CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 3 juillet 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5247
CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 3 juillet 2015 : RG n° 14/02582
Publication : Jurica
Extrait : « Il existe une contradiction entre la mention de responsabilité pour les parties hautes et la dernière phrase du paragraphe qui limite la responsabilité au montant de la franchise maximum indiquée dans le contrat de location.
Il y a en conséquence une ambiguïté dans la rédaction des clauses quant à la limite de la responsabilité de l'assuré, la portée de la clause 4-2-4 étant équivoque au regard de la phrase qui la suit. En conséquence, il convient d'interpréter les clauses ci dessus comme limitant la responsabilité du locataire à la franchise maximale de 900 euros.
De plus, M. X. fait à juste titre remarquer que le document précisant que la société Hertz attire l'attention du locataire sur le fait qu'en cas de souscription de la « CWD » sont exclus de la garantie les dommages aux parties hautes a été signé le 9 décembre 2008 soit postérieurement à l'accident.
Ainsi, la compagnie Hertz a manqué à son obligation de renseignement et d'information qui s'imposait au regard du caractère ambigu des clauses ci dessus rappelées.
Le constat d'huissier produit par l'appelante a été fait le 27 août 2009 soit plus de huit mois après la souscription du contrat d'assurance en cause et est donc inopérant pour démontrer que l'avertissement constaté comme figurant dans les véhicules loués et dans l'agence de location s'agissant des dommages aux parties hautes existait le 5 décembre 2008, ce que conteste M. X. »
COUR D’APPEL DE REIMS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE
ARRÊT DU 3 JUILLET 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/02582.
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 11 octobre 2010 par le tribunal d'instance de Charleville Mézières (R.G. n° 11-09-000427)
SAS Hertz BCA Location
prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit au siège social, Comparant, concluant par Maître James Gaudeaux, avocat au barreau de Reims et par la SCP Liègeois, avocats au barreau de Charleville Mézières
INTIMÉ :
Monsieur X.
Comparant, concluant par Maître Jean-Pierre Six, avocat au barreau de Reims et par la SCP Antony Dupuis Lacourt Migne, avocats au barreau de Charleville Mézières
DÉBATS : A l'audience publique du 12 mai 2015, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2015, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, Madame Lefèvre et Madame Magnard, conseillers, ont entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ces magistrats en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Lafay, présidente de chambre, Madame Lefèvre, conseiller, Madame Magnard, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE : Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Lafay, présidente chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant un contrat du 5 décembre 2008, Monsieur X. a loué auprès de la société SAS Hertz BCA Location un véhicule utilitaire de marque Renault, Master blanc, immatriculé […].
Monsieur X. a souscrit des extensions de garanties d'assurances à savoir l'option CDW.
Le 6 décembre 2008, Monsieur X. s'est rendu avec l'utilitaire loué dans une station service munie à la sortie d'un portique limitant la hauteur des véhicules à 2,20 m.
En repartant, Monsieur X. a emprunté cette sortie équipée du portique alors que la hauteur du véhicule loué était de 2,40 m.
Le pavillon et l'avant droit du toit du véhicule loué ont été endommagés. Lors de la restitution du véhicule la société Hertz a indiqué que les dommages n'étaient pas pris en charge par l'assurance et M. X. a versé la somme de 7.000 euros en échange de la restitution du dépôt de garantie de 900 euros.
La société Hertz a ensuite envoyé à M. X. la facture de réparation s'élevant à la somme de 8.352,13 euros.
Par acte du 25 mai 2009, Monsieur X. a saisi le tribunal d'instance de Charleville-Mézières afin de voir la SAS Hertz BCA Location à lui payer la somme de 6.100 euros correspondant, déduction faite de la franchise de 900 euros, à la restitution des 7.000 euros initialement versés à tort au motif que la clause dont se prévalait la Société Hertz était abusive.
Par jugement rendu le 11 octobre 2010, le tribunal d'instance de Charleville-Mézières a déclaré abusive et réputée non écrite la clause 4.2.4 des conditions générales du contrat de location et condamné la Société Hertz à restituer à Monsieur X. la somme de 6.100 euros outre intérêt légal à compter du 25 mai 2009.
La Société Hertz a interjeté appel de cette décision en date du 12 novembre 2010.
Par conclusions déposées le 28 février 2011, la Société Hertz demandait au juge de la mise en état de saisir la Commission des Clauses Abusives pour avis.
Par ordonnance du 3 mai 2011, le conseiller de la mise en état a sollicité l'avis de la Commission des Clauses Abusives.
Par délibération adoptée le 14 mai 2013, la Commission des Clauses Abusives indiquait n'y avoir lieu à avis.
Elle estimait qu'il pouvait résulter de l'ensemble des dispositions contractuelles une ambiguïté sur la portée de la responsabilité de Monsieur X., laquelle, compte tenu de l'énoncé, de la présentation et de l'emplacement de ces stipulations, peut-être comprise en ce sens qu'en souscrivant l'option de rachat de franchise dommages, le locataire ne pouvait en aucun cas être tenu au-delà de la franchise maximale de 900 euros.
Par conclusions du 27 janvier 2014, la société Hertz location demande à la cour de :
- recevoir la société Hertz BCA Location en son appel et l'y déclarée bien fondée,
- infirmer le jugement rendu le 11 octobre 2010 par le tribunal d'instance de Charleville-Mézières en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
vu l'article R.534-4 du code de la consommation,
vu la recommandation n° 96-02 du 14 juin 2006 relative aux contrats de location de véhicules automobiles,
vu l'article 4.2.4 du contrat de location,
vu l’avis de la Commission des clauses abusives du du 14 mars 2013,
- dire et juger que Monsieur X. était informé par les documents remis sur l'étendue des garanties souscrites lors de la conclusion du contrat de location,
- dire et juger que la clause 4.2.4 du contrat de location est suffisamment claire et précise et qu'elle n'est nullement abusive,
- débouter Monsieur X. de toutes ses demandes,
- condamner Monsieur X. à payer à la société Hertz BCA Location la somme de 1.352,13 euros correspondant au solde des travaux de réparations et celle de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur X. aux entiers dépens avec pour ceux d'appel faculté de recouvrement direct au profit de Maître Gaudeaux, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la clause dont elle se prévaut est dépourvue de toute ambiguïté et qu'elle n'est pas abusive.
Selon écritures du 26 février 2015, M. X. demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Charleville-Mézières le 11 octobre 2010,
vu l'article 2 de l'arrêté du 18 avril 1991 relatif à la publicité des prix dans le secteur de la location de véhicules,
vu les articles L. 132-1, L. 133-2, R. 132-1 du code de la consommation,
- dire et juger que l'article 4.2.4. des conditions générales de location du contrat conclu entre Monsieur X. et la SAS Hertz BCA Location est abusif,
- dire et juger que la SAS Hertz BCA Location a manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard de Monsieur X. en n'attirant pas son attention sur les limites de l'option «suppression de franchise»,
- dire et juger que les conditions générales du contrat conclu entre les parties doivent s'appliquer dans le sens le plus favorable au consommateur en application des dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation,
- confirmer en toutes dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Charleville-Mézières le 11 octobre 2010,
y ajoutant,
- condamner la Société Hertz BCA Location à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, et accorder à Maître Jean-Pierre Six la faculté de recouvrement direct prévue par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il estime que la clause est abusive et à titre subsidiaire fait valoir qu'elle est ambiguë et doit s'interpréter dans le sens favorable au consommateur.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 avril 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la cour :
Aux termes de l'article L. 133-2 du code de la consommation, les clauses des contrats proposées par des professionnels à des consommateurs qui ne sont pas rédigées et présentées de façon claire et compréhensible s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel.
Il résulte du contrat de location que M. X. a souscrit la garantie « CDW » (suppression partielle de franchise, dommages) (franchise en Eur 900,00 par événement).
Le contrat de location n'explicite pas les conditions de l'assurance.
Il a été remis à M. X. un livret reprenant les conditions générales de location et un livret reprenant les différentes franchises appliquées et les conditions générales.
Il est mentionné dans le paragraphe 4 des conditions générales de l'assurance : « Votre responsabilité en cas de dommages ou de perte »
au paragraphe 4.2 : Sous réserve que vous respectiez l'ensemble des termes du contrat de location et si la perte, le dommage ou le vol ne sont pas de nature intentionnelle ou consécutifs à une faute grave commise par vous ou par un conducteur agréé ou imputable à tout conducteur non agréé, votre responsabilité peut faire l'objet des limitations suivantes :
4.2.1 « Si vous acceptez de souscrire l'option Suppression partielle de franchise Vol (tp) ... »
4.2.2 : « Si vous acceptez de souscrire l'option « Suppression partielle de la Franchise Dommages (CDW) et de payer le tarif journalier correspondant, le montant de votre responsabilité en cas de perte ou de dommage subi par le véhicule, ses équipements ou ses accessoires (à l'exclusion des clés du véhicule) ne résultant pas d'un vol, d'une tentative de vol, ou d'actes de vandalisme, sera limité, pour chaque perte ou dommage ainsi occasionné par un événement distinct, à la franchise indiquée dans le dossier de location ».
4.2.3 : concerne une autre garantie optionnelle proposée et le paragraphe suivant,
4.2.4 : « Vous restez cependant pleinement responsable de tous dommages, notamment parties hautes, résultant d'une mauvaise appréciation de la hauteur et/ou du gabarit du véhicule, ou d'un choc avec des objets placés ou suspendus en hauteur. Vous pouvez vous exonérer de cette responsabilité en souscrivant au Pack Tranquillité Plus ».
Il est précisé enfin :
« Si vous ne souscrivez à aucune des garanties optionnelles ci dessus, votre responsabilité sera engagée à hauteur de la franchise maximale indiquée sur votre dossier de location ».
Il existe une contradiction entre la mention de responsabilité pour les parties hautes et la dernière phrase du paragraphe qui limite la responsabilité au montant de la franchise maximum indiquée dans le contrat de location.
Il y a en conséquence une ambiguïté dans la rédaction des clauses quant à la limite de la responsabilité de l'assuré, la portée de la clause 4-2-4 étant équivoque au regard de la phrase qui la suit.
En conséquence, il convient d'interpréter les clauses ci dessus comme limitant la responsabilité du locataire à la franchise maximale de 900 euros.
De plus, M. X. fait à juste titre remarquer que le document précisant que la société Hertz attire l'attention du locataire sur le fait qu'en cas de souscription de la « CWD » sont exclus de la garantie les dommages aux parties hautes a été signé le 9 décembre 2008 soit postérieurement à l'accident.
Ainsi, la compagnie Hertz a manqué à son obligation de renseignement et d'information qui s'imposait au regard du caractère ambigu des clauses ci dessus rappelées.
Le constat d'huissier produit par l'appelante a été fait le 27 août 2009 soit plus de huit mois après la souscription du contrat d'assurance en cause et est donc inopérant pour démontrer que l'avertissement constaté comme figurant dans les véhicules loués et dans l'agence de location s'agissant des dommages aux parties hautes existait le 5 décembre 2008, ce que conteste M. X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
Confirme en toutes ses dispositions la décision contestée,
Condamne la société Hertz BCA Location à payer à M. X. la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Hertz BCA Location aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 6007 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Illustrations
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
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