Le T. a manqué à sa promesse d'approvisionnement exclusif au profit de la SNC France Boissons ;
Condamne la SNC Le T. à payer à la SNC France Boissons les sommes de :
- 29.611,10 euros en réparation de son préjudice ;
- 2.057,92 euros TTC au titre du matériel mis à disposition ;
- 2.730,46 euros au titre des factures impayées après déduction des acomptes versés, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 janvier 2010 ;
Déboute la SNC Le T. de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne la SNC Le T. à payer les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SNC Le T. à payer à la SNC France Boissons la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en première instance et en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
CC/MR
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6169 - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com. ancien) - Domaine de la protection - Victime : partenaire commercial
- 6172 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Contrats visés
- 6173 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Clauses visées
- 6198 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com.) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Distribution - Approvisionnement exclusif
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)