TI VIERZON, 16 février 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 4975
TI VIERZON, 16 février 2007 : RG n° 11-07-000010 ; jugement n° 2007/41
(sur appel CA Bourges (ch. civ.), 10 janvier 2008 : RG n° 07/00410 ; arrêt n° 10)
TRIBUNAL D’INSTANCE DE VIERZON
JUGEMENT DU 16 FÉVRIER 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-07-000010. Jugement n° 2007/41.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame A.F. LUSSEAU-PERINETTI, Juge au Tribunal de Grande Instance de BOURGES, chargée du service du Tribunal d'Instance de VIERZON (Cher),
Greffier : Madame A. CHANTEREAU.
DEMANDEUR :
Madame X. épouse Y.
Demeurant [adresse], REPRÉSENTÉE par Maître K. DE CHESSE, avocat du barreau de MARSEILLE, SUBSTITUÉE par Maître LAMOURE
DÉFENDEUR :
Madame Z.
[adresse], REPRÉSENTÉE par la SCP ROUAUD S. - CHAZAT-RATEAU M.P - DEBORD D., avocats du barreau de Bourges
DÉBATS : le 2 février 2007 pour le prononcé du [N.B. conforme à la minute]
JUGEMENT : le 16 février 2007, par mise à disposition au greffe
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suite à une petite annonce, le 12 novembre 2005, Mme Y. a acquis auprès de Mme Z. une jument « Sweet Water » pour la somme de 5.850 €.
Par exploit d'huissier en date du 19 juillet 2006, Mme Y. née X. a fait assigner devant le Tribunal d'Instance de VIERZON Mme Z. aux fins de voir :
- prononcer l'annulation de la vente de la jument « Sweet Water » ;
- condamner Mme Z. à lui rembourser la somme de 5.850 € avec intérêts de droit à compter du 12 novembre 2005 ;
- dans la limite de la compétence du Tribunal d'Instance, la condamner à payer les frais exposés de pension et vétérinaire et ce, jusqu'à parfait enlèvement de l'animal ;
- la condamner à lui payer la somme de 1.000 € au titre du préjudice affectif et de loisirs ;
- la condamner au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- dire que contre parfait paiement de l'ensemble de ces condamnations en principal, intérêts et dépens, Mme Z. devra reprendre ou faire prendre à ses frais la jument sur son lieu actuel de pension ;
- ordonner l'exécution provisoire.
Après deux radiations, l'affaire a finalement été plaidée le 2 février 2007.
Mme Y. fait valoir que :
- rapidement, la jument est apparue inapte au service auquel elle était destinée car elle s'essoufflait rapidement à l'effort, des examens approfondis ayant démontré qu'elle était atteinte d'une fibrillation auriculaire lui interdisant toute compétition, objet de l'achat ;
- serveuse, elle doit être considérée comme un amateur ayant acquis ce cheval pour permettre à sa fille de sortir en compétition, contrairement à Mme Z. qui est une professionnelle se présentant comme enseignante d'équitation, auteur d'ouvrages techniques, et se trouve être présidente de l'association de formation aux activités équestres La G. ;
- si l'annonce décrivait une jument « idéal amateur pour débuter la compétition », l'animal n'a pu participer aux épreuves envisagées ;
- le rapport vétérinaire du 25 avril 2006 précise que la fibrillation auriculaire rend la jument intolérante à un effort intense ;
- le défaut de qualité substantielle est irréversible et doit entraîner l'annulation de la vente en application du décret du 17 février 2005.
Elle estime, en outre, qu'il y a eu dol en ce que la défenderesse lui a caché une condition de la vente puisqu'elle avait elle-même acheté cette jument pour le prix de 2.500 € mais avec une obligation de saillie au bénéfice du précédent propriétaire.
[minute page 3]
Mme Z. conclut au rejet de ces demandes et à la condamnation de Mme Y. à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Tout d'abord, elle rappelle les conditions dans lesquelles elle a acheté puis revendu la jument litigieuse, affirmant que la demanderesse et sa fille avaient pu apprécier les qualités de cet animal à trois reprises avant de l'acquérir et qu'il a été ensuite entraîné sans difficulté tout l'hiver 2005-2006 puisqu'il a été engagé en compétition officielle à six reprises entre février et avril 2006, a concouru et a été placé.
Ensuite, elle soutient que son adversaire vise uniquement le texte relatif à l'erreur comme cause de nullité de la convention.
S'agissant du dol invoqué, Mme Z. considère que Mme Y. n'établit pas l'existence d'une fraude, laquelle tout comme l'erreur doit être appréciée à la date de la vente, dès lors que :
- les qualités sportives en saut d'obstacles et en dressage ont bien été fournies, ainsi que cela résulte des six engagements en compétition sportives de la jument et de ses classements ;
- dans le cas où l'erreur est la conséquence d'un vice caché, seuls les articles 1648 du Code Civil et L. 211-1 du Code de la Consommation sont applicables et, selon elle, la demanderesse n'établit nullement que le problème cardiaque de la jument préexistait à sa vente ;
- si Mme Z. avait pris l'engagement d'autoriser la fille de l'ancienne propriétaire à faire saillir la jument, cette obligation n'a pas été transmise à Mme Y. qui ne peut donc être inquiétée sur ce point.
Elle soutient surtout que seuls les articles L. 213-1 et suivants du Code Rural sont applicables, s'agissant de l'action en résolution de la vente d'animaux domestiques, action qui doit être engagée dans les 10 ou 30 jours et surtout qui ne concerne qu'une liste limitative de vices où ne figure pas la fibrillation auriculaire litigieuse.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la nullité de la vente pour erreur :
L'article 1110 du Code Civil dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat.
En l'espèce, il convient de rappeler les termes de la petite annonce passée par Mme Z. : « VENDS JUMENT HANNOVRIENNE 12 ANS CSO DRESSAGE. Taille 170. Gros moyens. Très belles allures. porteuse. Très bonnes origines. Pratique et facile. Prix : 6.000 €. Idéal amateur pour débuter compétition ».
[minute page 4] Ainsi libellée, cette annonce mettait en avant, sans conteste, les qualités de cet animal pour les compétitions de saut d'obstacles.
Or, il ressort des éléments du dossier que Mme Y. a répondu à cette annonce car ces qualités avancées répondaient à ce qu'elle recherchait pour sa fille : sa licence, son classement et ses engagements dans des compétitions entre février et avril 2006 démontrent que celle-ci, âgée de 17 ans, pratique la compétition.
L'usage de ce cheval par la fille de la demanderesse dans le cadre de compétitions était donc déterminant du consentement de Mme Y. comme constituant une qualité substantielle sans laquelle elle n'aurait pas contracté.
Certes, le compte rendu d'examen de la jument Sweet Water, après électrocardiogramme réalisé le 14 avril 2006, soit moins de cinq mois après la vente, révèle que cette dernière souffre de fibrillation auriculaire qui la rend intolérante à l'effort avec un pronostic sportif défavorable.
Cependant, aucun élément du dossier ne vient établir que cette fibrillation auriculaire existait au moment de la vente.
En conséquence, Mme Y. ne peut voir son action prospérer sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles.
- Sur la nullité de la vente pour dol :
Le fait que Mme Z. n'ait pas informé Mme Y. de ce qu'elle avait convenu avec le précédent propriétaire de la jument, lors de son acquisition le 18 juillet 2005, que Mlle Stéphanie A., fille de Mme B., se réservait la possibilité de faire saillir la jument ne saurait être constitutif d'un dol, dès lors que cette obligation n'est aucunement opposable à Mme Y.
L'action en nullité pour dol sera donc rejetée.
- Sur la garantie des vices rédhibitoires :
L'article R. 213-1 du Code Rural dispose que sont réputés vices rédhibitoires et donnent seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du Code Civil les maladies ou défauts ci-après, à savoir :
- l'immobilité,
- l'emphysème pulmonaire,
- le cornaque chronique,
- le tic proprement dit avec ou sans usure des dents,
- les boiteries anciennes intermittentes,
- l'uvéite isolée,
- l'anémie infectieuse des équidés.
[minute page 5] Force est de constater que la fibrillation auriculaire ne figure pas dans cette liste limitative.
Le moyen tiré de ces dispositions ne peut donc être retenu.
- Sur la résolution de la vente pour non conformité :
L'article L. 211-4 du Code de la Consommation (décret du 17 février 2005 transposant en droit interne la directive européenne du 25 mai 1999) dispose que le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Selon l'article L. 211-5 pour être conforme au contrat, le bien doit :
1°) - être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant [...] présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur notamment dans la publicité ;
2°) - ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 211-7, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
En l'occurrence et d'une part, Mme Z. se présente sur la déclaration de vente du 12 novembre 2005 comme étant instructeur d'équitation diplômé d'État et auteur d'ouvrages techniques et est la gérante d'une EURL exerçant l'activité d’« achat et vente d'articles et équipements se rapportant à l'équitation, [...] la location de matériel dans ce domaine, l'étude, la conception et la fabrication de matériel dans ce domaine » depuis le 22 septembre 2005.
De plus, elle préside l'Association de Formation aux activités équestres La G., ainsi que cela résulte de la « Déclaration de changement de personnes chargées de l'administration ou de la direction d'une association » adressée à la Sous-Préfecture de VIERZON le 10 mai 2003.
L'ensemble de ces éléments conduit à considérer que Mme Z. est un vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle au sens de l'article précité.
D'autre part, il est établi que la jument SWEET WATER en ce qu'elle souffre d'une fibrillation auriculaire avec un pronostic sportif défavorable, ne présente pas les qualités auxquelles Mme Y. pouvait légitimement s'attendre au vu des déclarations de Mme Z. dans le cadre de l'annonce publiée avec les mentions « CSO - idéale amateur pour débuter compétition ».
[minute page 6] Enfin, le diagnostic de cette maladie a été fait moins de cinq mois après la vente, de sorte qu'elle est présumée avoir existé au moment de la délivrance du 12 novembre 2005.
Le fait que la jument ait participé à six compétitions ne saurait combattre cette présomption, ce d'autant plus que les résultats obtenus sont médiocres voire nuls (trois forfaits, 5ème sur six partants, 1er sur deux partants et un « non classement »).
Subséquemment et à défaut de preuve contraire apportée par la défenderesse, il y a lieu d'annuler la vente litigieuse, la maladie affectant la jument étant majeure au regard de l'utilisation que Mme Y. comptait en faire pour sa fille participant à des compétitions d'équitation.
Cela implique que Mme Z. non seulement restitue à Mme Y. le prix de vente de l'animal et vienne le récupérer sur son lieu de pension, à savoir Association W., mais encore qu'elle lui rembourse les frais exposés qui comprennent les frais de pension jusqu'à l'enlèvement de l'animal, arrêtés à la somme de 1.597,64 € au 19 juillet 2006, et de vétérinaire pour 100 €.
Quant au préjudice affectif et de loisirs, celui-ci sera écarté, dès lors que ce préjudice n'affecte pas Mme Y. mais sa fille qui n'est pas partie dans la procédure.
- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y. les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans le cadre de cette instance.
Mme Z. sera condamnée à lui payer la somme de 750 € à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :
- ANNULE la vente de la jument SWEET WATER conclue entre Mme Z. et Mme Y. le 12 novembre 2005 ;
- CONDAMNE Mme Z. à :
* restituer à Mme Y. le prix de vente de l'animal, soit la somme de 5.850 € ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
* venir le récupérer à ses frais sur son lieu de pension, à savoir Association W.,
* [minute page 7] rembourser les frais exposés par Mme Y. qui comprennent les frais de pension jusqu'à l'enlèvement de l'animal, arrêtés à la somme de 1.597,64 € au 19 juillet 2006, et de vétérinaire pour 100 € ;
- DÉBOUTE Mme Y. de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice affectif et de loisirs ;
- CONDAMNE Mme Z. à payer à Mme Y. la somme de 750 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNE Mme Z. aux dépens. En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Juge d'Instance et le Greffier.
Le Greffier Le Juge d’Instance
A. CHANTEREAU AF. LUSSEAU-PERINETTI
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