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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 26 juin 2014

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 26 juin 2014
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 12/03943
Date : 26/06/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 1/03/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4833

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 26 juin 2014 : RG n° 12/03943

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-014796

 

Extrait : « Que cette clause s'analyse comme une clause limitant voire excluant la garantie du professionnel, dans la mesure où, quelle que soit la valeur des biens non listés, l'indemnité due en cas de destruction totale des biens transportés est limitée au montant correspondant aux biens dont la valeur est expressément déclarée, ladite clause interdisant également au consommateur d'obtenir la réparation d'un meuble, dès lors que le coût de sa remise en état excède la valeur déclarée ou supposée ;

Que dès lors, la SARL WILLIAM B. Déménagements ne pouvait : - ni arguer d'une prétendue conformité de ses conditions générales à la pratique professionnelle voire à des conditions générales normalisées qui au surplus n'est pas établie ; - ni apporter une justification économique à une telle stipulation, les articles L. 132-1 et R. 132-1 6° du code de la consommation présumant de manière irréfragable, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations » ;

Considérant que la clause invoquée par la SARL WILLIAM B. Déménagements qui contrevient aux textes précités est réputée non écrite et ne peut donc fonder utilement son argumentation tendant à voir réduire l'indemnité due à M. X. ;

Considérant que la SARL WILLIAM B. Déménagements ne peut pas plus prétendre à la prise en compte d'une prétendue vétusté des biens endommagés fixée à 15 % de l'indemnité due, qui par son caractère forfaitaire et donc arbitraire contrevient au principe de la réparation intégrale du préjudice ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 26 JUIN 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/03943. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 janvier 2012 - Tribunal d'Instance d'AUBERVILLIERS - R.G. n° 11-11-000653

 

APPELANTE :

SARL WILLIAM B.. DÉMÉNAGEMENTS

Représentée par Maître Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 ; Assistée de Maître Laurent AZOGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1108

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

Représenté et assisté de Maître Philippe MIRO de la SCP VITOUX & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0273

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre, et Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre, Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, Madame Joëlle CLÉROY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Catherine MAGOT

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Jean-Pierre GIMONET, président et par Madame Catherine MAGOT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

En vue de son déménagement de [Ville M.] à [ville D.], M. X. a conclu un contrat de déménagement avec la SARL WILLIAM B. Déménagements, selon devis accepté le 8 juillet 2010. La livraison de ses meubles à son nouveau domicile a été effectuée le 2 août 2010. Lors de cette livraison, il a été mentionné des dégradations affectant de nombreux meubles, des lampes et lustre, une glace, de la vaisselle et un four.

N'ayant pas obtenu de la SARL WILLIAM B. Déménagements et de son assureur, l'indemnisation qu'il souhaitait, M. X. a attrait son cocontractant devant le tribunal d'instance d'Aubervilliers. Par jugement réputé contradictoire du 10 janvier 2012, ce tribunal a condamné la SARL WILLIAM B. Déménagements au paiement de la somme de 4.427euros à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure de 500 euros et aux dépens.

La SARL WILLIAM B. Déménagements a relevé appel de cette décision, le 1er mars 2012.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 28 septembre 2012, elle demande à la cour de reformer la décision entreprise et de limiter l'indemnisation due à M. X. à la somme de 3.000 euros, et rejetant son appel incident, de le débouter de ses autres demandes et de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 euros et aux entiers dépens.

Elle nie avoir reconnu le droit de M. X. à être indemnisé, la proposition de son assureur d'indemniser le préjudice subi ne valant pas reconnaissance de ce droit. Elle reprend les conditions contractuelles de la garantie (dite ZEN) et affirme qu'il s'ensuit que les dommages aux meubles qui n'ont pas fait de l'objet d'une déclaration de valeur ne peuvent être indemnisés qu'à hauteur de 150 euros, ajoutant qu'il faut prendre en compte un coefficient de vétusté, le montant des dommages qu'elle fixe à 3.470,50 euros doit être ramené à 3.000 euros. Elle conteste tout préjudice moral, concluant au rejet des demandes formées par M. X. à ce titre.

Dans ses conclusions du 31 juillet 2012, M. X. demande à la cour de confirmer le jugement déféré sur le montant de son préjudice matériel et subsidiairement de fixer celui-ci à la somme de 3.470,50 euros, réclamant en sus une somme de 1.000 euros pour préjudice moral, une indemnité de procédure, en sus de celle allouée en première instance, de 1.794 euros et la condamnation de l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il estime sans objet le débat sur la responsabilité de la SARL WILLIAM B. Déménagements dès lors qu'elle offre une indemnisation. Il prétend que les conditions de déménagement qu'il décrit (cubage mal estimé, défaut de fourniture des cartons, personnel insuffisant et maladroit etc.) excluent que la SARL WILLIAM B. Déménagements puisse lui opposer les limites contractuelles de sa garantie. Subsidiairement, il demande à la cour d'exclure la déduction de la vétusté, le plafonnement de l'indemnisation à 150 euros pour les meubles non déclarés, la prenant déjà en compte. Enfin, il affirme l'existence d'un préjudice moral eu égard aux désagréments subis et aux dommages apportés à des meubles de famille.

Par arrêt en date du 9 janvier 2014, la cour a rouvert les débats afin que les parties concluent sur la validité de la clause opposée par le professionnel pour limiter l'indemnité due, au regard des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation, lequel en son 6° énonce que sont de manière irréfragable présumées abusives les clauses qui notamment ont pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations » ;

Seule la SARL WILLIAM B. Déménagements a conclu. Dans ses écritures déposées le 7 février 2014, elle reprend ses demandes et arguments précédemment développés. Sur le moyen relevé d'office par la cour, elle objecte que ses conditions générales sont conformes à celles proposées par la chambre professionnelle, d'ailleurs normalisées par l'AFNOR (norme X50-811-1) et qu'elles prévoient d'une part, que la valeur déclarée par le client constitue pour chaque objet le plafond de l'indemnité due en cas d'avarie et d'autre part, que tout objet non valorisé est présumé avoir une valeur inférieure ou égale à 150 euros. Elle soutient que ces limitations n'étant nullement abusive, le « mécanisme de la déclaration de valeur est en effet indispensable d'un point de vue juridique dans la mesure où elle permet au déménageur de connaître, avant l'exécution de la prestation, la nature et la valeur (estimée par le client) des biens transportés et par voie de conséquence les limites de sa responsabilité éventuelle en cas d'avarie ».

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que conformément aux dispositions des articles L. 133-1 à L. 133-8 du code de commerce auxquelles est soumis le contrat de déménagement en application de l'article L. 133-9 du même code, M. X. a émis des réserves significatives et précises à la livraison de son mobilier ; que celles-ci n'ont pas été contestées par le transporteur et dès lors, celui-ci est présumé responsable de ces dommages ; que celui-ci admet d'ailleurs le principe de sa responsabilité, discutant uniquement du calcul de l'indemnisation due ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 des conditions générales du contrat de déménagement, « l'indemnisation intervient dans la faute du préjudice matériel pourvu ou des conditions particulières négociées entre l'entreprise et le client. Les conditions particulières fixent - sous peine de nullité de plein droit du contrat - le montant de l'indemnisation maximum pour la totalité du mobilier et pour chaque objet ou élément de mobilier. Elles peuvent également fixer l'indemnisation maximum des objets figurant sur une liste valorisée » ; les conditions particulières stipulant sous l'intitulé « garantie » : dommages valeur globale 25.000 euros, valeur maximale par objet non listé 0,00 euros valeurs individuelles déclarées 0,00 euros, la somme de 25.000 euros représentant en l'espèce, la valeur totale du mobilier dont l'évaluation par le client excède 150 euros et listés afin de calculer la prime de l'assurance complémentaire souscrite ;

Que cette clause s'analyse comme une clause limitant voire excluant la garantie du professionnel, dans la mesure où, quelle que soit la valeur des biens non listés, l'indemnité due en cas de destruction totale des biens transportés est limitée au montant correspondant aux biens dont la valeur est expressément déclarée, ladite clause interdisant également au consommateur d'obtenir la réparation d'un meuble, dès lors que le coût de sa remise en état excède la valeur déclarée ou supposée ;

Que dès lors, la SARL WILLIAM B. Déménagements ne pouvait :

- ni arguer d'une prétendue conformité de ses conditions générales à la pratique professionnelle voire à des conditions générales normalisées qui au surplus n'est pas établie ;

- ni apporter une justification économique à une telle stipulation, les articles L. 132-1 et R. 132-1 6° du code de la consommation présumant de manière irréfragable, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations » ;

Considérant que la clause invoquée par la SARL WILLIAM B. Déménagements qui contrevient aux textes précités est réputée non écrite et ne peut donc fonder utilement son argumentation tendant à voir réduire l'indemnité due à M. X. ;

Considérant que la SARL WILLIAM B. Déménagements ne peut pas plus prétendre à la prise en compte d'une prétendue vétusté des biens endommagés fixée à 15 % de l'indemnité due, qui par son caractère forfaitaire et donc arbitraire contrevient au principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Considérant enfin, que M. X. prétend à l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral, sans pour autant justifier que les biens seraient ainsi qu'il l'affirme des meubles de famille ou d'une atteinte à ses sentiments du fait des désagréments liés à ce déménagement ; qu'il sera débouté de ce chef de demande ;

Considérant que l'équité commande d'appliquer tant en première instance qu'en cause d'appel les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point et la SARL WILLIAM B. Déménagements condamnée à rembourser les frais exposés par M. X. pour assurer sa défense devant la cour dans la limite de 1.500 euros ;

Considérant que la SARL WILLIAM B. Déménagements partie perdante sera condamnée aux dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement rendu par le tribunal d'instance d'Aubervilliers le 10 janvier 2012 ;

Y ajoutant

Déboute M. X. de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Condamne la SARL WILLIAM B. Déménagements à payer à M. X. une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL WILLIAM B. Déménagements aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT