CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 12 septembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4905
CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.) 12 septembre 2014 : RG n° 13/00928 ; arrêt n° 14/781
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-025731
Extrait : « Aux termes de l'article 7 du contrat conclu entre EDF et Monsieur et Madame X., il est expressément prévu qu'il sera résilié de plein droit, à la date de l'événement, en cas de cessation d'appartenance, pour quelque cause que ce soit, de l'emprunteur au personnel d'EDF. Pour s'opposer à la demande de constat de résiliation de plein droit du contrat, les époux X. maintiennent devant la cour que cette clause est abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors que la SA EDF soutient qu'elle n'est pas un professionnel du crédit de sorte que les dispositions de ce texte ne s'appliquent pas.
Aux termes de ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives - et donc réputées non écrites - les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Or, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne sont pas applicables au prêt en cause dès lors qu'il s'agit d'un prêt consenti par un employeur à un salarié en raison du contrat de travail. Qu'en effet c'est en sa seule qualité d'employeur que la SA EDF, qui, alors même qu'il existe en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, n'est pas un professionnel au sens de l'article sus visé a consenti ce prêt aux époux X. qui en ont bénéficié en qualité de salarié et n'ont pas la qualité de consommateur au sens du même texte.
En toute hypothèse, la clause litigieuse librement consentie - qui n'est pas purement potestative dès lors que l'anticipation du remboursement relève tant de l'initiative de l'employeur en cas de licenciement que de celle du salarié en cas de démission - n'est ni abusive ni nulle au sens de l'article 1174 du code civil lors que par ailleurs elle s'inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié équilibrant la clause de résiliation de plein droit.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire et juger que le contrat conclu entre EDF et les époux X. s'est trouvé résilié de plein droit le 1er janvier 2002 à la date à laquelle Monsieur X. a démissionné de l'entreprise et à laquelle, au surplus, les époux X. ont cessé d'honorer les échéances du prêt. »
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00928. ARRÊT n° 14/781. Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 29 MARS 2013 : R.G. n° 12/01036 suivant déclaration d'appel en date du 22 MAI 2013.
APPELANTS :
Monsieur X.
Représentant : Maître Amel KHLIFI ETHEVE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-RÉUNION
Madame Y. épouse X.
Représentant : Maître Amel KHLIFI ETHEVE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-RÉUNION
INTIMÉE :
SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
Représentant : la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-RÉUNION
CLÔTURÉ LE : 12 février 2014
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 juin 2014 devant la cour composée de : Président : Madame Anne-Marie GESBERT, Conseiller : Monsieur Dominique FERRIERE, Conseiller : Madame Anne JOUANARD, Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
À l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 12 septembre 2014.
Greffier lors des débats : Madame Marie Josette DOMITILE
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 septembre 2014.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte en date du 17 mars 1995 Electricité de France a consenti à Monsieur X., son salarié, et à son épouse un prêt d'un montant total de 57.625,73 euros remboursable en 240 mensualités comprenant deux tranches au taux respectif de 4,75 % et 8,75 % l'an.
L'immeuble acquis à l'aide de ce prêt a depuis été revendu par eux et Monsieur X. a démissionné de l'entreprise à compter du 1er janvier 2002.
Faisant état de cette démission et du fait, qu'à compter de cette date, le prêt avait cessé d'être remboursé, par acte d'huissier en date du 5 avril 2012, la SA Electricité de France a fait assigner Monsieur X. et son épouse Madame Y. en paiement, en deniers et quittances, de la somme de 50.238,37 euros restant due au titre du capital et des intérêts au 1er janvier 2002 et de celle de 3.517 euros au titre de la clause pénale ainsi qu'au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 29 mars 2013, le tribunal de grande instance de Saint Pierre :
- a déclaré abusive la clause de résiliation de plein droit du contrat conclu entre les parties en cas de cessation d'appartenance de l'emprunteur au personnel d'EDF et a, en conséquence, débouté EDF de sa demande en constatation de la résiliation de plein droit du prêt,
- a prononcé la résiliation du prêt du 3 avril 1995 pour non-paiement des échéances et a condamné solidairement les époux X. à verser à EDF la somme de 44.551,84 euros avec intérêts au taux contractuel de 6 % à compter du 5 avril 2012, date de l'assignation, et celle de 3.118,63 euros avec intérêts au taux contractuel de 6 % à compter du jugement
- a rejeté la demande de délais de paiement, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné solidairement les époux X. aux dépens.
Par déclaration au greffe en date du 22 mai 2013 Monsieur et Madame X. ont relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Dans leurs dernières écritures régulièrement notifiées déposées le 6 novembre 2013, Monsieur et Madame X. demandent à la cour :
- à titre principal, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamné et, après avoir constaté que la preuve de la remise de fonds n'est pas rapportée ni le caractère certain de la créance et que la clause de résiliation de plein droit est abusive, de débouter EDF de ses demandes,
- subsidiairement, de réduire la clause pénale à néant et de leur accorder 24 mois de délais de paiement.
Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées déposées le 4 septembre 2013, la SA Electricité de France demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris - sauf en ce qu'il a retenu que la preuve du contrat de prêt avec remise des fonds était rapportée et, statuant à nouveau :
- au principal, de constater que la démission de Monsieur X. et la cessation de remboursement du prêt à compter du 1er janvier 2002 ont, par application du contrat, entraîné la résiliation de plein droit du dit prêt et, en conséquence, de condamner solidairement les époux X. à lui verser, en deniers et quittances la somme de 50.238,37 euros restant due au titre du capital et des intérêts au 1er janvier 2002 et de celle de 3.517 euros au titre de la clause pénale outre les intérêts moratoires au taux de 6 % l'an à compter du 1er janvier 2002,
- subsidiairement, au visa de l'article 1184 du code civil, après avoir constaté que Monsieur et Madame X. ont cessé de régler les échéances de prêt en janvier 2002, de prononcer la résiliation du contrat de prêt au 1er janvier 2002 et de les condamner solidairement au paiement des sommes sus visées,
- en tout état de cause, de débouter Monsieur et Madame X. de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 1.900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, frais de sommation d'huissier du 14 février 2007 compris.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 février 2014.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la preuve du contrat de prêt :
Ainsi que l'a justement constaté le premier juge, l'existence du contrat de prêt et de la remise des fonds par EDF aux époux X. en 1995 à hauteur de la somme de 378.000 Francs est incontestablement établie, ces derniers ne discutant pas d'ailleurs avoir réglé les échéances de remboursement conformément aux modalités contractuelles jusqu'en 2002 puis avoir ensuite versé, à ce titre en 2004, la somme totale de 5.686,53 euros.
Sur la résiliation de plein droit du contrat de prêt :
Aux termes de l'article 7 du contrat conclu entre EDF et Monsieur et Madame X., il est expressément prévu qu'il sera résilié de plein droit, à la date de l'événement, en cas de cessation d'appartenance, pour quelque cause que ce soit, de l'emprunteur au personnel d'EDF.
Pour s'opposer à la demande de constat de résiliation de plein droit du contrat, les époux X. maintiennent devant la cour que cette clause est abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors que la SA EDF soutient qu'elle n'est pas un professionnel du crédit de sorte que les dispositions de ce texte ne s'appliquent pas.
Aux termes de ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives - et donc réputées non écrites - les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Or, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne sont pas applicables au prêt en cause dès lors qu'il s'agit d'un prêt consenti par un employeur à un salarié en raison du contrat de travail.
Qu'en effet c'est en sa seule qualité d'employeur que la SA EDF, qui, alors même qu'il existe en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, n'est pas un professionnel au sens de l'article sus visé a consenti ce prêt aux époux X. qui en ont bénéficié en qualité de salarié et n'ont pas la qualité de consommateur au sens du même texte.
En toute hypothèse, la clause litigieuse librement consentie - qui n'est pas purement potestative dès lors que l'anticipation du remboursement relève tant de l'initiative de l'employeur en cas de licenciement que de celle du salarié en cas de démission - n'est ni abusive ni nulle au sens de l'article 1174 du code civil lors que par ailleurs elle s'inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié équilibrant la clause de résiliation de plein droit.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire et juger que le contrat conclu entre EDF et les époux X. s'est trouvé résilié de plein droit le 1er janvier 2002 à la date à laquelle Monsieur X. a démissionné de l'entreprise et à laquelle, au surplus, les époux X. ont cessé d'honorer les échéances du prêt.
Monsieur et Madame X. doivent donc être condamnés à verser à EDF la somme de 50.238,37 euros restant due au titre du capital et des intérêts au 1er janvier 2002 augmentée des intérêts au taux contractuels au taux de 6 % l'an à compter de cette date, sauf à déduire les sommes postérieurement versées.
Ils doivent également être condamné à verser à EDF la somme de 3.517 euros au titre de la clause pénale qui n'est pas manifestement excessive augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2002.
Sur la demande de délais de paiement :
Monsieur et Madame X., qui sont redevables de ces sommes depuis 2002 sont mal fondés à solliciter, à ce jour, des délais de paiement dont ils ont d'ores déjà largement bénéficié.
L'équité commande la condamnation de Monsieur et Madame X. à verser à la société EDF la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement en matière civile par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions et STATUANT à nouveau :
DIT et JUGE que la résiliation de plein droit du contrat du 17 mars 1995 est intervenue le 1er janvier 2002.
En conséquence CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame X. à verser à la SA EDF :
- la somme de 50.238,37 euros augmentée des intérêts au taux contractuels au taux de 6 % l'an à compter au 1er janvier 2002, sauf à déduire les sommes postérieurement versées,
- la somme de 3.517 euros au titre de la clause pénale augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2002,
- la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
DÉBOUTE Monsieur et Madame X. de leur demande de délais de paiement.
CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame X. aux dépens de première instance et d'appel
Le présent arrêt a été signé par Madame Anne-Marie GESBERT, Présidente de chambre, et par Mme Marie Josette DOMITILE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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