CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 23 mai 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4606
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 23 mai 2013 : RG n° 11/15896
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-011491
Extrait : « Considérant que l'article six des conditions générales de vente du contrat conclu entre les parties stipule qu'en cas d'arrêt des cours par l'étudiant ou ses responsables légaux et financiers le prix restait intégralement dû, les sommes versées restant définitivement acquises à l'établissement d'enseignement et le solde devenant intégralement exigible ;
Considérant qu'est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux ; qu'en l'espèce, la clause énoncée au dernier alinéa de l'article 6 des conditions générales du contrat n'envisage pas la possibilité d'une résiliation du contrat par l'élève en présence d'un motif légitime et impérieux, ni même la possibilité d'une telle résiliation en présence d'un cas de force majeure, alors même qu'a contrario l'article 3 réserve au professionnel la possibilité de ne procéder à aucun remboursement « à raison d'un cas de force majeure, inondation, accident, incendie grève, mouvement social ou tout autre entrave matérielle indépendante de la volonté la Steve Sarfati Master class rendant les locaux inaccessibles » ;
Considérant que cette clause prévue au profit exclusif du professionnel n'a pas d'équivalent dans le contrat, au profit du consommateur et que la nécessité d'éviter des départs anticipés ne peut conduire le professionnel à pénaliser sans distinction les consommateurs inconséquents et ceux qui justifieraient d'un motif sérieux et légitime ; qu'elle est donc abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et qu'elle contrevient également à la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 91-01 du 7 juillet 1989, qui stigmatise les clauses prévoyant que le prix est dû, même si l'élève ne peut pas suivre l'enseignement pour quelque cause que ce soit ;
Que la clause précitée doit donc être réputée non écrite, et que dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'établissement d'enseignement à rembourser aux consorts X. la somme de 6.400 euros correspondant au montant du solde de la scolarité non suivie postérieurement à la résiliation du contrat ;
Considérant que le motif de la résiliation de la convention liant les parties doit cependant être analysé au vu des clauses subsistantes et des dispositions de droit commun applicables fixant comme causes admissibles de résiliation du contrat le cas de force majeure ou le manquement fautif du cocontractant professionnel à ses obligations ; qu'en l'espèce, ces causes ne sont nullement caractérisées par les intimés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 23 MAI 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/15896 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 juillet 2011 -Tribunal d'Instance de PARIS 16e - R.G. n° 11-11-000162.
APPELANTE :
MASTERCLASS anciennement dénommée SARL HMC et NEUROSNIC EXTENSION
représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège. Représentée par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Maître Bruno REGNIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050), Assistée de Maître Karine ROZENBLUM (avocat au barreau de PARIS, toque : E0402)
INTIMÉS :
Monsieur G. X.
Représenté par la SCP AUTIER en la personne de Maître Jean-Philippe AUTIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053), Assisté de Maître Jean-Marc GOLDNADEL (avocat au barreau de PARIS, toque : R096)
Monsieur X.
Représenté par la SCP AUTIER en la personne de Maître Jean-Philippe AUTIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053), Assisté de Maître Jean-Marc GOLDNADEL (avocat au barreau de PARIS, toque : R096)
Madame X.
Représentée par la SCP AUTIER en la personne de Maître Jean-Philippe AUTIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053), Assistée de Maître Jean-Marc GOLDNADEL (avocat au barreau de PARIS, toque : R096)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Alain SADOT, président, et, Madame Patricia LEFEVRE, conseillère chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Alain SADOT, Président, Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, Madame Joëlle CLÉROY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Léna ETIENNE
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Alain SADOT, président et par Mme Léna ETIENNE, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 21 juin 2010 Monsieur et Madame X. ont inscrit leur fils G., à une formation annuelle aux épreuves écrites de mathématiques des grandes écoles de commerce dispensée par la société NEUROSNIC EXTENSION, exerçant sous le nom commercial de LA STEEVE SARFATI MASTER CLASS, aux droits de laquelle est venue la société HMC, puis la société MASTERCLASS, moyennant le paiement d'une somme de 9.600 euros de frais de scolarité matérialisée par la remise de 12 chèques de 800 euros, encaissables à raison d'un par mois de septembre 2010 à août 2011.
Par lettre recommandée du 6 décembre 2006 Monsieur X. avisait l’établissement de formation de ce que G. n'assisterait plus aux cours à compter du mardi 7 décembre, critiquant leur contenu et leur qualité, ainsi que l'absence de communication du professeur avec son fils.
Par mail du 8 décembre 2010 il demandait la restitution des chèques devant être encaissés de janvier 2011 à août 2011 (chèques effectivement encaissés à hauteur de 6.400 euros).
Suite au refus leur étant opposé, Monsieur X., Madame X. et leur fils G. saisissaient le tribunal d'instance de Paris 16ème arrondissement, lequel, par jugement rendu le 26 juillet 2011 :
- déclarait abusive et non écrite la clause de l'article six des conditions générales de vente et condamnait la société HMC à leur payer la somme de 6.400 euros.
- condamnait les consorts X. à payer à la société défenderesse la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts pour résiliation non justifiée du contrat.
- ordonnait un partage des dépens entre les parties.
Par déclaration au greffe de la cour du 31 août 2011 la société HMC interjetait appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses écritures du 6 juin 2012 la société MASTERCLASS, venant aux droits de l'appelante, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré abusive la clause insérée à l'article 6 des conditions générales du contrat et l'a condamnée à payer la somme de 6.400 euros et demande subsidiairement de limiter cette somme à un montant n'excédant pas 5.100 euros.
Elle sollicite également la condamnation des intimés à lui payer la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis suite à la rupture abusive du contrat, ainsi que leur condamnation solidaire au paiement d'un euro à de dommages-intérêts pour procédure abusive, d'une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que l'article six des conditions générales du contrat a été improprement qualifié de clause abusive par le premier juge, alors qu'elle ne génère pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dès lors que l'article trois dudit contrat prévoit également le remboursement de cours en cas d’inexécution de l'obligation d'enseignement par le professeur, et que d'autre part, les règles d'exonération du paiement du solde de la formation non suivie pour cause de force majeure sont d'ordre public.
Elle expose également que sur les 96 heures d'enseignement collectif répartis sur l'année scolaire en 24 séances de quatre heures, G. a suivi 9 séances en définitive d'une durée de cinq heures, du 20 septembre 2010 au 7 décembre 2010, antérieurement à la résiliation du contrat sans motif sérieux et légitime et qu'elle a subi des préjudices suite à cette rupture, soit un préjudice financier correspondant a minima au montant de la scolarité restant due par l'élève ne pouvant ne pouvant être remplacé en cours d'année de formation, ainsi qu’une perturbation dans son groupe composé de huit étudiants et qu'elle a également fait l'objet d'un dénigrement ayant porté atteinte à son image.
Par leurs dernières conclusions du 28 mars 2012, les intimés demandent de confirmer le jugement sur la clause déclarée abusive et non écrite et de l'infirmer sur le surplus, en condamnant l'appelante à leur payer la somme de 9.600 euros (soit le coût total de la scolarité) et subsidiairement celle de 6.800 euros et à défaut de celle de 6 000 euros ( soit le coût de la scolarité effectivement non suivie au prorata temporis), ainsi que la somme de 7.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Ils exposent que la clause contenue à l'article six des conditions générales de vente est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et des recommandations émises par la Commission des clauses abusives, en ce qu'elle génère un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, faisant observer que lorsque l'étudiant manque des cours ceux ci restent à sa charge alors que lorsque le professionnel ne les assure pas, seuls les cours non dispensés sont remboursés. Les consorts X. concluent d'autre part à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à verser des dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat, invoquant les médiocres résultats de la société appelante, ses publicités mensongères et trompeuses ainsi que des préjudices allégués non caractérisés.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que l'article six des conditions générales de vente du contrat conclu entre les parties stipule qu'en cas d'arrêt des cours par l'étudiant ou ses responsables légaux et financiers le prix restait intégralement dû, les sommes versées restant définitivement acquises à l'établissement d'enseignement et le solde devenant intégralement exigible ;
Considérant qu'est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux ; qu'en l'espèce, la clause énoncée au dernier alinéa de l'article 6 des conditions générales du contrat n'envisage pas la possibilité d'une résiliation du contrat par l'élève en présence d'un motif légitime et impérieux, ni même la possibilité d'une telle résiliation en présence d'un cas de force majeure, alors même qu'a contrario l'article 3 réserve au professionnel la possibilité de ne procéder à aucun remboursement « à raison d'un cas de force majeure, inondation, accident, incendie grève, mouvement social ou tout autre entrave matérielle indépendante de la volonté la Steve Sarfati Master class rendant les locaux inaccessibles » ;
Considérant que cette clause prévue au profit exclusif du professionnel n'a pas d'équivalent dans le contrat, au profit du consommateur et que la nécessité d'éviter des départs anticipés ne peut conduire le professionnel à pénaliser sans distinction les consommateurs inconséquents et ceux qui justifieraient d'un motif sérieux et légitime ; qu'elle est donc abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et qu'elle contrevient également à la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 91-01 du 7 juillet 1989, qui stigmatise les clauses prévoyant que le prix est dû, même si l'élève ne peut pas suivre l'enseignement pour quelque cause que ce soit ;
Que la clause précitée doit donc être réputée non écrite, et que dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'établissement d'enseignement à rembourser aux consorts X. la somme de 6.400 euros correspondant au montant du solde de la scolarité non suivie postérieurement à la résiliation du contrat ;
Considérant que le motif de la résiliation de la convention liant les parties doit cependant être analysé au vu des clauses subsistantes et des dispositions de droit commun applicables fixant comme causes admissibles de résiliation du contrat le cas de force majeure ou le manquement fautif du cocontractant professionnel à ses obligations ; qu'en l'espèce, ces causes ne sont nullement caractérisées par les intimés, lesquels se limitent à produire sur ce point leurs échanges de correspondances avec la société appelante ainsi qu'une attestation émanant de G., partie à l'instance, faisant état d'un enseignement non suffisamment sérieux et de bon niveau par rapport au cours qu'il suivait en classe préparatoire à HEC et de son constat de ce que l'école négligeait la préparation des étudiants de la série économique et n'offrait pas de bons résultats ; que ces allégations n'étant étayées par aucun élément probant sont au surplus contraires aux pièces et attestations produites par l'appelante sur ce point ;
Qu'en conséquence, en l'absence d'un motif sérieux et légitime de résiliation le premier juge a donc, à juste titre, déclaré cette rupture de contrat abusive ;
Considérant que sur les préjudices invoqués par l'appelante consécutifs à cette rupture, la cour ne peut que constater que le préjudice d'atteinte à son image n'est pas caractérisé, le seul élément de publicité donné au litige en l'état des pièces soumises au débat, étant constitué par la connaissance en ayant été donnée par elle aux autres élèves de l'école ayant attesté en sa faveur ; qu'en l'absence d'autre part de tout élément comptable communiqué par la société appelante justifiant du montant de la perte de sa marge bénéficiaire suite à l'abandon par G. de la scolarité à compter de janvier 2011, le préjudice financier qu'elle a subi du fait de ce départ intervenu sans préavis en cours de formation annuelle apparaît avoir été justement indemnisé par le premier juge à hauteur de la somme de 3.000 euros lui ayant été allouée à titre de dommages-intérêts ;
Qu'en conséquence, à défaut de toute preuve rapportée par la société MASTERCLASS de la réalité d'un autre préjudice subi, le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions sur le montant des dommages-intérêts lui ayant été alloués ;
Considérant qu'en l'absence de caractère abusif de la procédure initiée par les consorts X., la société MASTERCLASS sera également déboutée de sa demande de dommages-intérêts non fondée émise de ce chef ;
Considérant que la société MASTERCLASS, partie succombant en son recours, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ; que l'équité commande par ailleurs de la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel engagés par intimés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 juillet 2011 par le tribunal d'instance de tribunal d'instance de Paris 16ème arrondissement ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE la société MASTERCLASS à payer à Monsieur X., Madame X. et Monsieur G. X. la somme de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE société MASTERCLASS aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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