JURIDICTION DE PROXIMITE DE BEZIERS, 14 juin 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 483
JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE BÉZIERS, 14 juin 2007 : RG n° 91-06-000184 ; jugement n° 1125/07
Extraits : 1/ « Attendu qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Attendu, qu'en l'espèce, la clause figurant à l'article 14 des conditions générales du contrat prévoit : « Ces formalités doivent être accomplies dans les trois jours, non compris les dimanches et jours fériés, qui suivent la livraison. À défaut d'expédition dans les trois jours, le client qui n'aurait pas choisi la garantie OR est privé du droit d'agir contre l'entreprise ». Que le très court délai imparti au consommateur pour faire une réclamation, quand bien même il aurait émis des réserves écrites lors de la livraison, est de nature à limiter de façon inappropriée les droits légaux d'action du consommateur vis à vis du professionnel en cas d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque de ses obligations contractuelles. Qu'en effet, laisser le temps nécessaire au destinataire de contrôler l'envoi procède du devoir d'exécution de bonne foi des conventions au sens de l'article 1134 du code civil. Attendu, ainsi, que la clause susvisée figurant à l'article 14 est abusive et doit être déclarée non écrite. »
2/ « Attendu, par ailleurs, que la clause figurant à l'article 19 des conditions générales de vente du contrat de déménagement prévoit : « De convention expresse entre les parties, il est convenu que les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier. » Attendu que cette clause qui impose au consommateur un délai d'action sensiblement inférieur au délai légal ne paraît pas, toutefois, de nature à limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel en cas d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque de ses obligations contractuelles. Attendu qu'une telle clause n'est donc pas abusive. »
3/ « Attendu, toutefois, que le contrat doit être exécuté de bonne foi par les parties en application de l'article 1134 du code civil. Or, attendu, qu'en l'espèce, alors que Mme X. a alerté dans un délai raisonnable le déménageur des dommages subis par son mobilier, ce dernier après l'avoir informée de la transmission de sa réclamation à son assureur ne lui a transmis une proposition d'indemnisation que le 18 novembre 2005, c'est à dire plus d'un an après la livraison du mobilier. Attendu, pourtant que Mme X. a répondu aux demandes de pièces du déménageur et de son assureur afin que sa demande d'indemnisation soit étudiée et a relancé à plusieurs reprises l'assureur du déménageur afin d'obtenir une indemnisation. Attendu, en conséquence, que l'action de Mme X., engagée près de 6 mois après la proposition d'indemnisation, ne peut être considérée comme étant prescrite. »
JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE BÉZIERS
JUGEMENT DU 14 JUIN 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Minute n° 1125/07. RG n° 91-06-000184.
DEMANDEUR(S) :
Madame X.
[adresse], représenté(e) par Maître MARIJON Aurélie, avocat au barreau de BÉZIERS, Aide juridictionnelle n° XXXX du 13 mars 2006
DÉFENDEUR(S) :
SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE
[adresse], représenté(e) par Maître RENAUDIN Fabrice, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ :
Lors des débats en audience publique : Juge : Virginie TEMPLE BOYER
Greffier : Martine BIRRE
Magistrat ayant délibéré : Virginie TEMPLE BOYER
DÉBATS : Audience publique du : 22 mars 2007
DÉCISION : contradictoire, dernier ressort, prononcée le 14 juin 2007 par Virginie TEMPLE BOYER, Juge de proximité de Béziers, assisté de Martine BIRRE, Greffier.
[minute page 2] Vu les moyens et conclusions des parties ainsi que les pièces régulièrement versées aux débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 22 juillet 2004, la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE a établi un devis d'un montant de 1.605,22 euros pour le déménagement du mobilier appartenant à X. à BÉZIERS. Ce devis a été accepté le 6 octobre 2004.
Le 15 octobre 2004, Mme X. a souscrit une garantie responsabilité contractuelle RC dans le cadre de ce déménagement.
Le 19 octobre 2004, la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE émettait une facture d'un montant total de 1.964,02 euros TTC.
Les meubles devaient être pris en charge le 19 octobre et la livraison intervenait le 22 octobre 2004.
Mme X. inscrivait sur la lettre de voiture plusieurs réserves concernant un certain nombre de meubles arrivés mouillés ou abîmés.
Par courrier du 27 octobre 2004, adressé en recommandé avec avis de réception le 28 octobre à la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE, Mme X. faisait part de son mécontentement sur le déroulement du déménagement.
Par la suite, elle adressait le 9 novembre 2004, un autre courrier recommandé avec avis de réception dans lequel elle énumérait la liste du mobilier endommagé.
Le 20 novembre 2004, la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE informait Mme X. de la transmission de son dossier à la compagnie d'assurances afin que la procédure soit engagée.
A la demande de la compagnie d'assurance, Mme X. complétait son dossier par courrier recommandé avec avis de réception du 11 janvier 2005.
En l'absence de manifestation de la compagnie d'assurance, Mme X. devait la relancer par courriers du 25 avril et 31 mai 2005.
Selon courrier du 18 août 2005, l'expert de la compagnie d'assurances informait Mme X. de son intention de procéder à une expertise du mobilier endommagé.
Les opérations d'expertise se sont déroulées le 20 septembre 2005 et le 29 septembre, l'expert déposait son rapport estimant à la somme de 240 euros le préjudice subi par Mme X., compte tenu du fait que cette dernière n'avait pas conservé une partie des biens endommagés.
[minute page 3] Enfin, le 18 novembre 2005, la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE adressait à Mme X. une lettre d'acceptation d'indemnisation pour la somme de 150 euros.
Par acte d'huissier en date du 5 mai 2006, Aurore X. a fait assigner la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE devant la juridiction de proximité de Béziers en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 2.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, 500 euros à titre de dommages et intérêts, outre l'allocation de la somme accessoire de 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
En défense, la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE soutient que :
- l'action de Mme X. est prescrite puisqu'engagée plus d'un an après la livraison, en violation de l'article 19 des conditions générales de vente qui ont été acceptées par Mme X.,
- elle n'a pas reconnu le droit du réclamant, la proposition transactionnelle de l'assureur ne pouvant constituer une telle reconnaissance,
- Mme X. est forclose puisque sa réclamation a été formée plus de 3 jours après la livraison, en violation de l'article 14 des conditions générales de vente,
- en application de l'article 26 de la loi du 12 juin 2003, les opérations de transport effectuées dans le cadre d'un déménagement sont considérées comme des transports de marchandises justifiant l'application des articles L. 133-6 et L. 133-3 du code du commerce.
Elle conclut à l'irrecevabilité de l'action de Mme X., et à titre subsidiaire, consent à lui verser la somme de 240 euros en réparation du préjudice subi. Enfin, elle sollicite la condamnation de Mme X. à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme X. rétorque que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise qui ne consiste pas uniquement en une opération de transport du mobilier mais inclus également d'autres prestations et qu'en conséquence les dispositions du code du commerce relatives aux délais de réclamation et d'action sont inapplicables. Par ailleurs, elle affirme que les clauses de forclusion et de prescription contenues dans les articles 14 et 19 des conditions générales du contrat de déménagement sont abusives.
Conformément à l'article R. 132-6 du code de la consommation, la juridiction de proximité a, par jugement en date du 26 octobre 2006, saisi la commission des clauses abusives pour avis sur la validité des clauses précitées contenues dans les conditions générales de vente du contrat de déménagement proposé par la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE.
[minute page 4] Le 25 janvier 2007, la commission des clauses abusives a estimé que les clauses contenues dans les articles 14 et 19 des conditions générales du contrat de déménagement étaient abusives.
Les parties, ont été invitées à faire valoir leurs observations à la suite de cet avis, lors de l'audience du 22 mars 2007.
Mme X. demande désormais 2.000 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre l'allocation de la somme accessoire de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Le délibéré prévu au 10 mai 2007 a été prorogé au 14 juin 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Attendu, qu'en l'espèce, la clause figurant à l'article 14 des conditions générales du contrat prévoit : « Ces formalités doivent être accomplies dans les trois jours, non compris les dimanches et jours fériés, qui suivent la livraison. À défaut d'expédition dans les trois jours, le client qui n'aurait pas choisi la garantie OR est privé du droit d'agir contre l'entreprise ».
Que le très court délai imparti au consommateur pour faire une réclamation, quand bien même il aurait émis des réserves écrites lors de la livraison, est de nature à limiter de façon inappropriée les droits légaux d'action du consommateur vis à vis du professionnel en cas d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque de ses obligations contractuelles.
Qu'en effet, laisser le temps nécessaire au destinataire de contrôler l'envoi procède du devoir d'exécution de bonne foi des conventions au sens de l'article 1134 du code civil.
Attendu, ainsi, que la clause susvisée figurant à l'article 14 est abusive et doit être déclarée non écrite.
Attendu, en l'espèce, que les réserves formulées par Mme X. au bas de la lettre de voiture, le 22 octobre 2004, jour de la livraison, et réitérées le 9 novembre 2004 par courrier recommandé avec avis de réception ont été faites dans un délai raisonnable et doivent être examinées, à l'exception de celles effectuées par courrier du 9 janvier 2005, trop tardives.
[minute page 5] Qu'au surplus, il ressort du courrier du 18 novembre 2005 que le déménageur a accepté le principe d'une indemnisation et n'a jamais soulevé la forclusion alors même que le rapport d'expertise du 29 septembre 2003 constatait que le délai de 3 jours pour formuler des réserves n'avait pas été respecté.
Attendu, par ailleurs, que la clause figurant à l'article 19 des conditions générales de vente du contrat de déménagement prévoit : « De convention expresse entre les parties, il est convenu que les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier. »
Attendu que cette clause qui impose au consommateur un délai d'action sensiblement inférieur au délai légal ne paraît pas, toutefois, de nature à limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel en cas d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque de ses obligations contractuelles.
Attendu qu'une telle clause n'est donc pas abusive.
Attendu, toutefois, que le contrat doit être exécuté de bonne foi par les parties en application de l'article 1134 du code civil.
Or, attendu, qu'en l'espèce, alors que Mme X. a alerté dans un délai raisonnable le déménageur des dommages subis par son mobilier, ce dernier après l'avoir informée de la transmission de sa réclamation à son assureur ne lui a transmis une proposition d'indemnisation que le 18 novembre 2005, c'est à dire plus d'un an après la livraison du mobilier.
Attendu, pourtant que Mme X. a répondu aux demandes de pièces du déménageur et de son assureur afin que sa demande d'indemnisation soit étudiée et a relancé à plusieurs reprises l'assureur du déménageur afin d'obtenir une indemnisation.
Attendu, en conséquence, que l'action de Mme X., engagée près de 6 mois après la proposition d'indemnisation, ne peut être considérée comme étant prescrite.
Attendu que la valeur assurée pour le déménagement du mobilier de Mme X. était de 37.540 euros.
Que l'expert de l'assureur du déménageur a relevé que cette valeur était très largement inférieure à la valeur réelle estimée à 60.000 euros.
Attendu que malgré plusieurs relances de la part de Mme X., l'expertise des meubles endommagés n'a eu lieu que le 20 septembre 2005, soit près d'un an après le sinistre. Que Mme X. s'est débarrassée de la plupart des meubles abîmés ne pouvant les conserver eu égard à leur encombrement.
[minute page 6] Que, toutefois, elle a pris le soin de photographier les étagères du meuble living abîmées.
Que ce meuble avait, selon le bon de commande datant de 1979 fourni par Mme X., une valeur de 11.480 francs soit 1.450,11 euros.
Attendu, ainsi qu'il convient de retenir une indemnité forfaitaire de 400 euros pour le remplacement des étagères.
Attendu que le réfrigérateur américain d'une valeur déclarée de 1.900 euros a été éraflé en partie haute. Que ce dommage purement esthétique sera indemnisé à concurrence de 100 euros.
Attendu que s'agissant des meubles de salle de bain, du séchoir à cheveu, du diable de manutention, des appareils radio et hi-fi et de la télécommande, en l'absence de déclaration de valeur de ces meubles et d'éléments permettant d'apprécier l'étendue du préjudice, il convient de débouter Mme X. de ses demandes.
Attendu, enfin, qu'il ressort du rapport d'expertise que le tapis iranien ne gardait pas de trace de mouille ; qu'au contraire, il ressort de ce même rapport que 3 chaises de salle à manger comportaient des auréoles anciennes sur le fond d'assise, visibles uniquement lorsqu'on les retourne. Que ce dommage purement esthétique sera indemnisé à concurrence de 100 euros.
Attendu que la résistance de la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE ne peut être qualifié d'abusive, en ce sens qu'elle n'a fait que revendiquer l'application des clauses contractuelles.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de X. les frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer ; que la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE sera condamnée à lui verser la somme de 600 EUROS sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Attendu que la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE qui succombe sera tenue aux dépens.
Attendu que la présente décision étant rendue contradictoirement et en dernier ressort, l'exécution provisoire est de droit.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La juridiction de proximité, statuant par jugement contradictoire, rendu en dernier ressort,
DÉCLARE non écrite la clause suivante insérée à l'article 14 des conditions générales du contrat ainsi libellée
« Ces formalités doivent être accomplies dans les trois jours, non compris les dimanches et jours fériés, qui suivent la livraison. À défaut d'expédition dans les trois jours, le client qui n'aurait pas choisi la garantie OR est privé du droit d'agir contre l'entreprise »
[minute page 7] DIT que l'action de X. n'est pas prescrite,
CONDAMNE la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE à payer à X. la somme de six cents euros (600 euros),
CONDAMNE la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE à payer à X. la somme de six cents euros (600 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL DÉMÉNAGEMENTS CABRIE aux entiers dépens, REJETTE toute autre demande.
Ainsi jugé et prononcé le jeudi QUATORZE JUIN DEUX MILLE SEPT par la mise à disposition du jugement au greffe.
Le Greffier, Le-Juge de proximité,
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