TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 13 janvier 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 432
TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 13 janvier 2005 : RG n° 03/00266 ; jugement n° 13
(sur appel CA Paris (25e ch. sect. B), 20 octobre 2006 : RG 05/05140)
Extraits : 1/ « Attendu qu'il sera tout d'abord jugé que c'est à bon droit que Madame X. demande de considérer qu'elle peut bénéficier de la législation protectrice résultant des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation ; Qu'en effet, le contrat litigieux ne saurait sérieusement être jugé avoir été conclu entre deux professionnels, même si l'installation objet du contrat était destinée à équiper et protéger les locaux professionnels de Madame X., dès lors que cette dernière exerçant la profession de médecin généraliste, profession libérale et indépendante, l'objet du contrat était manifestement sans aucun rapport avec les connaissances et l'activité professionnelles de Madame X. »
2/ « Attendu qu'en l'espèce, i1 a été jugé ci-avant que Madame X. n'avait pas conclu en tant que professionnelle ; que dès lors c'est à bon droit qu'elle invoque comme constituant une clause abusive les dispositions concernant la durée du contrat (article 13) prévoyant sa conclusion pour une durée de 60 mois « irrévocable et indivisible » ; que cette clause de par son caractère est donc réputée non écrite, sans pour autant faire disparaître le contrat ; Qu'il s'ensuit, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le caractère ou non abusif des autres clauses contractuelles visées par Madame X., de tirer les conséquences de l'inexistence de clause relative à la durée du contrat. Attendu qu'il est acquis que Madame X. a demandé la résiliation du contrat par lettre recommandée avec avis de réception le 26 juillet 2000, qu'une durée annuelle du contrat apparaissant raisonnable compte tenu du type de contrat, i1 y a lieu de juger que sa demande de résiliation peut être prise en considération comme elle le sollicite à titre subsidiaire pour le 30 juin 2001. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
JUGEMENT DU 13 JANVIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 03/00266. Jugement n° 13. Assignation du 18 décembre 2002.
DEMANDERESSE :
Madame X.
[adresse], Représentée par Maître Jacques CYMERMAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire R236.
DÉFENDERESSES :
- Société ARTYS ILE DE FRANCE (AIDF)
[adresse], Représentée par Maître Céline JAULIN-DAUPHINE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire B0543.
- SA LOCAM
[adresse], Représentée par Maître E. BOCCALINI, avocat au barreau de CRETEIL, avocat postulant, vestiaire PC 129.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Par application des articles L. 311-10 du Code de l'Organisation Judiciaire et 801 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été attribuée au Juge unique.
[minute page 2] Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s'y sont pas opposés.
Anne-Marie DEKINDER, Vice Présidente, statuant en juge unique.
assistée de Anne LOREAU, Greffière.
DÉBATS : A l'audience du 1er octobre 2004 tenue publiquement.
JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, en premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Au mois de juin 2000, Madame X. qui exerce la profession de médecin à titre libéral a été démarchée par Monsieur Y. agissant pour le compte de la Société AIDF – Distributeur ARTYS – pour la souscription d'un « CONTRAT D'ABONNEMENT DE TÉLÉSURVEILLANCE AVEC OPTION DE PRESTATION SÉCURITAIRE » pour son cabinet médical. Le contrat a été signé le 30 juin 2000.
L'exemplaire ainsi signé mentionnait en caractères gras et apparents que le contrat était conclu pour une durée de 60 mois, aux conditions générales et particulières définies sur le présent contrat qui comporte quatre pages dont l'abonné déclare avoir pris connaissance préalablement à la signature.
A même date Madame X. signait un contrat de location du matériel pour une durée de 60 mois à compter du 30 juillet 2000 jusqu'au 30 juin 2005 (Maintenance et abonnement de télésurveillance), le prix du loyer indiqué étant de 610 euros HT soit 729,56 euros TTC, ce document comportant le cachet humide de la SA LOCAM.
Le 20 juillet 2000, la SA LOCAM adressait à Madame X. une « FACTURE UNIQUE DE LOYERS » faisant état du calendrier mensuel du prélèvement des loyers du 30 juillet 2000 au 10 juin 2005 inclus et le 10 de chaque mois à compter du 10 août 2000.
[minute page 3] Le 19 décembre 2000, Madame X. a fait assigner la société AIDF et la SA LOCAM pour voir constater à titre principal que la convention du 30 juin 2000 était affectée de clauses abusives et en conséquence constater sa résiliation avec toutes conséquences de droit ou à défaut dire que la résiliation pouvait intervenir annuellement et par suite de sa lettre du 26 juillet 2000, le 30 juin 2001.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 avril 2004, Madame X. invoquant les dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la Consommation, 1134-1719 et 1184 du Code Civil demande au Tribunal de :
- Constater que la société AIDF, mandataire de la SA LOCAM n'a pas exécuté son obligation de délivrance née du contrat de télésurveillance du 30 juin 2000 à son égard et que le système n'a jamais fonctionné.
- Prononcer en conséquence la résolution du contrat du 30 juin 2000.
- Condamner in solidum la société AIDF et la SA LOCAM à lui restituer la somme de 5.004,93 € avec intérêts légaux à compter du 26 juillet 2000.
- Ordonner la reprise du matériel indiqué sur l'original du procès-verbal par la SA LOCAM.
- Condamner in solidum la société AIDF et la SA LOCAM à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages intérêts.
- SUBSIDIAIREMENT Constater que l'activité de médecin généraliste n'a pas de rapport direct avec la télésurveillance et que Madame X. n'avait pas la qualité de professionnel.
- Dire que le contrat du 30 juin 2000 comporte des clauses abusives et qu'elles sont réputées non écrites.
- Condamner in solidum les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 5.004,93 €.
- A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE Constater que le contrat de télésurveillance du 30 juin 2000 a été résilié à compter du 30 juin 2001.
- Condamner in solidum les défenderesses à lui restituer la somme de 3.670,28 € avec intérêts légaux à compter du 30 juin 2001.
- et en tout état de cause, les condamner in solidum à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
Suivant conclusions en date du 15 octobre 2003 la société AIDF a conclu au rejet des demandes de Madame X. et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
[minute page 4] De son côté la SA LOCAM a conclu le 19 avril 2004 au rejet des prétentions de Madame X. et s'est portée demanderesse reconventionnelle. Elle demande au Tribunal de :
- Dire que le contrat de location devra être exécuté jusqu'à son terme soit jusqu'au 30 juin 2005.
- Condamner X. à lui payer la somme de 1.525 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
- SUBSIDIAIREMENT dans l'hypothèse où il serait fait droit à l'argumentation de la demanderesse, condamner la société AIDF à régler à la SA LOCAM la somme de 5.320,20 € à titre de dommages intérêts correspondant à son manque à gagner ainsi que celle de 1.525 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2004.
Vu les articles 455 et 753 § 2 du Nouveau Code de Procédure civile, pour un exposé détaillé des faits et moyens des parties, on se reportera à leurs conclusions signifiées aux dates ci-dessus mentionnées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les faits exposés dans l'assignation et les conclusions des parties signifiées aux dates ci-dessus rappelées.
Attendu qu'il sera tout d'abord jugé que c'est à bon droit que Madame X. demande de considérer qu'elle peut bénéficier de la législation protectrice résultant des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation ;
Qu'en effet, le contrat litigieux ne saurait sérieusement être jugé avoir été conclu entre deux professionnels, même si l'installation objet du contrat était destinée à équiper et protéger les locaux professionnels de Madame X., dès lors que cette dernière exerçant la profession de médecin généraliste, profession libérale et indépendante, l'objet du contrat était manifestement sans aucun rapport avec les connaissances et l'activité professionnelles de Madame X.
[minute page 5] Attendu qu'a titre principal, Madame X. demande au Tribunal de constater que AIDF n'a pas rempli son obligation de délivrance et que le système n'ayant jamais fonctionné il convient de prononcer la résolution du contrat du 30 juin 2000.
Mais attendu que si le procès-verbal de réception de matériels signé le 5 juillet 2000 par Madame X. ne fait état selon le feuillet de couleur jaune extrait d'une liasse laissé en sa possession par le représentant de la société AIDF que de l'installation de : Fx 4 0 radar (2) et de 1 MICRO soit une description différente de la désignation du matériel de télésurveillance figurant sur le contrat signé le 30 juin 2000, il convient cependant de relever que Madame X. n'a fait figurer aucune réserve alors qu'il est mentionné sur ce feuillet que le matériel a été mis en service, « qu'une démonstration complète du fonctionnement de l'installation a été effectuée » et « qu'un contrôle de bon fonctionnement de l'installation a été réalisé par AIDF, en la présence du signataire qui l'a personnellement constaté » .
Attendu que Madame X. ne versant aux débats aucune lettre de réclamation relative au non fonctionnement de l'installation ou constat d'huissier établissant que le système n'aurait, comme elle l'affirme dans ses conclusions, jamais fonctionné, sa demande de résolution du contrat pour défaut de délivrance de la chose louée et non respect des obligations dérivant de l'application des dispositions de l'article 1719 du Code Civil sera rejetée, le fonctionnement du système ne pouvant se concevoir sans pose effective de la centrale/transmetteur téléphonique et des autres matériels mentionnés sur le contrat.
Attendu qu'il n'est pas contesté par les sociétés défenderesses que le 26 juillet 2000 Madame X. leur a adressé une lettre de résiliation du contrat qu'elle avait signé le 30 juin 2000 avec AIDF - Distributeur ARTYS - dont il est établi que ce sigle est en fait l'enseigne commerciale de la Société ARTYS Ile de France qui s'est constituée sans contester devoir assumer les responsabilités incombant AIDF.
Attendu que dans sa lettre sus-visée, Madame X. a déclaré résilier son contrat du 30 juin 2000 estimant avoir été abusée ; qu'elle soutenait notamment comme elle le fait encore dans ses écritures qu'elle n'aurait découvert que le 24 juillet 2000 au reçu de l'échéancier qui lui a été adressé par la SA LOCAM que le loyer de 730 FRF n'était pas annuel mais mensuel ;
Attendu que cette partie de l’argumentation de Madame X. ne résiste pas à l'examen du document contractuel initial (Contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire signé avec AIDF) ; qu'en effet, cet imprimé mentionne de façon apparente : MENSUALITÉ HT 610,00 - TVA 19,56 - MENSUALITÉ TOTALE TTC 729,56.
[minute page 6] Attendu que Madame X. soutient encore que différentes clauses du contrat qu'elle énumère dans ses conclusions sont abusives au regard du code de la consommation ;
Attendu qu'elle invoque notamment la durée du contrat, l'obligation de recourir au prélèvement bancaire pendant toute la durée du contrat et le caractère abusif du mécanisme de résiliation anticipée.
Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation définit comme abusives les clauses « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Attendu qu'en l'espèce, i1 a été jugé ci-avant que Madame X. n'avait pas conclu en tant que professionnelle ; que dès lors c'est à bon droit qu'elle invoque comme constituant une clause abusive les dispositions concernant la durée du contrat (article 13) prévoyant sa conclusion pour une durée de 60 mois « irrévocable et indivisible » ; que cette clause de par son caractère est donc réputée non écrite, sans pour autant faire disparaître le contrat ;
Qu'il s'ensuit, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le caractère ou non abusif des autres clauses contractuelles visées par Madame X., de tirer les conséquences de l'inexistence de clause relative à la durée du contrat.
Attendu qu'il est acquis que Madame X. a demandé la résiliation du contrat par lettre recommandée avec avis de réception le 26 juillet 2000, qu'une durée annuelle du contrat apparaissant raisonnable compte tenu du type de contrat, i1 y a lieu de juger que sa demande de résiliation peut être prise en considération comme elle le sollicite à titre subsidiaire pour le 30 juin 2001.
Attendu que les montants prélevés sur le compte bancaire de Madame X. et qui ne font l'objet d'aucune contestation de la part des défendeurs comprenaient ainsi que cela est précisé sur la facture du 20 juillet 2000 adressée par LOCAM à Madame X. « la maintenance et la télésurveillance encaissées pour le fournisseur suivant le contrat souscrit » qu'ainsi une partie de la mensualité bénéficiait à la société AIDF ARTYS ILE DE France ; qu'il s'ensuit que la Société AIDF - ARTYS ILE DE FRANCE - et la SA LOCAM seront condamnées in solidum à rembourser à Madame X. la somme de 3.670,28 € avec intérêts légaux à compter de l'assignation valant mise en demeure.
[minute page 7] Attendu que la société LOCAM demande la condamnation de la société AIDF à lui payer la somme de 5.320,20 € à titre de dommages intérêts correspondant au manque à gagner résultant de la résiliation du contrat.
Attendu que la société AIDF ARTYS Ile de France n'a pas répliqué sur cette demande ; qu'il est certain que la Société LOCAM en sa qualité de bailleur ayant financé l'acquisition du matériel escomptait un profit de son investissement, que la résiliation du contrat au bout d'une année et la date à laquelle intervient le jugement à quelques mois du terme initialement prévu du contrat, entraîne pour la Société LOCAM une perte sèche sur quatre ans avec obsolescence du matériel ; qu'en l'absence de contestation quant au montant de la part du loyer qui revenait mensuellement à LOCAM sur le prix du loyer tel qu'elle l'indique dans ses conclusions, i1 convient de condamner la société A.I.D.F ARTYS ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 88,67 € x 48 mois soit 4.256,16 € à titre de dommages intérêts.
Attendu que les défenderesses seront condamnées in solidum à payer la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles à Madame X. ;
Qu'en revanche chacune des sociétés ARTYS Ile de France AIDF et LOCAM conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles.
Attendu que l'ancienneté du litige justifie qu'il soit fait droit à la demande d'exécution provisoire compatible avec la nature de l'affaire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort.
Constate la résiliation du contrat de télésurveillance signé le 30 juin 2000 à compter du 30 juin 2001.
En conséquence :
Condamne in solidum la Société AIDF - ARTYS ILE DE FRANCE - et la SA LOCAM à rembourser à Madame X. la somme de 3.670,28 € avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 19 décembre 2002.
[minute page 8] Condamne la société A.I.D.F ARTYS ILE DE FRANCE à payer à la SA LOCAM la somme de 4.256,16 € à titre de dommages intérêts.
Condamne in solidum les défenderesses à payer à Madame X. la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
Ordonne l'exécution provisoire.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne in solidum la société A.I.D.F ARTYS ILE DE FRANCE et la SA LOCAM aux entiers dépens et ordonne leur distraction au profit des avocats qui l'ont requis conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
FAIT ET JUGÉ A PARIS, LE TREIZE JANVIER DEUX MILLE CINQ
La Greffière La Présidente
Anne LOREAU Anne-Marie DÉKINDER
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel