CA MONTPELLIER (2e ch.), 12 mai 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5144
CA MONTPELLIER (2e ch.), 12 mai 2015 : RG n° 13/08724
Publication : Jurica
Extrait : « Mme X. a souscrit, le 7 février 2012, un contrat de location avec des prestations de maintenance portant sur du matériel de télésurveillance, en sa qualité de commerçante exploitant un hôtel restaurant et une station-service. Ce matériel qui était destiné à assurer la sécurité de son établissement et à prévenir d'éventuelles infractions, avait donc pour finalité de faciliter l'exploitation et de réduire les risques inhérents à celle-ci. Ainsi, ce contrat de fournitures et de services a un rapport direct avec l'activité commerciale et professionnelle exercée par Mme X. et le fait qu'elle n'ait aucune compétence dans le domaine de la télésurveillance ne saurait avoir pour effet de l'assimiler à un consommateur ou à un non-professionnel. Ce contrat n'est donc pas soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation, de sorte que Mme X. n'est pas fondée à se prévaloir du non-respect du délai de rétractation et du caractère abusif de la clause afférente à la durée irrévocable de 60 mois. »
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 12 MAI 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/08724. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 SEPTEMBRE 2013 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ : R.G. n° 12/003413.
APPELANTE :
SARL ACTM
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social, représentée par Maître Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, assistée de Maître Bénédicte VALENTIN, avocat au barreau de l'AVEYRON substituant Maître Stéphane MAZARS, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date], représentée par Maître Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, assistée de Maître Pauline LOUBIERE, avocat au barreau de l'AVEYRON substituant Maître Hubert AOUST, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 mars 2015
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 AVRIL 2015, en audience publique, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE, MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon acte sous seing privé du 7 février 2012, Mme X., exploitant en nom personnel un bar-hôtel ainsi qu'une station-service sous le nom commercial « Station Elan » à [ville], a souscrit un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire auprès de la société à responsabilité limité ACTM, comprenant l'installation et la mise en service d'un moniteur ou écran plat, de deux caméras objectif et support (extérieures jour/nuit) et d'un enregistreur numérique ou magnétoscope, pour une durée irrévocable et indivisible de 60 mois, moyennant une redevance de 95,68 euros TTC.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er mars 2012, Mme X. a notifié à la société ACTM la résiliation du contrat, en précisant notamment que la réserve émise lors de la signature n'avait pas été respectée et que si la proposition était correcte, elle ne correspondait ni à ses besoins ni à son budget.
En réponse du 2 mars 2012, la société ACTM a rappelé à Mme X. que le contrat avait été conclu pour une durée irrévocable de 60 mois et lui a demandé de prendre contact afin de procéder à l'installation des équipements, ce qui a été réitéré vainement le 27 avril 2012.
La société ACTM a fait assigner Mme X., par acte d'huissier du 9 octobre 2012, devant le tribunal de commerce de Rodez en résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de celle-ci et en paiement de la somme de 5.740,80 euros, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat.
Par jugement contradictoire du 3 septembre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a notamment :
- dit que Mme X. présente la qualité de consommateur et que le code de la consommation trouve sa pleine application ;
- constaté que l'exemplaire du contrat remis à Mme X. par la société ACTM ne comporte pas le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation, dans les conditions prévues à l'article L. 121-25 du code de la consommation ;
- prononcé en conséquence la nullité dudit contrat, laquelle a pris effet au jour même de sa conclusion, le 7 février 2012 ;
- débouté Mme X. de ses autres demandes et prétentions ;
- débouté la société ACTM de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;
- condamné la société ACTM à payer à Mme X. la somme de 700 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ACTM aux entiers dépens.
La société ACTM a interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, demandant à la cour de dire que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables au contrat d'abonnement de télésurveillance qui a été souscrit par Mme X., en sa qualité de commerçante pour les besoins de son activité professionnelle et d'ordonner la résiliation judiciaire de ce contrat aux torts exclusifs de celle-ci. Elle sollicite la réparation du préjudice correspondant aux 60 mois de loyers prévus contractuellement, soit 5.740,80 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 mars 2012 et conclut au rejet des prétentions adverses. Elle réclame la somme de 2.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- les dispositions du code de la consommation relatives à la faculté de rétractation sont inapplicables dans la mesure où le contrat a été conclu pour les besoins de l'activité professionnelle de Mme X., qui ne saurait revendiquer la qualité de consommateur ;
- le contrat à durée déterminée de 60 mois ne pouvait pas faire l'objet d'une résiliation unilatérale anticipée, en application de l'article 1134 du code civil ;
- Mme X. a expressément reconnu « qu'elle avait été conseillée préalablement à la signature du contrat sur l'ensemble des moyens de détection et de télésurveillance nécessaires à la protection de ses locaux et avoir librement et sous sa seule responsabilité, déterminé le choix et la qualité des matériels dont elle a demandé l'installation tant au niveau de la protection qu'elle a jugée utile qu'au regard de son budget » ;
- Mme X. a été pleinement informée de la durée et du coût de l'abonnement ;
- aucune tromperie ou vice du consentement ne saurait être valablement invoqué ;
- le contrat est valable ;
-Mme X. devait donc exécuter ses obligations contractuelles et a commis une faute en résiliant unilatéralement le contrat dès le 1er mars 2012 ;
- l'article 11 du contrat prévoit une indemnité en compensation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat, le solde des loyers en cours devenant immédiatement et de plein droit exigible ;
- elle a mis en œuvre toutes les diligences possibles pour procéder à l'installation du matériel et seul le refus de Mme X. l'en a empêchée ;
- Mme X. ne peut donc pas se prévaloir de sa propre turpitude pour invoquer l'article 5 du contrat que la société ACTM aurait pu invoquer si elle avait voulu s'en délier et ne pas engager sa responsabilité.
Mme X. a conclu, à titre principal, à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire, à la nullité du contrat en application de l'article 5. À titre infiniment subsidiaire, elle invoque l'absence de rencontre des volontés sur le coût de la prestation et le rejet des demandes adverses. En tout état de cause, elle conclut à l'allocation de la somme de 2.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- les dispositions des articles L. 122-22 et suivants du code de la consommation sont applicables en l'espèce dans la mesure où elle a conclu le contrat d'abonnement de télésurveillance en dehors de ses compétences professionnelles et se trouvait dans le même état d'ignorance qu'un consommateur ;
- c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que le lien entre le contrat de télésurveillance et son activité professionnelle est marginal et qu'il n'existe aucun rapport direct avec les activités relevant de son exploitation commerciale ;
- le contrat est nul car elle n'a pas bénéficié du délai de rétractation de 7 jours, ce qui est d'autant plus préjudiciable que la durée irrévocable de l'engagement est excessivement longue et qu'une telle clause est réputée abusive ;
- à titre subsidiaire, l'article 5 du contrat prévoit « qu'à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de la signature du contrat, l'absence d'installation par ACTM des matériels désignés à l'article 1 vaudra notification implicite à l'abonné de la décision de non-installation et le présent contrat sera de plein droit nul d'effet et ne pourra servir de fondement à une quelconque obligation ou responsabilité à la charge de l'une ou de l'autre des parties » ;
- la société ACTM n'a jamais installé le matériel, étant précisé qu'après le rendez-vous du 12 mars 2012 au cours duquel une nouvelle proposition tarifaire de 2.500 euros HT lui a été faite, cette société ne s'est plus manifestée ;
- faute d'avoir installé le matériel dans les 60 jours, elle peut invoquer la nullité du contrat ;
- à l'origine, elle n'avait pas l'intention de signer le contrat car elle voulait réfléchir et en parler à son fils ; le comportement incitatif du commercial de la société ACTM, M. Y., ont eu raison de ses réserves ;
- elle n'a pas consenti au prix de la prestation figurant au contrat du 7 février 2012, raison pour laquelle un nouveau prix lui a été proposé le 12 mars 2012 (cf. verso de la carte de visite du gérant de la société ACTM).
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mars 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article L. 121-22-4° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, ne sont pas soumises aux dispositions relatives au démarchage les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Mme X. a souscrit, le 7 février 2012, un contrat de location avec des prestations de maintenance portant sur du matériel de télésurveillance, en sa qualité de commerçante exploitant un hôtel restaurant et une station-service. Ce matériel qui était destiné à assurer la sécurité de son établissement et à prévenir d'éventuelles infractions, avait donc pour finalité de faciliter l'exploitation et de réduire les risques inhérents à celle-ci.
Ainsi, ce contrat de fournitures et de services a un rapport direct avec l'activité commerciale et professionnelle exercée par Mme X. et le fait qu'elle n'ait aucune compétence dans le domaine de la télésurveillance ne saurait avoir pour effet de l'assimiler à un consommateur ou à un non-professionnel.
Ce contrat n'est donc pas soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation, de sorte que Mme X. n'est pas fondée à se prévaloir du non-respect du délai de rétractation et du caractère abusif de la clause afférente à la durée irrévocable de 60 mois.
L'exception de nullité du contrat pour non-respect des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation, sera rejetée et le jugement sera infirmé.
Mme X. invoque, à titre subsidiaire, la nullité du contrat en application de l'article 5 des conditions générales.
Il ressort clairement des courriers des 2 mars et 27 avril 2012 que la société ACTM n'a pas accepté la rupture anticipée du contrat dénoncée par Mme X., le 1er mars 2012 en rappelant que celui-ci avait été souscrit pour une durée irrévocable de 60 mois. Elle a demandé à l'intéressée de la contacter afin qu'un rendez-vous puisse être pris pour qu'il soit procédé à l'installation du matériel de vidéosurveillance.
Le défaut d'installation dans le délai de 60 jours est donc exclusivement imputable à Mme X. qui a pris l'initiative de la rupture du contrat. Elle ne saurait, dans ces conditions, se prévaloir des dispositions de l'article 5 qui ne s'appliquent que si l'inexécution de la prestation d'installation incombe exclusivement à la société ACTM, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par ailleurs, le contrat fixe de manière définitive le prix de la location du matériel et des services de maintenance. Les mentions manuscrites apposées au verso d'une carte de visite de la société ACTM, sans signature ni date, ne saurait démontrer que les parties ont modifié le prix fixé dans le contrat, ce qui, en tout état de cause, n'aurait aucune incidence sur sa validité.
Mme X. ne justifie d'aucune manœuvre dolosive ayant vicié son consentement.
En conséquence et en application de l'article 1134 du code civil, le contrat à durée déterminée devait être exécuté jusqu'à son terme et ne pouvait pas être révoqué unilatéralement par Mme X.
La société ACTM ne saurait, néanmoins, se prévaloir de l'article 11 du contrat qui prévoit la perception d'une indemnité égale aux loyers restant à courir en cas de résiliation anticipée acquise de plein droit, suite au non-paiement d'un ou plusieurs loyers dans un délai de 8 jours après l'envoi d'une mise en demeure.
La société ACTM n'a pas mis en œuvre cette clause résolutoire et a opté pour une demande de résiliation judiciaire du contrat.
Il convient de prononcer la résiliation du contrat d'abonnement aux torts exclusifs de Mme X., à compter du 2 mars 2012.
La rupture du contrat dont la durée était fixée à 60 mois, dans les trois semaines de sa conclusion, a occasionné à la société ACTM une perte financière qui n'est pas équivalente au montant des sommes que celle-ci aurait perçues si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme, alors qu'elle a pu réaffecter ou vendre le matériel non installé et qu'elle n'a fourni aucune prestation.
Le préjudice sera fixé à la somme de 500 euros.
Mme X. sera condamnée à payer à la société ACTM la somme de 500 euros, à titre de dommages et intérêts.
Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre partie tant en première instance qu'en cause d'appel.
Mme X. supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau ;
Prononce la résiliation du contrat d'abonnement de télésurveillance du 7 février 2012 aux torts exclusifs de Mme X., avec effet au 2 mars 2012 ;
Fixe le préjudice de la société ACTM à la somme de 500 euros ;
Condamne Mme X. à payer à la société ACTM la somme de 500 euros, à titre de dommages et intérêts ;
Rejette toutes autres demandes ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5902 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration du fonctionnement de l’entreprise
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel