CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (3e ch.), 5 mars 2015

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 5 mars 2015
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 13/02746
Date : 5/03/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/04/2013
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5129

CA VERSAILLES (3e ch.), 5 mars 2015 : RG n° 13/02746

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, les contrats de prestation de service étaient destinés à présenter sur Internet le cabinet d'avocat de Maître X. et à lui permettre d'avoir une relation interactive avec sa clientèle. En lien direct avec l'activité professionnelle de Maître X., ces contrats n'étaient pas soumis aux dispositions dont l'appelant sollicite l'application. L'exception de nullité tirée du non-respect des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage sera donc rejetée. »

2/ « Aux termes de l'article 1134 alinéa 3 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. […] S'agissant de l'exécution du contrat du 8 mars 2007, il est constant que la réalisation complète du site à la charge de la société Axecibles n'a pas été effectuée, la preuve d'une mise en ligne du site avant 2010 n'étant elle-même pas apportée. Certes, comme il l'a reconnu dans un courrier du 30 juillet 2010 à la société Axecibles, M. X. n'a pas fourni le contenu juridique du site, malgré la clause le prévoyant à l'article 11 du contrat. Toutefois, il ne ressort ni des conclusions ni des pièces produites par les parties que la société Axecibles a attiré à un moment quelconque l'attention de M. X. sur l'impossibilité de réaliser complètement le site en cas de non-respect de cette obligation ou sur l'existence d'autres solutions contractuelles, proposées finalement en 2010, en cas de manque de temps de leur client pour procéder à ce travail. Plutôt que de procéder ainsi, ce qu'aurait voulu une exécution de bonne foi de ses obligations qui inclut une obligation de coopération, la société Axecibles a fait le choix d'abandonner la finalisation du site en faisant signer à son client, quelques jours après le contrat initial, un « procès-verbal de réception de matériel et de site internet » en date du 18 mai 2007, procès-verbal mensonger mais lui permettant d'obtenir, en dépit de la non-exécution des prestations prévues, le paiement immédiat de la totalité du prix par le GE Commercial Finance, M. X. s'acquittant ensuite auprès de cette société de financement du paiement des 36 mensualités par prélèvement sur son compte professionnel.

Toutefois, en payant jusqu'à leur terme les loyers afférents à ce contrat et en acceptant de renouveler le contrat initial grâce à une prise en charge du contenu par la société Axecibles, M. X. a implicitement renoncé à se prévaloir de son inexécution partielle. »

3/ « Que les exigences de M. X. sur la qualité du contenu proposé aient été ou non bien fondées, il est établi qu'au mois d'août 2010 et encore à la date du constat du 23 février 2012, nonobstant le procès-verbal de livraison et de conformité du site WEB daté du 31 mai 2010, le site en question n'était, en réalité, pas finalisé. L'envoi dès le 31 mai 2010 par la société Axecibles d'une facture à la société Locam (pièce n° 5 de la SAS Locam) faisant mensongèrement état de la livraison du site WEB à M. X. et l'absence d'initiative de la société Axecibles pour suspendre l'intervention de l'établissement financier, alors qu'un conflit avait pris naissance entre les parties empêchant l'exécution du contrat, caractérisent la mauvaise foi de la société Axecibles dans l'exécution tant de son contrat signé avec M. X. que dans ses relations contractuelles avec la société Locam. La non-exécution du contrat sera dès lors imputée à la société Axecibles. Par application de l'article 1184 du code civil, il convient de faire droit à la demande de résolution du contrat présentée par M. X.

Le contrat conclu entre la société Axecibles et M. X. est indivisible du « contrat de location de site WEB » conclu entre ce dernier et la société Locam SAS signé le même jour. En effet, la société Axecibles n'a pu offrir ses prestations à M. X. que parce qu'un établissement financier lui garantissait un paiement comptant, tandis que M. X. n'a souscrit le contrat avec la société Axecibles que parce que la société Locam SAS lui permettait de procéder à un paiement mensuel, qualifié de « loyer » dans le contrat de financement. Dès lors la résolution du contrat conclu entre la société Axecibles et M. X. affecte la validité du contrat de financement. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 5 MARS 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/02746. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (3e ch.) : RG n° 10/10097.

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française ; Représentant : Maître Jennifer JEANNOT, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 580

 

INTIMÉE :

1/ SAS LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS exerçant sous l'enseigne Locam

n° SIRET : 310 XXX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentant : Maître Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334 - n° du dossier 18513 ; Représentant : Maître Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT & CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE substituant Maître Evelyne BOCCALINI de la SELARL ABM DROIT & CONSEIL, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : 129

 

INTIMÉE AU PRINCIPAL - APPELANTE INCIDEMMENT :

2/ SAS AXECIBLES

n° SIRET : 440 YYY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentant : Maître Aude GONTHIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 395 - n° du dossier 2011347 ; Représentant : Maître Grégory SCHREIBER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1826 substituant Maître Michel APELBAUM de l'ASSOCIATION CABINET APELBAUM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1826

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 janvier 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président, et Monsieur Georges DOMERGUE, Conseiller chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller, Monsieur Georges DOMERGUE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 8 mars 2007 M. X., avocat au barreau de Paris, a :

- conclu avec la société Axecibles, un contrat intitulé « contrat d'abonnement pack informatique et internet » d'une durée de 36 mois au prix de 250 euros HT par mois, prévoyant, outre un forfait de mise en ligne et une action de formation, facturés à part, la création d'un site internet et la fourniture de divers services en relation avec le fonctionnement du site ;

- sollicité le financement par la société GE Commercial Finance d'un contrat de concession du droit d'usage du logiciel « Pack export » moyennant 36 loyers de 250 euros par mois, la demande de financement portant le nom de la société Axecibles en qualité de fournisseur.

Le 9 mars 2007 était édité un document, non signé, à en-tête de la société GE Commercial Finance faisant état de l'accord de cette société pour le financement sollicité par M. X.

Un « cahier des charges du site » - ensemble de questions recensant les besoins du client- après avoir été partiellement renseigné, était signé par M. X. le 21 mars 2007.

Le 18 mai 2007, M. X. signait avec un représentant de la société Axecibles respectivement un « procès-verbal de réception de matériel et de site internet », et le 25 suivant un « procès-verbal de réception » à en-tête de la société GE Equipement Finance portant sur un « logiciel pack expert ».

Le 9 avril 2010, M. X. signait deux contrats :

- un premier contrat avec la société Axecibles intitulé « contrat de renouvellement et de partenariat de solution internet » pour une durée de 48 mois moyennant une mensualité de 250 euros HT avec notamment, la prestation suivante : « rédaction contenu WEB offert » ;

- un second contrat avec la SAS Locam portant sur la location de site WEB moyennant un loyer mensuel de 230 euros HT, la société Axecibles étant portée sur le contrat en qualité de « fournisseur ».

Le 31 mai 2010, M. X. signait avec un représentant de la société Axecibles un « procès-verbal de réception et de conformité » du site WEB à en-tête de la société Locam.

Le même jour, la société Axecibles facturait la création du site WEB à la société Locam au prix HT de 8.900,93 euros.

Par courrier recommandé reçu le 6 avril 2010, la société Locam, invoquant le nom paiement des loyers de juin, juillet et août 2010, informait M. X. qu'elle prononçait la déchéance du terme et invoquait la résiliation du contrat.

Par acte du 3 novembre 2010, la société Locam faisait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance en paiement de sommes.

Par acte du 9 décembre 2011, M. X. faisait assigner la société Axecibles devant le même tribunal en nullité du contrat de location du 9 avril 2010, subsidiairement en résiliation de ce contrat.

 

Après jonction de ces deux procédures, le tribunal de grande instance de Versailles a, par jugement du 14 mars 2013 :

- condamné M. X. à payer à la société Locam-Locations Automobiles Matériels la somme de 13.201,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2010,

- dit que les intérêts échus au terme d'une année entière pourront produire eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1.154 du code civil,

- condamné la société Axecibles à garantir M. X. de la condamnation prononcée au profit de la société Locam-Locations Automobiles Matériels à hauteur de 5.000 euros ainsi que pour les intérêts mentionnés au titre de ladite condamnation, calculés sur cette somme,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes, tant principales que reconventionnelles,

- condamné M. X. et la société Axecibles chacun pour la moitié aux dépens qui pourront être recouvrés au profit de Maître Raphaël Pacouret, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Appel du jugement a été interjeté par M. X. le 9 avril 2013.

L'appelant, qui précise n'avoir aucune compétence en informatique, soutient avoir été victime, au moment de la signature des contrats du 8 mars 2007 et du 9 avril 2010, de techniques de vente dolosives et d'une escroquerie, résultant notamment de la signature le même jour du contrat et d'un procès-verbal de réception non daté ainsi que de la signature « d'un contrat de location caché » avec une société financière, société que M. X. estime complice de l'escroquerie.

Il allègue, à titre subsidiaire, que, n'ayant aucune compétence professionnelle dans le domaine concerné, il doit bénéficier des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation. En l'absence des mentions obligatoires sur le contrat litigieux, telle la faculté de renonciation, la nullité des contrats signés en 2007 et 2010 doit être prononcée.

À titre subsidiaire également, il demande la résolution des contrats de 2007 et 2010 sur le fondement de l'article 1184 du code civil alléguant que la société Axecibles n'a pas exécuté les différentes prestations mises à sa charge (création et mise à disposition du site internet, les différentes pages du site portant la mention « texte en attente »), soutenant que le procès-verbal de réception n'a pas été daté par lui au 31 mai 2010.

Enfin, M. X. souligne les manquements commis par la société Axecibles à son devoir de loyauté, de conseil et de coopération (manque d'information sur l'obligation de rédiger les textes du site, refus de modifier un projet de page d'accueil, du projet d’« arborescence » et des textes proposés par la société, dissimulation de l'intervention de la société Locam, mise en circulation sans son autorisation du procès-verbal de réception).

L'appelant fait valoir que les fautes imputables à la société Axecibles lui ont fait perdre un nombre important de clients.

Il demande à la cour de :

- réformer le jugement du 14 mars 2013 de la 3e chambre du tribunal de grande instance de Versailles, et de :

- principalement, prononcer la nullité du contrat du 8 mars 2007 et du contrat du 9 avril 2010 sur la base de l'article 1116 du code civil,

- subsidiairement, prononcer la nullité du contrat du 8 mars 2007 et du contrat du 9 avril 2010 sur la base de l'article L. 121-1 et suivants du code de la consommation,

- plus subsidiairement, prononcer la résolution du contrat du 8 mars 2007 et la résolution du contrat du 9 avril 2010 sur la base de l'article 1184 du code civil,

- plus subsidiairement encore, constater que la société Axecibles a commis de nombreuses fautes qui ont causé de graves préjudices à M. X. qu'elle doit indemniser sur la base des articles 1134 et 1382 du code civil,

- plus subsidiairement, constater qu'aucun procès-verbal de réception et de conformité n'ayant été signé par M. X., aucun loyer n'est dû à la société Locam, conformément aux dispositions contractuelles,

- condamner la société Axecibles à rembourser à payer M. X. la somme de 10.764 euros,

- en tout état de cause, condamner la société Axecibles à garantir M. X. de toutes condamnations qui pourront être prononcées à son encontre au profit de la société Locam,

- condamner les sociétés Axecibles et Locam à M. X. la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner les sociétés Axecibles et Locam à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Axecibles et Locam en tous les dépens de première instance et d'appel.

 

La société Axecibles conteste les allégations de M. X. sur son ignorance de l'informatique et sur les manipulations dont il prétend avoir été l'objet de la part des commerciaux de Axecibles ou leurs techniques de vente.

Elle soulève, en outre, l'irrecevabilité de la demande de nullité pour dol dès lors que les contrats ont reçu un commencement d'exécution.

Sur la nullité fondée sur les dispositions du code de la consommation, la société défenderesse oppose le fait que les articles L. 311-2 et L. 311-3 sont inapplicables en matière de vente ou de prestations de service dont le paiement est échelonné ou différé ainsi qu'aux contrats destinés à financer des besoins professionnels, que l'article L. 121-22 4° du même code exclut de l'application des dispositions relatives au démarchage les ventes et prestations de service en rapport direct avec les activités exercées dans le cadre professionnel comme en l'espèce.

S'agissant de la demande de résolution du contrat, la société Axecibles considère qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations mais que, tant pour le contrat de 2007 que celui de 2010, M. X. n'a jamais fourni le contenu. Elle s'appuie notamment :

- sur l'article 13 des conditions générales du contrat pour alléguer que M. X. disposait d'un délai de 30 jours après la livraison du site pour solliciter des modifications qui ne remettent pas en cause l'architecture ou le développement du site et que celui-ci a transmis sa demande de modification plus de quatre mois après la livraison du site,

- sur l'article 24 de ces conditions pour souligner que les textes figurant sur le site doivent être transmis par le client.

La société Axecibles ajoute que l'appelant ne démontre pas une perte de clientèle.

Enfin, elle affirme avoir toujours tenté de s'adapter aux exigences de son client et n'avoir commis aucune faute pour légitimer sa condamnation à garantir M. X. des condamnations prononcées contre lui.

Elle demande à la cour de :

- vu le jugement du tribunal de grande de Versailles du 14 mars 2013,

- vu les pièces versées aux débats,

- dire et juger la société Axecibles recevable et bien fondée en son appel incident et ses demandes,

- et, y faisant droit,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Axecibles à garantir M. X. de sommes dues à la société Locam à hauteur de 5.000 euros et l'a condamné aux dépens,

- le confirmer pour le surplus,

- en conséquence,

- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à l'encontre de la société Axecibles,

- condamner M. X. à payer à la société Axecibles la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens.

 

La société Locam relève que M. X. a cessé de payer les loyers le 20 juin 2010.

Elle soulève l'irrecevabilité de la nullité pour dol, compte tenu du commencement d'exécution du contrat, et conteste les arguments invoqués sur le fond.

La société Locam soutient la non application des dispositions du code de la consommation invoquées à M. X. en sa qualité de professionnel ayant accompli un acte d'exploitation.

S'agissant de la demande de résolution du contrat, elle rappelle qu'elle n'est pas concernée par le contrat du 8 mars 2007, le financeur étant la société Ge Capital Solutions. S'agissant du contrat du 9 avril 2010, elle conteste que ce contrat est un contrat « caché ». Elle conteste également sur le fond les arguments développés par M. X. arguant notamment du fait que les griefs allégués par celui-ci à l'égard de la société Axecibles ne lui sont pas opposables.

Aucune faute ne lui étant imputée par l'appelant, la société Axecibles fait valoir que ce dernier ne peut solliciter à son encontre la réparation d'un préjudice.

Elle demande à la cour de :

- vu les contrats signés entre les parties,

- vu le procès-verbal de réception et de livraison du matériel,

- vu la lettre de résiliation,

- vu les dispositions de l'article 1134 du code civil,

- vu les dispositions de l'article 1165 du code civil,

- dire et juger la société Locam Locations Automobiles Matériels recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- au contraire, dire et juger M. X. irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,

- en conséquence, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner M. X. à payer à la société Locam la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner M. X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP de Carfort-Bucquet en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, la Cour :

Le litige porte sur les conditions de conclusion et d'exécution de deux contrats de prestations de service informatique conclus entre M. X., avocat à Paris, d'une part, la société Axecibles, fournisseur de sites WEB, et la société Locam, établissement financier, d'autre part, le second contrat se présentant comme le renouvellement du premier en même temps qu'un contrat de « partenariat de solution internet ».

 

Sur la nullité des contrats pour dol :

M. X. fait état de manœuvres dolosives au moment de la signature des contrats litigieux en date des 8 mars 2007 et 9 avril 2010.

Toutefois, l'exception de nullité pour un vice du consentement ne peut qu'être rejetée en ce qui concerne le contrat du 8 mars 2007 qui a été exécuté jusqu'à son terme par M. X., lequel a choisi de le renouveler par contrat du 9 avril 2010.

S'agissant du contrat signé le 9 avril 2010, les manœuvres dolosives alléguées par M. X. ne sont soutenues par aucun élément de preuve. Les échanges sur des forums ouverts sur Internet versés aux débats, qui ne concernent d'ailleurs que partiellement la société Axecibles, ne permettent pas de tirer de conclusions probantes sur les méthodes de vente utilisées dans la présente affaire.

Rien, en particulier, ne permet de soutenir que le procès-verbal de livraison et de conformité, daté du 31 mai 2010, a, en réalité, été signé en même temps que le contrat de renouvellement, le 9 avril 2010. Comme l'a exactement considéré le tribunal, il ne peut, en particulier, être tiré aucune conclusion du fait que la date du contrat n'est pas écrite de la main de M. X.

Au demeurant, l'appelant ne démontre pas que la signature prématurée d'un procès-verbal de livraison et de conformité, qui concerne l'exécution du contrat, permet d'induire une manœuvre dolosive au moment de la signature du contrat litigieux.

M. X. invoque également à l'appui de son exception de nullité, la signature prétendument cachée du contrat avec la société Locam. Mais le contrat signé par l'appelant porte de façon suffisamment apparente au-dessous du titre « Contrat de location de site Web » qu'il est établi « Entre les soussignés : » suivi du nom de Locam SAS avec l'ensemble des mentions légales obligatoires relatives à cette société, les coordonnées de cette société étant rappelées dans l'encadré consacré à l'autorisation de prélèvements, à côté de la signature de M. X.

Il ne peut donc être sérieusement soutenu que la présence de cette société financière dans l'opération juridique projetée était indécelable, particulièrement pour un avocat.

Dès lors, l'exception de nullité des contrats pour dol sera rejetée.

 

Sur la nullité tirée du non-respect de dispositions du code de la consommation relatives au démarchage :

Il résulte de l'article L. 121-22-4° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date des contrats litigieux, que les dispositions encadrant alors le démarchage n'étaient pas applicables aux ventes, locations ou locations-ventes de biens ou aux prestations de services « en rapport direct » avec une activité exercée dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

En l'espèce, les contrats de prestation de service étaient destinés à présenter sur Internet le cabinet d'avocat de Maître X. et à lui permettre d'avoir une relation interactive avec sa clientèle. En lien direct avec l'activité professionnelle de Maître X., ces contrats n'étaient pas soumis aux dispositions dont l'appelant sollicite l'application.

L'exception de nullité tirée du non-respect des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage sera donc rejetée.

 

Sur la résolution des contrats sur le fondement des articles 1134 et 1184 du code civil :

Aux termes de l'article 1134 alinéa 3 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

Il doit être préalablement observé que les contrats litigieux, dont l'exécution impliquait la mise en œuvre de techniques informatiques et de processus spécifiques à l'Internet, ont été conclus entre un professionnel maîtrisant ce savoir et une personne ayant indiqué à la société Axecibles dans le cahier des charges du 21 mars 2007 qu'elle disposait de connaissances lui permettant de naviguer sur Internet ou de gérer ses fichiers, c'est-à-dire de connaissances simplement de base. Les faibles connaissances de M. X. en ces domaines sont confirmées par plusieurs attestations produites par l'appelant (notamment, attestations de Mmes A., B. et C. G., pièces 22 à 24).

S'agissant de l'exécution du contrat du 8 mars 2007, il est constant que la réalisation complète du site à la charge de la société Axecibles n'a pas été effectuée, la preuve d'une mise en ligne du site avant 2010 n'étant elle-même pas apportée.

Certes, comme il l'a reconnu dans un courrier du 30 juillet 2010 à la société Axecibles, M. X. n'a pas fourni le contenu juridique du site, malgré la clause le prévoyant à l'article 11 du contrat. Toutefois, il ne ressort ni des conclusions ni des pièces produites par les parties que la société Axecibles a attiré à un moment quelconque l'attention de M. X. sur l'impossibilité de réaliser complètement le site en cas de non-respect de cette obligation ou sur l'existence d'autres solutions contractuelles, proposées finalement en 2010, en cas de manque de temps de leur client pour procéder à ce travail.

Plutôt que de procéder ainsi, ce qu'aurait voulu une exécution de bonne foi de ses obligations qui inclut une obligation de coopération, la société Axecibles a fait le choix d'abandonner la finalisation du site en faisant signer à son client, quelques jours après le contrat initial, un « procès-verbal de réception de matériel et de site internet » en date du 18 mai 2007, procès-verbal mensonger mais lui permettant d'obtenir, en dépit de la non-exécution des prestations prévues, le paiement immédiat de la totalité du prix par le GE Commercial Finance, M. X. s'acquittant ensuite auprès de cette société de financement du paiement des 36 mensualités par prélèvement sur son compte professionnel.

Toutefois, en payant jusqu'à leur terme les loyers afférents à ce contrat et en acceptant de renouveler le contrat initial grâce à une prise en charge du contenu par la société Axecibles, M. X. a implicitement renoncé à se prévaloir de son inexécution partielle.

L'action en résolution du contrat présentée par M. X. sera donc rejetée.

S'agissant de l'exécution du contrat du 9 avril 2010, il est constant que la réalisation complète du site ou sa refonte - selon les termes du courriel du 10 juin 2010 de la société Axecibles - n'a jamais été effectuée. Par une clause expresse du contrat, la fourniture du contenu était mise à la charge du fournisseur du site.

Il ressort du constat d'huissier établi le 23 février 2012 à l'initiative de M. X. que le site n'a pas intégré les photographies adressées par courriel à la société Axecibles le 9 avril 2010 et destinées, selon la lettre du 30 juillet 2010 de M. X. adressée à son fournisseur, à remplacer l'allégorie de la justice insérée en page d'accueil (pièces n° 9 et 16 de l'appelant).

S'agissant du contenu du site Internet, le constat d'huissier fait apparaître, sous les trois onglets, la mention « texte en attente ». Il résulte d'un courriel de la société Axecibles que le contenu du site a été adressé par celle-ci à M. X. pour contrôle le 10 juin 2010, soit postérieurement au procès-verbal de réception du site et de conformité en date du 31 mai 2010.

Dès lors, ce procès-verbal de réception s'avère ne pas correspondre à la réalité.

Par le courrier précité du 30 juillet 2010, M. X. a fait connaître son désaccord à l'égard du contenu proposé et réclamé une nouvelle proposition. Le 6 août 2010, la société Axecibles, s'abstenant de répondre à cette demande, a proposé un rendez-vous téléphonique.

Que les exigences de M. X. sur la qualité du contenu proposé aient été ou non bien fondées, il est établi qu'au mois d'août 2010 et encore à la date du constat du 23 février 2012, nonobstant le procès-verbal de livraison et de conformité du site WEB daté du 31 mai 2010, le site en question n'était, en réalité, pas finalisé.

L'envoi dès le 31 mai 2010 par la société Axecibles d'une facture à la société Locam (pièce n° 5 de la SAS Locam) faisant mensongèrement état de la livraison du site WEB à M. X. et l'absence d'initiative de la société Axecibles pour suspendre l'intervention de l'établissement financier, alors qu'un conflit avait pris naissance entre les parties empêchant l'exécution du contrat, caractérisent la mauvaise foi de la société Axecibles dans l'exécution tant de son contrat signé avec M. X. que dans ses relations contractuelles avec la société Locam.

La non-exécution du contrat sera dès lors imputée à la société Axecibles.

Par application de l'article 1184 du code civil, il convient de faire droit à la demande de résolution du contrat présentée par M. X.

Le contrat conclu entre la société Axecibles et M. X. est indivisible du « contrat de location de site WEB » conclu entre ce dernier et la société Locam SAS signé le même jour. En effet, la société Axecibles n'a pu offrir ses prestations à M. X. que parce qu'un établissement financier lui garantissait un paiement comptant, tandis que M. X. n'a souscrit le contrat avec la société Axecibles que parce que la société Locam SAS lui permettait de procéder à un paiement mensuel, qualifié de « loyer » dans le contrat de financement.

Dès lors la résolution du contrat conclu entre la société Axecibles et M. X. affecte la validité du contrat de financement.

 

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par M. X. :

L'absence de réalisation par la société Axecibles du site commandé par M. X. a causé à celui-ci un préjudice constitué par la perte de chance d'obtenir par ce biais une nouvelle clientèle.

Cette perte de chance sera évaluée à la somme de 10.000 euros.

 

Sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X. la totalité des frais irrépétibles.

La société Locam sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. X. de ses demandes en nullité et de sa demande de résolution du contrat signé le 8 mars 2007,

L'infirmant pour le surplus,

Prononce la résolution des contrats conclus le 9 avril 2010 :

- entre la SAS Axecibles et M. X.,

- entre la SAS Locam et M. X.

Condamne la SAS Axecibles à payer à M. X. :

- la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. X. du surplus de ses demandes,

Déboute la SAS Locam et la SAS Axecibles de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Condamne la SAS Locam et la SAS Axecibles aux dépens de première instance et d'appel, chacune pour moitié.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,