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CA PARIS (pôle 4 ch. 3), 13 novembre 2014

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 3), 13 novembre 2014
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 3
Demande : 12/17875
Date : 13/11/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/01/2013
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2014-027970
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4926

CA PARIS (pôle 4 ch. 3), 13 novembre 2014 : RG n° 12/17875

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-027970

 

Extrait : « Dans ces conditions, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a considéré que la clause limitative de garantie est abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, en ce qu'il l'a en conséquence déclarée non écrite et en ce qu'il a condamné le mandataire à rétablir rétroactivement l'ensemble des garanties à compter du 1er août 2009. Il y a lieu d'observer à cet égard que la société VICTORIA PATRIMOINE n'est pas fondée à soutenir que le caractère abusif de cette clause doit entraîner nécessairement la nullité du contrat : ainsi que prévu par les dispositions de l'article L. 132-1 alinéa 8 du code susvisé, il n'est pas contestable que celui-ci peut subsister sans la clause limitative de garantie. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 3

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/17875. Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2012 - Juridiction de proximité de SAINT MAUR DES FOSSÉS - RG n° 91-12-000070.

 

APPELANTE :

SAS VICTORIA PATRIMOINE

inscrite au RCS de CRÉTEIL, ladite société agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège, Représentée par Maître Joëlle VALLET-PAMART, avocate au barreau de PARIS, toque : D1476

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Représenté et assisté de Maître Carole COHEN, avocate au barreau de PARIS, toque : E0988

Madame Y., épouse X.

Représentée et assistées de Maître Carole COHEN, avocate au barreau de PARIS, toque : E0988

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre, Monsieur Christian HOURS, Président de chambre, Madame Isabelle BROGLY, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Hélène PLACET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Isabelle VERDEAUX, présidente et par Mme Hélène PLACET, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur et Madame X. ont signé le 19 février 2003 avec la société SEMILIA un contrat de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un appartement situé à [ville B.].

Ils ont confié le même jour la gestion de leur bien à la société CATZ GESTION devenue ensuite SAS VICTORIA PATRIMOINE en vertu d'un mandat de gérance signé à [ville H.].

À ce mandat de gérance, figurait une annexe régularisée le même jour par les époux X. intitulée « garantie de carence et de vacance locative et garantie de non moins-value », cette annexe étant calquée quant à sa durée sur le mandat.

Par lettre du 7 septembre 2009, la société VICTORIA PATRIMOINE a indiqué aux époux X. qu'elle suspendait les garanties carence et vacance locative à compter du 1er août 2009. Elle se référait ainsi à un communiqué de presse de Pôle Emploi en date du 31 août 2009, faisant état d'une variation constatée au titre de l'allocation chômage de 22,1 % sur une période un an, soit supérieure à 20 % par an.

Contestant l'interprétation de la disposition figurant à l'annexe, Monsieur et Madame X. ont, par acte d'huissier de justice en date du 21 janvier 2011, saisi le Juge de Proximité d'Haguenau qui, par jugement du 29 juillet 2011, s'est déclaré territorialement incompétent et a désigné la juridiction de proximité de Saint-Maur des Fossés pour connaître du litige.

Par simple mention au dossier, l'affaire a été renvoyée devant le Tribunal d'Instance de Saint-Maur des Fossés afin qu'il soit statué sur la compétence de la juridiction de proximité, eu égard au montant de la demande supérieur à 4.000 euros.

Le Tribunal d'Instance de Saint-Maur des Fossés a renvoyé l'affaire devant le Juridiction de Proximité de Saint-Maur des Fossés en indiquant que la désignation de juridiction de renvoi s'imposait aux parties et au Juge de renvoi.

Par jugement rendu le 29 juin 2012, la Juridiction de Proximité de Saint-Maur des Fossés, a notamment :

* dit et jugé que la clause limitant la garantie de carence et de vacance locatives contenue dans le contrat de garantie signé le 19 février 2003 par Monsieur et Madame X. et la SAS VICTORIA PATRIMOINE venant aux droit de la société CATZ GESTION est abusive et réputée non écrite conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.

* déclaré en conséquence la clause inopposable à Monsieur et Madame X., ceux-ci continuant toutefois à bénéficier du maintien du contrat de garantie ICVL.

* condamné la SAS VICTORIA PATRIMOINE à verser à Monsieur et Madame X. la somme de 4.000 euros à titre de garantie ICVL ainsi que la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

* condamné la SAS VICTORIA PATRIMOINE aux dépens.

La société VICTORIA PATRIMOINE a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions du 2 janvier 2013, elle poursuit l'infirmation du jugement et demande en conséquence à la Cour, statuant à nouveau, de :

* dire que la suspension de la garantie de carence et de vacance locatives annexée au mandat de gestion souscrit le 19 février 2003 entre les époux X. et la société [...] [...] devait s'appliquer.

* dire et juger que les dispositions figurant dans la garantie de carence et vacance locative et la garantie de non moins-value ne confèrent aucun avantage significatif à la société au détriment des époux X..

* dire que les dispositions relatives aux limites de la garantie de carence et vacance locative ne présentent aucun caractère abusif au sens des dispositions de l'article L. 312-1 du Code de la Consommation et que ces limites sont donc valables.

* débouter en conséquence Monsieur et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes.

subsidiairement :

* constater que le juge de proximité de Saint-Maur des Fossés a considéré que les limites de la garantie de carence et vacance locatives étaient difficiles à comprendre ou encore obscures.

* dire en conséquence que les dispositions dont s'agit ne pouvaient se comprendre par les parties qui par voie de conséquence ont pu se méprendre sur l'interprétation des garanties dont s'agit.

* dire que le caractère abscons retenu par le juge de proximité atteignait en conséquence la substance même de la garantie critiquée.

* dire en conséquence les dispositions relatives à la limite de la garantie de carence et vacance locative dite garantie ICVL inopposables aux parties ayant souscrit cette garantie.

* infirmer par voie de conséquence et en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le juge de proximité de Saint-Maur des Fossés.

* condamner les époux X. à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame Alain X., intimés, par dernières conclusions du 1er mars 2013, demandent à la Cour de :

principalement :

* confirmer le jugement rendu par la Juridiction de Proximité de Saint-Maur des Fossés en toutes ses dispositions sauf à constater leurs créances et à les fixer.

subsidiairement :

* juger que la clause intitulée « limites de la garantie de carence et de vacance locatives et de la garantie de non moins-value » insérée dans la garantie de carence et de vacance locative annexée au mandat de gérance conclu le 19 février 2003 a été exécutée de mauvaise foi par la société VICTORIA PATRIMOINE.

* condamner en conséquence la société VICTORIA PATRIMOINE à rétablir rétroactivement les garanties de carence et de vacance locative ainsi que la garantie de non moins-value à compter du 1er août 2009 et fixer leur créance au titre de la garantie de vacance et de carence locative à la somme de 4.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2010, date de la mise en demeure recommandée avec accusé de réception.

* en tout état de cause, juger que la société VICTORIA PATRIMOINE a manqué à ses obligations légales et contractuelles découlant du mandat de gestion du 19 février 2013 et plus généralement en sa qualité de professionnel, à son obligation d'information.

* ordonner à la société VICTORIA PATRIMOINE d'exécuter de bonne foi le contrat de garantie de carence et de vacance locative, maintenu, en opérant le versement d'indemnités contractuelles mois par mois.

* ordonner à la société VICTORIA PATRIMOINE d'informer précisément Monsieur et Madame X. sur les différences existant entre le mandat de gérance et la garantie ICVL signés le 19 février 2003 et les propositions d'avenants du 20 janvier 2011 et du 25 août 2011 relatives à ces deux contrats, non signés par Monsieur et Madame X. faute d'information suffisante.

* débouter la société VICTORIA PATRIMOINE de toutes leurs demandes.

* fixer à 3.500 euros le frais exposés au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

* fixer les dépens.

Monsieur et Madame X. ont fait délivrer assignation à Maître B., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société VICTORIA PATRIMOINE par jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire rendu le 6 novembre 2013 par le Tribunal de Commerce de CRETEIL ainsi qu'à la SELARL SMJ, pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société VICTORIA PATRIMOINE désigné par le même jugement, par actes d'huissier de justice délivrés le 13 janvier 2014 à [Étude].

Les organes de la procédure collective de la société VICTORIA PATRIMOINE n'ont pas conclu à nouveau.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'appel de la SAS VICTORIA PATRIMOINE :

Au soutien de son appel, la société VICTORIA PATRIMOINE fait valoir que les dispositions de la garantie de carence et vacance locative et de la garantie de non moins-value annexées au mandat de gérance sont parfaitement applicables dans le cadre des limites de cette garantie, qu'il convient simplement d'avoir une lecture simple de ces dispositions en considérant que la période de variation à prendre en considération est bien entendue celle du 1er janvier de l'année précédant celle de la signature du mandat non pas de vente, mais du mandat de gérance.

Se fondant principalement sur les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, Monsieur et Madame X. répliquent principalement que la clause intitulée « limites de la garantie de carence et vacance locative et de la garantie de non moins-value » insérée dans la garantie annexée au mandat de vente du 19 février 2013 est une clause abusive, qu'elle doit donc être réputée non écrite de sorte que la société VICTORIA doit rétablir rétroactivement la garantie de carence et vacance locative et qu'elle doit être condamnée à leur verser diverses sommes au titre de cette garantie. Ils font valoir subsidiairement que cette limite insérée dans la garantie a été exécutée de mauvaise foi par la société VICTORIA et ajoute qu'en tout état de cause cette société a manqué à son obligation d'information.

Il ressort des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

En l'espèce, le contrat de garantie de carence et de vacance locative et de garantie de non moins-value signé le 19 février 2003 entre Monsieur et Madame X. et la société CATZ GESTION devenue SAS VICTORIA PATRIMOINE stipule que :

« Le mandataire pourra, si bon lui semble, suspendre l'exécution de la présente garantie par simple lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au mandant en cas de survenance d'une crise économique et sociale grave entraînant une insolvabilité importante des locataires et se traduisant par une augmentation de plus de 20 % du nombre national des chômeurs par rapport au nombre de chômeurs corrigé des variations saisonnières publiées par l'INSEE au 1er janvier de l'année précédant celle de la signature du mandat de vente. En cas de suspension du contrat, supérieure à 6 mois, chaque partie aura la faculté de mettre fin à la présente garantie, à tout moment si bon lui semble, sans indemnité de part et d'autre en notifiant sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».

Il suit de là que la société en charge de la gestion du bien peut se dégager de ses garanties ICVL lorsque le taux de chômage augmente de plus de 20 % par rapport à celui de l'année précédant la signature du mandat de vente.

Contrairement ce que soutient la société VICTOIRE PATRIMOINE, il n'était pas aisé pour Monsieur et Madame X., non professionnels, de considérer que la période de variation à prendre en considération pour la garantie de carence et vacance locative était bien entendu celle du 1er janvier de l'année précédant celle de la signature du mandat de gérance et non celle du mandat de vente et ce, d'autant que la clause prévoyait une garantie de non moins-value en cas de vente du bien.

Indépendamment du fait que ces dispositions présentent un caractère abscons dans la mesure où aucun mandat de vente n'était prévu, les garanties de carence et vacance locative supposent non pas la vente du bien mais sa location de sorte que la période précédant le mandat de vente auquel il est fait allusion doit s'analyser nécessairement comme celle précédant le mandat de vente auquel il est fait allusion et ne peut concerner que la garantie de moins-value et non la garantie ICVL. Il en résulte nécessairement que, pour suspendre la garantie ICVL, le mandataire peut se référer à une période de son choix dès lors que la période de référence n'est pas clairement déterminée dans la clause contractuelle, ce qui lui confère indéniablement un avantage par rapport aux époux X. en lui réservant le droit de modifier unilatéralement les garanties allouées.

Dans ces conditions, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a considéré que la clause limitative de garantie est abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, en ce qu'il l'a en conséquence déclarée non écrite et en ce qu'il a condamné le mandataire à rétablir rétroactivement l'ensemble des garanties à compter du 1er août 2009. Il y a lieu d'observer à cet égard que la société VICTORIA PATRIMOINE n'est pas fondée à soutenir que le caractère abusif de cette clause doit entraîner nécessairement la nullité du contrat : ainsi que prévu par les dispositions de l'article L. 132-1 alinéa 8 du code susvisé, il n'est pas contestable que celui-ci peut subsister sans la clause limitative de garantie.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de Monsieur et Madame X. à hauteur de la somme de 4.000 euros qui n'est contestée en cause d'appel, ni dans son principe, ni dans son montant.

Monsieur et Madame X. justifiant avoir régulièrement déclaré leur créance entre les mains de la SELARL SMJ par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 20 décembre 2013, il y a lieu de la fixer à la somme de 4.000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2010, date de la mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Monsieur et Madame X. doivent être déboutés de toutes leurs autres demandes comme non justifiées.

 

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile :

Succombant en son recours, la SAS VICTORIA PATRIMOINE sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la SAS VICTORIA PATRIMOINE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur et Madame X. peut être équitablement fixée à 1.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à fixer le montant de la créance de Monsieur et Madame X. à la somme de 4.000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2010, date de la mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Déboute Monsieur et Madame X. de leurs autres demandes.

Condamne la société VICTORIA PATRIMOINE venant aux droits de la société CATZ GESTION à verser à Monsieur et Madame X. la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société VICTORIA PATRIMOINE venant aux droits de la société CATZ GESTION aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE                  LA PRÉSIDENTE