CA RENNES (2e ch.), 7 mars 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4708
CA RENNES (2e ch.), 7 mars 2014 : RG n° 11/04292 ; arrêt n° 120
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Cette reconnaissance écrite laisse présumer la remise effective d'un bordereau de rétractation détachable jointe à l'offre de crédit souscrite par Madame Y. qui n'apporte pas la preuve de l'absence de remise. »
2/ « Les conditions générales du contrat signé par Madame Y. ne stipulent nullement le gage comme condition essentielle du prêt et les seules dispositions relatives au remboursement du capital restant dû font référence à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements. D'ailleurs la demande de la société CA Consumer Finance fait application de ces clauses, en réclamant notamment les intérêts de retard et la dette d'indemnité contentieuse.
Constitue une clause abusive, la clause qui prévoit la résiliation d'un contrat de prêt soumis au code de la consommation, en raison d'une défaillance de l'emprunteur extérieure à ce contrat et afférente à l'exécution d'une convention distincte, en créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors de la condition résolutoire, à une aggravation des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt.
L'offre préalable de crédit qui contient une clause permettant au prêteur d'exiger un remboursement anticipé hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation. Madame Y. revendique à bon droit l'application de l'article L. 311-33 du dit code, stipulant qu'elle n'est tenue qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, à l'exclusion des frais de toute nature selon la jurisprudence établie. Cet article précise que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, doivent être restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/04292. Arrêt n° 120.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Catherine LE BAIL, Président, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,
GREFFIER : Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 10 janvier 2014 devant Madame Françoise LE BRUN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : avant dire droit, prononcé publiquement le 7 mars 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
Représentée par Maître Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Marie BLANDIN, Plaidant, avocat au barreau de RENNES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
Société CONSUMER FINANCE SA venant aux droits de la société SOFINCO
Représentée par Maître Luc BOURGES de la SELARL Luc BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par la SCP PETIT-LE DRESSAY, Plaidants, avocats au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - Faits et procédure :
Selon offre acceptée du 15 mars 2008, la société Sofinco aux droits de laquelle vient désormais la société Consumer Finance, a consenti à Madame Y. née X. un prêt d'un montant en capital de 11.000 euros, remboursable en 60 mensualités de 247,34 euros, incluant les intérêts au taux nominal de 7,45 % et effectif global de 8,987 %, pour financer l'achat d'un véhicule Honda d'occasion d'une valeur de 15.000 euros, mais en bénéficiant d'une reprise de 4.000 euros.
Madame Y. a cessé de régler les échéances du prêt à compter du mois d'octobre 2008 et elle a vendu le véhicule le 1er octobre 2008 au prix de 8.000 euros sans en restituer le prix à la société Consumer Finance qui a provoqué la déchéance du terme par lettre adressée en recommandé avec accusé de réception du 24 août 2009, réclamant le paiement d'une somme globale de 12.307,10 euros.
La société Sofinco a fait assigner Madame Y. par acte d'huissier du 9 février 2010, en réclamant paiement d'une somme de 11.656,14 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 7,45 % à compter du 15 juillet 2009, cette somme représentant les sommes restant dues pour le solde du prêt après déduction des versements postérieurs à la déchéance du terme.
Madame Y. a opposé le caractère illisible des conditions générales du contrat, l'absence de bordereau de rétractation détachable et à défaut la compensation avec les sommes déjà versées ainsi que des délais de paiement.
Par jugement contradictoire du 30 mai 2011, le tribunal d'instance de Rennes a :
- Condamné Madame Y. née X. à payer à la société Consumer Finance la somme de 10.816,46 euros, assortie des intérêts au taux contractuel de 7,45 % à compter du 24 août 2009, sur le capital de 10.621,03 euros, outre 10 euros au titre de la clause pénale ;
- Condamné Madame Y. née X. à payer à la société Consumer Finance la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Madame Y. née X. au paiement des dépens ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Madame Y. née X. a déclaré faire appel de cette décision le 21 juin 2011, à l'encontre de la SA Consumer Finance. Elle a conclu le 26 juillet 2013, au visa des articles L. 311-8, L. 311-13 et L. 311-33 du code de la consommation et des articles L. 1244-1 et suivants du code civil, en demandant à la cour, notamment, de :
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a réduit l'indemnité conventionnelle mise à la charge de Madame Y. ;
- Réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- Dire et juger illicite l'offre de crédit souscrite par Madame Y. le 18 mars 2008 avec la société Sofinco ;
- Dire et juger irrégulière car ne comportant pas de bordereau de rétractation l'offre préalable de crédit souscrite le 18 mars 2009 par Madame Y. ;
- Dire et juger la société Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, déchue du droit aux intérêts depuis la souscription du contrat de prêt ;
- Condamner la société Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, à restituer à Madame Y. les sommes perçues au titre des intérêts, outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement et jusqu'à parfait paiement, soit au 2 juillet 2009 la somme de 800,97 euros ;
- Débouter la société CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- A titre subsidiaire,
- Condamner la société Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, à remettre à Madame Y. un décompte détaillé des sommes perçues au titre des intérêts, outre des intérêts sur ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce pendant un mois ;
- Condamner la société Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- Condamner la même aux entiers dépens, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
La société CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, a conclu le 11 avril 2013, en demandant notamment à la cour de :
- Décerner acte à la SELARL Luc Bourges de ce qu'elle reprend la présente instance au lieu et place de la SCP Luc Bourges précédemment constituée ;
- Débouter Madame Y. de son appel ;
- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Rennes du 30 mai 2011 ;
Y ajoutant,
- Condamner Madame Y. au paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Madame Y. aux dépens recouvrés selon des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 5 décembre 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II - Motifs :
Il est statué dans la présente affaire en vertu des articles du code de la consommation en vigueur au jour de la signature du contrat de prêt litigieux, le 15 mars 2008.
Sur le bordereau de rétractation :
Madame Y. a signé le 15 mars 2008, une offre préalable de crédit mentionnant qu'elle reconnaît être en possession d'un exemplaire des conditions particulières et générales dotées d'un formulaire détachable, conformément aux dispositions de l'article L. 311-15 du code de la consommation. Cette mention n'est pas « noyée » dans l'ensemble des conditions particulières ainsi qu'elle le soutient, mais elle se situe dans le paragraphe précédant sa signature.
Cette reconnaissance écrite laisse présumer la remise effective d'un bordereau de rétractation détachable jointe à l'offre de crédit souscrite par Madame Y. qui n'apporte pas la preuve de l'absence de remise.
Sur la clause abusive :
Madame Y. fait valoir que l'offre de crédit litigieuse comporte une clause illicite emportant de plein droit la déchéance du droit aux intérêts du prêteur. Elle relève qu'au titre VI du contrat, intitulé « Garanties : gage et réserve de propriété » il est stipulé notamment : « Conformément au décret du 30/9/53, l'emprunteur affecte le véhicule acheté, en gage au profit du prêteur, avec, à son gré, inscription à la préfecture compétente sur le registre prévu à cet effet. L'emprunteur doit accomplir les formalités de communication ou de remise de carte grise dès que le véhicule sera immatriculé et il en reste gardien jusqu'au complet remboursement du crédit. Le non accomplissement de ces formalités, mettant le prêteur dans l'impossibilité de conserver son gage, l'autorise à exiger le remboursement du capital restant dû, dans les conditions prévues au contrat de crédit ».
Elle soutient que cette clause est illicite en ce qu'elle permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme alors que l'emprunteur n'est pas défaillant dans le remboursement des échéances, ce qui aggraverait la situation du consommateur par rapport au contrat type.
L'intimée relève que la clause d'affectation en gage du véhicule acheté par Madame Y. n'est pas en elle-même illicite et que les formalités mises à la charge de Madame Y. ne sont pas contestées, pour permettre au prêteur de procéder à l'inscription éventuelle de son gage. La contestation porte sur la déchéance du terme qui serait encourue du fait du non accomplissement des formalités de remise de la carte grise du véhicule.
La société CA Consumer Finance fait valoir que le gage est une sûreté légale et qu'il est une condition du financement, imposant la remise au créancier de la carte grise du véhicule constituant le gage. La non réalisation de cette condition aurait pour sanction le refus du prêt, impliquant la restitution du capital stipulée au contrat et non la déchéance du terme, avec notamment l'indemnité de 8%.
Les conditions générales du contrat signé par Madame Y. ne stipulent nullement le gage comme condition essentielle du prêt et les seules dispositions relatives au remboursement du capital restant dû font référence à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements. D'ailleurs la demande de la société CA Consumer Finance fait application de ces clauses, en réclamant notamment les intérêts de retard et la dette d'indemnité contentieuse.
Constitue une clause abusive, la clause qui prévoit la résiliation d'un contrat de prêt soumis au code de la consommation, en raison d'une défaillance de l'emprunteur extérieure à ce contrat et afférente à l'exécution d'une convention distincte, en créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors de la condition résolutoire, à une aggravation des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt.
L'offre préalable de crédit qui contient une clause permettant au prêteur d'exiger un remboursement anticipé hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation. Madame Y. revendique à bon droit l'application de l'article L. 311-33 du dit code, stipulant qu'elle n'est tenue qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, à l'exclusion des frais de toute nature selon la jurisprudence établie. Cet article précise que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, doivent être restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et d'ordonner la réouverture des débats en invitant la société CA Consumer Finance à produire un décompte détaillé des intérêts dont elle doit la restitution à Madame Y., c'est à dire les sommes perçues à titre d'intérêts, outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement, en formant une nouvelle demande excluant toute application de la clause litigieuse. Madame Y. formulera ses observations et adaptera ses demandes en réponse.
Les frais et dépens sont réservés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
LA COUR :
Infirme le jugement déféré ;
Avant dire droit sur les sommes dues par les parties, ordonne la réouverture des débats à l'audience du 4 juillet 2014 à 9 h30 ;
Invite et au besoin enjoint à la société CA Consumer Finance de fournir un décompte détaillé des sommes perçues au titre des intérêts, outre des intérêts dus sur ceux-ci au taux légal à compter de leur versement, en formant une nouvelle demande conforme aux dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation, pour le 7 avril 2014 ;
Invite Madame Y. à former ses observations et adapter ses demandes en réponse pour le 16 mai 2014 ;
Réserve les dépens.
Le Greffier, Le Président,
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 6031 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Economie du contrat
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements