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CA MONTPELLIER (2e ch.), 23 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (2e ch.), 23 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 2e ch.
Demande : 14/00189
Date : 23/06/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5170

CA MONTPELLIER (2e ch.), 23 juin 2015 : RG n° 14/00189

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que cette clause contractuelle autorisant le client à dénoncer, à tout moment, le contrat de service maintenance s'analyse, en l'absence de toute notion d'inexécution, en une faculté de dédit, de sorte qu'elle ne constitue pas une clause pénale, peu important le mode de calcul de l'indemnité devant être payée si le contrat était arrivé à son terme ;

Que cette clause ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, lesquelles ne régissent que les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, et non pas, comme en l'espèce, entre deux professionnels, la société Partenaire bureautique qui vend, loue et entretient des photocopieurs, et la société intimée qui a contracté pour les besoins directs de son activité professionnelle ;

Qu'elle n'est pas non plus léonine puisqu'elle participe de la durée du contrat, laquelle fonde l'équilibre entre les obligations des deux parties, la première s'étant engagée à assurer la maintenance du matériel donné en location, ce qui suppose un investissement humain et matériel, et la seconde à acquitter le prix de ce service durant un certain temps ;

Attendu, par ailleurs, que la société intimée n'est pas fondée à soutenir que la société appelante s'est enrichie à son détriment sans cause, alors que toutes deux sont liées par une convention, ce qui exclut l'application des dispositions de l'article 1371 du code civil ».

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 23 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00189. Décision déférée à la Cour : Décision du 30 juillet 2013. TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : RG n° 2012019253.

 

APPELANTE :

SA PARTENAIRE BUREAUTIQUE

représentée par Maître Florence AUBY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, assistée de Maître Olivier BROUSSAIS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SARL SEMATEC

représentée par Maître Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, assistée de Maître Christian MAZARIAN, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 30 avril 2015

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 MAI 2015, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRÊT: - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Sematec a conclu, le 17 juillet 2008, avec la société Partenaire bureautique (exerçant sous l'enseigne Fac Similé Canon) deux contrats :

- l'un de location de deux photocopieurs de marque Canon,

- l'autre de service maintenance relatif au matériel donné en location, d'une durée de 63 mois.

Ayant changé de fournisseur et restitué les photocopieurs, la société Sematec, par courrier du 30 novembre 2010, a informé la société Partenaire bureautique de son désir de résilier le contrat de maintenance.

Celle-ci lui alors adressé une facture datée du 23 décembre 2010 d'un montant de 15.382,01 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat de service maintenance.

Cette facture étant restée impayée, la société Partenaire bureautique, après vaine mise en demeure du 1er avril 2011, a fait assigner, selon exploit du 29 octobre 2012, la société Sematec devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de 15.382,01 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, outre 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 2.000 euros de frais de procédure.

Par jugement contradictoire du 30 juillet 2013, le tribunal a rejeté la demande et condamné la société Partenaire bureautique à payer à la société Sematec la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

La société Partenaire bureautique a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation et de la condamnation de la société Sematec à lui payer la somme de 15.382,01 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et capitalisation des intérêts, outre 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et 3.000 euros de frais de procédure.

Elle soutient pour l'essentiel que :

- le contrat de service maintenance contient une clause 2.5 qui stipule qu'en cas de résiliation anticipée de la part du client, il est exigé le versement d'une indemnité contractuelle égale à 95 % du montant total des facturations hors taxe qui aurait été dû jusqu'à l'expiration de la durée d'engagement du client,

- cette clause ne constitue pas une clause pénale, mais une faculté de dédit,

- le régime juridique des clauses abusives ne s'applique pas aux contrats conclus entre professionnels,

- la clause de dédit n'est pas léonine en ce qu'elle correspond simplement à l'économie de la convention et son montant a été calculé sur la base de la durée du contrat dans une logique de prévisibilité,

- la résiliation du contrat de location des photocopieurs, décidée par la société Sematec et sans invoquer aucune faute de son cocontractant, n'a pas eu pour effet d'entraîner l'annulation du contrat de service maintenance.

* * *

La société Sematec a conclu à la confirmation du jugement entrepris, outre la condamnation de la société Partenaire bureautique à lui payer 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et 2.500 euros de frais de procédure.

Elle fait valoir que :

- les deux contrats sont interdépendants, si bien que la résiliation du contrat de location des photocopieurs a pour effet de rendre inutile leur maintenance,

- la clause de dédit aurait pour effet d'empêcher une partie de se délier de son engagement et pour conséquence de constituer un enrichissement sans cause pour l'autre partie,

- cette clause est léonine en ce qu'elle constitue une pénalité exorbitante,

- cette clause est susceptible d'être modérée ou annulée,

- le Conseil de la concurrence stigmatise régulièrement ce type de clause pénale.

* * *

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 30 avril 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que l'article 2.5 du contrat de service maintenance, intitulé « Résiliation à l'initiative du client », stipule : « Dans le cas où le client résilierait le présent contrat de manière anticipée, celle-ci devra être notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il est rappelé que pendant toute la durée du contrat Fac Similé s'engage à mettre en place toutes les structures nécessaires pour assurer les engagements contractuels cités dans le contrat de maintenance (embauche du personnel hautement qualifié, mis (sic) en stock des produits consommables et des pièces détachées). En cas de résiliation anticipée du fait du client, Fac Similé exigera par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le versement d'une indemnité contractuelle égale à quatre vingt quinze pour cent (95 %) du montant total des facturations hors taxe qui auraient été dûes (sic) jusqu'à l'expiration de la durée de l'engagement du client. Ce montant est établi sur la moyenne de facturation des douze derniers mois. Ces dispositions constituent la juste compensation des moyens mis en place préalablement par Fac Similé pour assurer un service de maintenance de qualités (sic), ces moyens évoluant avec le nombre de contrat signés » ;

Attendu que cette clause contractuelle autorisant le client à dénoncer, à tout moment, le contrat de service maintenance s'analyse, en l'absence de toute notion d'inexécution, en une faculté de dédit, de sorte qu'elle ne constitue pas une clause pénale, peu important le mode de calcul de l'indemnité devant être payée si le contrat était arrivé à son terme ;

Que cette clause ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, lesquelles ne régissent que les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, et non pas, comme en l'espèce, entre deux professionnels, la société Partenaire bureautique qui vend, loue et entretient des photocopieurs, et la société intimée qui a contracté pour les besoins directs de son activité professionnelle ;

Qu'elle n'est pas non plus léonine puisqu'elle participe de la durée du contrat, laquelle fonde l'équilibre entre les obligations des deux parties, la première s'étant engagée à assurer la maintenance du matériel donné en location, ce qui suppose un investissement humain et matériel, et la seconde à acquitter le prix de ce service durant un certain temps ;

Attendu, par ailleurs, que la société intimée n'est pas fondée à soutenir que la société appelante s'est enrichie à son détriment sans cause, alors que toutes deux sont liées par une convention, ce qui exclut l'application des dispositions de l'article 1371 du code civil ;

Attendu, enfin, que le contrat de location des photocopieurs n'a pas fait l'objet d'une résolution, ni d'une annulation, mais a été résilié unilatéralement par la société intimée ;

Que cette résiliation n'a pas eu pour effet d'entraîner l'annulation ou la résolution du contrat de service maintenance, lequel a été résilié expressément et de manière anticipée à la seule initiative de la société intimée conformément à l'article 2.5 précité ;

Que, dès lors, cette stipulation contractuelle doit recevoir application ;

Attendu que c'est donc par une fausse appréciation que le premier juge a rejeté la demande de la société Partenaire bureautique ;

Que le jugement entrepris sera infirmé, et la société Sematec sera condamnée à payer la société Partenaire bureautique la somme de 15.382,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011 ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages-intérêts, la société appelante ne rapporte pas la preuve d'un préjudice susceptible de donner lieu à réparation ;

Attendu que la société intimée, qui succombe, sera condamnée à payer à la société appelante la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée, de même que celle formée à titre de dommages-intérêts, et supportera les dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris.

Et, statuant à nouveau,

Condamne la société Sematec à payer à la société Partenaire bureautique la somme de quinze mille trois cent quatre-vingt-deux euros et un centimes (15.382,01) TTC avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011.

Ordonne la capitalisation des intérêts.

Condamne la société intimée à payer à la société appelante la somme de mille cinq cents euros (1.500) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société intimée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de celle formée à titre de dommages-intérêts.

Déboute la société appelante de sa demande de dommages-intérêts.

Condamne la société intimée aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER                                 LE PRÉSIDENT

D.B.