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CA MONTPELLIER (1re ch. B), 5 juin 2013

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. B), 5 juin 2013
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 11/08733
Date : 5/06/2013
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2013-024275
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4521

CA MONTPELLIER (1re ch. B), 5 juin 2013 : RG n° 11/08733

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-024275

 

Extrait : « Les déménageurs, qu'ils soient transporteurs ou commissionnaires, sont responsables envers leurs clients des pertes, avaries et retards, sauf si ces dommages ont été causés par une force majeure. En l'espèce, il n'est pas discuté entre les parties que la Sarl Eurosmoving a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux X. consécutivement à la perte de trois cartons de déménagement, le litige étant circonscrit au quantum de l'indemnisation. L'article 14 du contrat prévoit qu'en cas de perte et d'avaries « l'indemnisation intervient dans la limite du préjudice matériel prouvé et des conditions particulières négociées entre l'entreprise et le client ».

Cette clause, qui contrevient à la recommandation n° 82-02 de la commission des clauses abusives, est abusive en ce qu'elle dispense le déménageur de réparer certaines catégories de dommages, comme la privation de jouissance ou la moins-value, et procure ainsi à ce dernier, lors de l'exécution d'un contrat d'adhésion, un avantage significatif au détriment du consommateur. Peu importe que le contrat soit inspiré de la norme AFNOR X50-811-1, cette clause abusive doit être réputée non écrite et le déménageur doit indemniser l'intégralité des postes de préjudices des époux X. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 5 JUIN 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/08733. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 DÉCEMBRE 2011, TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERPIGNAN : R.G. n° 11-11-000116.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, représentée par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

SARL EUROSMOVING SEEFMULLER MULHOUSE

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège social, représentée par la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocats au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 26 mars 2013

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 AVRIL 2013, en audience publique, Madame Caroline CHICLET ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Président, Madame Caroline CHICLET, Conseiller, Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Vice-Présidente placée déléguée par ordonnance de Monsieur le Premier Président du 12 mars 2013, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Afin de préparer leur déménagement dans les Pyrénées Orientales, les époux X. ont conclu le 11 octobre 2009 un contrat avec la Sarl Eurosmoving.

La convention prévoyait la mise en garde-meuble du mobilier et effets personnels et la prise en charge et le transport de ces biens sur le lieu d'emménagement.

Des inventaires contradictoires ont été établis les 12 février et 12 mai 2010 aux dates correspondant à la prise en charge et à la livraison des meubles.

Lors de l'inventaire du 12 mai 2010 divers cartons ont été recensés comme manquants.

Certains d'entre eux ont finalement été livrés le 29 juillet 2010 mais trois restaient égarés.

Par courrier en date du 30 juillet 2010, les époux X. ont mis en demeure la société Eurosmoving de leur livrer les cartons manquants n° 254, 255 et 256 dans le délai de 10 jours et, leur démarche étant restée vaine, ils ont sollicité par courrier en date du 25 septembre 2010 un dédommagement tout en s'étonnant, dans le même temps, du coût de la facture de garde meuble.

Par acte d'huissier en date du 27 janvier 2011, les époux X. ont fait citer la société Eurosmoving devant le tribunal d'instance de Perpignan en paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour leur préjudice matériel, de jouissance et moral, 500 euros pour le retard dans la livraison, 398,82 euros au titre du remboursement du garde meuble et 800 euros pour résistance abusive.

Par jugement contradictoire en date du 12 décembre 2011, ce tribunal a :

- condamné la Sarl Eurosmoving à payer aux époux X. la somme de 471,57 euros,

- débouté les époux X. de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum les époux X. à payer à la Sarl Eurosmoving la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les époux X. aux dépens.

Les époux X. ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 31 mai 2012 ;

Vu les conclusions de la Sarl Eurosmoving remises au greffe le 13 mars 2012 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 mars 2013 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les demandes formées par les époux X. au titre de la perte des cartons :

Les époux X., concluent à l'infirmation du jugement sur le quantum de leurs préjudices et demandent à la cour de condamner la Sarl Eurosmoving à leur payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour leurs préjudices matériel, de jouissance et moral. Ils demandent à la cour de dire non écrite, comme étant abusive, la clause du contrat limitant leur droit à réparation à certains types de préjudice. Ils soutiennent que les trois cartons perdus et répertoriés sur l'inventaire comme étant destinés à la cave, contenaient des vêtements, divers outils ainsi qu'une collection de voitures miniatures et de souvenirs de valeur tant patrimoniale que sentimentale.

La Sarl Eurosmoving conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle soutient que le contenu des cartons destinés à la cave ne peut être estimé à une valeur supérieure à celle retenue par le tribunal en l'absence de preuve plus précise de leur contenu qui incombe aux appelants. Elle conteste le caractère abusif de l'article 14 du contrat, issu des contrats types rédigés par la chambre syndicale des entreprises de déménagement en 1993 et conforme à la norme AFNOR X50-811-1.

 

Les déménageurs, qu'ils soient transporteurs ou commissionnaires, sont responsables envers leurs clients des pertes, avaries et retards, sauf si ces dommages ont été causés par une force majeure.

En l'espèce, il n'est pas discuté entre les parties que la Sarl Eurosmoving a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux X. consécutivement à la perte de trois cartons de déménagement, le litige étant circonscrit au quantum de l'indemnisation.

L'article 14 du contrat prévoit qu'en cas de perte et d'avaries « l'indemnisation intervient dans la limite du préjudice matériel prouvé et des conditions particulières négociées entre l'entreprise et le client ».

Cette clause, qui contrevient à la recommandation n° 82-02 de la commission des clauses abusives, est abusive en ce qu'elle dispense le déménageur de réparer certaines catégories de dommages, comme la privation de jouissance ou la moins-value, et procure ainsi à ce dernier, lors de l'exécution d'un contrat d'adhésion, un avantage significatif au détriment du consommateur.

Peu importe que le contrat soit inspiré de la norme AFNOR X50-811-1, cette clause abusive doit être réputée non écrite et le déménageur doit indemniser l'intégralité des postes de préjudices des époux X.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice matériel, les cartons égarés étaient destinés à la cave et comprenaient, d'après l'inventaire, une planche, un escabeau et une lampe dont la perte sera réparée par l'allocation d'une somme de 157,19 euros par carton soit 471,57 euros pour les trois cartons. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les époux X. peuvent prétendre en outre à l'indemnisation de leur préjudice de jouissance même si celui-ci doit être relativisé eu égard à la nature des affaires contenues dans les cartons. La Sarl Eurosmoving devra leur verser la somme de 250 euros de ce chef en réparation de la privation de jouissance de leurs affaires pendant 2 mois et demi, entre le 12 mai 2010 et le 29 juillet 2010 et le jugement sera infirmé de ce chef.

Enfin, les époux X. ont dû intenter une procédure judiciaire, avec ce que cela implique comme contraintes et tracasseries, pour obtenir le dédommagement des pertes imputables à la Sarl Eurosmoving. Ils justifient d'un préjudice moral réel quoique très modéré qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 650 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

 

Sur les demandes formées par les époux X. au titre du retard dans la livraison :

Les époux X. demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation de 500 euros au titre du retard dans la livraison au motif qu'ils n'avaient pas adressé de mise en demeure préalable à l'entreprise. Ils sollicitent le bénéfice de leurs prétentions de première instance sur le fondement de l’article L. 133-2 du code de commerce et font valoir que la livraison des cartons n'a été effective que le 12 mai 2010 et le 29 juillet 2010 au lieu de fin avril 2010.

La Sarl Eurosmoving soutient que les meubles devaient être livrés le 12 mai 2010 conformément à la lettre de voiture qui fait partie du contrat conformément aux dispositions de l’article L. 132-8 du code de commerce. Elle n'admet un retard que pour les cartons livrés le 29 juillet 2010 mais soutient qu'aucune des conditions exigées par la jurisprudence et la doctrine ne sont réunies puisqu'il aurait fallu :

- une mise en demeure de livrer à l'expiration du délai convenu en application de l’article 1146 du code civil,

- la justification d'un préjudice né du retard,

- un préjudice que le voiturier a pu prévoir lors de la formation du contrat en application de l’article 1150 du code civil.

 

Il résulte de l'article 12 des conditions générales du contrat que l'entreprise est tenue de réaliser le déménagement suivant la date de chargement et de livraison indiquées au contrat sauf cas de force majeure. L'indemnité due en cas de retard est calculée suivant le préjudice démontré et supporté par le client.

Le devis/contrat n°21200/23069 ne prévoit aucune date de livraison précise des meubles déposés le 12 février 2010 dans le garde-meuble situé à [ville S.] puisqu'il est simplement mentionné « 2010 à fixer (date à confirmer) ».

Les époux X. ne démontrent pas qu'il était convenu avec le déménageur une livraison fin avril 2010 et ils doivent être déboutés de leurs prétentions indemnitaires de ce chef.

En revanche, lors de la livraison des meubles par la Sarl Eurosmoving le 12 mai 2010, il manquait, en sus des cartons égarés, trois autres cartons qui n'ont été livrés que le 29 juillet 2010, soit plus deux mois et demi plus tard, sans raison valable invoquée.

Le contrat précité n'imposait pas aux époux X. l'envoi d'une mise en demeure préalable ce qui ne peut par conséquent leur être reproché.

Le retard dans la livraison de trois cartons a entraîné pour les époux X. un préjudice dès lors qu'ils se sont trouvés privés, contre leur gré et pendant deux mois et demi, de la jouissance de leurs affaires.

Le préjudice né du retard sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros au paiement de laquelle la Sarl Eurosmoving sera condamnée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

 

Sur la demande de remboursement d'une partie des loyers du garde meuble :

Les époux X. soutiennent que si le délai de livraison avait été respecté, ils n'auraient pas dû acquitter les frais de garde meuble du mois de mai 2010 et en demandent le remboursement à la Sarl Eurosmoving.

La Sarl Eurosmoving soutient que les époux X. ne justifient pas d'une demande de sortie des meubles avant le 1er mai 2010 et rappelle que tout mois commencé est dû.

La demande des époux X. est infondée et doit être rejetée dès lors qu'ils ne démontrent pas que le déménagement du garde-meuble de [ville S.] vers leur maison de [ville P.] devait intervenir, ainsi qu'ils le soutiennent, à la fin du mois d'avril 2010. (Voir motifs qui précèdent)

Ils sont redevables du loyer de garde meuble pour le mois de mai 2010 et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive :

Les époux X. qui réclament une indemnité de 800 euros pour procédure abusive, ne démontrent pas en quoi l'attitude de la Sarl Eurosmoving constituerait un abus de droit.

Ils seront déboutés de leurs prétentions de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la Sarl Eurosmoving à payer aux époux X. la somme de 471,57 euros et en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande au titre du garde-meuble ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés et y ajoutant ;

Condamne la Sarl Eurosmoving à payer à M. X. et Mme Y. son épouse les sommes de :

- 250 euros au titre de leur préjudice de jouissance pour la perte des trois cartons de déménagement,

- 650 euros pour leur préjudice moral,

- 500 euros pour le retard dans la livraison de trois autres cartons de déménagement ;

Déboute les époux X. du surplus de leurs prétentions et de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Condamne la Sarl Eurosmoving aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl Eurmoving à payer aux époux X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT