CA POITIERS (2e ch. civ.), 17 février 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5068
CA POITIERS (2e ch. civ.), 17 février 2015 : RG n° 14/00162 ; arrêt n° 72
Publication : Jurica
Extrait : « La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait exactement valoir en réplique que la prescription biennale édictée par l'article L. 137-2 du Code de la consommation ne régit limitativement que les actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux seuls « consommateurs », et que la qualité de consommateur est circonscrite aux seules personnes physiques, et donc inapplicable à la SCI du CHAILLOT, débitrice principale.
Le Code de la consommation opère une distinction entre les notions de consommateur et de non-professionnel, et rend ses dispositions applicables alternativement ou cumulativement à ces deux catégories de sujets de droit.
Ainsi, au sein du titre III du livre I dudit code, régissant les conditions générales des contrats, le régime des clauses abusives (articles L. 132-1 et suivants) et de l'interprétation des contrats (article L. 133-2) bénéficie cumulativement aux co-contractants non-professionnels et consommateurs.
Le régime de la reconduction des contrats (article L. 136-1), initialement institué au bénéfice des seuls consommateurs, a été étendu, en vertu du dernier alinéa de cet article, aux non-professionnels par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008.
En revanche, le régime de la prescription institué par les articles L. 137-1 et L. 137-2 est circonscrit aux seuls cocontractants consommateurs.
Les catégories de non-professionnels et de consommateurs se distinguent en ce que les premiers peuvent être des personnes morales ou physiques, et que les seconds sont exclusivement des personnes physiques.
En conséquence, l'article L. 137-2 du Code de la consommation est inapplicable aux trois prêts cautionnés par les époux X., souscrits par la personne morale que constituait la SCI du CHAILLOT. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00162. Arrêt n° 72. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 19 décembre 2013 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE-SUR-YON.
APPELANTS :
Mademoiselle Ma. X.
née le [date] à [ville]
Monsieur Mt. X.
né le [date] à [ville]
Monsieur P. X.
né le [date] à [ville]
Ayant tous pour avocat postulant la SELARL LEXAVOUE POITIERS, avocat au barreau de POITIERS. Ayant tous pour avocat plaidant Maître Pierre-Olivier M., avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON.
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Ayant pour avocat postulant la SCP G. A., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant la SELARL DGCD AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Elisabeth JOUVENET, Président, Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller, Madame Catherine FAURESSE, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Signé par Madame Elisabeth JOUVENET, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon en date du 19 décembre 2013 (instance RG n° 10/01483) qui a :
- dit que l'action de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'est pas prescrite,
- rejeté l'ensemble des moyens soulevés par P. X., Mt. X. et Ma. X. ;
- condamné solidairement P. X., Mt. X. et Ma. X. à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :
* au titre du prêt n° 60XX93 en date du 2 décembre 2004, que somme de 164.083,16 euros, selon décompte arrêté au 9 décembre 2009, avec intérêts au taux contractuel de 3,50 % l'an,
* au titre du prêt n° 60XX32 en date du 6 mai 2005, une somme de 6.516,13 euros, selon décompte arrêté au 9 décembre 2009, avec intérêts au taux contractuel de 3,70 % l'an,
* au titre du prêt n° 60XX80 en date du 16 juin 2005, une somme de 75.826,92 euros, selon décompte arrêté au 9 décembre 2009, avec intérêts au taux contractuel de 3,20 % l'an,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- condamné solidairement P. X., Mt. X. et Ma. X. à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- rejeté la demande de P. X., Mt. X. et Ma. X. fondée sur le même texte,
- condamné P. X., Mt. X. et Ma. X. aux dépens comprenant les frais d'inscription de sûreté,
- rejeté le surplus des demandes,
Vu l'appel interjeté par P., Mt. et Ma. X. selon déclaration du 10 janvier 2014,
Vu les dernières conclusions du 6 août 2014 de P., Mt. et Ma. X. (les consorts X.), demandant à la Cour de :
- constater que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'a assigné en paiement les consorts X. que le 15 juillet 2010, soit au-delà du délai de 2 ans de l'article L. 137-2 du Code de la consommation,
juger que l'engagement des époux X. à l'égard du prêteur est un cautionnement simple et non un cautionnement solidaire ;
juger que la déclaration de créance par la banque prêteuse auprès du liquidateur de la débitrice ne peut valoir interruption de la prescription de l'action à l'égard de la caution en raison du caractère relatif de l'autorité de chose jugée et en l'absence de solidarité dans l'engagement de la caution,
en conséquence, juger prescrite l'action de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE contre les consorts X. ;
rejeter l'ensemble des demandes de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,
- subsidiairement, en application de l'article L. 341-1 du Code de la Consommation si la Cour devait mettre à la charge des défendeurs (sic) une somme quelconque en exécution des contrats de prêts,
préciser que le prêteur ne pourrait réclamer aucun intérêt ni frais à Mt. et Ma. X., et aucun intérêt et frais jusqu'au 16 novembre 2009 à l'égard de P. X.,
- plus subsidiairement, juger que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a commis une faute contractuelle,
juger que les revenus de P. X. et ceux de son épouse n'auraient pas dû leur permettre d'être agréés comme cautions pour les 3 offres de prêts immobiliers des 2 décembre 2004, 6 mai 2005 et 16 juin 2005,
dire que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut se prévaloir des engagements de caution,
en conséquence retenir la responsabilité contractuelle de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE sur la base de l'article 1147 du Code Civil,
juger que le lien de causalité est de 100 % et réparer sur cette base la perte de chance que la SCI du CHAILLOT n'ait pu obtenir aucun prêt,
accorder aux consorts X. à titre de réparation, en cas de condamnation de leur part au paiement des engagements de caution, une somme de 246.426,21 euros à titre de dommages et intérêts,
- plus subsidiairement, en ce qui concerne Mt. X. et Ma. X. :
juger que, conformément à l'article 1220 du Code Civil, les héritiers ne sont jamais tenus qu'à proportion de leur part virile,
juger que la caution accordée par leur mère à la SCI du CHAILLOT n'était pas un engagement solidaire,
en conséquence dire que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE devra diviser ses poursuites contre les héritiers,
juger que chacun d'eux ne saurait être tenu pour plus d'un quart de l'engagement total,
- en toute hypothèse, rejeter le surplus des demandes de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,
- la condamner à payer à P. X., Mt. X., et Ma. X. conjointement une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions du 11 août 2014 de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, demandant à la Cour de :
- rejeter l'appel et les demandes des consorts X.,
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- subsidiairement, condamner solidairement P. X., Ma. X. et Mt. X. au remboursement de la créance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dans la limite de la somme de 242.257,89 euros outre intérêts aux taux contractuels (3,50 % pour le prêt n° 60XX93, 3,70 % pour le prêt n° 605011721932, 3,20 % pour le prêt n° 60XX80) à compter du 16 novembre 2009 pour P. X., dans la limite de la somme de 231.091,22 euros pour Ma. X. et Mt. X. outre intérêts aux taux contractuels susvisés à compter du 16 juillet 2010 pour Ma. X., à compter du 19 juillet 2010 pour Mt. X.,
confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- en tout état de cause, condamner les consorts X. solidairement au paiement d'une indemnité de 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 12 août 2014 ;
[* * *]
Par contrat sous seing privé n° 60XX93 en date du 2 décembre 2004, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la SCI du CHAILLOT un prêt à l'habitat de 142.500 euros remboursable (après un différé d'amortissement de 6 mois) en 180 mensualités de 1.054,33 euros (assurance comprise) au taux nominal d'intérêt de 3,50 % l'an.
Dans le même acte, les époux P. et N. X. ont cautionné solidairement ce prêt dans la limite de 213.750 euros en principal et intérêts.
Par contrat sous seing privé n° 60XX32 en date du 6 mai 2005, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la SCI du CHAILLOT un prêt à l'habitat de 6.400 euros remboursable (après un différé d'amortissement de 3 mois) en 84 mensualités de 88,20 euros (assurance comprise) au taux nominal d'intérêt de 3,70 % l'an.
Dans le même acte, les époux P. et N. X. ont cautionné solidairement ce prêt dans la limite de 9.600 euros en principal et intérêts.
Par contrat sous seing privé n° 60XX80 en date du 16 juin 2005, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la SCI du CHAILLOT un prêt à l'habitat de 63.431 euros remboursable (après un différé d'amortissement de 12 mois) en 162 mensualités de 498,57 euros (assurance comprise) au taux nominal d'intérêt de 3,20 % l'an.
Dans le même acte, les époux P. et N. X. ont cautionné solidairement ce prêt dans la limite de 95.146 euros en principal et intérêts.
Par acte du 4 août 2005, les époux X. ont cédé aux époux G. les parts de la SCI du CHAILLOT moyennant le prix de 524,18 euros.
N. X. est décédée le 8 juin 2006, laissant sa succession son conjoint P. X. et leurs deux enfants Mt. et Ma. X.
Par jugement du 9 septembre 2009, le Tribunal de Commerce de la Roche-sur-Yon a ouvert le redressement judiciaire de la SCI du CHAILLOT, puis l'a converti en liquidation judiciaire par jugement du 9 décembre 2009.
La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a procédé à sa déclaration de créances le 20 octobre 2009.
Par assignations des 15, 16 et 19 juillet 2010 introductives de l'instance dont appel, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a agi à l'encontre des consorts X. en paiement du solde des trois prêts précités.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS de la DÉCISION :
1 - Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Les consorts X. invoquent l'irrecevabilité de l'action de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pour expiration du délai biennal de prescription de l'article L. 137-2 du Code de la consommation qui dispose : l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Les consorts X. fondent implicitement cette fin de non-recevoir sur l'article 2313 alinéa 1er du Code Civil en vertu duquel la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette.
La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait exactement valoir en réplique que la prescription biennale édictée par l'article L. 137-2 du Code de la consommation ne régit limitativement que les actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux seuls « consommateurs », et que la qualité de consommateur est circonscrite aux seules personnes physiques, et donc inapplicable à la SCI du CHAILLOT, débitrice principale.
Le Code de la consommation opère une distinction entre les notions de consommateur et de non-professionnel, et rend ses dispositions applicables alternativement ou cumulativement à ces deux catégories de sujets de droit.
Ainsi, au sein du titre III du livre I dudit code, régissant les conditions générales des contrats, le régime des clauses abusives (articles L. 132-1 et suivants) et de l'interprétation des contrats (article L. 133-2) bénéficie cumulativement aux co-contractants non-professionnels et consommateurs.
Le régime de la reconduction des contrats (article L. 136-1), initialement institué au bénéfice des seuls consommateurs, a été étendu, en vertu du dernier alinéa de cet article, aux non-professionnels par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008.
En revanche, le régime de la prescription institué par les articles L. 137-1 et L. 137-2 est circonscrit aux seuls cocontractants consommateurs.
Les catégories de non-professionnels et de consommateurs se distinguent en ce que les premiers peuvent être des personnes morales ou physiques, et que les seconds sont exclusivement des personnes physiques.
En conséquence, l'article L. 137-2 du Code de la consommation est inapplicable aux trois prêts cautionnés par les époux X., souscrits par la personne morale que constituait la SCI du CHAILLOT.
La fin de non-recevoir soulevée par les appelants doit être écartée.
2 - Sur le moyen de défense tiré de l'article L. 313-10 du Code de la consommation :
Les consorts X. demandent à la Cour, dans le dispositif de leurs conclusions, de juger qu'en application de ce texte la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits par les époux X.
Ils font valoir :
- que les engagements de caution des époux X. auraient été disproportionnés à leurs revenus qui se seraient élevés à 722 euros par mois en 2004 et à 1.991 euros par mois en 2005, étant observé que le montant cumulé des mensualités des 3 prêts aurait atteint 1.641 euros,
- que, contrairement à la mention, non écrite par eux, portée sur la fiche de renseignements de banque, ils n'auraient perçu aucuns revenus fonciers, de sorte qu'aucune fausse information sur leur situation ne pourrait leur être imputée.
La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait valoir en réplique :
- que les indications figurant sur la fiche de renseignements auraient été fournies par les époux X. eux-mêmes,
- qu'ils auraient déclaré un revenu mensuel de 3.435 euros lors des deux premiers prêts, et de 3.835 euros lors du 3e prêt, et que, tenus d'un devoir de loyauté, ils seraient responsables des fausses déclarations qu'ils auraient pu faire,
- qu'ils auraient en outre été propriétaires de leur maison d'habitation d'une valeur de 150.000 euros, grevée d'un prêt dont le solde n'aurait été que de 13.797 euros,
- que leurs engagements de caution n'auraient pas été manifestement disproportionnés,
- qu'en tant que de besoin, les appelants ne prouveraient pas qu'ils ne pourraient pas faire face à leurs obligations actuellement.
2.1 - En droit, l'article L. 313-10 du Code de la consommation, invoqué par les appelants, dispose, dans sa rédaction en vigueur en 2004 et 2005 lors de la souscription des cautionnements litigieux : un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Ce texte est applicable aux cautionnements litigieux, puisque les 1er et 3e prêts cautionnés ont été souscrits par la SCI du CHAILLOT en application expresse des articles L. 312-1 et suivants du même code, et que le 2e prêt cautionné de 6.400 euros a été souscrit en application expresse des articles L. 311-1 et suivants du même code. Au demeurant, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne conteste pas l'applicabilité de l'article L. 313-10.
Au sens de ce texte, la disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération les éléments dont l'établissement de crédit avait ou pouvait avoir connaissance en tant que professionnel normalement avisé et vigilant.
Au sens de ce texte, la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement en prenant en considération l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements antérieurs de caution, dont l'établissement de crédit était informé ou pouvait avoir connaissance.
Par ailleurs, il résulte du texte précité que l'inopposabilité du cautionnement à la caution est conditionnée par l'existence d'une double disproportion manifeste de l'engagement à ses revenus d'une part, et à ses biens d'autre part, et ce cumulativement et non alternativement.
Enfin, la charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa souscription pèse sur la caution, et la charge de la preuve du caractère non disproportionné du patrimoine de la caution lorsqu'elle est appelée pèse sur le créancier.
2.2 - En fait, concernant le premier prêt de 142.500 euros du 2 décembre 2004, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne produit aucune fiche de renseignements concernant les cautions P. et N. X.
Les consorts X. produisent, pour leur part, une fiche de renseignements éditée le 26 novembre 2004 par la banque, non signée par les époux X. (pièce n° 1).
L'avis d'imposition des époux X. pour l'année 2004 fait mention d'un revenu salarial cumulé de 1.396 euros par mois, et ne fait mention d'aucune autre source de revenus (pièce n° 6 des appelants).
Le montant des mensualités du prêt litigieux (1.054,33 euros) a induit un taux d'endettement des cautions de 76 %.
Il est par ailleurs établi que les époux X. assumaient la charge d'un prêt immobilier souscrit auprès du CRÉDIT FONCIER, induisant des mensualités de 363,69 euros en 2004 (pièce n° 8 des appelants).
La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne pouvait ignorer cet élément puisque son devoir de prudence lui imposait, sans contrevenir au devoir de non-immixtion dans les affaires des cautions, de s'informer sur les éventuelles charges de logement que devaient assumer ces dernières.
Le montant cumulé des mensualités du prêt cautionné et du prêt immobilier précité induisait, pour les époux X., un taux d'endettement de 102 %.
Leur engagement de caution du prêt du 2 décembre 2004 était manifestement disproportionné à leurs revenus lors de sa souscription.
Il est établi (pièce n° 4 des appelants) que les époux X. étaient, en 2004, propriétaires de leur maison d'habitation de [ville] dont la valeur vénale était de 150.000 euros selon la fiche de renseignements établie par la banque le 20 mai 2005 et signée par les époux X. le 2 juin 2005 (pièce n° 21 de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE).
Au vu du tableau d'amortissement du prêt immobilier souscrit par les époux X. auprès du CRÉDIT FONCIER (pièce n° 8 des appelants), le capital restant dû s'élevait à 14.357 euros le 2 décembre 2004.
La valeur nette de cet immeuble s'élevait donc, à cette date, à 135.643 euros.
Il n'est pas allégué par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE que les époux X. aient possédé, en décembre 2004, d'autres éléments patrimoniaux immobiliers ou financiers.
L'engagement de caution du prêt du 2 décembre 2004 souscrit par les époux X. dans la limite de 213.750 euros (couvrant le paiement du principal et des intérêts) était manifestement disproportionné à la valeur de leurs biens lors de la souscription du cautionnement.
2.3 - Concernant le second prêt de 6.400 euros du 6 mai 2005, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne produit aucune fiche de renseignements concernant les cautions P. et N. X.
L'avis d'imposition des époux X. pour l'année 2005 fait mention d'un revenu salarial cumulé de 2.539 euros par mois, et ne fait mention d'aucune autre source de revenus (pièce n° 7 des appelants).
Les consorts X. justifient (pièces n° 9-1 à 9-3) de ce que le montant des mensualités du prêt immobilier souscrit par les époux X. auprès du CRÉDIT FONCIER s'élevait, en 2005, à 444,98 euros.
Le montant cumulé de la charge de remboursement des deux prêts cautionnés et du prêt souscrit personnellement par les époux X. (1.054,34 euros + 88,20 euros + 444,98 euros) a induit, en mai 2005, un taux d'endettement de 63 %.
Compte tenu du caractère élevé de ce taux d'endettement, l'engagement de caution des époux X. souscrit le 6 mai 2005 doit être considéré comme manifestement disproportionné à leurs revenus, eu égard à leurs engagements antérieurs.
À la date du 6 mai 2005, le capital restant dû du prêt immobilier souscrit par les époux X. auprès du CRÉDIT FONCIER s'élevait à 12.653 euros (pièce n° 8 des appelants), de sorte que la valeur nette de leur maison d'habitation de [ville] s'élevait à 137.347 euros.
À la même date, la valeur nette des parts sociales de la SCI du CHAILLOT détenues par les époux X. était nulle, dès lors qu'à cette date ladite SCI était uniquement propriétaire d'un immeuble sis à [ville] acquis le 21 mars 2005 au prix de 107.000 euros et évalué en août 2005 à 130.000 euros (cf. acte de cession des parts sociales de ladite SCI en date du 4 août 2005 - pièce n° 13 des appelants) et qu'elle était débitrice d'un passif de 142.500 euros au titre du premier prêt souscrit le 2 décembre 2004 (compte tenu du différé d'amortissement de 6 mois) et d'un passif de 6.400 euros au titre du second prêt souscrit le 6 mai 2005. Au demeurant, les époux X. ont cédé le 4 août 2005 les parts de ladite SCI au prix total de 524,18 euros correspondant à la valeur de l'actif net de la société à cette date (pièce n° 13 des appelants).
Il n'est pas allégué par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE que les époux X. aient possédé, en mai 2005, d'autres éléments patrimoniaux immobiliers ou financiers.
L'engagement de caution du prêt du 6 mai 2005 souscrit par les époux X., cumulé à leur engagement de caution du prêt du 2 décembre 2004 dans la limite de 213.750 euros, était manifestement disproportionné à la valeur de leurs biens lors de la souscription de ce second cautionnement.
2.4 - Le montant cumulé de la charge de remboursement du troisième prêt du 16 juin 2005 cautionné par les époux X., des deux prêts précédemment cautionnés par eux et du prêt immobilier souscrit personnellement par eux (498,57 euros + 1.054,34 euros + 88,20 euros + 444,98 euros = 2.086,09 euros) a induit, en juin 2005, un taux d'endettement de 82 %, compte tenu de leur revenu mensuel cumulé de 2.539 euros (cf. supra § 2.3).
Il n'y aucunement lieu de tenir compte d'un quelconque revenu locatif de 1.000 euros, voire 1.400 euros, figurant sous forme dactylographiée dans la fiche de renseignements éditée le 20 mai 2005 par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et signée le 2 juin 2005 par les époux X., au double motif : d'une part, que leur avis d'imposition de 2005 ne fait mention d'aucun revenu foncier ; d'autre part, que ces revenus locatifs n'auraient pu être perçus que par la SCI du CHAILLOT, propriétaire des immeubles acquis au moyen des prêts litigieux, et non par les cautions X. personnellement, et que ces éventuels revenus locatifs auraient été destinés au remboursement par la SCI des prêts souscrits par elle.
L'engagement de caution des époux X. souscrit en juin 2005 doit être considéré comme manifestement disproportionné à leurs revenus, eu égard à leurs engagements antérieurs.
Dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent (cf. § 2.3) que leur engagement de caution du prêt du 6 mai 2005, cumulé à leur engagement de caution du prêt du 2 décembre 2004 dans la limite de 213.750 euros, était manifestement disproportionné à la valeur de leurs biens lors de la souscription de ce second cautionnement, il en est a fortiori de même pour leur troisième cautionnement souscrit en juin 2005 dans la limite de 95.156 euros, la valeur de leurs biens n'ayant présenté aucune modification significative en l'espace d'un mois.
2.5 - Concernant la disposition finale de l'article L. 313-10 du Code de la consommation, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE adopte vainement le motif, juridiquement erroné par renversement de la charge de la preuve, du jugement entrepris selon lequel « les consorts X. n'établissent nullement qu'ils ne peuvent faire face à leur obligation de caution puisqu'ils ne fournissent aucune information sur leur situation actuelle ».
Comme énoncé supra (cf. § 2.1), la charge de la preuve du caractère non disproportionné du patrimoine de la caution lorsqu'elle est appelée pèse sur le créancier.
La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne rapporte aucunement cette preuve, dont elle reporte à tort la charge sur les consorts X.
En tant que de besoin, en l'état des éléments produits, il peut seulement être observé :
- d'une part, que le montant cumulé des trois créances invoquées par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE s'élève à 246.426 euros au vu des condamnations prononcées par le jugement entrepris dont la banque demande la confirmation ;
- d'autre part, que cette somme équivaut à 164 % de la valeur de l'immeuble de [ville] des époux X. en 2005 et que, à supposer que les consorts X. en aient été toujours propriétaires (coindivisaires) en 2010 lors de la délivrance des assignations introductives d'instance, il apparaît inconcevable que cet immeuble ait pu faire l'objet d'une plus-value de 64 % en 5 ans.
2.6 - Il résulte des motifs qui précèdent que les conditions d'application de l'article L. 313-10 du Code de la consommation sont remplies pour les trois cautionnements consentis par les époux X., dont la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'est pas en droit de se prévaloir à l'encontre des consorts X.
L'action de la banque doit dès lors être rejetée, en infirmation du jugement entrepris.
3 - Sur les dépens et les frais de procédure :
La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. La demande des consorts X. ainsi fondée doit être écartée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon en date du 19 décembre 2013, sauf en ce qu'il a dit que l'action de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'était pas prescrite.
Statuant à nouveau,
Rejette, comme mal fondés, tous chefs de demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à l'encontre de P., Mt. et Ma. X.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 5856 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5862 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Autres textes
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts