TI TOURNON, 13 septembre 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 482
TI TOURNON, 13 septembre 2005 : RG n° 11-05-000122 ; jugement n° 05/220
(sur appel CA Nîmes (2e ch. A), 31 mai 2007 : RG n° 05/05048 ; arrêt n° 288)
Extraits : 1/ « QUE dès lors le Tribunal a le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation et de les soumettre à la contradiction. »
2/ « ATTENDU QUE les avis n° 04-02 et 04-03 rendus par la Commission des clauses abusives en date du 27 mai et 24 juin 2004 considèrent que les clauses relatives à la variation du montant du crédit initialement consenti sont abusives en ce qu'elles laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. QU'en outre les avis précités considèrent que les clauses relatives à la variation du taux de l'intérêt sont abusives en ce qu'elles remettent à la discrétion du prêteur la faculté de faire varier le taux, et donc de modifier unilatéralement sa rémunération, ce qui apparaît de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. QU'enfin il convient de rappeler qu'en vertu de l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes rendu le 21 novembre 2002 (5ème chambre) se fondant sur les articles 6 et 7 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, il est reconnu au Juge la faculté de soulever d'office toute exception ou clause abusive insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur pour assurer à ce dernier une protection effective eu égard au risque non négligeable que celui-ci soit dans l'ignorance de ses droits.
ATTENDU QU'il ressort de l'examen de l'offre préalable de crédit acceptée par les défendeurs le 12 février 1998 que Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont souhaité bénéficier d'un capital de 15.000 francs. QU'il est en outre expressément stipulé que ce montant est révisable par la SA SOFINCO qui se réserve le droit de les modifier en hausse dans la limite de 140.000 F. ATTENDU Qu'en réservant à la SA SOFINCO la faculté de bouleverser unilatéralement l'économie du contrat sans en aviser préalablement son co-contractant, l'offre préalable de crédit soumise à l'acceptation de Monsieur X. révèle l'existence d'une clause abusive. QUE la sanction de telles clauses conduit à ce qu'elles soient réputées non écrites. »
3/ « QUE l'offre préalable de crédit stipule expressément que le Taux Effectif Global de 14,96 % l'an ou 1,246 % mensuel indiqué est révisable suivant les variations en plus ou moins du taux de base que la SA SOFINCO applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'elle diffuse au public ; que le contrat ajoute qu'en cas de révision, l'emprunteur [est] préalablement informé. QUE cependant aucun bordereau de rétractation n'est mis à la disposition de l'emprunteur qui constate que le taux d'intérêts porté sur son relevé de compte a varié. ATTENDU QUE cette clause est abusive et doit être réputée non écrite. QU'au demeurant, aux termes de l'arrêt rendu par la cinquième chambre de la Cour de Justice des Communautés Européennes le 4 mars 2004, il convient de relever que si la directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil du 22 février 1990, en matière de crédit à la consommation, n'impose pas que, préalablement à chaque renouvellement, à des conditions inchangées, d'un contrat de crédit d'une durée déterminée, consenti sous la forme d'une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit, remboursable par mensualités et dont le taux d'intérêt est stipulé variable, le prêteur soit obligé d'informer par écrit l'emprunteur du taux annuel effectif global en vigueur ainsi que des conditions auxquelles ce dernier pourra être modifié, le prêteur demeure, en revanche et a contrario, tenu de l'obligation d'information précitée, dès lors que les conditions du crédit (et notamment le taux d'intérêts pratiqué) sont révisées.
QU'en l'espèce, l'examen des relevés de compte fait apparaître que le taux de crédit stipulé dans l'offre préalable de crédit, a régulièrement varié atteignant 1,288 %, puis 1,33 %, puis 1,315 %, puis 1,264 %, puis 1,285 % et 1,242 % ; Que le prêteur ayant omis d'adresser un bordereau de rétractation à l'emprunteur lors des notifications de renouvellement du contrat, il encourt pour cette irrégularité la déchéance du droit aux intérêts. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE TOURNON
JUGEMENT DU 13 SEPTEMBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG N° 11-05-000122. Minute : 05/220.
A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 13 septembre 2005,
Sous la Présidence de Anabelle MELKA, Juge d'Instance, assistée de Benoît ANTERNACH, Greffier,
Après débats à l'audience du 28 juin 2005, le jugement suivant a été rendu.
ENTRE :
DEMANDEUR :
SOFINCO
[adresse] représentée par Maître CHEMEL de la SCP BERAUD-COMBE-LECAT-CHEMEL, avocat du barreau de l'ARDECHE
ET :
DÉFENDEURS :
Monsieur X.
[adresse], non comparant
Madame X. née Y.
[adresse], non comparant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par exploit d'huissier en date du 31 mai 2005, la SA SOFINCO a fait assigner Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement des sommes de 4.127,49 € en principal avec intérêts au taux de 14,96 % à compter du 1er avril 2004 ou du 14 décembre 2004, outre celle de 300 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; elle sollicite de plus le bénéfice de l'exécution provisoire.
Au soutien de ses demandes, elle expose avoir consenti à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. une ouverture de crédit utilisable par fractions, suivant acte sous seing privé du 12 février 1998.
Elle poursuit qu'à la suite d'échéances impayées, une sommation de payer a été adressée le 14 décembre 1998 aux débiteurs leur notifiant la date de déchéance du terme, cependant restée sans effet.
A l'audience du 28 juin 2005, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. cités à mairie ne sont ni comparants, ni représentés, tandis que sont soulevés d'office les moyens tirés de la déchéance du droit aux intérêts pour variation du taux d'intérêt et l'augmentation du crédit initialement consenti.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
ATTENDU QU'aux termes de l'article 6 du Code civil, les parties ne peuvent pas déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que l'article 1134 du même Code précise encore que seules les conventions légalement formées ont force obligatoire ;
QU'en outre, le consommateur ne peut renoncer au bénéfice des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation qui sont d'ordre public en application de l'article L. 311-16 du même Code ;
QUE dès lors, ce qui échappe à l'autonomie de la volonté ne saurait être obtenu grâce au silence, à l'ignorance ou au défaut de comparution de la partie que la loi entend protéger, fût-ce contre elle même ;
QU'en application des articles 7, 12 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, le Tribunal peut dans le respect du principe du contradictoire, relever d'office les moyens de droit afin de trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables ; qu'en effet l'application d'une loi d'ordre public découle de la nature même de cette norme et ne saurait donc être subordonnée à son invocation par l'une des parties ;
QUE de surcroît, en cas de non comparution du défendeur, l'article 472 du Nouveau Code de Procédure Civile fait obligation au Juge de n'accueillir la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;
QUE dès lors le Tribunal a le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation et de les soumettre à la contradiction.
[minute page 3] QUE de surcroît, les sanctions pénales édictées à l'article L. 311-34 du Code de la Consommation (amende de 1.830 € et publication du jugement) en cas d'omission de respecter les formalités prescrites aux articles L. 311-8 à L. 311-13 et L. 311-15 du même Code démontre que ces dispositions sont d'ordre public économique de direction.
ATTENDU QUE les avis n° 04-02 et 04-03 rendus par la Commission des clauses abusives en date du 27 mai et 24 juin 2004 considèrent que les clauses relatives à la variation du montant du crédit initialement consenti sont abusives en ce qu'elles laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.
QU'en outre les avis précités considèrent que les clauses relatives à la variation du taux de l'intérêt sont abusives en ce qu'elles remettent à la discrétion du prêteur la faculté de faire varier le taux, et donc de modifier unilatéralement sa rémunération, ce qui apparaît de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.
QU'enfin il convient de rappeler qu'en vertu de l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes rendu le 21 novembre 2002 (5ème chambre) se fondant sur les articles 6 et 7 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, il est reconnu au Juge la faculté de soulever d'office toute exception ou clause abusive insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur pour assurer à ce dernier une protection effective eu égard au risque non négligeable que celui-ci soit dans l'ignorance de ses droits.
ATTENDU QU'il ressort de l'examen de l'offre préalable de crédit acceptée par les défendeurs le 12 février 1998 que Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont souhaité bénéficier d'un capital de 15.000 francs.
QU'il est en outre expressément stipulé que ce montant est révisable par la SA SOFINCO qui se réserve le droit de les modifier en hausse dans la limite de 140.000 F.
ATTENDU Qu'en réservant à la SA SOFINCO la faculté de bouleverser unilatéralement l'économie du contrat sans en aviser préalablement son co-contractant, l'offre préalable de crédit soumise à l'acceptation de Monsieur X. révèle l'existence d'une clause abusive.
QUE la sanction de telles clauses conduit à ce qu'elles soient réputées non écrites.
QUE cependant il y a lieu de constater que dès le mois d'avril 1998, la SA SOFINCO a accordé une augmentation de crédit excédant 15.000 Francs atteignant 15.523,91 francs, puis 25.708,74 francs en décembre 1999, puis 32.669,66 francs en septembre 2001, et portant le solde débiteur à 4.658,40 € en novembre 2004.
ATTENDU QUE ces augmentations successives du plafond de l'ouverture de crédit auraient nécessairement dû donner lieu à l'établissement d'offres préalables en bonnes et dues formes ; qu'en effet, si l'article L. 311-9 du Code de la consommation précise que l'offre préalable de crédit n'est obligatoire que pour le contrat initial lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit ouvrant à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée du montant du crédit, il y a lieu de rappeler que l'augmentation du montant de l'ouverture du crédit permanent constitue une nouvelle [minute page 4] ouverture de crédit puisqu'elle modifie les termes du contrat initial et doit donc être conclue à l'appui d'une autre offre préalable comportant les mentions prescrites par les dispositions de l'article L. 311-8 et L. 311-10 du Code de la consommation.
QUE le défaut d'indication de celles-ci entraîne, en application de l'article L. 311-33 du Code précité, la déchéance du droit aux intérêts, pour le prêteur, sur l'ouverture de crédit renégocié.
ATTENDU QU'en outre, il y a lieu d'observer que cette offre préalable de crédit fixe la durée du contrat à un an renouvelable, à charge pour le prêteur d'informer l'emprunteur trois mois avant chaque échéance annuelle des conditions de la reconduction du contrat.
QUE l'offre préalable de crédit stipule expressément que le Taux Effectif Global de 14,96 % l'an ou 1,246 % mensuel indiqué est révisable suivant les variations en plus ou moins du taux de base que la SA SOFINCO applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'elle diffuse au public ; que le contrat ajoute qu'en cas de révision, l'emprunteur [est] préalablement informé.
QUE cependant aucun bordereau de rétractation n'est mis à la disposition de l'emprunteur qui constate que le taux d'intérêts porté sur son relevé de compte a varié.
ATTENDU QUE cette clause est abusive et doit être réputée non écrite.
QU'au demeurant, aux termes de l'arrêt rendu par la cinquième chambre de la Cour de Justice des Communautés Européennes le 4 mars 2004, il convient de relever que si la directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil du 22 février 1990, en matière de crédit à la consommation, n'impose pas que, préalablement à chaque renouvellement, à des conditions inchangées, d'un contrat de crédit d'une durée déterminée, consenti sous la forme d'une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit, remboursable par mensualités et dont le taux d'intérêt est stipulé variable, le prêteur soit obligé d'informer par écrit l'emprunteur du taux annuel effectif global en vigueur ainsi que des conditions auxquelles ce dernier pourra être modifié, le prêteur demeure, en revanche et a contrario, tenu de l'obligation d'information précitée, dès lors que les conditions du crédit (et notamment le taux d'intérêts pratiqué) sont révisées.
QU'en l'espèce, l'examen des relevés de compte fait apparaître que le taux de crédit stipulé dans l'offre préalable de crédit, a régulièrement varié atteignant 1,288 %, puis 1,33 %, puis 1,315 %, puis 1,264 %, puis 1,285 % et 1,242 % ;
Que le prêteur ayant omis d'adresser un bordereau de rétractation à l'emprunteur lors des notifications de renouvellement du contrat, il encourt pour cette irrégularité la déchéance du droit aux intérêts.
QU'en conséquence, la demanderesse ne pourra prétendre au paiement des sommes qu'elle a comptabilisées au titre des intérêts débiteurs, frais et indemnité légale à compter du mois d'avril 1998, à savoir, 3.870,77 € ; que selon le décompte de créance versé aux débats les défendeurs restent ainsi devoir la somme de 256,72 € au paiement de laquelle ils seront condamnés solidairement.
Attendu que l'équité commande d'allouer à la SA SOFINCO en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile une indemnité de 150 €.
QUE l'exécution provisoire n'apparaissant pas nécessaire, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant à l'audience publique, par jugement réputé contradictoire et premier ressort,
DÉCLARE abusives et réputées non écrites les clauses relatives à la variation du montant du crédit initialement consenti et à la variation du taux de l'intérêt indiqué dans l'offre préalable de crédit acceptée par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. le 12 février 1998 ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la SA SOFINCO à compter du mois d'avril 1998 s'agissant de ce contrat ;
CONDAMNE en conséquence solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la SA SOFINCO les sommes de :
- DEUX CENT CINQUANTE SIX EUROS SOIXANTE DOUZE CENTIMES (256,72 €) au titre du crédit permanent consenti,
- CENT CINQUANTE EUROS (150 €) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
MET les dépens à la charge de Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ;
Fait et jugé à TOURNON SUR RHÔNE, le 13 septembre 2005.
Le Greffier La Présidente,
Benoît MANTERNACH Anabelle MELKA
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- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit