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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 24 mars 2014

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 24 mars 2014
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 12/04329
Décision : 14/0227
Date : 24/03/2014
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/08/2012
Numéro de la décision : 227
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4759

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 24 mars 2014 : RG n° 12/04329 ; arrêt n° 14/0227

Publication : Jurica

 

Extrait : « En effet, d'une part, même à supposer que Madame X. ait effectivement apposé sa signature sur le recto du devis daté du 7 novembre 2011, force est de constater qu'elle n'a pas formellement approuvé les conditions générales de vente figurant au dos de ce devis, car le recto de ce document ne se réfère pas à ces conditions mais mentionne seulement l'application d'une clause pénale de 15 % en cas de recouvrement de la créance par le service contentieux et d'intérêts de retard au taux mensuel de 1,5 %. Ces conditions générales de vente n'ont donc pas valeur contractuelle.

D'autre part, cette clause pénale de 25 % stipulée en cas d'annulation de la commande et augmentée d'une indemnité d'immobilisation de 10 % du montant de la commande, définie comme le coût exposé pour le déplacement sur place, le métré, les frais d'ouverture du dossier et l'engagement à refuser d'autres affaires, qui constitue également une clause pénale se rajoutant à la précédente, est non seulement manifestement excessive, mais constitue aussi une clause abusive, dès lors qu'elle permet au professionnel qu'est la SARL S. PEINTURE d'exiger du particulier avec lequel il a contracté le paiement d'un quart du prix du marché quel que soit le motif d'annulation de la commande et sans qu'il n'ait effectué la moindre prestation, ainsi qu'une indemnité supplémentaire de 10 % pour le dédommager essentiellement du temps passé à établir un devis qui est en principe gratuit. Cette clause doit être réputée non écrite en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et Madame X. n'a donc pas à supporter l'application de ces pénalités. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 24 MARS 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/04329. Arrêt n° 14/0227. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 juillet 2012 par le tribunal d'instance de STRASBOURG

 

APPELANTE :

Madame X.

demeurant [adresse], Représentée par Maître Joseph W., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

SARL S. PEINTURE

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Michèle S.-C., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître Christian N., avocat au barreau de STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 janvier 2014, en audience publique, devant la cour composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, Mme WOLF, Conseiller, Mme FABREGUETTES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par M. Jean-Marie LITIQUE, Président et M. Christian UTTARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Vu le rapport ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suite à un dégât des eaux survenu dans l'appartement en duplex dont est propriétaire Madame X. au [adresse], l'assureur de cette dernière la Cie PACIFICA, a mandaté la SARL S. PEINTURE pour procéder à des travaux de réfection du parquet du premier étage pour lesquels l'assurée devait seulement payer la franchise de 137 euros.

À cette occasion, Madame X. et la SARL S. PEINTURE ont convenu d'autres travaux de rénovation, une remise en peinture des murs et plafonds du rez-de-chaussée et le ponçage et la remise en huile du parquet du rez-de-chaussée, pour lesquels Madame X. précise avoir versé un acompte en espèces de 770 euros, tandis que la SARL S. PEINTURE produit un devis qu'elle dit avoir été signé par Madame X. le 10 novembre 2011 après une mention manuscrite « bon pour accord » qui fixait le coût total de ces travaux à 4.900 euros.

Les travaux ont été interrompus à l'initiative de Madame X., qui a fait changer les serrures de son appartement pour que la SARL S. PEINTURE ne puisse plus se servir du jeu de clés qu'elle avait remis à un de ses préposés.

La SARL S. PEINTURE a alors réclamé à plusieurs reprises à Madame X. le paiement de trois factures pour un montant total de 3.800,37 euros, une facture d'un montant de 1.710,37 euros correspondant aux travaux de peinture déjà réalisés, une facture d'un montant de 1.715 euros correspondant à la clause pénale figurant aux conditions générales de vente et à une « indemnité d'immobilisation de la commande » et une facture de 375 euros correspondant au coût d'une meuleuse à disque non restituée.

Le 27 février 2012, la SARL S. PEINTURE a fait assigner Madame X. devant le Tribunal d'instance de STRASBOURG en paiement de ces factures, d'une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts et d'un montant de 700 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame X. a demandé à titre reconventionnel les sommes de 2.000 euros pour la reprise des malfaçons qu'elle invoquait pour s'opposer au paiement, 1.300 euros pour les frais, 2.600 euros pour son préjudice moral et 4.000 euros de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 10 juillet 2012, le tribunal a fait droit à la demande de la SARL S. PEINTURE, sauf les dommages et intérêts, en fixant à 350 euros l'indemnité due au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et rejeté les prétentions de Madame X. après avoir relevé qu'elle ne justifiait pas de malfaçons, ni du paiement d'un acompte en liquide et qu'elle ne contestait pas avoir conservé la meuleuse et ne pas l'avoir restituée.

Madame X. a interjeté appel le 23 août 2012 et, après avoir retiré une requête en vérification d'écriture concernant les mentions et la signature apposées sur le devis, elle demande l'infirmation de ce jugement, avant dire droit que soit ordonnée cette vérification d'écriture, que la SARL S. PEINTURE soit déboutée de ses prétentions et condamné, outre aux dépens des deux instances, à lui payer une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts et un montant de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, subsidiairement que la clause pénale soit déclarée non écrite, en faisant valoir en substance que :

- si elle reconnaît avoir remis des plans de son appartement à l'intimée, elle conteste formellement avoir signé le devis du 10 novembre 2011,

- elle a versé un acompte de 770 euros, dont elle produit un reçu signé par Monsieur S., gérant de l'intimée, et non contesté,

- elle conteste le nombre d'heures facturé pour les travaux de peinture, la facture concernant l'annulation de travaux fondée sur un devis qu'elle n'a pas signé et mettant en œuvre une clause pénale de 25 %, ce qui est abusif, de sorte qu'elle demande l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, et elle tient à disposition la meuleuse restée dans son appartement.

La SARL S. PEINTURE demande la confirmation du jugement et la condamnation de Madame X. aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en soutenant pour l'essentiel que :

- le devis dont Madame X. conteste à tort la signature a valeur contractuelle entre les parties et il s'agissait d'un engagement ferme et définitif,

- l'appelante lui a envoyé un courrier diffamatoire dont elle conteste le contenu notamment l'accusation d'extorsion d'une somme de 770 euros,

- Madame X. a abusivement empêché l'exécution complète de ce contrat et elle a donc appliqué la clause pénale prévue au dos du devis,

- la meuleuse n'a jamais été restituée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,

Il n'y a pas lieu à vérification d'écriture dès lors que Madame X. ne conteste pas avoir convenu avec la SARL S. PEINTURE de la réalisation des travaux supplémentaires figurant sur le devis, à savoir le ponçage du parquet du rez-de-chaussée, un simple égrenage selon elle, et sa remise en huile, ainsi que la remise en peinture des plafonds et murs, même si elle prétend, sans en justifier, que cette dernière prestation aurait été prévue à titre gratuit.

Il ressort par ailleurs de son dépôt de plainte à la police qu'elle avait aussi discuté avec Monsieur S., gérant de la SARL S. PEINTURE du chiffrage du montant de ces travaux, « somme qui pourrait correspondre à la facture (devis) de 4.900 euros », sauf toujours à discuter du caractère gratuit de la remise en peinture.

Madame X. ne conteste pas non plus qu'elle a remis à Monsieur S. les plans de son appartement ainsi qu'un jeu de clés et il résulte aussi de son audition par la police qu'elle admet qu'un salarié de la SARL S. PEINTURE, Monsieur S., est venu au moins durant cinq jours remettre une couche de peinture blanche au plafond et une couche d'huile sur le parquet.

De la transcription par la police de l'échange de SMS que Madame X. a eu avec Monsieur S., il ressort que l'appelante est intervenue en cours de chantier pour racler elle-même ce qu'elle estimait être un trop plein d'huile et que Monsieur S. lui a reproché cette intervention, estimant qu'elle avait été inappropriée et qu'il lui a aussi demandé à plusieurs reprises où était sa meuleuse, que Madame X. indiquait « avoir mis en lieu sûr ».

Même si cet échange de SMS montre l'insatisfaction de Madame X. quant à la nature et la qualité des travaux réalisés, il n'en demeure pas moins, qu'elle ait ou non signé le devis, ce qui importe peu, qu'elle avait bien accepté de contracter avec la SARL S. PEINTURE pour la réalisation des travaux figurant à ce devis et pour le prix correspondant, que ces travaux ont été entrepris mais que c'est elle qui y a mis prématurément un terme.

Madame X. a en l'occurrence déclaré lors de sa plainte qu'elle avait fait changer les barillets de sa serrure car elle était sans nouvelles de la suite du chantier, Monsieur S. ne lui ayant notamment pas dit qu'il fallait laisser sécher la couche d'huile durant quinze jours, comme il l'a finalement mentionné dans un de ses SMS.

L'exécution partielle du marché étant en définitive avérée, il y alors lieu de faire le compte entre les parties, en faisant préalablement observer d'une part que la plainte pénale de Madame X. a été classée sans suite pour absence de preuves des faits et de leurs circonstances, d'autre part que si Madame X. a invoqué une mauvaise exécution des travaux, elle n'en justifie cependant qu'en produisant des photographies non datées et une facture de novembre 2012 de la société K., qui atteste certes d'une reprise des travaux de ponçage et mise en huile du parquet du rez-de-chaussée, mais ne saurait suffire à prouver les malfaçons imputées à l'intimée.

La SARL S. PEINTURE réclame en l'occurrence le paiement d'une première facture datée du 12 décembre 2011 d'un montant de 1.710,37 euros, portant sur les travaux de peinture du rez-de-chaussée, plafond et murs, à raison de sept heures durant quatre jours.

Madame X. ayant reconnu la réalisation de ces travaux, tant dans le courrier qu'elle a adressé à l'intimée le 20 janvier 2012 que lors de son dépôt de plainte, bien qu'elle ait émis des doutes sur le nombre d'heures réalisées, sans apporter d'élément contraire, il convient de faire droit à la demande de la SARL S. PEINTURE en paiement du montant de cette facture, sous cette réserve qu'il y a lieu d'en déduire l'acompte de 770 euros payée par l'appelante.

L'intimée est en l'espèce totalement muette dans ses écrits sur cet acompte, dont elle ne conteste donc pas avoir bénéficié et pour la preuve duquel Madame X. produit un reçu manuscrit daté du 3 novembre 2011 et signé de Monsieur S., qui a apposé son nom sous sa signature, et un ticket de banque attestant du retrait de ce même montant le même jour en liquide à un guichet bancaire.

Ces éléments sont suffisants pour prouver le paiement de cette somme qui doit dès lors venir en déduction du montant de la facture, ce qui ramène la créance de la SARL S. PEINTURE au montant de 940,37 euros.

La SARL S. PEINTURE réclame aussi le paiement d'une facture également datée du 12 décembre 2012 portant sur un montant de 1.715 euros, correspondant à l'application au montant du devis, soit la somme de 4.900 euros, d'une clause pénale de 25 % et d'une « indemnité d'immobilisation de la commande » de 10 % figurant dans ses conditions générales de vente.

Cette demande ne saurait prospérer.

En effet, d'une part, même à supposer que Madame X. ait effectivement apposé sa signature sur le recto du devis daté du 7 novembre 2011, force est de constater qu'elle n'a pas formellement approuvé les conditions générales de vente figurant au dos de ce devis, car le recto de ce document ne se réfère pas à ces conditions mais mentionne seulement l'application d'une clause pénale de 15 % en cas de recouvrement de la créance par le service contentieux et d'intérêts de retard au taux mensuel de 1,5 %.

Ces conditions générales de vente n'ont donc pas valeur contractuelle.

D'autre part, cette clause pénale de 25 % stipulée en cas d'annulation de la commande et augmentée d'une indemnité d'immobilisation de 10 % du montant de la commande, définie comme le coût exposé pour le déplacement sur place, le métré, les frais d'ouverture du dossier et l'engagement à refuser d'autres affaires, qui constitue également une clause pénale se rajoutant à la précédente, est non seulement manifestement excessive, mais constitue aussi une clause abusive, dès lors qu'elle permet au professionnel qu'est la SARL S. PEINTURE d'exiger du particulier avec lequel il a contracté le paiement d'un quart du prix du marché quel que soit le motif d'annulation de la commande et sans qu'il n'ait effectué la moindre prestation, ainsi qu'une indemnité supplémentaire de 10 % pour le dédommager essentiellement du temps passé à établir un devis qui est en principe gratuit.

Cette clause doit être réputée non écrite en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et Madame X. n'a donc pas à supporter l'application de ces pénalités.

La SARL S. PEINTURE réclame en dernier lieu le paiement d'une facture de 375 euros correspondant au prix de la meuleuse.

Madame X. ne conteste pas avoir conservé cette meuleuse et, bien qu'elle ait indiqué vouloir le faire, ne pas l'avoir restituée à ce jour.

La rétention de cet outil ne reposant sur aucun motif légitime et sa remise ayant tardé, il est fondé d'en faire supporter le prix à l'appelante, qui sera donc condamnée au paiement d'une créance totale de 1.315,37 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en l'absence de demande plus spécifique.

Madame X. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts qui ne repose sur aucun motif sérieux.

Elle sera tenue aux dépens des deux instances, mais l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

DIT N'Y AVOIR LIEU à vérification d'écriture ;

CONDAMNE Madame X. à payer à la SARL S. PEINTURE la somme de 1.315,37 euros (mille trois cent quinze euros trente-sept centimes), avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs fins et prétentions ;

CONDAMNE Madame X. aux dépens de première instance et d'appel ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier                Le Président