CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 mars 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4767
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 mars 2014 : RG n° 12/04409
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'article L. 442-6 2° du code de commerce, [...] », est issu de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Faute que ce texte comporte des dispositions spéciales qui en feraient rétroagir l'application, il ne saurait régir les contrats et les négociations commerciales antérieurs à son entrée en vigueur. Or, les obligations dont les appelants prétendent qu'elles créent un déséquilibre significatif au sens de ce texte, ont leur siège dans le contrat de conseil en investissement conclu le 20 avril 2006, donc antérieurement à la loi nouvelle, laquelle, en conséquence, ne saurait recevoir application.
En revanche, et pour la même raison, les modifications apportées au contrat du 20 avril 2006 par l'avenant du 15 septembre 2008, donc postérieurement à la loi nouvelle, sont soumises aux dispositions de celle-ci. Ces modifications ont porté sur l'article 10 du contrat et ont consisté à en mettre la rédaction en adéquation avec les exigences de la directive communautaire du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers, en ce qui concerne l'obligation pour les entreprises d'investissement de mettre en place une politique de « meilleure exécution » de leurs ordres, notamment quant au choix de leur courtier. Force est donc d'en conclure que la société Palatine ne peut être considérée comme ayant introduit dans le contrat qui la liait à la société Capital Max un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties, alors qu'elle en a mis les stipulations en conformité avec les prescriptions de cette directive.
S'agissant du contrat du 20 avril 2006, c'est au regard des dispositions alors en vigueur de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce qu'il convient d'apprécier la pertinence des griefs articulés par les appelants. Ces dispositions étaient ainsi rédigées : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) D'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées (...) ».
2/ « Il en résulte que si les conditions de la rémunération de la société Capital Max au titre du service de conseil en investissement qu'elle fournissait à la société Palatine ont donné lieu à des discussions longues et nourries entre les parties, les éléments du dossier ne permettent pas de conclure que la société Palatine a soumis la société Capital Max à des conditions commerciales ou à des obligations injustifiées au sens de l'article L. 442-6 2° dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 27 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/04409. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 février 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS – 6e CHAMBRE – R.G. n° 2010024988.
APPELANTS :
Monsieur X.
demeurant [adresse]
Société CAPITAL MAX INC-FLORIDA PROFIT CORPORATION
agissant poursuites et diligences en la personne de son dirigeant, Monsieur X., domicilié en cette qualité audit siège, domiciliée [adresse], Représentés par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, Représentés par Maître Gilles ADLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0167
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ PALATINE ASSET MANAGEMENT
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, Représentée par Maître Frédérique MESLAY-CALONI de l'AARPI DENTONS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente, Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère, Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Palatine Asset Management (ci-après société Palatine) est une société de gestion de portefeuille faisant partie depuis 2009 du groupe Banque Populaire-Caisse d'Epargne (BPCE). Elle a créé en 2005 le fonds commun de placement « Énergies Renouvelables » exclusivement dédié aux énergies renouvelables et plus spécialement orienté vers les États-Unis d'Amérique. Ce fonds a été agréé par l'Autorité des marchés financiers le 28 octobre 2005 et commercialisé à partir du 8 novembre 2005.
Par contrat du 20 avril 2006, la société Palatine a confié à la société Capital Max, société américaine dirigée par M. X., une mission de conseil en allocation des actifs du fonds sur des valeurs américaines. Conclu pour une durée initiale de trois mois, renouvelable tacitement pour une durée indéterminée, ce contrat a pris effet rétroactivement au 1er janvier 2006.
Par courrier du 1er avril 2009, la société Palatine Asset Management a notifié à la société Capital Max sa décision de résilier le contrat du 20 avril 2006, « pour des raisons internes », cette résiliation prenant effet au 1er juillet 2009.
Le 23 mars 2010, la société Capital Max et M. X. ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Palatine en paiement de dommages et intérêts au titre de l'article L. 442-6 2° et 5° du code de commerce.
Par un jugement en date du 9 février 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
- déclaré irrecevable la demande de la société Capital Max sur le fondement du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et l'en a débouté ;
- dit que la société Palatine Asset Management n'a pas rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Capital Max et débouté cette dernière de ses demandes ;
- débouté M. X. de sa demande d'indemnisation ;
- condamné in solidum la société Capital Max et M. X. à payer la somme de 15.000 euros à la société Palatine Asset Management au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 8 mars 2012 par M. X. et la société Capital Max contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 18 septembre 2013 par lesquelles M. X. et la société Capital Max demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire la société Capital Max et M. X. recevables et bien fondés en leur appel ;
- dire et juger que la société Palatine Asset Management a engagé sa responsabilité en soumettant la société Capital Max à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- dire et juger subsidiairement que la société Palatine Asset Management a engagé sa responsabilité en abusant de sa puissance économique et de la dépendance économique de son partenaire pour lui imposer des conditions commerciales injustifiées ;
- dire et juger que la société Palatine Asset Management a engagé sa responsabilité en rompant brutalement ses relations commerciales établies avec M. X. et la société Capital Max, sans tenir compte d'un préavis raisonnable ;
- fixer la durée du préavis raisonnable au regard des faits de l'espèce à deux ans ;
En conséquence,
- condamner la société Palatine Asset Management à payer à la société Capital Max la somme de 344.753 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du déséquilibre entre les droits et obligations des parties entre juillet 2005 et décembre 2005 ;
- condamner la société Palatine Asset Management à payer à la société Capital Max la somme de 2.008.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du déséquilibre entre les droits et obligations des parties entre janvier 2006 et juin 2009 ;
- condamner la société Palatine Asset Management à payer à la société Capital Max la somme de 274.557 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère brutal de la rupture des relations commerciales entre les parties, soit deux ans de préavis sur la base des années 2006-2007 ;
- condamner la société Palatine Asset Management à payer à la société Capital Max la somme de 1.455.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des investissements non amortis ;
- condamner la société Palatine Asset Management à payer à la société Capital Max la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à sa réputation commerciale et à son image de marque ;
- condamner la société Palatine Asset Management à payer à M. X. la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices personnels ;
- condamner la société Palatine Asset Management à verser aux demandeurs la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants exposent que M. X. est à l'origine de la création du fonds Energies Renouvelables, qu'il s'agisse de la validation du concept, de l'élaboration de la stratégie d'investissement ou de la sélection des valeurs composant son univers d'investissement, et qu'il en avait soumis le projet en juillet 2005 à la société Palatine par l'intermédiaire de M. M. F.. La société Palatine lui confia alors la mission de mettre en place un fonds dédié aux énergies renouvelables et spécifiquement orienté vers les Etats-Unis. M. X. s'est consacré à cette tâche de juillet 2005 à novembre 2005 et, entre autres diligences, s'enregistra auprès de Security and Exchange Commission (SEC) pour être en mesure d'exercer les fonctions de conseiller du futur fonds.
Ils indiquent que le fonds a connu un succès fulgurant puisque ayant démarré en novembre 2005 avec 5 millions d'euros, il leva en trois mois 35 millions d'euros et réalisa des performances supérieures aux indices de référence. En juillet 2007, le fonds avait un encours de 73 millions d'euros et affichait une pointe de performance de 18 % supérieure à l'indice de référence. Si les encours et la performance ont baissé à partir de 2008, les appelants soutiennent que le fonds Énergies Renouvelables a mieux résisté à la crise que les autres fonds grâce à la stratégie mise en place par M. X.
Selon les appelants, la société Palatine imposa une restriction des conditions de leur rémunération puis entreprit, à partir du début de l'année 2008, de les évincer progressivement jusqu'à notifier, par courrier du 1er avril 2009, la rupture, « pour des raisons internes », du contrat qui les liait.
Les appelants considèrent que la responsabilité civile de la société Palatine est engagée à leur égard à un double titre : pour les avoir soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif et pour avoir rompu brutalement leur relations, en contrevenant aux dispositions des paragraphes 2° et 5° de l'article L. 442-6 du code de commerce.
En premier lieu, les appelants soutiennent que la société Palatine, en restreignant et en durcissant leurs conditions de rémunération, a créé un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations respectifs, et que sa responsabilité est donc engagée au titre de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce. Ils considèrent que c'est à tort que le tribunal a jugé qu'ils ne pouvaient invoquer le bénéfice de l'article L. 442-6-I-2°, au motif que ce texte étant issu de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, ne pouvait s'appliquer au contrat passé en 2006 entre les protagonistes. Ils soulignent que les dispositions de ce texte relevant d'un « ordre public supérieur », elles sont immédiatement applicables aux situations contractuelles en cours.
Subsidiairement, les appelants demandent à la Cour d'appliquer les dispositions de ce même article dans leur rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat avec la société Palatine, et ainsi de constater que celle-ci a abusé de la relation de dépendance économique dans laquelle elle les tenait en les soumettant à des conditions commerciales injustifiées. À ce titre, ils soulignent que pour concevoir le fonds et préparer son lancement, ils ont de juillet à décembre 2005 effectué un travail considérable, qu'ils évaluent à 405.000 dollars, et ils réclament donc le remboursement de la somme de 344.753 euros. En ce qui concerne la rémunération de la prestation de conseil en investissements, ils font valoir que des honoraires dérisoires leur ont été imposés par la société Palatine, à hauteur de 0,20 % des actifs du fonds, alors que le taux habituellement consenti est de l'ordre de 2,5 %.
En second lieu, les appelants font valoir que la résiliation en 2009 du contrat de 2006, assortie d'un préavis de trois mois, constitue une rupture brutale des relations commerciales tombant sous le coup des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce. Ils considèrent que la société Palatine entretenait des relations commerciales avec la société Capital Max depuis 1998, et avec M. X. depuis 1982 et qu'en conséquence, le préavis de rupture aurait dû être de deux années.
En ce qui concerne le préjudice dont ils demandent réparation, les appelants distinguent deux périodes. Pour la période allant de juillet 2005 à décembre 2005, durant laquelle ils prétendent avoir subi des conditions commerciales injustifiées, ils réclament la somme de 344.753 euros. Pour la période allant de janvier 2006 à juin 2009, ils demandent pour le même motif, la somme de 2.008.000 euros, calculée sur la base des honoraires qu'ils auraient dû recevoir compte tenu d'un taux de 1,5 % et non de 0,30 %. S'agissant du préavis dont ils estiment avoir été privés, les appelants chiffrent leur préjudice à la somme de 274.557 euros, correspondant à la marge brute, en l'occurrence égale au chiffre d'affaires s'agissant de prestation intellectuelle. Enfin, ils réclament, au titre des investissements qu'ils ont réalisés et aux frais qu'ils ont engagés, la somme de 1.445.000 euros et en réparation du préjudice personnel subi par M. X., la somme de 200.000 euros.
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2013 par lesquelles la société Palatine demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en tous ses points et :
À titre principal,
- dire et juger que les demandes de la société Capital Max sur le fondement d'un déséquilibre significatif entre ses droits et obligations et ceux de la société Palatine Asset Management sont irrecevables ;
- dire et juger que la seule relation commerciale en cause est celle formalisée par le contrat de conseil en investissement conclu le 20 avril 2006 entre la société Palatine Asset Management et la société Capital Max ;
- dire et juger que conformément au contrat du 20 avril 2006 la résiliation des relations entre la société Palatine Asset Management et la société Capital Max pouvait intervenir sans motif et sans indemnité moyennant le respect d'un préavis de trois mois ;
- constater que le préavis dont a bénéficié la société Capital Max est de trois mois à compter de la lettre du 1er avril 2009 ;
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que ce préavis était d'une durée suffisante au regard de la relation contractuelle en cause ;
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la rupture des relations contractuelles entre la société Palatine Asset Management et la société Capital Max n'a pas été brusque et que la société Palatine Asset Management n'a commis aucune faute en résiliant le contrat la liant à la société Capital Max ;
En toute hypothèse,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les demandes de M. X. en son nom personnel sont irrecevables et en tout état de cause non fondées ;
À titre subsidiaire,
- dire et juger que la société Capital Max et M. X. ne justifient pas du moindre préjudice ;
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Capital Max et M. X. de l'intégralité de leurs demandes ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société Capital Max et M. X. à payer à la société Palatine Asset Management la somme de 40.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Palatine expose au préalable que la crise financière et la baisse des encours du fonds Énergies Renouvelables, passés de 72 millions d'euros en décembre 2007 à 37 millions d'euros au 1er avril 2009, l'ont amenée à mettre fin en avril 2009 au contrat de conseil en investissement qu'elle avait conclu avec la société Capital Max en avril 2006. Elle rappelle que la rémunération de la prestation de conseil avait été librement négociée avec M. X. et qu'elle n'est nullement anormale par rapport aux niveaux de rémunération pratiqués dans les fonds comparables au fonds Énergies Renouvelables.
S'agissant des demandes des appelants fondées sur l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, l'intimée considère que les dispositions de ce texte, issues de la loi du 4 août 2008, ne peuvent s'appliquer au contrat de 2006, et que dans leur rédaction antérieure, elles n'engagent pas sa responsabilité, faute de démontrer l'existence de « conditions commerciales injustifiées ».
S'agissant de l'application de l'article L. 442-6-I-5°, l'intimée soutient à titre principal qu'elle n'entretenait pas de relations commerciales établies, au sens de ce texte, avec M. X., dans la mesure où celui-ci ne bénéficiait d'aucune exclusivité et compte tenu du caractère volatile et incertain de ses prestations. Elle fait valoir qu'en toute hypothèse, il est fantaisiste de prétendre, comme le font les appelants, que ces relations avaient commencé avant la conclusion du contrat de conseil en 2006. Subsidiairement, l'intimée considère que le délai de trois mois qui a été appliqué répond aux exigences de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce.
Par ailleurs, la société Palatine soutient que les investissements que les appelants prétendent avoir effectués ne sont pas justifiés, pas plus que les différents préjudices allégués.
Subsidiairement, elle observe que M. X. ne justifie d'aucun préjudice propre et personnel et que les demandes qu'il forme sont donc irrecevables.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité des demandes formées en son nom personnel par M. X. :
L'intimée demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables, et en tout état de cause mal fondées, les demandes formées en son nom personnel par M. X., au motif qu'il n'entretenait pas de relations commerciales avec la société Palatine, laquelle n'avait contracté qu'avec la société Capital Max.
Mais si le contrat de conseil en investissement, qui est l'objet du présent litige, a été conclu par la société Palatine avec la société Capital Max et non avec son dirigeant et fondateur, M. X., celui-ci allègue des préjudices propres, nés des diligences qu'il a personnellement accomplies avant le lancement et la commercialisation du fonds Energies Renouvelables ainsi que des conséquences sur son activité professionnelle et sur sa situation patrimoniale personnelle résultant de la rupture brutale des relations avec la société Palatine. M. X. justifie ainsi d'un intérêt personnel à agir et ses demandes seront jugées recevables.
Sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et sur les conditions commerciales injustifiées :
L'article L. 442-6 2° du code de commerce, dont les appelants invoquent l'application en tant qu'il sanctionne par la mise en jeu de la responsabilité civile de leur auteur les pratiques consistant à soumettre ou tenter de soumettre un partenaire « à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », est issu de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Faute que ce texte comporte des dispositions spéciales qui en feraient rétroagir l'application, il ne saurait régir les contrats et les négociations commerciales antérieurs à son entrée en vigueur. Or, les obligations dont les appelants prétendent qu'elles créent un déséquilibre significatif au sens de ce texte, ont leur siège dans le contrat de conseil en investissement conclu le 20 avril 2006, donc antérieurement à la loi nouvelle, laquelle, en conséquence, ne saurait recevoir application.
En revanche, et pour la même raison, les modifications apportées au contrat du 20 avril 2006 par l'avenant du 15 septembre 2008, donc postérieurement à la loi nouvelle, sont soumises aux dispositions de celle-ci. Ce modifications ont porté sur l'article 10 du contrat et ont consisté à en mettre la rédaction en adéquation avec les exigences de la directive communautaire du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers, en ce qui concerne l'obligation pour les entreprises d'investissement de mettre en place une politique de « meilleure exécution » de leurs ordres, notamment quant au choix de leur courtier. Force est donc d'en conclure que la société Palatine ne peut être considérée comme ayant introduit dans le contrat qui la liait à la société Capital Max un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties, alors qu'elle en a mis les stipulations en conformité avec les prescriptions de cette directive.
S'agissant du contrat du 20 avril 2006, c'est au regard des dispositions alors en vigueur de l'article L. 442-6 2° du code de commerce qu'il convient d'apprécier la pertinence des griefs articulés par les appelants. Ces dispositions étaient ainsi rédigées : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) D'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées (...) ».
Les appelants soutiennent que la société Palatine les a soumis à des conditions commerciales injustifiées, telles que visées par ce texte, d'une part, pour n'avoir pas rémunéré le travail fourni de juillet 2005 à décembre 2005, d'autre part, pour leur avoir imposé des honoraires « dérisoires ».
En premier lieu, les appelants exposent que M. X. est à l'origine de la création du fonds Energies Renouvelables, dont il a présenté l'idée en juillet 2005 à la société Palatine. Celle-ci le chargea alors de mettre en place ce fonds, en s'assurant de la validation du concept, en définissant sa stratégie d'investissement, en sélectionnant les valeurs composant son univers d'investissement et en élaborant des outils de contrôle. M. X. indique avoir consacré jusqu'en décembre 2005 toute son énergie et un temps considérable à cette mission, - qu'il valorise à la somme de 310.000 euros -, dans l'intérêt exclusif de la société Palatine qui, pourtant, ne l'a pas rémunéré puisque le contrat signé ensuite le 20 avril 2006 n'avait rétroagi qu'au 1er janvier 2006. S'il n'est effectivement pas discuté que dès juillet 2005, ont été noués entre M. X. et la société Palatine des contacts qui aboutiront à la création du fonds Energies Renouvelables, les appelants ne démontrent pas que les diligences qu'ils ont accomplies antérieurement à cette création avaient fait l'objet d'une commande de la part de la société Palatine et que celle-ci leur ait imposé de travailler, dans son intérêt propre, à fonds perdus, alors qu'il ressort des pièces du dossier que leurs discussions ont porté, en particulier, sur les conditions financières du contrat de conseil en investissement conclu ultérieurement.
En second lieu, à l'appui de leurs allégations selon lesquelles la société Palatine leur avait imposé des honoraires « dérisoires », les appelants font valoir, d'une part, que les conditions financières initialement prévues par le contrat du 20 avril 2006 étaient très inférieures aux conditions généralement pratiquées et, d'autre part, qu'elles ont été encore restreintes par trois modifications ultérieures, consistant dans la réduction de l'assiette de la rémunération aux seuls actifs américains, l'exclusion des liquidités de cette assiette et la suppression des honoraires de résultat. En ce qui concerne les conditions initiales, le contrat prévoyait une rémunération égale à 0,30 % des actifs, dégressive à partir de 10 millions de dollars. Si les appelants soutiennent que les taux normalement pratiqués sur ce type de service et de fonds sont de l'ordre de 1,5 %, force est de constater que cette affirmation est contestée par l'intimée qui fait valoir, sans être sur ce point démentie, que le taux de 0,30 % était cohérent avec le taux de sa propre rémunération égal à 1,5 %. De même, les modifications ultérieurement apportées aux conditions initiales, dont l'intimée défend la pertinence, n'apparaissent pas dépourvues de justification, compte tenu en particulier de la vocation à investir sur des valeurs américaines qui a été donnée au fonds par ses fondateurs.
Il en résulte que si les conditions de la rémunération de la société Capital Max au titre du service de conseil en investissement qu'elle fournissait à la société Palatine ont donné lieu à des discussions longues et nourries entre les parties, les éléments du dossier ne permettent pas de conclure que la société Palatine a soumis la société Capital Max à des conditions commerciales ou à des obligations injustifiées au sens de l'article L. 442-6 2° dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008.
Sur la rupture des relations commerciales établies entre les sociétés Palatine et Capital Max :
Il ressort du dossier que les relations commerciales entre la société Palatine et la société Capital Max dirigée par M. X. ont été établies sur la base du contrat du 20 avril 2006, dont les parties firent rétroagir la date de prise d'effet au 1er janvier 2006. La conclusion de ce contrat avait été précédée de pourparlers de plusieurs mois et de travaux préparatoires au lancement du fonds Energies Renouvelables, engagés à partir du mois de juillet 2005.
Les appelants soutiennent qu'en réalité ces relations commerciales étaient plus anciennes, et qu'elles remontaient à 1998 pour la société Capital Max et à 1982 pour M. X..
S'agissant de l'ancienneté des relations établies entre la société Palatine et la société Capital Max, force est de constater qu'aucun élément du dossier ne vient à l'appui des allégations des appelants selon lesquelles ces relations auraient commencé en 1998. S'il est avéré que M. X. était, dès avant la création du fonds, en relation avec M. M.-F. et qu'il exerçait son activité professionnelle à travers, notamment, la société Capital Max qu'il avait créée, la preuve n'est pas rapportée que cette dernière société fournissait des prestations à la société Palatine, ni aux sociétés Banques Vernes et San Paolo aux droits desquelles elle est venue. C'est ainsi que les appelants ne produisent aucun document qui attesterait de telles prestations, pas plus qu'ils n'en donnent d'indication sur la teneur, le moment et les conditions financières. À défaut de preuve contraire, il y a donc lieu de considérer que c'est par le contrat de conseil en investissement qu'elles ont conclu le 20 avril 2006, avec effet au 1er janvier 2006, que les sociétés Palatine et Capital Max ont établi entre elles des relations commerciales.
S'agissant de l'ancienneté des relations établies entre la société Palatine, ou les sociétés aux droits desquelles elle est venue, et M. X., celui-ci soutient qu'un partenariat existait dès avant le contrat de 2006 et depuis de très nombreuses années, dans le cadre duquel il fournissait déjà des services de conseil et de courtier ; cependant, les éléments qu'il produit ne démontrent pas la réalité de cette allégation. Ainsi, s'il ressort de l'attestation de M. M.-F., président jusqu'en 2006 de la société Palatine, (pièce n° 61) que M. X. a été, avant 1987, en relation professionnelle avec la Banque Vernes, devenue Banque San Paolo puis société Palatine, c'est en tant que représentant de la société de conservateur de titres et de courtiers Brown Brothers Harriman. Les appelants produisent par ailleurs des copies de courriers électroniques datant des années 1999 à 2005 (pièces n° 103, 105 à 112, 117 à 133 et 143), par lesquels M. X. adressait à leurs destinataires, au nombre desquels figurait M. M.-F., ses analyses et ses conseils sur la conjoncture et l'état du marché américain. La production de ces documents n'est cependant accompagnée d'aucune indication sur les circonstances dans lesquelles ces analyses étaient transmises, si elles répondaient à une commande de leurs destinataires ou si elles étaient spontanément envoyées par M. X. à un cercle de relations professionnelles et si elles étaient rémunérées. Aussi ces documents ne permettent-ils pas, à eux seuls, de caractériser la fourniture d'un service de conseil en investissement à la société Palatine ou aux sociétés qui l'ont précédée. De même, l'envoi en 2006 par M. X. à la Banque Sao Paolo de la plaquette d'Europa Securities avec une lettre d'accompagnement à en tête de Capital Max (pièce n° 104), sans autre précision sur les suites qui lui ont été données, ne démontre pas que ces sociétés entretenaient des relations commerciales, pas plus que le fait que M. X. ait été invité par cette banque et par la société Palatine à participer à certaines manifestations et réunions, dont ne sont indiqués ni l'objet, ni le rôle qu'il a pu y jouer. Enfin, s'agissant de la participation de la Banque Sao Paolo au lancement du fonds « Europa Low Priced Stock Fund » créé en 2003 par M. X. par l'investissement d'une somme de 150.000 dollars, force est de considérer que cette seule décision d'investissement, pour importante qu'elle soit, ne caractérise pas à elle seule l'existence de relations établies dans la durée au sens de l'article L. 442-6 5°du code de commerce.
À ces constatations, s'ajoute le fait que, comme le tribunal l'a relevé, les appelants n'ont versé aux débats aucun contrat, facture, correspondance ou document quelconque qui établirait que M. X. ou la société Capital Max entretenaient, antérieurement au lancement du fonds Energies Renouvelables, un courant d'affaires régulier avec la société Palatine, dans le domaine du conseil en investissement ou dans le domaine du courtage, étant rappelé sur ce dernier point qu'intervenait la société Europa Securities, société tierce quand bien même M. X. était intéressé à ses résultats. Dès lors, s'il n'est pas contestable que M. X. a été, à divers titres, en relation avec la société Palatine avant le lancement du fonds Energies Renouvelables en 2005, il n'est pas démontré que cette société entretenait avec lui-même ou la société Capital Max des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 5° du code de commerce. Il y a donc lieu de considérer que les parties n'ont établi de relations commerciales entre elles qu'à compter du contrat qu'elles ont conclu le 20 avril 2006. C'est donc en considération de cette ancienneté que doit s'apprécier la durée du délai de préavis requis par l'article L. 442-6 5° précité. À cet égard, le délai de trois mois appliqué par la société Palatine en application des stipulations du contrat, apparaît conforme aux exigences du texte, s'agissant de relations qui ont couru sur une durée de trois années et compte tenu des caractères propres de la fourniture du service de conseil en investissement qui suppose, comme le tribunal l'a rappelé, une évaluation périodique de la qualité de ce service et une vérification de son adéquation aux besoins du fonds et à l'intérêt des porteurs. Les demandes de la société Capital Max et celles de M. X. seront donc rejetées et le jugement sera confirmé.
Sur les demandes de condamnation présentées par la société Capital Max et M. X. :
La Cour ayant jugé que la société Palatine n'avait commis de faute ni au titre des dispositions du 2° de l'article L. 442-6 du code de commerce, ni au titre du 5° du même article, les demandes de condamnation présentées de ces chefs par les appelants seront rejetées.
Sur les frais irrépétibles :
Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Palatine la totalité des frais irrépétibles qu'elle a engagés et la société Capital Max et M. X. seront solidairement condamnés à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes formées en son nom personnel par M. X. ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevables mais mal fondées les demandes formées en son nom personnel par M. X. ;
CONDAMNE solidairement la société Capital Max et M. X. à payer à la société Palatine Asset Management la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;
CONDAMNE solidairement la société Capital Max et M. X. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREY C. PERRIN
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