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CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 30 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 30 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA) 1re ch. civ. et com.
Demande : 14/00782
Date : 30/06/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/04/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5231

CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 30 juin 2015 : RG n° 14/00782 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; Que ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu'aux termes de la convention liant les parties, il apparaît expressément que M. X. a contracté avec la la SAS Grenke location pour les stricts besoins de son activité professionnelle libérale d'architecte et que le matériel loué a un rapport direct avec cette activité ; que le premier juge a par conséquent considéré à bon droit qu'il ne pouvait valablement se prévaloir de ces dispositions protectrices du consommateur profane ».

2/ « Attendu de surcroît que M. X. ne peut sérieusement invoquer à son bénéfice les dispositions de l'article L.311-10 du code de la consommation applicables aux opérations de crédit à la consommation, dans le champ desquelles n'entre pas le contrat de location de longue durée, la SAS Grenke location, bailleresse, n'ayant donc pas la qualité alléguée d'établissement de crédit ; que la demande de dommages-intérêts fondée sur le manquement de l'appelante à une obligation de conseil doit dès lors être écartée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 30 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00782. Contradictoire. S/appel d'une décision du tribunal d'instance de BELFORT en date du 6 janvier 2014 [R.G. n° 1113000136]. Code affaire : 53F Crédit-bail ou leasing - Demande en paiement des loyers et/ou en résiliation du crédit-bail.

 

PARTIES EN CAUSE :

SAS GRENKE LOCATION

dont le siège est sis [adresse], APPELANTE, Représentée par Maître Catherine HENNEMANN ROSSELOT de la SCP HENNEMANN ROSSELOT, avocat au barreau de BESANÇON

 

ET :

Monsieur X.

le [date] à [ville], demeurant [adresse], INTIMÉ, Représenté par Maître Laurent HAENNIG de la SELARL AJURISS, avocat au barreau de BELFORT

 

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte UGUEN LAITHIER (magistrat rapporteur) et V. LAMBOLEY-CUNEY, Conseillers.

GREFFIER : Madame Claire VILACA, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte UGUEN LAITHIER et V. LAMBOLEY-CUNEY, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 26 mai 2015 a été mise en délibéré au 30 juin 2015. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. X. a souscrit le 9 août 2010 et pour une durée de 21 trimestres auprès de la SAS Grenke location un contrat de location de longue durée portant sur un matériel informatique, en l'occurrence un copieur de marque Canon, fourni par l'entreprise Meri, moyennant un loyer trimestriel TTC de 914,94 euros.

Suivant lettre recommandée avec avis de réception du 19 juillet 2011 présentée à son cocontractant le 21 juillet 2011, la SAS Grenke location a notifié à celui-ci la résiliation anticipée du contrat pour défaillance dans le règlement des loyers.

Par acte d'huissier délivré le 21 février 2013, la SAS Grenke location a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Belfort aux fins de le voir condamner à lui payer les échéances échues impayées ainsi qu'une indemnité de résiliation et à lui restituer sous astreinte le matériel loué.

Suivant jugement du 6 janvier 2014, le tribunal d'instance de Belfort, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- condamné M. X. à payer à la SAS Grenke location la somme de 1.000 euros,

- condamné M. X. à restituer à la SAS Grenke location le dispositif multi opérateur et le modem, objet du contrat de location, dans le délai de deux mois suivant la signification de la décision,

- rejeté les plus amples prétentions des parties,

- condamné M. X. à verser à la SAS Grenke location une indemnité de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

 

Par acte enregistré au greffe de la Cour le 4 avril 2014, la SAS Grenke location a interjeté appel de cette décision et, aux termes de ses dernières écritures déposées le 22 avril 2015, elle conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a modéré l'indemnité de résiliation et demande à la Cour de :

- condamner M. X. à lui payer la somme de 7.834,88 euros, outre intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 19 juillet 2011, date de la mise en demeure,

- condamner M. X. à lui payer une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec droit pour Maître Hennemann-Rosselot de se prévaloir de l'article 699 du même code.

 

Par d'ultimes conclusions déposées le 21 janvier 2015, M. X., appelant incident, demande à la Cour de :

A titre principal :

- débouter la SAS Grenke location de sa demande de restitution de matériel,

- considérant le manquement du fournisseur à son obligation de délivrance du matériel, connu de l'appelante, condamner la SAS Grenke location à lui verser des dommages-intérêts à hauteur des sommes réclamées par elle,

- condamner la SAS Grenke location à lui payer la somme de 10.405,61 euros au titre du trop-perçu de loyers,

- inviter la SAS Grenke location à s'expliquer sur le respect de son obligation d'information,

- retenant le comportement fautif de l'établissement de crédit, condamner celui-ci (sic) à lui verser des dommages-intérêts à hauteur des sommes réclamées à son encontre,

Subsidiairement, juger excessive l'indemnité de résiliation et réduire son montant à 1.000 euros,

En tout état de cause, débouter la SAS Grenke location de ses demandes excédant les termes du jugement entrepris, la condamner à lui verser une indemnité de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec droit pour Maître Haennig de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mai 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

* Sur les demandes principales :

Attendu qu'en vertu de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi ;

Qu'en l'espèce, il ressort du contrat de location de longue durée intervenu entre les parties le 9 août 2010 que la SAS Grenke location a donné en location pour une durée de 21 trimestres à M. X. un copieur de marque Canon, fourni par l'entreprise Meri, moyennant un loyer trimestriel de 914,94 euros TTC, exclusivement réservé aux besoins de son activité professionnelle d'architecte ;

Que M. X. a signé le 26 juillet 2010 un bon de livraison dudit matériel informatique (un copieur Canon) co-signé avec le préposé de l'entreprise Meri, fournisseur ;

Que M. X. invoque en premier lieu un manquement de l'entreprise Meri à son obligation de délivrance et fait valoir qu'elle n'a jamais été en mesure de lui fournir une installation informatique (ordinateur, tour disque dur, écran) compatible avec le bloc copieur Canon ;

Qu'il en déduit que dès lors que la SAS Grenke location ne pouvait méconnaître les difficultés liées à la délivrance d'un matériel non conforme, le contrat de location doit être résilié aux torts de la bailleresse ;

Qu'il considère enfin abusive la clause contractuelle relative à la livraison conforme du matériel ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article L.132-1 du code de la consommation sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Que ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu'aux termes de la convention liant les parties, il apparaît expressément que M. X. a contracté avec la la SAS Grenke location pour les stricts besoins de son activité professionnelle libérale d'architecte et que le matériel loué a un rapport direct avec cette activité ; que le premier juge a par conséquent considéré à bon droit qu'il ne pouvait valablement se prévaloir de ces dispositions protectrices du consommateur profane ;

Attendu par ailleurs que l'intimé fait essentiellement grief au fournisseur du matériel d'avoir manqué à son obligation de délivrance au motif qu'il n'aurait pas été en mesure de lui fournir un matériel informatique conforme à ses besoins et compatible avec le copieur Canon ; que si la SAS Grenke location produit une facture émise à son attention par l'entreprise Meri le 4 août 2010 d'un montant de 14.950 euros TTC pour le compte de l'intimé correspondant à divers matériels et fournitures à l'exclusion du copieur de marque Canon, la Cour relève néanmoins que les matériels informatiques litigieux n'entrent pas dans l'objet du contrat de location de longue durée, lequel vise exclusivement le copieur ; que dans ces conditions M. X. apparaît mal fondé à invoquer un quelconque manquement à cet égard, a fortiori à l'encontre de la bailleresse, étant observé qu'il n'a à aucun moment argué du dysfonctionnement du copieur objet du contrat ;

Attendu que l'intimé ne se prévalant d'aucun autre manquement de la SAS Grenke location à ses obligations contractuelles de bailleresse, la résiliation anticipée du contrat ne saurait être prononcée aux torts exclusifs de cette dernière ;

Attendu de surcroît que M. X. ne peut sérieusement invoquer à son bénéfice les dispositions de l'article L. 311-10 du code de la consommation applicables aux opérations de crédit à la consommation, dans le champ desquelles n'entre pas le contrat de location de longue durée, la SAS Grenke location, bailleresse, n'ayant donc pas la qualité alléguée d'établissement de crédit ; que la demande de dommages-intérêts fondée sur le manquement de l'appelante à une obligation de conseil doit dès lors être écartée ;

Attendu qu'en raison de la défaillance du preneur dans le règlement des loyers, la SAS Grenke location a résilié le contrat litigieux, conformément aux stipulations contractuelles (art.13), par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juillet 2011 et a enjoint M. X. de lui restituer le matériel loué et de s'acquitter de la somme de 14.834,88 euros ;

Qu'il ressort d'un bon de restitution de matériel signé entre l'intimé et le mandataire de la bailleresse le 10 avril 2011 que le copieur Canon a été restitué avec la mention «en bon état apparent» par le locataire ; qu'il s'ensuit que la demande de restitution du matériel consécutivement à la résiliation anticipée du contrat de location est désormais sans objet ; que le jugement déféré devra en outre être infirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de matériel n'entrant pas dans le champ contractuel dont il était saisi du litige ;

Attendu que conformément à l'article 1315 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui que se prétend libéré doit justifier de son paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation contractuelle ;

Qu'en l'espèce, M. X. prétend s'être acquittée de la première échéance trimestrielle au prorata (660,79 euros) et des échéances d'octobre 2010, janvier et avril 2011 pour un total de 3.405,61’; qu'il soutient en outre avoir versé une somme de 7.000 euros à la bailleresse pour solde de tout compte ;

Qu'il s'abstient cependant de justifier de ses règlements ; que si l'appelante ne disconvient pas qu'un acompte de 7.000 euros lui a bien été versé par son locataire, la preuve d'un accord entre les parties qui porterait sur un solde de tout compte n'est pas établie par l'intimé ;

Attendu pour le surplus que la SAS Grenke location soutient que son locataire est redevable de la somme de 1.829,88 euros au titre des loyers échus impayés au titre des deux derniers trimestres 2010 alors qu'elle inclut le 4ème trimestre 2010 dans les échéances à échoir pour le calcul de son indemnité de résiliation ; que le loyer du 3ème trimestre (juillet à septembre) doit être ramené, au prorata de la jouissance du bien loué, livré le 26 juillet 2010, à la somme de 656,37 euros ;

Qu'en tout état de cause, l'intimé sera débouté de sa demande en paiement au titre d'un trop-perçu de loyers ;

Que s'agissant de l'indemnité de résiliation pour rupture anticipée liée au défaut de paiement, il résulte de l'article 15-1 du contrat de location que le bailleur aura droit à une telle indemnité exigible au jour de la notification de la résiliation et égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat, soit en l'espèce la somme de 13.005 euros, selon décompte communiqué, correspondant aux 17 échéances HT à échoir ;

Que M. X. en sollicite subsidiairement la réduction à somme de 1.000 euros en vertu de l'article 1152 du code civil ;

Que cette indemnité conventionnelle, destinée à compenser le bénéfice que le bailleur pouvait légitimement espérer si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme doit être qualifiée de clause pénale et, en tant que telle, est susceptible de modération, en application de l'article 1152 précité, si son montant est manifestement excessif ;

Qu'en l'espèce, la SAS Grenke location aura perçu à titre de loyers, en vertu de la présente décision la somme de 656,37 euros alors qu'elle pouvait en espérer 18.955,17 euros sur la totalité de la durée initiale du contrat (21 trimestres) ;

Que s'il a été démontré que le matériel loué à M. X., dont le prix d'acquisition n'est pas justifié en la cause, a été restitué à la bailleresse le 10 avril 2011, soit quasiment trois trimestres après la signature du contrat, et a pu, à son choix, être à nouveau loué à un tiers ou revendu, il doit être tenu compte de l'obsolescence rapide de ce type de matériel et de la rupture dans l'économie du contrat résultant de la défaillance du locataire ;

Que cette stipulation contractuelle, librement acceptée par le locataire professionnel, n'excède pas la légitime rémunération que la bailleresse pouvait espérer recevoir du contrat s'il s'était poursuivi sans défaillance du locataire ; qu'en cela le premier juge l'a, à tort, considérée comme manifestement excessive en la réduisant à 8.000 euros ; que le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et M. X. condamné à s'acquitter à ce titre d'une somme de 13.005 euros ;

Attendu qu'après déduction de l'acompte de 7.000 euros, imputé en priorité sur les loyers impayés conformément à l'article 4 alinéa 3 des conditions générales de la convention liant les parties, M. X. sera condamné à payer à la SAS Grenke location la somme de 6.661,37 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points, par application de l'article 13 alinéa 1er du contrat, à compter du jugement déféré, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil ;

 

* Sur les demandes accessoires :

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel ; qu'en revanche la décision sera confirmée en sa disposition relative aux frais irrépétibles de première instance ;

Que M. X., qui succombe au principal, supportera les dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Belfort le 6 janvier 2014 sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. X. à payer à la SAS Grenke location la somme de six mille six cent soixante et un euros et trente sept centimes (6.661,37 euros), assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 6 janvier 2014.

Déboute la SAS Grenke location de sa demande de restitution.

Déboute M. X. de ses demandes en paiement et de dommages-intérêts.

Déboute la SAS Grenke location et M. X. de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X. aux dépens d'appel.

Autorise Maître Hennemann-Rosselot à recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE